Déclaration de M. Pierre Méhaignerie, ministre de la justice, sur le projet de budget du ministère de la justice pour 1995 et sur les grandes orientations de la politique judiciaire, à l'Assemblée nationale le 19 octobre 1994.

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Circonstance : Présentation du projet de loi sur le budget du ministère de la justice pour 1995 à l'Assemblée nationale le 19 octobre 1994

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Députés,

Dans la plupart des ministères il n'y a pas d'acte plus important que le vote du budget. Il définit la politique que le Gouvernement entend mener. Il scelle l'accord entre le Gouvernement et le Parlement. Il constitue un engagement devant le pays. J'ai bien conscience que le ministère de la Justice constitue une exception.

Sa mission dépasse infiniment la pâle traduction qu'en donne les documents budgétaires.

Lorsque l'opinion publique s'intéresse à la justice, elle veut savoir si les lois sont respectées, si les hommes qui les ont faites s'y soumettent, si les magistrats sont indépendants, si un article dans la presse vaut jugement. Pour tout dire, elle s'inquiète.

Je répète ici, avec force, ce que j'ai déjà dit plusieurs fois ces jours-ci.

En matière judiciaire, il faut traiter de façon ordinaire les affaires exceptionnelles. Il n'y a pas lieu de se départir pour elles des règles de la logique et de généraliser à partir de quelques cas présumés. Quand les sujets sont sensibles, il faut encore plus s'en tenir aux principes élémentaires du droit un indice n'est pas une preuve, mis en examen ne veut pas dire coupable, la presse n'est pas un tribunal.

La situation actuelle est difficile à vivre.

Cette situation est la produit d'un système laxiste qui appartient essentiellement au passé.

Dans ce système les lignes de démarcation entre le permis, le toléré et l'interdit étaient floues.

Le Gouvernement n'a pas attendu cet automne pour s'engager dans la lutte contre la corruption.

Les sanctions actuelles sont le résultat de la volonté du Gouvernement de lutter contre la corruption.

Ces sanctions peuvent avoir des conséquences humainement douloureuses. Mais la loi est égale pour tous.

Désormais, les affaires viennent à leur terme. Les sanctions tombant. La crainte s'installe. Elle est le début, de la sagesse et la corruption recule. Cette situation difficile est transitoire. Une fois la période d'apurement passée, nous aurons remonté la pente.

Je ne vois aucune urgence, aucun état de crise, aucune généralisation de la corruption qui justifieraient l'abandon de la sérénité, de l'équité, ou des procédures habituelles aussi.

J'en viens maintenant au budget, car il y a des problèmes financiers qui vont nous occuper aujourd'hui. Ils sont sérieux. Le projet de budget ne les règle pas tous, mais il va permettre des progrès substantiels.

En 1995, le budget de la Justice atteindra 22,12 milliards en crédits de paiement et 22,55 en autorisations d'engagement, essentiellement pour les services judiciaires (43,6 %), pour l'administration pénitentiaire (28,6 %), pour la protection judiciaire de la jeunesse (10,5 %).

Par rapport à 1994, l'augmentation est de 4,02 % en crédits de paiement et de 5,51 % pour les capacités d'engagement. À structure constante ces pourcentages sont même de 4,76 % et de 6,26 %.

La progression des dépenses de l'État dans son ensemble étant de 1,9 %, je pourrai m'abriter sur ce constat, et remarquer à quel point la justice est une priorité du Gouvernement. Mais je craindrais que les chiffres ne vous permettent pas de saisir l'effort qui sera réalisé.

Deux circonstances contraires influent sur le projet de budget. D'une part, il s'insère dans un climat de particulière rigueur. D'autre part, il marque le début de la loi de programme.

La conciliation de ces deux exigences délicates en elle-même est rendue encore plus difficile par la structure du budget de la Justice.

Les marges de manœuvre y sont très faibles. À des dépenses de rémunération qui représentent 57,3 % l'ensemble et augmentent de 4,7 %, s'ajoutent des masses importantes dont nous n'avons pas la maîtrise ; ainsi les dépenses de santé des détenus, les frais d'entretien des mineurs, le coût des établissements pénitentiaires, et les frais de justice augmenteront globalement de 233 millions, de façon mécanique.

Dans ces conditions, vous pouvez légitimement vous demander si le projet de budget permet l'entrée en vigueur du programme pluriannuel dans ces deux aspects de loi de programme et d'instrument de politique nouvelle. C'est pourtant ce que je voudrais vous prouver en démontrant que le champ hors loi de programme n'a pas été négligé.

I. – Le respect de la loi de programme

Le Parlement excusera sans doute le Gouvernement d'anticiper sur le vote définitif de la loi de programme.

Le projet de loi de programme se résume en deux chiffres : création de 6 100 emplois et ouverture de 8,1 milliards d'autorisations de programme. L'exécution de ces promesses n'est pas reportée à plus tard; elle est inscrite dans le budget.

A. – Les emplois

Sur les 6 100 emplois, 1 450 sont réservés à l'ouverture de prisons en fin de période. Il reste 4 650 emplois disponibles qu'il est prudent de créer de façon échelonnée pour ne pas gêner le travail de recrutement, soit environ 930 emplois par an. Cette année il sera créé 985 emplois nets. Ce chiffre exige un commentaire car il ne figure pas dans les documents budgétaires.

Ceux-ci prévoient la création de 812 emplois, mais il faut en retrancher les inscriptions pour ordre ou les transferts et y ajouter les surnombres autorisés pour les juridictions administratives, les levées de mise en réserve pour les services judiciaires et les juges de paix, équivalents temps plein, payés sur les crédits de vacations. Je rappelle en effet que les emplois de la loi programme incluent ce type de postes. La Justice aura, en réalité 1 016 agents nouveaux qui correspondent à la loi de programme

En regard, les documents font apparaître 158 suppressions d'emplois ; ces suppressions concernent pour l'essentiel les postes d'infirmiers de l'administration pénitentiaire qui reçoivent en réalité un autre support budgétaire. Il y a seulement 31 suppressions réelles. 10 portent sur des postes vacants et 20 sur des postes d'administration centrale.

Les possibilités de recrutement sont donc augmentées de 985, même si les effectifs budgétaires n'augmentent que de 654 emplois. Pour vous montrer l'effort accompli, je rappellerai que les effectifs du ministère sont de 58 361 emplois, y compris les postes vacants ou gelés, et que le solde des créations au budget de l'État est inférieur à 1 700.

Examinons maintenant en détail les divers secteurs.

a) Dans les services judiciaires sont prévus la création de 60 emplois de magistrats, le recrutement net de 23 fonctionnaires, la levée de 185 mises en réserve et le recrutement de 160 juges de paix équivalents à 16 temps plein. Au total, 284 postes temps plein sur les 1 400 que comporte la loi de programme. À titre de comparaison, j'indique que de 1990 à 1994, les emplois n'avaient augmenté que de 734 dont 131 magistrats seulement.

On dira que cet effet est insuffisant et qu'il n'est pas à la hauteur de l'augmentation du contentieux qui croit au rythme de 4 à 5 % par an. Mais, les études qu'a menées le comité de réorganisation et de déconcentration ont confirmé l'inégale répartition des emplois. J'ai ordonné d'y remédier. Le prochain décret de localisation des emplois modifiera l'affectation de plusieurs dizaines de postes de magistrats. Si cette politique vigoureuse est maintenue plusieurs années, nous pourrons faire face à la croissance du contentieux.

S'agissant des greffiers, j'observe que la situation pour 1995 sera satisfaisante, sous réserve que la politique de mise en réserve des emplois tienne compte des réalités de la loi de programme.

b) Dans le secteur pénitentiaire, 550 emplois seront créés. De 1990 à 1994, 1 818 emplois hors ceux nécessaires au programme, 13 000 avaient été ouverts. Bien entendu, les 150 surnombres autorisés l'an dernier le demeurent. En l'absence de constructions nouvelles, les emplois remplissent deux finalités d'une part, améliorer le taux d'encadrement du milieu ouvert, 130 postes sont créés à ce titre alors que l'effectif global des agents affectés à cette mission est de 768, d'autre part, renforcer la surveillance en recrutant 351 surveillants, mais aussi 29 personnels administratifs et 40 personnels techniques dont l'arrivée permettra la réaffectation en détention de surveillants affectés des tâches administratives et techniques. Dans ce domaine, je me garderai du moindre triomphalisme.

Le taux d'encadrement des détenus par des surveillants est incontestablement trop faible. Il met en jeu la sécurité et compromet la rééducation. Pour apprécier avec exactitude les besoins actuels et proposer solutions, j'ai fait appel à l'Inspection Générale Finances. Je n'ai pas la prétention d'avoir réglé un problème difficile.

c) 92 postes seront créés dans les juridictions administratives, dont 10 correspondent à un transfert de charges du ministère de l'Intérieur, soit à structure constante 82 emplois, dont 15 de magistrats en surnombre. Les emplois budgétaires comprennent 22 postes d'emplois de magistrats. Là encore, il s'agit d'un peu mieux que du cinquième de la loi programme qui est de 80 simplement et du double de la moyenne des cinq dernières années qui était de 40 créations.

Je n'ai pas besoin de souligner, l'importance que le Gouvernement attache à ces recrutements. Il est humiliant que la France soit condamnée sur la cour de Strasbourg parce que les affaires ne s'y sont pas passées dans un délai raisonnable.

d) Pour la protection judiciaire de la jeunesse, le budget prévoit 90 créations d'emplois, nettement plus du quart des 400 inscrits au programme pluriannuel. En faisant cet effort, le Gouvernement reconnaît que les 183 créations qui avaient marqué la période 1990/1994 étaient insuffisantes car la délinquance juvénile a explosé. Le renforcement des effectifs viendra principalement du recrutement de 63 éducateurs.

Cette augmentation est satisfaisante, mais il faut bien reconnaître que la charge de travail de la PJJ croît aussi puisqu'on lui demande de multiplier les hébergements et d'assurer des mesures de réparation pénale. De plus, les corps de la PJJ ont des effectifs réduits, qui sont très sensibles au mesures de gel d'emplois. L'amélioration est donc encore instable.

Ces quelques réserves ne modifient pas la seule conclusion qui s'impose : l'année 1995 verra un renforcement des effectifs du ministère par 985 agents.

B. – Les investissements

Je serai beaucoup plus bref, en ce qui concerne le deuxième volet de la loi de programme, celui relatif aux investissements. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le budget de 1995 prévoit en effet 1 620 MF d'autorisations de programme, soit le cinquième exact du montant annoncé par la loi de programme soit 8,1 milliards de francs. Par rapport à 1994, l'augmentation est de 34 %.

Cette année la priorité a été donnée aux services judiciaires qui recevront 1 772 MF soit 50 % de plus qu'en 1994. L'essentiel de cette somme ira aux constructions neuves. Le budget permet le lancement des travaux de construction des palais de justice de de Grasse, Melun, Nantes, des travaux d'extension à Épinal, le Lamentin, Saintes, des travaux de rénovation à Nice, Béthune, Vierzon, Lille ; des lancements d'études pour des constructions à Avignon, Fort-de-France, Pontoise et des restructurations, notamment à Besançon et Thonon.

Cependant, il ne faut pas cacher que l'importance du programme impose une rigueur extrême dans la gestion des crédits. J'ai demandé qu'à l'avenir les projets architecturaux utilisent au mieux les surfaces, taille des cabinets ne dépasse pas en principe 15 m2 et que le coût au m2 soit davantage pris en considération dans le jugement des offres.

Simplement 312 MF d'autorisations de programme seront ouverts à l'administration pénitentiaire. L'année 1995 sera en effet consacrée à la recherche de terrains nécessaires à la construction de 4 nouveaux établissements et de 10 centres de semi-liberté, à la viabilisation des terrains et aux études des MCPE.

En outre, les opérations de rénovation de Poissy, Fresnes, Fleury-Mérogis, Rouen et des Baumettes seront poursuivies, tandis que seront créées 2 maisons d'arrêt régionales. Dans les années ultérieures le programme de l'administration pénitentiaire prendra le relais de celui des services judiciaires.

Les juridictions administratives et la PJJ obtiennent le cinquième de ce qui leur est dû au titre du programme pluriannuel, soit respectivement 40 et 80 millions, ce qui représente des augmentations de 500 et de 60 %.

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, nous prévoyons dès la première année de réaliser 93 des 500 places d'hébergement prévues. Quant aux juridictions administratives, l'effort portera sur le relogement des tribunaux administratifs de Lille et d'Amiens et la rénovation du Conseil d'État.

Dans le même temps, les crédits de paiement augmentent de 8,38 % seulement. Ils atteindront 1 187 MF.

Par le passé, nous n'utilisions pas la totalité des crédits et nous avions des reports mais ceux-ci diminuent tous les ans et il faudra augmenter brusquement les crédits de paiement en 1996. Il y a là un sujet de préoccupation, mais cette année encore l'exécution de la loi de programme ne sera pas freinée par le manque de CP, un bon départ est pris.

II. – Des mesures hors loi de programme

Ce respect de la loi de programme n'a-t-il pas été obtenu au détriment de ce qu'elle laisse en dehors de son champ : les moyens de fonctionnement, indemnitaires et catégorielles ?

Je ne le pense pas, mais je reconnais que les marges de manœuvre sont restreintes. L'accroissement net des moyens de fonctionnement s'élèvent à 201 MF, soit une progression de 2,4 % par rapport à 1994. Mais, hors des crédits évaluatifs, le montant net total des mesures nouvelles s'élèvent à 82 MF.

Nous pouvons revaloriser l'unité de valeur qui sert de référence au calcul des indemnités dues aux avocats (17 MF), augmenter de 90 MF les crédits d'action sociale et de formation professionnelle, augmenter de 7 MF les crédits pour travaux d'entretien des juridictions, et de 25 MF les crédits de fonctionnement de juridictions, ajouter 1 million pour l'aide aux victimes.

Bien que la loi de programme ne prévoit pas, comme il est normal, des mesures catégorielles, j'avais dit que les personnels ne seraient pas oubliés.

Les avantages indemnitaires et statutaires propres à la Justice s'élèveront à 73 millions, ils s'ajouteront aux 49,8 millions de dépenses nouvelles entraînées en 1995 par le protocole DURAFOUR.

En 1994, les améliorations indemnitaires et statutaires avaient déjà coûté 136,7 millions, dont près de la moitié au titre des accords DURAFOUR. En deux ans, les progrès auront été de 260 millions.

À ma demande, le Gouvernement a fait un gros effort, alors que la règle de départ était l'absence d'avantages catégoriels.

J'ai obtenu l'achèvement du plan de restructuration du corps des magistrats, la fin de celui de transformations d'emplois de catégorie C en emplois de greffiers, restructuration du corps des greffiers en chef et celui du corps des conseillers d'insertion et de probation. Au total, 527 agents sont concernés par ces plans.

Des enveloppes sont prévues pour l'alignement des statuts des PTEP, de la PJJ et de l'AP sur celui des corps équivalents à l'Éducation nationale pour la réforme du statut des agents techniques d'éducation, pour transformation de 193 emplois de psychologues de la PJJ, en application de la réforme statutaire décidée en 1994.

Le taux indemnitaire moyen servi aux magistrats et MACJ augmentera de x points, celui des greffiers en chef et greffiers d'un point. L'indemnité spéciale des fonctionnaires de catégorie C et agents des services judiciaires sera revalorisée, l'indemnité de responsabilité des chefs d'établissements de l'AP et l'indemnité pour charges de détention seront relevées du quart, tandis que la priorité accordée par le programme pluriannuel pour l'hébergement de la PJJ se traduira par l'extension de la prime d'hébergement à tous les personnels travaillant dans ces conditions.

De cet arsenal de mesures, je tire deux conclusions :

– d'abord le Gouvernement tient ses engagements, même pendant une année difficile ;
– ensuite, il faut cesser de se complaire dans un misérabilisme aussi nuisible que dévalorisant. Non, les personnels de la justice ne sont pas d'éternels oubliés, oui, notre pays leur manifeste sympathie et considération.

Tous ces moyens, toutes ces améliorations sont au service d'une politique nouvelle.

III. – Une nouvelle politique

Le projet de loi de programme s'accompagne de deux projets de loi, organique, et ordinaire, dont il est la traduction budgétaire. Le budget 1995 qui l'inaugure, marque donc le début d'une nouvelle politique.

Je voudrais maintenant insister sur ce point en vous donnant quelques exemples:

A. – Dans le domaine judiciaire

Un des premiers objectifs que s'est fixé le Gouvernement est de répondre à la demande judiciaire dans les délais raisonnables. Le renforcement des effectifs des magistrats est une première solution. Mais, la répartition des emplois nouveaux est aussi importante que leur nombre. Je privilégierai les secteurs sensibles : cours d'appel, parquets, tribunaux pour enfants, application des peines où les délais de jugement sont les plus longs.

(Paragraphe illisible) !

À l'inverse, il ne faut pas mettre en prison ceux qui n'ont rien à y faire. Le recrutement des agents sociaux facilitera un meilleur encadrement du milieu ouvert, peut espérer qu'un renforcement de 17 % des effectifs incitera les juges, qui étaient sceptiques jusqu'à présent, souvent des prononcer plus peines alternatives l'incarcération.

De même, le ministère de la Justice acquerra les terrains nécessaires à la construction de 1 000 places de centres de semi-liberté, lieux de détentions allégées où les condamnés reviennent le soir après une journée de travail.

Dès ce budget, nous tentons d'échapper à l'alternative : la prison ou rien.

c) S'agissant de la jeunesse, l'objectif est de réorienter la FJJ vers le traitement de la délinquance, qui est sa raison d'être. Cela passe par la création des 93 places d'hébergement, car il faut bien encadrer les jeunes les plus difficiles si on ne veut pas se résoudre à les incarcérer. Cela passe aussi par 9 000 mesures annuelles de réparation pénale. Mais je me garde d'oublier que cette jeunesse délinquante est aussi une jeunesse perturbée ; 25 emplois de psychologues, d'assistants d'infirmiers, un crédit de près d'un million pour des vacations psychiatriques permettront un meilleur suivi.

Face à la montée de la délinquance juvénile, il faut bien admettre que nous tâtonnons. Nous n'excluons aucune expérience. Nous avons l'intention de confier une quinzaine de jeunes mineurs condamnés à l'association JET qui accueille déjà des majeurs en fin de peine. De même, nous consacrerons 1 million de francs à des structures expérimentales à définir.

d) Les structures

Pour mener à bien toutes ces réformes, pour utiliser au mieux tous les crédits que j'ai détaillés devant vous, il faut que l'administration suive le mouvement qui est donné. On a souvent reproché au ministère de la Justice de ne pas se soucier assez de l'administration ou d'être mal organisé pour remplir ses missions.

J'attire votre attention sur deux points :

En premier lieu, conformément aux directives Premier ministre, j'ai créé un comité de réorganisation et de déconcentration de l'administration au ministère de la Justice. Le Président de ce comité, M. Carrez m'a remis un rapport. Il est étudié par le groupe Fonction Publique- Budget-Intérieur constitué par le Premier Ministre pour harmoniser les actions de tous les ministères.

En second lieu, sans attendre ses conclusions, j'ai pris deux décisions qui sont financées dans le budget 1995.

1° La première concerne l'administration locale. Le Gouvernement a entrepris une politique de déconcentration. J'y souscrit pleinement. La Justice a tout à gagner à une gestion proche des exécutants. Encore faut-il qu'elle en ait les moyens.

La Cour d'Appel est reconnue comme le bon niveau pour la construction d'une structure locale de gestion déconcentrée des moyens de juridiction.

Il convient de créer ces structures, certes par redéploiement des moyens existants, mais également par l'affectation des 23 emplois créés en 1995.

Des responsabilités nouvelles seront données aux chefs de cour pour les responsabiliser. Par exemple, on globalisera l'ensemble des crédits de vacations et l'ensemble des crédits de frais de missions pour que les chefs de cour soient sensibles à la dérive des dépenses de l'espèce en matière de conseil de prud'hommes. C'est par des mesures de responsabilisation de ce genre que l'administration s'améliorera.

2° La seconde a trait au conseil et au contrôle, qui dit déconcentration, dit contrôle. La liberté des autorités judiciaires ou déconcentrées ne signifie qu'elles n'aient pas de compte à rendre dans pas tous les domaines qui ne touchent pas à l'exercice de la justice. En outre, je n'ai pas les moyens de faire mener des études en toute indépendance, comme le ministre de la Défense le peut avec le contrôle général des Armées ou celui des Affaires Sociales avec l'IGAS. Comme l'ont souligné certains députés, ce ministère a souffert de l'absence de moyens de son inspection. J'ai donc entrepris de la rénover. Des textes sont en préparation pour transformer l'inspection des services judiciaires en une véritable inspection générale du ministère. Dès avant leur parution, le budget prévoit le renforcement des moyens de l'actuelle inspection.

Voilà, Mesdames et Messieurs les Députés, les traits caractéristiques du projet de budget que le Gouvernement vous soumet. Il respecte les engagements de la loi de programme, il permet une politique nouvelle; malgré les circonstances économiques, il accroît les moyens du ministère.

C'est un budget sérieux qui permet de travailler.