Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, à RTL le 27 juin 1995, sur les perspectives de mise en œuvre de la "préférence nationale" dans les municipalités conquises par le FN et la politique gouvernementale.

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Texte intégral

M. Cotta : Approuvez-vous le plan d'action proposé par J. Chirac pour la Bosnie ?

J.-M. Le Pen : Depuis les débuts de notre engagement en Bosnie, j'ai été hostile à la présence de l'armée française dans la FORPRONU. Je suis convaincu que nous ne résoudrons pas les problèmes bosniaques, serbes ou croates par nos forces armées qui sont, en tous les cas, de surcroît, insuffisantes pour faire face à une offensive de type militaire. Je ne sais pas si c'est une simple gesticulation diplomatique-militaire que d'envoyer là-bas une Force rapide d'intervention. J'ai plutôt l'impression qu'on met en place l'exfiltration des Français et peut-être des Anglais en Bosnie. Ce serait une solution de sagesse et peut-être pourrait-on, en la négociant avec les différents adversaires, obtenir qu'elle se fasse sans casse.

M. Cotta : La monnaie unique, 97, 99, c'est du pareil au même ?

J.-M. Le Pen : On renvoie aux calendes grecques. Je ne suis pas un partisan de l'Europe de Maastricht et encore moins de la monnaie unique. Par conséquent, je me réjouis de voir que les quinze partenaires sont incapables de se mettre dans la situation d'obéir aux propres critères qu'ils ont établis eux-mêmes.

M. Cotta : J. Tiberi a annoncé son intention de faire vendre les appartements haut de gamme de la Ville de Paris. C'est une bonne décision ?

J.-M. Le Pen : J'ai vu que ça gêne beaucoup M. J.-F. Kahn qui n'a pas, paraît-il, l'argent pour acheter l'appartement qu'il occupait.

M. Cotta : Ça ne doit pas être l'effet essentiel que cherche J. Tiberi ?

J.-M. Le Pen : Je pense que c'est un effet de tribune comme d'habitude. Peut-être dans un mois, tout cela sera oublié et j'attends que le dernier appartement soit vendu aux enchères pour croire à cette initiative. Tout cela est fait pour masquer la réalité de scandales divers dont celui-là n'est qu'un parmi tant d'autres mais qui touche de près à ce qu'on pourrait appeler un "trafic d'influence" parce que ces appartements servent à faire plaisir à un certain nombre de gens qui ne sont pas sans importance dans la réputation des hommes politiques.

M. Cotta : M. Le Chevallier avait paru très modéré sur l'emploi du terme "préférence nationale". On a l'impression que c'est plus vous que les élus qui insistez sur cette notion. D'abord, c'est quoi la préférence nationale ?

J.-M. Le Pen : C'est le fait de considérer que les Français sont en France chez eux et qu'ils y ont des droits particuliers par rapport à tous les autres puisque, de surcroit, les libéralités sociales sont faites avec leur argent. Ça choque beaucoup l'établissement politique qui pratique d'ailleurs, dans les faits, une véritable préférence étrangère. Ça choque de plus en plus de Français.

M. Cotta : Donc, il s'agit de réserver aux Français l'emploi, les logements, les aides sociales, mais à quels Français ?

J.-M. Le Pen : Mais ça me paraîtrait normal. Dans un pays où il y a plusieurs millions de chômeurs, il me parait tout à fait normal de réserver les emplois aux nationaux plutôt que d'accepter de les donner à des gens qui sont soit des clandestins ou des gens dont l'origine de la présence est clandestine.

M. Cotta : Le clandestin, c'est autre chose. Les Français nationalisés ou les immigrés en situation irrégulière ?

J.-M. Le Pen : Les immigrés sont des étrangers. Les étrangers selon moi, n'ont pas les mêmes droits que les nationaux. Si vous en allez en Suisse et vous demandez une aide sociale, vous ne l'aurez pas. Pour avoir un appartement en Suisse, il faut le payer. Vous n'entrerez pas dans des HLM en disant : j'ai envie de me loger à bon marché, est-ce que vous pouvez, me prendre ? On vous dit : « Non monsieur, payez votre loyer ou allez ailleurs ».

M. Cotta : J'insiste sur les Français de souche. Les nationalisés sont français ? Ceux qui l'ont acquise sont français ?

J.-M. Le Pen : Bien sûr puisqu'ils ont la nationalité française. Et ceci ne dépend pas de la mairie. Personnellement, je suis pour la restriction des conditions d'acquisition de la nationalité française mais ceci est une question qui se traite à l'échelon législatif et national et je pense que dans les prochaines élections, nous avons l'occasion de défendre notre programme comme nous ne cessons de le faire depuis des années.

M. Cotta : Il se trouve que la législation interdit la discrimination entre les ressortissants français et les autres. Il s'agit de changer la loi ?

J.-M. Le Pen : Il s'agit de la loi Pleven et de la loi communiste Gayssot. Pleven était un accord international passé à minuit et demi à l'Assemblée nationale sans débat. C'était, en quelque sorte, une adaptation de la loi française.

M. Cotta : La loi est la loi.

J.-M. Le Pen : Personnellement, je suis d'avis de la changer. Dans un pays comme le nôtre, je suis d'avis de réserver un certain nombre d'avantages aux nationaux sur les épaules desquels, encore une fois, repose le fonctionnement de l'ensemble du fonctionnement de la politique sociale.

M. Cotta : Est-ce une incitation pour les maires à sortir de la loi ? Comment prenez-vous les paroles du maire de Toulon lorsqu'il dit que ce n'est pas le Front national qui va diriger la ville ?

J.-M. Le Pen : C'est tout à fait évident, je le prends bien.

M. Cotta : Même en incitant à changer la légalité ?

J.-M. Le Pen : Personnellement, je me bats, et je pense que M. Le Chevallier, qui est député du Front national, se bat lui aussi pour changer la Iégislation. C'est le rôle des hommes politiques.

M. Cotta : Généralement, ça se fait à l'Assemblée nationale et pas dans les mairies.

J.-M. Le Pen : Oui, bien sûr, mais pour ça, il faudra que les 4,5 millions de voix que je représente permettent aux gens du Front national d'entrer à l'Assemblée nationale. Pour l'instant, les systèmes électoraux qui ont été concoctés par la majorité nous empêchent de le faire.

M. Cotta : Ne craignez-vous pas que la gestion municipale de ces problèmes ne finissent par éloigner de vous les maires du Front national ?

J.-M. Le Pen : Je ne crois pas.

M. Cotta : La gestion va-t-elle finir par primer sur la conviction politique ?

J.-M. Le Pen : J'espère qu'ils ne se laisseront pas entrainer ; je suis même sûr qu'ils ne se laisseront pas entrainer aux bavures de gestion qui sont malheureusement communes dans notre pays. On sait bien quels sont les scandales qui en ont été les conséquences.

M. Cotta : Quelles sont vos prochaines échéances électorales ?

J.-M. Le Pen : Je ne me présenterai pas au Sénat. Il y a les élections législatives, cantonales et régionales dans deux ans et neuf mois, ce qui est demain pour la politique. Ou avant parce que les échéances politiques sont inscrites dans le calendrier mais quelquefois, l'Histoire bouleverse le calendrier.

M. Cotta : Le Front national sera-t-il présent à toutes ces élections ?

J.-M. Le Pen : Bien sûr, évidemment.

M. Cotta : Et personnellement ?

J.-M. Le Pen : Je me bats à l'échelon national. Je ne sais pas si je serais candidat aux législatives, peut-être. Ça dépend des moments.