Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand plaisir que j'éprouve, Monsieur le Président, à être parmi vous à l'occasion de la séance de clôture de votre 77ème Congrès.
Je dois vous dire, en ouvrant cette intervention, que Monsieur le Président de la République m'a chargé de vous apporter ici le message de remerciements et de sympathie, qu'il aurait sans nul doute souhaité vous adresser de vive voix, mais que l'actualité immédiate et son agenda déjà fort lourd l'ont empêché de venir vous porter en personne.
Ce message est le suivant :
« Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, vous connaissez mon attachement et mon engagement constants en faveur des valeurs que défend la Confédération Nationale de la Mutualité, de la Coopération et du Crédit Agricoles. Dans les fonctions qui me sont désormais confiées, je serai toujours très attentif à ce que soient maintenues, voire améliorées les conditions de votre action efficace au service de toute l'activité agro-alimentaire, dont la France peut être fière à juste titre. Je tiens à vous remercier du message de félicitations que vous m'avez adressés à l'occasion de votre congrès annuel, et je forme des vœux pour le plein succès de votre réflexion, qui contribuera comme toujours à renforcer et à encourager les initiatives dans les secteurs agricole et alimentaire si essentiels pour notre pays ».
Tel est le message que Monsieur le Président de la République souhaitait vous adresser.
Votre confédération, constitue à l'évidence un haut lieu de ce que la filière agricole et alimentaire nationale compte d'éléments fondateurs : la coopération, la mutualité et le crédit dont chacun sait le rôle décisif qu'ils ont joué dans la construction de notre agriculture et qu'ils continuent de remplir.
Le thème que vous avez retenu cette année « Agriculture et alimentation : le défi des marchés », est tout à la fois d'une grande actualité et tout à la fois profondément structurel et stratégique pour notre filière agricole et alimentaire à l'aube de ce troisième millénaire.
En effet, nous avons réuni en ces trois mots l'essentiel des défis auxquels nous aurons à faire face.
Très récemment nommé, vous comprendrez, Monsieur le Président, que je me livre devant vous à l'esquisse d'un certain nombre des lignes de force de la politique qu'au nom du Gouvernement je compte mener plus qu'à une intervention finalisée et exhaustive.
À cet égard, votre Congrès constitue pour moi une excellente opportunité que je m'empresse de saisir.
Tout d'abord pourquoi une évolution vers un ministère de l'Agriculture de la Pêche et de l'Alimentation ?
Vous venez de saluer, Monsieur le Président, l'élargissement des compétences de ce ministère à l'ensemble de la chaîne alimentaire.
En effet cette idée que je défends maintenant depuis plusieurs années est aujourd'hui largement acceptée et reconnue comme nécessaire par l'ensemble des partenaires de la filière agricole et alimentaire nationale.
Il y a à cela trois raisons fondamentales et déterminantes pour l'avenir :
Première d'entre elles : au cours des 30 dernières années l'environnement immédiat du secteur agricole a été profondément bouleversé.
Nous sommes passés d'une situation déficitaire en terme de commerce international pendant les années 60, à une situation de premier exportateur mondial pour les produits agricoles et alimentaires avec un solde avoisinant les 46 milliards de francs.
Aujourd'hui près de 70 % des produits agricoles bruts font l'objet d'une transformation par notre Industrie agro-alimentaire, ce qui met en évidence cette notion de chaîne de valeur agricole et alimentaire dont il est stratégique de tenir compte à tout moment dans la définition d'une politique agricole.
Enfin le secteur des produits agricoles et alimentaires, vu au stade de la consommation, est un ensemble de produits très segmentés où s'affrontent des marques, des produits standards tout comme des produits très typés dont la plus belle illustration et la plus belle réussite sont les appellations d'origine contrôlée, aujourd'hui véritables références internationales.
Cette mutation radicale de notre environnement au cours des 30 dernières années justifie donc, dans un souci de cohérence d'ensemble que toute politique agricole et toute décision en la matière soient conçues dans la perspective de chaîne de valeur intégrant producteurs, transformateurs, négociants et distributeurs finaux.
Seconde raison, le défi concurrentiel des marchés et les stratégies que développent les firmes et l'ensemble des concurrents sont de plus en plus des stratégies internationales pour ne pas dire mondiales.
De dimension locale et nationale, nous sommes passés à des logiques de marché mondiales.
Par ailleurs, au delà d'une approche et d'une gestion des marchés par des systèmes tarifaires, il est clair que nous assistons et que nous assisterons de plus en plus à une montée en puissance et une Importance croissante des règles non tarifaires telles que par exemple les normes, les règles techniques et sanitaires : l'harmonisation, la reconnaissance mutuelle sont et seront déterminantes pour l'accès à de nouveaux débouchés.
Pour que la France bénéficie à cet égard des potentialités offertes en terme d'accès des marchés par les accords du GATT, il était donc indispensable qu'elle se donne les moyens d'en tirer pleinement parti :
– que ce soit par un système national de contrôle capable de certifier la qualité des exportations et d'assurer un contrôle rigoureux des importations en provenance des pays tiers ;
– que ce soit encore par une meilleure identification de la qualité de nos produits et par les moyens que nous nous donnerons de lutter contre des pratiques déloyales afin de défendre efficacement l'image de nos produits ainsi que celle des appellations ou dénominations.
C'est pourquoi il était là aussi fondamental que le ministère soit directement impliqué dans toutes ces phases qui vont de l'élaboration jusqu'au contrôle de la réglementation alimentaire.
Ce sera un des enjeux centraux de la libéralisation des échanges, d'une optimisation de l'accès aux marchés et par voie de conséquence de nos capacités à saisir toute opportunité de débouchés nouveaux.
Enfin, troisième raison à cet élargissement des compétences, la recherche d'un partenariat réel mais équilibré entre chacun des stades de la filière : producteurs, négociants, transformateurs, distributeurs finals.
La concentration relative de certains des maillons de cette chaîne a pour conséquence inévitable des rapports de force économique entre fournisseurs et acheteurs, dont une des répercussions est la formation des prix et le niveau des marges, que d'aucun qualifierait de laminage vers le bas et de capacité d'autofinancement tendant vers zéro.
Il n'est pas question pour moi de me substituer à la responsabilité propre de chacun des acteurs économiques, mais plutôt de veiller à ce que nous préservions ce qui est à l'origine de la formidable réussite de notre filière française, à savoir la qualité et la diversité de nos gammes de produits.
Dans cette perspective, il est indispensable que soit préservé la capacité à innover des entreprises et des exploitations donc leur capacité à investir et par là même à créer des emplois.
Tout nivellement vers le bas présente a contrario un risque irréversible d'amenuisement de ces capacités.
C'est la raison pour laquelle, dans ces nouvelles attributions je m'efforcerai de renforcer la concertation et de faire valoir ces idées porteuses d'avenir et créatrices d'emplois.
Je constate d'ailleurs qu'en ce domaine la convention qu'ont signée la FNSEA, FEDIMAS, le CFCA et le CNJA restreignant les promotions « synonymes de prix cassés » vont dans le bon sens.
Voici donc, Monsieur le Président, trois des raisons fondamentales qui justifiaient une évolution du périmètre de ce ministère pour qu'il soit mieux à même de remplir ses missions.
Autre grand volet de votre 77ème Congrès : le défi des marchés.
D'emblée vous acceptez et vous vous situez dans cette logique concurrentielle tout en demandant que les règles du jeu soient équitables pour tous.
La référence est claire, notamment à certains désordres monétaires, qu'ils soient intra ou qu'ils soient extra-communautaires.
Permettez moi là encore de vous présenter quelques unes des idées auxquelles je me référerai et l'état d'esprit qui animera mon action.
Le secteur agricole et alimentaire français, premier exportateur mondial de produits transformés et deuxième de produits agricoles et alimentaires, a acquis une dimension internationale incontournable et vitale.
Ce sont près de 200 milliards de francs réalisés chaque année à l'exportation, ce sont près de 400 000 emplois directs qui en dépendent.
C'est donc une priorité nationale que j'aurai constamment à l'esprit dans toutes les décisions et négociations futures.
Cela signifie, comme l'a indiqué le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, qu'au plan international notre attitude sera vigilante quant à la libéralisation effective des échanges et quant au respect des engagements pris à l'issue du cycle de l'Uruguay Round.
Cela signifie encore que nous aurons une approche offensive des opportunités découlant de cette libéralisation.
Au plan européen, les négociations devront se situer dans la stricte logique d'un respect sans compromis de la préférence communautaire et d'un maintien des acquis de la PAC, qu'il s'agisse :
– de la gestion du dossier monétaire ;
– de la réduction du taux de jachère ;
– de la gestion de la contrainte du GA TT notamment dans le secteur de l'aviculture ;
– des zones de libre échange ;
– de l'élargissement de l'Union européenne ;
– de l'harmonisation des conditions sanitaires et des règles d'origine ;
– de la réforme des OCM.
Lors du dernier conseil des ministres (du 29 et 30 mai) j'ai rappelé l'urgence à trouver des solutions au dossier agri-monétaire, sujet brûlant par excellence, et dont vous avez à juste titre souligné les effets négatifs, voire les distorsions de concurrence qu’entraînent ces dévaluations entre les pays de l'Union Européenne.
Soyez assuré sur ce point de ma totale détermination connaissant l'importance de ce sujet pour la bonne santé de vos entreprises et pour la consolidation de nos exportations.
Vous avez aussi souligné, Monsieur le Président, l'impact décisif en terme de compétitivité des entreprises de la maîtrise de la diminution des charges, tout comme des conditions d'accès au financement.
Concernant la protection sociale agricole et la réforme des cotisations des exploitants, le mouvement est maintenant bien engagé.
Très récemment encore des correctifs importants ont été apportés à plusieurs reprises au calcul des cotisations. Le dernier en date découlant de la loi de modernisation prévoit la déduction implicite des terres en faire-valoir direct.
C'est un allègement de 450 MF concernant 146 000 exploitants individuels.
Par ailleurs, le Premier ministre a fait part de sa volonté de réforme de la fiscalité agricole notamment, de la distinction entre les bénéfices réinvestis et le revenu familial, ce qui aura des incidences sur les cotisations.
Les aménagements ainsi apportés auront contribué à une réduction des charges de 1,5 milliard de francs en 1994.
Pour terminer sur ce volet, nous devons, en nous appuyant sur les conclusions du rapport de l'Inspection Générale relatif au financement des caisses de mutualité sociale agricole, en tirer les conséquences quant à leur mode de financement.
Parallèlement à ces avancées sur les charges sociales, un effort de solidarité de grande ampleur a été accompli en faveur des générations antérieures d'agriculteurs et d'agricultrices dont on sait le rôle décisif dans les transformations de notre agriculture.
Concernant enfin le volet du financement et de l'installation, là aussi l'effort continuera à être soutenu : je connais l'importance déterminante de ce levier, tant en phase de création et d'installation qu'en phase de développement et de pérennisation des exploitations.
Soyez certain que cet aspect sera au cœur du dispositif de la politique gouvernementale : il est fondamental que soient assurés dans des conditions économiquement viables la relève mais aussi l'accroissement sensible du nombre des installations.
Il faut donc tenir compte à la fois de la rentabilité réelle des capitaux et à la fois de la durée de l'investissement.
Monsieur le Président, pour conclure je pourrai résumer la volonté qui est mienne à un seul mot, comme l'a souligné là encore le Premier ministre : l'emploi.
J'ai en permanence à l'esprit cette priorité nationale et morale pour notre pays et pour son Gouvernement.
En tant que ministre de l'Agriculture de la Pêche et de l'Alimentation je sais que ce secteur représente 1,6 million d'emplois directs et je sais aussi qu'il est totalement disposé à contribuer à cet effort national.
Lors des rencontres et réunions que nous aurons prochainement pour aborder plus à fond chacun des dossiers, je souhaite que nous puissions sur ce plan avoir un partenariat et une collaboration totale.
Pour ce qui me concerne, chaque décision, chaque orientation, sera prise et tiendra compte de l'impact que cela aura en terme d'emplois.
Soyez assuré de ma parfaite volonté à une concertation permanente avec l'ensemble des acteurs et des organismes que vous représentez.
Je vous remercie de votre attention.