Déclaration de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur le bilan de l'action du gouvernement en matière de politique de la ville durant l'année 1994, Paris le 7 février 1995.

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Intervenant(s) : 
  • Simone Veil - Ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville

Circonstance : Conférence de presse sur le bilan de la politique de la ville depuis un an, suite à la réunion du Comité interministériel des Villes, à Paris le 7 février 1995

Texte intégral

Le Comité interministériel consacré à la vie politique de la ville qui s'est tenu ce matin, a permis de dresser le bilan de l'important travail accompli depuis le dernier Comité Interministériel des villes du 22 février de l'année dernière.

214 contrats de ville ont été signés. Ils couvrent la totalité des 185 sites arrêtés par le Comité Interministériel du 29 juillet 1993. Si leur nombre est supérieur au nombre de sites initialement retenus c'est que, dans quelques cas, il a paru préférable de signer plusieurs contrats à la place du projet intercommunal initialement proposé. Il convenait, en effet, de mieux tenir compte des caractéristiques socio-culturelles propres à certaines agglomérations et de la volonté des élus communaux concernés.

Il me paraît intéressant cependant de noter qu'en dehors de l'Île-de-France, les deux tiers des contrats de ville signés en métropole sont des contrats intercommunaux. À travers ces 214 contrats de ville ce sont donc, en fait, 750 communes qui se sont engagées contractuellement avec l'État.

Les régions ont accepté de soutenir de manière très significative l'effort de l'État puisqu'elles apportent plus de 4 milliards de francs à la politique de la ville sur la durée du XIème plan.

Pour la première fois, les Conseils Généraux se sont, eux aussi, associés à cette politique contractuelle. Alors que les contrats de ville concernent 84 départements, 49 conseils généraux ont accepté d'être signataires, et la plupart des autres soutiennent, au cas par cas, de nombreuses actions. Mais il est vrai que dans les départements plus ruraux, certains ne sont pas encore convaincus du caractère prioritaire de cette politique.

Pour ma part, j'estime que l'implication des conseils généraux est essentielle pour une mise en œuvre dynamique de la politique de la ville, et mes services travaillent avec l'association des présidents de conseils généraux à définir les modalités d'une collaboration encore plus étroite.

Outre l'État et ces collectivités territoriales, les contrats de ville mobilisent :
– d'une part, le fond d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles qui est signataire de 160 contrats,
– d'autre part, les caisses d'allocations familiales, les organismes de logement social.

Enfin, la caisse des dépôts à travers le programme "Solidarité" conduit de multiples actions très diversifiées. Elle accorde, notamment, à un taux préférentiel des "Prêts Projets Urbains" spécifiques pour des actions menées sur les sites des contrats de ville dont le montant global atteindra en 1995 un milliard quatre cents millions de francs.

Douze milles actions ont été engagées au titre des contrats de ville en 1994 par les associations.

Afin d'éviter les difficultés connues dans le passé, sachant combien le versement rapide des subventions est important, notamment pour les petites associations, il a été décidé que les préfets puissent verser une avance de 50 % du montant de la subvention dès la décision d'attribution. Il est, ainsi, possible de déroger ainsi à la règle du paiement après service fait, ce qui apporte une souplesse appréciable aux associations.

En outre, dès la mi-janvier, la délégation interministérielle à la ville a procédé aux délégations de crédits nécessaires et 430 millions de francs sur les 860 millions du fonds d'intervention pour la ville sont déjà à la disposition des préfets.

L'année 1994 a également été l'année d'exécution du plan de relance puisque 80 % des crédits soit quatre milliards de francs ont été engagés.

Les interventions financées sur les enveloppes nationales du plan de relance concernent des équipements lourds de restructuration urbaine, de réhabilitation du cadre de vie, d'implantation et de rénovation des services publics.

Mille six cents opérations d'équipement ont également été financées au titre du plan de relance sur les crédits déconcentrés du ministre de la Ville.

Plus du tiers d'entre elles ont concerné l'aménagement d'espaces extérieurs, comme à Bastia ou Châteauroux, la moitié ont permis l'aménagement d'équipement de proximité : maison de jeunes à Bourges, club de prévention à Dijon et 10 % ont permis de conforter des activités économiques.

Pour les sites urbains de grandes dimensions qui cumulent tous les handicaps et connaissent des problèmes exceptionnels, le gouvernement a décidé de mettre en œuvre douze grands projets urbains.

Beaucoup de travail a été accompli en un an pour la mise en œuvre de ces projets. Il s'agit de la mobilisation de moyens exceptionnels. Il convient donc de définir des structures de décision et de maîtrise d'ouvrage qui permettent de conduire ces projets très longs jusqu'à leur terme, tout en assurant une juste représentation de toutes les parties prenantes.

Tous les comités de pilotage qui réunissent l'État, les communes concernées, la région et, parfois le département, sont aujourd'hui en place.

Les structures opérationnelles de mise en œuvre ont été définies pour la moitié des sites et sont en cours d'élaboration pour les autres. Elles doivent être adaptées au contexte local et prennent donc des formes diverses : établissement public, société d'économie mixte, groupement d'intérêt public.

Même si ces structures opérationnelles ne sont pas encore toutes crées, la définition précise des projets et les premiers travaux, d'importance certes inégale selon les sites, sont en cours sous l'autorité des comités de pilotage.

Je voudrais insister sur l'importance des consultations et des négociations qui ont été menées tout au long de cette année, même si elles ne sont pas aussi spectaculaires que les chantiers eux-mêmes, elles sont à long terme, pour des opérations exceptionnellement difficiles, la meilleure des garanties de bonne fin.

Le comité interministériel des villes du 22 février dernier, avait recommandé que des mesures soient mises au point pour renforcer l'action du gouvernement dans cinq domaines prioritaires qui sont, je le rappelle :
– l'emploi,
– l'éducation,
– la présence des services publics,
– la sécurité,
– le logement.

Chacun de mes collègues, responsable des départements ministériels concernés a mis en œuvre des actions spécifiques pour atteindre ces objectifs. Une soixantaine de dispositions ont ainsi été arrêtés.

Vous trouverez dans le dossier qui vous a été remis un sommaire récapitulant ces mesures et une fiche descriptive pour chacune d'entre elles.

Dans le domaine de la prévention de la délinquance, les opérations ont été d'une grande importance. Vous trouverez également dans le dossier un bilan des opérations conduites au cours de l'été 1994, qui ont, je vous le rappelle, concerné 600 000 jeunes, soit 11 % de plus qu'en 1993.

Au cours de la trentaine de déplacements que j'ai effectués dans les quartiers, en 1994, j'ai rencontré de nombreux maires, des élus, des responsables associatifs, des mères de familles, des jeunes. Toutes ces rencontres m'ont conforté, si besoin en était, dans la conviction que la lutte contre le chômage et la mise en activité des habitants des quartiers sont une priorité absolue.

J'ai également constaté combien il est important de pouvoir associer les habitants à la définition et à la mise en œuvre des projets qui les concernent.

Les deux vice-présidents du conseil national des villes désignées en novembre dernier et qui ont participé pour la première fois à ce comité interministériel m'ont, à de nombreuses reprises, fait part de leur souci de trouver les moyens de conduire la politique de la ville au plus près des réalités du terrain.

Ils ont constitué au sein du conseil national des villes plusieurs groupes de travail destinés à formuler des propositions du gouvernement pour mieux valoriser les initiatives locales et assurer une plus large diffusion des expériences réussies.

Dans cet esprit, j'ai souhaité pour ma part, proposer aujourd'hui quelques mesures d'ajustement et la conduite de quelques expériences concrètes qui correspondent à des suggestions faites par François de Veyrinas dans son rapport que vous trouverez également dans votre dossier et par des acteurs de terrain rencontrés tout au long de cette année.

Ces mesures ne sont pas spectaculaires, mais elles ont le mérite d'être applicables immédiatement.

Les premières d'entre elles concernent l'emploi. Elles viennent s'ajouter aux nombreux dispositifs mis en œuvre en 1994 par mon collègue Michel Giraud. Je ne les évoquerai pas, elles sont dans le dossier qui vous a été remis.

J'ai souhaité également vous proposer quelques mesures spécifiquement destinées aux femmes et aux familles.

Mes responsabilités, au titre de l'intégration des populations immigrés comme au titre de la politique de la ville, m'ont confirmé dans la conviction que certaines femmes, parfois issues de l'immigration, peuvent avoir une action déterminante auprès d'autres mères de famille ou de jeunes filles. Elles ont un rôle de conseil, de médiation, d'animation culturelle et sociale. Elles facilitent la circulation de l'information entre l'école, les institutions locales, les services de voisinage et les familles.

Elles sont le lien social très important et permettent souvent le dénouement de situation conflictuelle. Elles sont le plus souvent connues sous le nom de "femmes relais".

J'ai donc demandé qu'en 1995, 1 000 contrats emplois solidarité soient réservés pour développer et soutenir leur travail dans les sites de la politique de la ville.

J'ai également demandé que le fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leur familles, finance des vacations permettant l'intervention de ces femmes dans le milieu associatif.

Je me préoccupe, enfin, des problèmes de santé des habitants des quartiers. Bien que la politique de la ville soit active en ce domaine, puisque 190 projets ont été financés en 1994 dans le cadre du plan santé-ville, il me paraît nécessaire de faire, en la matière, un effort supplémentaire.

Il me paraît, en particulier, indispensable d'améliorer la coordination des intervenants du secteur sanitaire et social, et d'associer à une même réflexion du personnel médical des établissements scolaires, les médecins du secteur public et du secteur libéral, les services de protection maternelle et infantile, les travailleurs sociaux et les associations spécialisées.

Chacun de ces intervenants à un rôle déterminant pour la santé des familles qui vivent dans les sites de la politique de la ville, mais leur coordination reste encore tout à fait insuffisante.

J'ai donc demandé qu'avant le 30 mars 1995 une réunion de coordination soit organisée pour chaque contrat de ville, afin de déterminer les modalités d'une collaboration plus étroite dans chaque quartier. L'État participera au financement de ces réunions sur les crédits déconcentrés du ministère de la Ville.

Emploi, actions auprès des femmes et des familles, santé, tels sont les grands domaines dans lesquels le gouvernement ne cesse d'ajuster son action aux réalités de terrain.

Plusieurs actions expérimentales sont également proposées. Elles correspondent toute à des suggestions faites par des élus ou des responsables associatifs, pour l'amélioration du cadre de vie, le renforcement de la sécurité et le développement de la participation des habitants des quartiers à la mise en œuvre de la politique de la ville.

Je voudrais revenir très rapidement sur l'une d'entre elles : il est prévu qu'une assistance technique puisse être fournie aux associations de quartiers par les appelés du service national ville disposant des compétences appropriées pour les aider à renforcer les moyens de gestions administrative et comptable nécessaires à la poursuite de leur action.

Mes services mettront au point d'ici à la fin du mois de février un document permettant de mieux renseigner les jeunes désireux de créer une association sur les démarches à accomplir et les procédures nécessaires à l'obtention des financements.

Telles sont les grandes lignes du bilan qui a été présenté ce matin et l'esprit dans lequel quelques mesures complémentaires ont été acceptées. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

La politique de la ville se construit jour après jour, à travers la multiplication d'actions souvent modestes qui permettent de développer la citoyenneté, de récréer des solidarités, de combattre le désespoir engendré par le chômage et l'inactivité.

Les importants moyens financiers que la collectivité nationale accepte d'y consacrer n'ont de sens que si leur gestion, toujours plus proche des habitants des quartiers, permet une adaptation permanente à l'évolution des besoins.

L'enjeu de la politique de la ville, nous le savons tous, est le renforcement de la cohésion nationale. Le bilan que j'ai présenté tout à l'heure montre la volonté du gouvernement, en s'engageant à travers 214 contrats de ville, de relever avec l'appui des collectivités territoriales et de leur élus, le défi du développement économique et social afin que tous, même les plus démunis, puissent un jour mener une vie plus digne et plus heureuse.