Texte intégral
L'élection présidentielle est un moment essentiel de notre vie publique. Elle est l'occasion, pour un candidat, de nouer un dialogue avec le pays, de l'entendre et de lui parler. Je le fais alors que la France s'interroge sur son avenir, hésite sur l'idée qu'elle a d'elle-même, partagée entre des inquiétudes légitimes et la conscience de ses possibilités, qui sont réelles.
Cette élection de 1995 se tient dans un contexte très particulier : celui d'une crise dont on ne saurait minimiser la gravité.
Des millions d'hommes et de femmes – et les femmes sont les plus nombreuses – sont à la recherche d'un emploi. Plus d'un million d'entre eux connaissent le chômage de longue durée, et des centaines de milliers de personnes n'ont qu'un emploi précaire. D'autres, aussi nombreux, n'ont pas de domicile fixe ou n'ont qu'un logement insalubre. Pour ces derniers, un mot résume des situations très diverses : l'exclusion, un mot un peu abstrait mais qui exprime les différentes formes d'une misère très concrète et des conditions de vie dégradantes sur lesquelles les Français ne veulent pas fermer les yeux. Les déchirures sociales qui résultent de cette situation ont atteint un seuil qui doit nous alarmer : je pense qu'il y a désormais urgence.
D'autant que l'inquiétude touche aussi ceux qui ne sont ni chômeurs ni exclus, tous ceux, ouvriers, agriculteurs, employés, techniciens, cadres, dont les salaires ou les revenus ne progressent plus, dont les possibilités d'ascension sociale semblent bloquées, qui se sentent fragilisés ou qui n'osent plus espérer pour leurs enfants un avenir meilleur que le leur. Les nouvelles générations elles-mêmes brident leurs ambitions et retiennent leurs rêves. Elles constatent aussi que les problèmes de la drogue – des quartiers entiers vivent ces revenus du trafic – et du sida ne sont pas abordés avec la volonté et l'imagination nécessaires. La question d'un développement harmonieux de notre territoire – entre les zones urbaines et les espaces ruraux, entre les régions riches et les régions pauvres n'est pas traitée au fond. Les Français ne savent pas non plus quelle idée la majorité actuelle se fait de la construction européenne. D'où un doute sur le rôle de la France dans le monde.
Il faut aussi sortir de la crise morale que la multiplication des affaires récentes ne fait qu'aggraver et instaurer des règles communes applicables à tous les niveaux. Il faut faire revivre la démocratie.
L'élection présidentielle de 1995 vient à un moment particulier pour une autre raison. Il ne s'agit en effet ni de poursuivre ni d'achever une période : il s'agit d'en ouvrir une autre et de nous donner les moyens d'entrer dans le XXIe siècle. Si nous ne prenons pas le parti du mouvement et du progrès, si nous ne décidons pas d'un projet différent, nous resterons dans l'attente, et, je le crains, dans l'impasse.
Or, j'ai la conviction que les Français sont disponibles pour un vrai projet.
Regardons autour de nous : nous voyons bien que beaucoup s'efforcent d'agir là où c'est possible. Dans les quartiers, dans les associations, la solidarité se développe. On lutte pour maintenir la cohésion sociale. Des syndicats se battent pour trouver une alternative aux licenciements. La résignation n'est pas à l'ordre du jour. Nous avons vu que les Françaises et les Français savaient se mobiliser : ils ont rejeté l'abrogation de la loi Falloux, ils ont refusé l'instauration d'un smic-jeunes, ils n'ont pas accepté qu'on interdise aux titulaires d'un bac + 2 d'entrer à l'Université, interdiction que le gouvernement Balladur tentait subrepticement d'imposer. La grève de GEC-Alsthom montre aussi le refus des situations injustes.
Je crois que la plupart d'entre nous souhaite une société à la fois plus juste et plus dynamique, plus ouverte aussi, même si, pour y parvenir, il faudra du temps et des efforts. Mais notre pays ne craint pas l'effort si celui-ci est justement réparti et si l‘on ne demande pas toujours aux mêmes de le faire. Consciente de sa propre responsabilité face à l'avenir, la société est prête à bouger : encore faut-il lui en donner les moyens. C'est-à-dire encourager ceux qui travaillent, ceux qui créent, ceux qui cherchent, ceux qui innovent.
Je sais néanmoins avec quel scepticisme les Français abordent aujourd'hui les projets politiques. Je comprends aussi qu'ils s'interrogent sur le sens d'un projet nouveau porté par un socialiste. Au-delà de nos réussites, on nous reproche des échecs réels et en tout premier lieu la progression du chômage, même si ce phénomène n'est pas propre à la France ni caractéristique de la gestion des socialistes.
Depuis plusieurs années déjà, je me suis appliqué à tirer les leçons du passé et j'ai travaillé, avec beaucoup d'autres, et pas seulement avec des socialistes, sur les problèmes qui se posent à nous et sur les façons d'y répondre. L'heure n'est plus de toute façon aux rétrospectives, mais aux choix d'aujourd'hui et aux décisions qui engagent l'avenir.
Je ne me résigne pas à la crise actuelle.
Je pense que les problèmes et les interrogations des Français peuvent trouver des réponses, en tentant de concilier imagination et réalisme, audace et modestie.
C'est pourquoi je suis candidat à la présidence de la République.
J'entends, dans cette campagne :
Tracer des perspectives, avancer des propositions concrètes. Non pas dans le seul souci de séduire les électeurs. Mais pour engager un débat et convaincre des citoyens.
Mettre au cœur de mon projet des convictions, des valeurs, une vision de la société. Les lois du marché existent bien sûr. Mais jamais le marché ne nous dira dans quelle société nous désirerons vivre demain ni sur quelles valeurs nous pouvons la fonder, Les valeurs qui m'inspirent sont : la liberté, l'égalité, la solidarité, la laïcité, la responsabilité.
Autour de ces idées, mobiliser les Françaises et les Français sans lesquels rien n'est possible.
Il s'agit pour le pays, à l'occasion de cette élection, de se fixer un cap et de s'y engager. Ce cap, il appartient au candidat que je suis de le montrer.
C'est pourquoi je propose aux Françaises et aux Français de se rassembler autour de cinq objectifs :
I. – Placer l'homme au cœur de l'économie
II. – Préparer avec les jeunes l'entrée dans le XXIe siècle
III. – Développer les territoires et la qualité de la vie par l'écologie
IV. – Vouloir l'Europe pour la France et pour le monde
V. – Faire vivre une nouvelle pratique du pouvoir
I. – Placer l'homme au cœur de l'économie
En cette fin de siècle, un sentiment de fatalité pèse sur les épaules de millions de femmes et d'hommes qui ne croient plus à la capacité des gouvernants d'améliorer leur existence.
Depuis 15 ans, des progrès ont été accomplis. L'inflation a été jugulée. Les entreprises se sont modernisées et ont redressé leurs comptes. La stabilité du franc et l'excédent de notre commerce extérieur attestent des résultats obtenus.
Mais l'emploi n'a pas suivi. La pauvreté et la précarité se sont répandues. Les inégalités se sont creusées, au détriment des revenus du travail.
La politique menée par la droite de 1986 à 1988 et de 1993 à 1995 et l'évolution spontanée de l'économie mondiale au cours des deux dernières décennies ont beaucoup pesé dans ce sens. Mais les gouvernements socialistes ont eu leur part de responsabilité, en oubliant, dans la simple gestion, qu'il existait des marges de manœuvre.
Le sens de ma candidature, c'est le refus d'admettre que l'économie est régie par des lois et des automatismes auxquels l'homme ne peut rien. L'homme n'est pas le spectateur de l'évolution économique. Il en est forcément l'acteur et doit en être le bénéficiaire. Ma volonté est de tirer pleinement les leçons du passé, pour provoquer les infléchissements de politique économique qui sont nécessaires et aujourd'hui possibles.
Cela suppose de l'ambition, mais aussi du courage.
De l'ambition, car la situation est telle que répondre aux défis qui nous attendent exige de rompre avec bien des conformismes, de s'engager dans de nouvelles voies, d'y consacrer les efforts nécessaires.
Du courage aussi, parce que l'on ne peut se contenter de promettre tout à tout le monde. Il va falloir faire des choix, définir des priorités et veiller à dire comment l'on entend tenir ses engagements devant la nation. Il faut trouver un nouveau chemin sans accroître les déficits publics, ni mettre en péril la monnaie, nos échanges extérieurs ou encore la compétitivité retrouvée de nos entreprises.
Les Français ne se satisferont ni de l'immobilisme ni du seul volontarisme. Leur redonner confiance, c'est s'adresser à leur intelligence et leur dire vers où on compte aller et comment on compte y aller. C'est pour cela qu'il importe aujourd'hui de parler clairement aux Français et de leur dire quelles doivent être nos priorités :
1. Redonner au travail sa juste part
2. Créer des emplois
3. Réduire le temps de travail
4. Promouvoir la sécurité sociale et protéger les plus fragiles
5. Rendre la fiscalité plus juste
6. travailler à une remise en ordre de l'économie mondiale
1. Redonner au travail sa juste part
Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation contradictoire. D'un côté, en dix ans, la part de la production nationale affectée aux salaires a baissé davantage qu'ailleurs. Elle est aujourd'hui de 53 %, c'est-à-dire plus faible que dans beaucoup d'autres pays.
D'un autre côté, la situation des entreprises s'est peu à peu assainie et, pour ne prendre qu'un seul exemple, le taux d'autofinancement atteint aujourd'hui 130 %. Ce dont les entreprises manquent actuellement, c'est moins de moyens de financement que de clients, donc de consommateurs.
Retrouver un meilleur équilibre entre salaires et profits.
Je le dis avec force : retrouver un meilleur équilibre entre les salaires et les profits constitue une nécessité sur le plan économique et une urgence sur le plan social.
Je me réjouis de ce point de vue de la relance de la politique contractuelle qu'a représentée la rencontre récente entre les partenaires sociaux et de l'accord qui en est résulté pour engager un dialogue approfondi entre le patronat et les syndicats sur ces questions, et en particulier sur le chômage des jeunes.
Tout en respectant les mécanismes et la dynamique de la politique contractuelle, le gouvernement devra marquer l'importance qu'il attache, dans cette période où la croissance reprend sans inflation, à un partage des revenus plus aux salariés.
Recréer un organisme indépendant d'études sur les revenus
L'État assurera complètement sa responsabilité d'employeur. Il veillera à ce qu'un organisme indépendant fournisse des informations régulières, fiables et complètes sur l'évolution des différents revenus et le partage du revenu national.
2. Créer des emplois
Créer des emplois dépend en premier lieu des entreprises. Mais je combats l'idée selon laquelle l'État est impuissant. J'entends qu'il mette ses capacités au service de l'emploi.
Pour l'emploi, lancer de grands programmes
Trois grands programmes pour l'emploi et la qualité de la vie, appuyés sur le contrat avec les collectivités locales seront lancés :
Le premier programme concerne la reconstruction des banlieues et le développement du logement social. Le droit au logement n'est plus une réalité dans notre pays. Il doit le redevenir. La sécurité dans les quartiers passe par des conditions de vie et d'habitat convenables. J'entends que soient dégagés, en partenariat avec les collectivités locales des moyens budgétaires nouveaux pour le logement social et la rénovation des quartiers en difficultés.
Le second programme concerne le développement des services aux personnes. Il existe de nombreux besoins de service de proximité : aide à domicile des personnes âgées, appui aux handicapés pour faciliter leur intégration en milieu ordinaire de vie, garde des enfants, activités péri et parascolaires… Ces emplois réclament une vraie compétence et un sens des responsabilités. Le développement de ces services passe par une mobilisation des collectivités locales et des associations. Mais il réclame aussi, dans bien des cas, une aide financière, car le coût du service ne peut être pris en charge totalement par l'usager.
Pour aider au développement de ces services et permettre au plus grand nombre d'y accéder, l'État apportera son concours financier en favorisant des financements croisés entre l'État, les collectivités locales, les mutuelles, les comités d'entreprises, les organismes d'HLM… et naturellement, en fonction de leurs moyens, les usagers.
Le troisième programme concerne la préservation du paysage et du patrimoine, ainsi que l'amélioration de l'environnement. Il s'agit de réaménager les paysages, lutter contre les inondations, sauver la dégradation des sols, préserver la biodiversité, entretenir les parcs naturels, valoriser le patrimoine. Il y a là beaucoup de gisements d'emplois, qualifiés ou non, dans les secteurs marchands et non marchands. J'entends, par des contrats avec les collectivités, en particulier les régions, les développer de façon permanente.
À l'ensemble de ces programmes, je consacrerai un effort budgétaire important, et bien sûr je souhaite que certains fonds de l'indemnisation du chômage puissent être réorientés vers ce type de "dépenses actives".
Pour l'emploi, recentrer les dépenses de l'État
De façon plus générale, je demanderai que les dépenses budgétaires soient systématiquement examinées en fonction de leur effet sur l'emploi.
L'emploi public sera préservé, en raison des besoins collectifs qui restent à satisfaire, et des redéploiements seront opérés, notamment entre les services centraux et le service direct du public.
Pour l'emploi, mobiliser les entreprises
Les entreprises ont une responsabilité directe vis-à-vis de l'emploi Dans notre pays plus qu'ailleurs, elles hésitent à embaucher des jeunes. Plus qu'ailleurs aussi, elles remplacent les hommes par des machines. Selon la façon dont elles gèrent leur personnel et dont elles organisent le travail, elles favorisent ou non l'adaptation des compétences des salariés à un univers économique très mouvant. Quand elles mettent un peu de leur savoir-faire, de leurs moyens, de leurs réseaux au service du développement local, le résultat est souvent remarquable, tant en ce qui concerne le renouvellement du tissu économique que les créations d'emplois.
Aux pouvoirs publics de créer les conditions psychologiques, juridiques et financières pour favoriser ces initiatives. L'allègement des charges sociales sur les bas salaires y contribuera. Je souhaite que chaque salarié puisse bénéficier d'un véritable droit à l'adaptation professionnelle afin de faire évoluer ses compétences en fonction des progrès technologiques et des nouveaux métiers. La loi de 1971 sur la formation professionnelle sera réformée en ce sens.
Enfin, j'ai la conviction que les entreprises peuvent contribuer à la création de nouvelles activités répondant à leurs besoins et à ceux de leurs clients, tels que le recyclage des déchets ou encore les services après-vente. J'inviterai le gouvernement à mobiliser les entreprises et les organisations syndicales sur cet objectif.
Convaincu que les petites et moyennes entreprises sont les principales créatrices d'emplois, je souhaite encourager leur développement. Un véritable code de déontologie devrait régler les relations entre les grandes entreprises et leurs sous-traitants. Les grandes entreprises seront incitées à apporter leur expertise et leurs compétences aux créateurs d'entreprises et aux PME. Enfin, je compte aider les PME à obtenir un meilleur accès au crédit auprès des banques. Je proposerai que les formalités relatives à la création d'entreprises soient réellement simplifiées et que les transmissions soient facilitées.
Pour l'emploi, consolider le développement agricole et industrie
Le bâtiment et les services créeront des emplois. L'agriculture et l'industrie ont un rôle tout aussi décisif, celui de créer des richesses et de gagner la bataille incessante de l'exportation.
Je crois à l'avenir de l'agriculture française, car nos jeunes agriculteurs sont performants et notre sol exceptionnellement productif. La diversité des talents et des régions qui composent la France rurale est un atout qui doit s'épanouir en une multiplicité de produits de qualité. Le modèle européen, qui est fondé sur la performance économique et sur la pérennité d'exploitations familiales à taille humaine, doit être préservé face à la concurrence de véritables usines rurales. La politique agricole commune est et restera un des piliers de la construction européenne. Une politique d'aides adaptées et plafonnées, tenant compte des types d'agriculture, sera recherchée.
Je crois à l'avenir de l'industrie française et des services dans un monde de compétition impitoyable. La croissance industrielle dépend de la qualité de renseignement général et de la formation technologique, de l'ampleur des investissements productifs, de la qualité de la recherche fondamentale et appliquée, de l'étendue des réseaux de transports et de télécommunications. Il faut donc impulser une politique de diversification du tissu industriel. Nous pouvons pour cela nous inspirer de l'exemple allemand pour créer, en lien avec les régions et les universités, des centres technologiques régionaux et des communautés de développement local s'appuyant notamment sur les banques régionales pour délivrer des prêts bonifiés aux PME.
3. Réduire le temps de travail
La gauche doit avoir un grand projet sur la gestion du temps, temps de travail, temps de loisirs. Il ne s'agit pas de partager le travail. Le partage existe déjà. D'un côté des gens qui travaillent et sont parfois submergés ; de l'autre, des chômeurs, de plus en plus nombreux. Et nous avons une situation où la vie active commence souvent à 25 ans pour s'achever à 50 ans, où le taux de chômage des jeunes est l'un des plus élevés d'Europe et le taux d'activité des hommes et des femmes de plus de 50 ans est l'un des plus bas.
Développer le capital-temps
C'est un objectif de société que de donner à chacun plus de liberté pour l'organisation de son temps tout au long de sa vie, plus de progressivité dans l'entrée et la sortie de la vie active, plus de souplesse pour la formation, la culture, la famille, les loisirs, le sport, la vie associative et citoyenne. Cela suppose que soit résolu le problème des ressources dont on dispose pendant ces périodes de moindre activité professionnelle. C'est pourquoi, je souhaite voir se développer des formes mutualisées de capital-temps alimentées par des contributions des entreprises et des salariés et, pour encourager leur mise en place, favorisées par des incitations financières.
Relancer la baisse de la durée du travail
Il faut reprendre le mouvement de baisse de durée du travail qui s'est presque arrêté chez nous depuis plus de dix ans, à la différence de ce qui s'est passé chez nos voisins. L'expérience des années récentes montre que le mouvement spontané reste extrêmement lent.
C'est pourquoi je crois nécessaire de l'encourager par tous les moyens et notamment en décidant dès maintenant que la durée légale du travail sera ramenée à 37 heures en 1997. Ce délai de deux ans doit permettre à la négociation de trouver au cas par cas, au plus près des acteurs, les modalités concrètes et diverses les plus justes et les plus efficaces pour accroître l'emploi durable. Les incitations financières publiques et les dispositifs réglementaires seront orientés dans cette direction, au lieu de favoriser la flexibilité au détriment des salariés comme le fait la loi quinquennale sur l'emploi.
Ainsi sera marquée la première étape d'un processus qui, en associant la loi et la négociation, permettra à la fois de diminuer sensiblement la durée du travail et de créer des emplois. Je suis convaincu que quelles que soient les étapes (35 heures, 32 heures) et les modalités, c'est plutôt autour de 30 heures que nous travaillerons au cours du prochain siècle.
Bien évidemment, ici comme ailleurs, l'État devra donner l'exemple. Je veillerai donc à ce que, dans le secteur public, la réduction de la durée du travail soit un des points importants de la négociation annuelle sur la répartition de la masse salariale entre salaire, durée du travail et emploi.
4. Promouvoir la sécurité sociale et protéger les plus fragiles
Certains prennent aujourd'hui prétexte du déficit des comptes sociaux pour penser que l'intervention publique est désuète et que l'initiative privée serait mieux à même d'assurer ceux qui en ont les moyens contre les risques de la maladie, du chômage et de la vieillesse. Je crois à l'inverse que le modèle européen qui allie l'efficacité de l'économie et la qualité de la protection sociale pour tous doit être fermement défendu. Je ne laisserai pas s'ouvrir aux assurances privées le champ de la sécurité sociale. C'est en revenant aux principes et à l'audace de ses fondateurs que nous défendrons le mieux la sécurité sociale. Cette fermeté suppose de la clarté. Il faut dire la vérité aux Français : une solidarité plus efficace suppose une solidarité mieux partagée.
Garantir le droit à la santé pour tous
À la veille du XXIe siècle, il s'agit de donner à notre politique de santé une impulsion nouvelle, Le système de santé doit être rééquilibré autour d'une démarche de santé publique, d'éducation, de prévention, d'évaluation et de recherche médicale, dirigée en particulier contre les grandes maladies (cancer, sida…).
Je refuse l'assurance maladie à deux vitesses Elle est inadmissible car elle sépare de plus en plus ceux qui trouvent lourds à payer les tickets modérateurs et les forfaits hospitaliers en progression constante, de ceux qui ont les moyens de payer facilement leur quote-part.
Plus fondamentalement encore, une profonde réorganisation de l'offre de soins est indispensable, dans un double souci d'amélioration de la qualité des soins et d'égal accès de tous.
C'est pourquoi, parce qu'il est proche des malades et qu'il peut éviter les abus de consultations et d'examens superflus, le médecin généraliste doit être remis au centre du dispositif de soins, notamment en assurant l'accès au spécialiste.
C'est pourquoi, chaque année, les grandes masses de recettes et de dépenses devront être définies, en concertation avec les partenaires sociaux, afin de préserver l'équilibre et donc la pérennité de l'assurance maladie. Dans le cadre ainsi posé, les meilleures modalités de gestion pourront être trouvées pour qu'une excellente qualité de coins puisse être assurée au meilleur coût.
L'hôpital public sera défendu contre ceux qui le mettent en cause. Je sais que nombreux sont les hôpitaux publics qui ont fait de véritables efforts de gestion sans diminuer la qualité des soins prodigués aux malades. Les exemples de bonne efficacité doivent être mieux connus et reconnus. S'ils étaient imités, si les mécanismes d'allocation des ressources étaient modifiés en fonction de procédures d'évaluation, il serait possible, sans dramatisations inutiles, de contenir la progression des dépenses de santé.
J'irai plus loin : s'il est possible de mieux maîtriser l'évolution des dépenses de santé, je souhaite que les économies qui en résulteront soient consacrées en priorité à améliorer les conditions de remboursement et la protection médicale des plus vulnérables.
Garantir les retraites
Je suis profondément attaché au système de répartition créé à la Libération.
La question des retraites soulève trois craintes que j'estime justifiées et auxquelles il convient de répondre : crainte de voir le système exploser, crainte de voir les retraites rognées, crainte de ne pas voir pris en charge les risques de dépendance.
C'est pourquoi, étant acquis que les cotisations seront plus abondantes si la croissance est plus riche en emplois et si le partage entre salaires et profits est plus équilibré, je propose que soient examinées les conditions dans lesquelles les retraités pourront participer au partage des fruits de la croissance, notamment par la revalorisation des pensions de réversion.
La solidarité devra se manifester envers les personnes âgées dépendantes, dont le nombre va grandir et auxquelles il sera essentiel d'apporter les soins et l'attention qu'elles méritent. Un dispositif complet sera élaboré par le gouvernement il comprendra une allocation de dépendance sous condition de ressources, la construction d'hébergements appropriés pour les personnes fortement dépendantes, la diversification des lieux de vie, l'accentuation des actions de prévention et le développement de la gérontologie.
Prendre sa retraite ne peut plus être synonyme de se retirer de la vie sociale. La place des retraités dans la transmission du savoir et de l'expérience, dans l'action sociale, dans l'ensemble de l'animation sociale doit nécessairement s'accroître.
Apporter un appui particulier aux jeunes en difficulté et aux chômeurs de longue durée
Les plus fragiles ont été abandonnés depuis 2 ans : le chômage de longue durée s'est accru de 35 % ainsi que le chômage des jeunes non qualifiés.
Il faut reprendre sans tarder l'investissement massif du service public de l'emploi vers les jeunes, principalement les non qualifiés, et vers les chômeurs de longue durée, pour les aider à trouver un emploi. Les programmes d'aide à la qualification, de soutien à l'insertion par l'économique et visant à redonner toute sa dimension au droit à la deuxième chance que la gauche avait mis en place seront fortement développés.
Accroître les prestations familiales des familles les moins aisées
La faiblesse de la natalité, les difficultés rencontrées par les jeunes ménages, la multiplication des familles monoparentales, le développement de la précarité et de la pauvreté nécessitent que l'on retrouve une politique responsable et ambitieuse d'aide à la famille et une véritable politique de l'enfance. Nous devons privilégier les besoins nouveaux liés à ces évolutions sociales : développer et soutenir les structures d'accueil de la petite enfance, aider dès le premier enfant quand la faiblesse des revenus le justifie. C'est l'inverse d'une politique qui consiste à renvoyer les femmes à la maison.
Ces mesures seront financées par une modulation des prestations familiales pour les familles à hauts revenus.
Recentrer la politique en faveur des handicapés
Les personnes handicapées, citoyens à part entière, aspirent à une intégration en milieu ordinaire. Ma priorité va donc à la mobilisation de tous les acteurs dans les actions de formation, dans la recherche des reclassements professionnels et dans l'aménagement des postes de travail. Mais, dans l'immédiat, l'accent doit être mis sur le développement de moyens et de structures spécialisés qui font actuellement défaut (services d'orientation, travail protégé) et qui favoriseront l'intégration progressive dans le milieu ordinaire. L'ensemble des ressources des adultes handicapés (allocations aux adultes handicapés, pension d'invalidité) sera remis à plat et amélioré. Une meilleure articulation avec l'emploi sera recherchée.
5. Rendre la fiscalité plus juste
Les Françaises et les Français doivent retrouver confiance. Cela suppose qu'on leur dise la vérité. Dire ce que l'on va faire est une première exigence : la seconde est de faire ce que l'on a dit. Entre ceux qui ne promettent rien et ceux qui promettent tout et souvent contraire de ce qu'ils ont fait au pouvoir, il faut trouver la voie de la responsabilité.
Aujourd'hui, être responsable, c'est réduire les déficits publics, tout en se donnant des marges suffisantes pour conduire les actions prioritaires du programme proposé. Je veux le faire sans pénaliser les salaires et sans accroître les charges globales des entreprises. Cela suppose à la fois des économies dans certaines dépenses publiques et aussi une réforme fiscale.
Les principes de cette réforme fiscale sont clairs : plus de justice, plus d'efficacité.
Le financement de la sécurité sociale repose aujourd'hui essentiellement sur les salaires, alors que certaines prestations – les allocations familiales, l'assurance maladie – s'adressent à tous les Français. Il en résulte des charges sociales très lourdes, qui pénalisent l'emploi, en particulier pour ce qui concerne les bas salaires.
La fiscalité sur les placements financiers, à l'inverse, a été conçue à l'époque où l'inflation laminait les taux d'intérêts réels. Elle comporte des exonérations et des privilèges qui, aujourd'hui, ne sont plus justifiés.
C'est pourquoi je propose :
D'alléger nettement les charges sociales sur les bas salaires par une franchise de 5 000 francs sur l'assiette de la cotisation employeur d'assurance maladie compensée, notamment, par un réaménagement sur les revenus supérieurs.
De mieux utiliser la contribution sociale généralisée, (plus juste que la TVA et que les prélèvements sur les seuls revenus du travail) en l'étendant à l'ensemble des revenus du capital (hormis le livret A).
De mettre plus de clarté et de justice dans l'impôt sur le revenu, en remettant à plat les exonérations, abattements et privilèges divers quand ils ne sont pas justifiés par des objectifs économiques ou sociaux.
De réduire les abattements multiples qui amènent les sociétés à payer moins d'impôts que leurs homologues des grands pays de l'Union européenne.
De simplifier, clarifier, rendre plus justes les impôts locaux et d'assurer une meilleure répartition des ressources entre collectivités prospères et collectivités en difficulté.
De revoir les conditions de transmission des PME pour permettre d'en assurer la pérennité.
6. Travailler à une remise en ordre de l'économie mondiale
Des contraintes internationales existent. Nous vivons en régime d'économie ouverte. Pour autant, nous ne sommes pas condamnés à l'impuissance. Entre le repli sur soi et l'abandon aux lois du seul marché financier, avec ses accidents de plus en plus nombreux, il faut affirmer la volonté d'organiser de façon plus résolue et plus solidaire l'économie mondiale, de lui redonner un contenu politique plus proche des valeurs de notre modèle démocratique et social. Cela suppose une volonté neuve.
Renforcer l'Union européenne
Dans cette perspective, la marche vers la monnaie unique doit être réaffirmée, car elle permettra notamment de réduire les taux d'intérêt dont les niveaux élevés pèsent actuellement lourdement sur les famines et les entreprises, pénalisant la consommation et l'emploi.
C'est aussi avec volonté qu'il nous faut prolonger l'initiative de croissance européenne. Les pays européens doivent renforcer la croissance de toute la Communauté en lançant de grands chantiers concernant les transports, les télécommunications, la préservation des écosystèmes. Si les marchés financiers ne trouvent pas ces infrastructures assez rentables à court terme, il faudra payer une partie des intérêts des emprunts nécessaires par une "écotaxe" prélevée sur les consommations d'énergie polluante.
Remettre l'économie au service de l'homme, c'est aussi œuvrer pour que la révolution des techniques de l'information et de la communication permette à tous d'accéder au savoir, dans le respect de notre diversité culturelle, historique et linguistique. Celle-ci ne doit pas conduire au déferlement de marchandises produites en série, mais stimuler la création et la production audio-visuelle dont la diversité est la richesse de notre continent.
Unis, les pays européens peuvent résister aux pressions commerciales de pays qui, offensifs à l'exportation, sont moins ouverts à la concurrence que ne l'est l'Union européenne. J'estime indispensable que la concurrence transatlantique et celle avec les pays développés d'Orient se fassent à armes égales. Les États-Unis peuvent imposer des sanctions unilatérales à qui léserait leurs intérêts commerciaux par le dispositif appelé "super 301". L'Europe ne pourra laisser longtemps ce pays disposer d'une telle arme sans se doter d'un instrument équivalent.
Agir pour un co-développement durable
L'Europe et la France sont parmi les territoires qui sont les plus ouverts aux produits des pays en voie de développement. Elles n'ont, en la matière, de leçons à recevoir de personne. Je respecte l'effort de travail et d'épargne que déploient de nombreux peuples d'Asie et d'Amérique latine pour accélérer leur développement. Mais il est de leur propre intérêt que cet effort n'aille pas jusqu'à l'extrême exploitation de la personne humaine ni jusqu'à détruire un environnement qui manquerait au bonheur des générations futures. Je souhaite donc que le commerce s'étende avec tous les pays en développement rapide, mais dans le respect des règles internationales qui sont celles de l'Organisation mondiale du commerce et celle du Bureau international du travail. Ces normes, trop souvent bafouées, limitent notamment le travail des enfants, des femmes et des prisonniers et interdisent les très fortes durées du travail. Toute importation en provenance de pays qui ne respectent pas ce code social minimal serait taxée. Le produit de cette taxe serait utilisé pour financer des projets sanitaires, éducatifs et sociaux, dans les pays en voie de développement.
Les turbulences monétaires et financières qui affectent nos économies sont encore plus préjudiciables pour les pays en développement rapide. L'ampleur croissante des déplacements spéculatifs de capitaux montre que l'on ne peut confier l'économie mondiale à la seule main invisible du marché. Un système monétaire international avait été défini à Bretton Woods après la guerre et a existé jusqu'en 1971. Il faut en reconstruire un autre, qui permette au monde d'entrer dans le prochain siècle, avec des perspectives de développement durable.
En conséquence, je suggère que la France ou l'Union européenne prenne l'initiative d'un Sommet annuel associant les pays riches et les grandes nations émergentes. Une première tentative avait été lancée à Cancun en 1982. Pourquoi ne pas saisir l'occasion, cette année, du cinquantième anniversaire de l'ONU pour prendre des initiatives fortes en ce sens ?
Afin que le développement à long terme l'emporte sur les martingales à court terme, je proposerai, dès le prochain sommet, que les mouvements de capitaux supportent une taxe d'un pour mille qui ne pénaliserait pas les investissements à dix ans mais les placements à dix jours.
Cette proposition, que j'emprunte au professeur Tobin, prix Nobel d'économie, permettrait de ralentir la vitesse de circulation des capitaux spéculatifs et de constituer un puissant fonds mondial de stabilisation des changes, contribuant à la remise en place d'un système monétaire international équilibré.
II. – Préparer avec les jeunes l'entrée dans le XXIe siècle
Nous allons entrer dans le XXIe siècle. Voilà le véritable enjeu de cette élection présidentielle. La jeunesse doute de son avenir. Le chômage la frappe plus que tous autres. La drogue, le Sida, la violence sont autant de menaces pour elle. La perte des repères traditionnels provoque des peurs et conduit au repli sur soi. La communauté intellectuelle est désenchantée au moment même où la compétition internationale concerne chaque jour davantage les produits de la matière grise, les produits technologiques ou les produits culturels.
Toute mon action sera orientée vers un but redonner espoir à la jeunesse. Je lui propose de bâtir avec elle la nouvelle société du prochain siècle, la société de l'intelligence mais aussi de la fraternité et de la générosité. Les jeunes veulent se battre pour des valeurs de progrès et de justice. Les causes ne manquent pas. Il faut les aider en leur donnant des moyens.
C'est pourquoi je propose, pour que la France entre de plain-pied dans le XXIe siècle, cinq objectifs à réaliser avec et pour la jeunesse :
1. Permettre aux jeunes d'être les premiers acteurs de la transformation sociale
2. Redonner la priorité à l'école
3. Gagner la bataille de l'intelligence
4. Relever le défi culturel et audiovisuel
5. Promouvoir le sport pour tous
1. Permettre aux jeunes d'être les premiers acteurs de la transformation sociale
Agir pour l'emploi
Aucun horizon ne peut s'ouvrir si nous ne réglons pas d'abord tous ensemble la question de l'emploi. J'ai conscience qu'il faut pour cela changer de stratégie et c'est là une des raisons essentielles de ma candidature. Mon objectif est de tout faire pour que le plus grand nombre de jeunes puisse bénéficier le plus vite possible d'un emploi.
J'ai exposé mes propositions sur l'emploi. Les jeunes seront les premiers concernés par la réduction du temps de travail, l'abaissement des charges sur les salaires et le développement des nouveaux emplois. Mais devant l'urgence du problème, il faut aller plus loin.
J'ai déjà évoqué trois grands programmes pour l'emploi. Les jeunes doivent en être les principaux bénéficiaires :
– la rénovation de la vie sociale des quartiers, dans le cadre du grand chantier de rénovation des banlieues. C'est contribuer concrètement à restaurer l'égalité des chances ;
– le développement des services aux personnes, notamment aux personnes âgées et aux personnes handicapées. C'est traduire en acte la solidarité ;
– la reconquête des paysages. C'est participer activement à la préservation de l'environnement.
Le quatrième programme destiné aux jeunes, c'est l'engagement dans l'action humanitaire. Notre devoir de solidarité nous impose d'agir. Les jeunes y sont prêts pour réaliser leurs idéaux. Nous devons les aider en leur permettant de participer à la consolidation ou à la reconstruction du lien social ainsi qu'à l'action humanitaire en France comme dans les pays en voie de développement. D'une part, une nouvelle forme civile du service national sera instituée à cet effet. D'autre part, des jeunes qui le souhaitent, femmes et hommes, pourront travailler à ce type de tâches, sous statut de coopérant, dans les associations ou les organisations non gouvernementales. Les budgets militaires et de coopération seront redéployés pour financer ces mesures.
De nouvelles mesures incitatives à l'emploi des jeunes seront prises. Une relance de la cessation progressive d'activité en l'accompagnant d'un tutorat pour le jeune qui arrive dans l'entreprise, l'instauration d'un dispositif spécifique de création d'entreprise par les jeunes, un contrôle plus étroit sur les procédures de stage, la limitation accentuée des cumuls entre emploi et retraite. J'attends beaucoup, en ces domaines, de la mobilisation des entreprises et des partenaires sociaux. Mais je sais aussi que ces mesures ne seront pas à elles seules suffisantes.
Je souhaite également que les entreprises françaises s'ouvrent davantage aux jeunes. Je demanderai au gouvernement d'engager des discussions avec leurs représentants et les partenaires sociaux pour proposer les dispositions à même de permettre aux jeunes et d'abord aux jeunes chômeurs de longue durée, d'acquérir rapidement une première expérience professionnelle. L'État prendra sur ce point ses responsabilités financières.
Combattre le trafic de drogue
Les jeunes sont les premiers à souffrir de la crise des banlieues, de la drogue, de la violence et du Sida.
Je souhaite que soit engagée une véritable guerre contre les trafiquants de drogue en France comme au plan européen. Aujourd'hui, la répression frappe davantage les petits consommateurs que les trafiquants et receleurs. Ceux-ci devront être plus durement pourchassés et réprimés. Les zones de non droit dans certains quartiers devront être éliminées. Dans le même temps, l'effort de prévention sera amplifié : le toxicomane doit être considéré exclusivement comme une personne ayant besoin d'aide et de soins. Les structures d'accueil, d'hébergement ou de postcure et les programmes d'accompagnement et de substitution pour les toxicomanes seront renforcés et une action spécifique en direction des jeunes de 10 à 14 ans sera engagée. Le Parlement devra engager la révision de la loi de 1970.
Lutter contre le Sida
Quant au Sida, la France est le pays d'Europe le plus touché. Son importance révèle des dysfonctionnements de notre société : méconnaissance des risques de transmission par voie sexuelle, prévention inefficace de la toxicomanie, mauvaise prise en charge des problèmes de santé de ceux qui sont en marge de la société, marginalisation des professionnels de santé publique dans le système des soins français… La lutte contre le Sida, c'est la priorité de santé publique pour les jeunes.
C'est une tâche nationale, c'est un combat médical, économique, politique. Ils doivent être menés en liaison étroite avec les associations. Le budget de la prévention sera fortement augmenté et l'action préventive prendra des formes diversifiées. Le personnel hospitalier sera mieux formé et le dépistage volontaire encouragé. L'industrie pharmaceutique sera davantage impliquée dans l'effort de recherche nationale.
Comme nous devons déclarer la guerre à la drogue, nous devons choisir ici la vie contre la mort et ne plus faire preuve d'hésitations. La situation exige que nous laissions de côté nos états d'âme. Les programmes d'échange de seringues (à partir de distributeurs automatiques par exemple) seront multipliés. Dans le même esprit, je demanderai au gouvernement d'assurer partout en France la mise à disposition du préservatif à un franc, notamment dans les établissements scolaires.
2. Redonner la priorité à l'école
Préparer l'avenir, c'est aussi s'appuyer sur une rénovation de l'école républicaine qui donne à la fois une formation et une éducation, qui accueille et aide les citoyens tout au long de leur vie.
L'éducation doit retrouver la priorité qui était la sienne lorsque j'étais ministre de l'Éducation nationale, et qu'elle a perdue depuis deux ans. Ceux qui ont cassé cette priorité, sur le plan budgétaire comme sur le plan politique, ont commis un acte irresponsable aux yeux de la communauté éducative et des jeunes. Je rétablirai cette priorité.
Les Français sont en effet attachés à leur école, pour l'essentiel publique, qui met l'éducation à la portée de tous sans distinction de sexe, de race ou de religion. Il faut la conforter dans sa conception laïque et républicaine, sans pour autant la figer dans des structures trop centralisées qui ne sont plus adaptées, ni à la taille du système, ni aux exigences de ses acteurs, ni à l'évolution du monde.
S'il doit être conforté, le système éducatif doit évoluer et deux principes doivent guider cette évolution : l'ouverture et la responsabilité dans l'unité maintenue du service public.
Adapter l'école aux réalités nouvelles
L'ouverture doit permettre à l'école, à chaque niveau, de s'adapter aux réalités nouvelles. Dans un monde où la connaissance s'accroît chaque jour plus vite et où les moyens d'information modernes inondent les esprits, souvent de façon désordonnée, l'école doit être avant tout le lieu de l'apprentissage des savoirs fondamentaux, de l'expérimentation et de la réduction des inégalités sociales et culturelles. L'école doit se recentrer sur les enseignements de base et les mécanismes intellectuels fondamentaux. À un enseignement à la tendance parfois encyclopédique, il faut substituer un enseignement de références et de repères.
À l'école primaire, le soin d'apprendre à lire, écrire, compter. Au collège et au lycée, l'apprentissage des disciplines abstraites qui doivent être complétées par l'enseignement des sciences expérimentales et par des exercices pratiques utiles dans la vie professionnelle. La maîtrise de la langue française doit rester au cœur même de tous les enseignements.
Plus fondamentalement encore, c'est la conception même de l'éducation et de la place de l'école dans la société qu'il nous faut transformer. À une société où la hiérarchie sociale se fige à vingt ans sur des résultats scolaires, il faut substituer une société de l'égalité des chances permanente, où la pérennité des avantages acquis est remplacée par la reconnaissance des talents et de l'expérience, à quelque moment de la vie qu'ils se manifestent. Et l'école sera dès lors un lieu de référence et d'accueil pour tous les citoyens.
Ceux qui ont supprimé les filières de promotion interne et enterré les lois sur la validation diplômante des acquis professionnels, ne proposent que le retour au passé. Ils portent une lourde responsabilité. Nous rétablirons ces dispositifs comme nous rétablirons les agrégations internes.
Dans le même esprit, cessons d'opposer culture générale et formation professionnelle, à une époque où les techniques changent très vite, où le clavier d'ordinateur est devenu commun à l'ouvrier qualifié et au chef d'entreprise et où chacun doit être capable de se reconvertir rapidement. Le rapprochement des enseignements professionnels et culture générale doit aider les jeunes à mieux s'insérer dans la vie professionnelle et doit éviter le clivage précoce que la hiérarchie des types d'enseignement tend à établir. Rendons donc leurs lettres de noblesse aux enseignements technologiques et professionnels en faisant évoluer les méthodes, en développant les liens avec les entreprises et en assurant la mobilité scolaire et universitaire entre les filières de formation.
Lutter contre les inégalités sociales
Comment ignorer par ailleurs que les déchirures de la société amènent à l'école des élèves de plus en plus hétérogènes. Le métier d'enseignant est devenu plus difficile. Malgré la mise en place des zones d'éducation prioritaire et l'action de quelques collectivités locales, nos enseignants sont trop souvent seuls face à ces difficultés. Il faut donc encourager et développer toutes les formes d'aide aux études et créer de véritables solidarités sociales autour de l'école.
Il faut adapter les taux d'encadrement et les horaires des enseignants aux conditions d'enseignement. Quinze heures par semaine à Jeanson de Sailly et quinze heures par semaine au Val Fourré ne sont pas comparables. Trente élèves par classe à Henri IV ne correspond pas à trente élèves à Vaulx-en-Velin. C'est pourquoi je demanderai au gouvernement d'appliquer plus fermement le principe de "l'inégalité positive" dans la distribution des moyens.
Développer l'autonomie et la responsabilité.
La responsabilité et l'autonomie doivent permettre à la communauté éducative dans son ensemble d'être le véritable moteur du changement à l'école. Une politique de déconcentration des procédures de gestion, des moyens et des personnels sera mise en œuvre. L'autonomie des établissements, mais aussi leur responsabilité, seront renforcées à partir des projets d'établissement et de contrats pluriannuels. Nous étendrons ainsi les procédures déjà mises en place à mon initiative au bénéfice des établissements d'enseignement supérieur.
N'oublions pas enfin qu'un grand programme de rénovation de l'école républicaine doit surtout reposer sur l'excellence. Cessons donc d'opposer enseignement de masse et excellence, quantité et qualité, gagnons la bataille de l'intelligence.
3. Gagner la bataille de l'intelligence
Préparer l'avenir, c'est engager résolument la grande compétition économique et culturelle de demain dans laquelle les intelligences individuelles et collectives seront des atouts essentiels. C'est engager cette bataille au plan européen, car l'Europe ne doit pas perdre la bataille de l'intelligence.
L'intelligence sera à la fois l'enjeu et la richesse du XXIe siècle. L'innovation scientifique et son corollaire technologique sont désormais au centre de la compétition économique. Le secteur de l'information et des télécommunications en est l'exempte le plus spectaculaire. Le développement d'une industrie biomédicale offre au monde des perspectives extraordinaires tant en agriculture qu'en médecine, tout en posant d'ailleurs des problèmes d'éthique.
Les produits intellectuels eux-mêmes sont des objets de compétition internationale. Livres, disques, vidéodisques, films sont des marchandises à haute valeur ajoutée. Les logiciels informatiques comptent bien plus que la fabrication des ordinateurs.
Bien sûr, l'existence d'une tradition culturelle et scientifique est un atout important pour un pays, et c'est le cas de la France. Mais cet avantage risque de n'être que provisoire. La Corée, Taiwan, l'Inde, la Chine disposent de savants, d'intellectuels, d'ingénieurs et de techniciens qui n'ont rien à envier aux meilleurs des nôtres. Ce vieux schéma suivant lequel les pays en voie de développement produisent à bon marché mais que la conception et l'invention viennent des pays industrialisés s'estompe. L'Inde, usine de logiciels du monde et producteur de films plus puissant que l'Europe, en est le meilleur exemple. La spécialisation de quelques grandes sociétés industrielles en ce domaine et la tentative de constitution du monopole d'un seul pays nous montrent les dangers d'une uniformisation mondiale imposée.
L'Europe ne peut plus dès lors se contenter de vivre sur ses acquis. La bataille de l'intelligence est un défi qui concerne l'ensemble des citoyens actifs d'un pays. Avoir 60 % d'une classe d'âge à l'Université comme le Japon, les États-Unis, peut-être bientôt la Corée, est un atout considérable.
Pour gagner la bataille de l'intelligence, nous devons réunir trois conditions : avoir un bon système d'enseignement supérieur, une recherche innovante, mais également la capacité à traduire l'innovation en terme de marchandise.
Construire l'Université du XXIe siècle
Le rôle de l'Université est essentiel. C'est elle qui crée et qui organise le savoir. C'est elle qui forme les enseignants et les cadres du pays. Nous reprendrons l'effort universitaire, brutalement cassé par un pouvoir de droite qui n'a pas compris son importance. Les contrats État-Université-Région que nous avons initiés seront relancés afin de construire l'université du XXIe siècle. Celle-ci devra être ouverte, puissante, et fonctionnera en alternance. L'accès aux études supérieures devra être favorisé et diversifié : en formation initiale ou continue, avec dans chaque cas une reconnaissance égale des diplômes.
Le Plan social étudiant destiné à permettre à tous les jeunes qui en sont capables de poursuivre des études supérieures, quelle que soit leur origine sociale, sera réactivé. Il sera actualisé après une concertation avec les organisations étudiantes et géré par les commissions sociales étudiantes des universités qui seront rétablies.
Relancer l'effort de recherche
L'avenir de notre industrie dépend de la qualité, du développement et du rayonnement de notre recherche et de sa pénétration dans le milieu industriel. Il faut reprendre l'impulsion que nous avions donnée et que le gouvernement actuel arrêté. Mais là encore, en refaisant de la recherche une priorité nationale, nous réorienterons notre effort autour de quelques orientations claires :
En rétablissant le financement du Centre national de recherche scientifique (CNRS) et en recréant une direction de la recherche universitaire.
En créant un centre de la recherche technologique et industrielle organisé sur la base de laboratoires mixtes État-industrie.
En relançant une véritable politique de coopération européenne, par l'élaboration de vastes programmes de recherche en liaison avec les organismes nationaux et avec la Fondation européenne pour la science, par une véritable politique de grands équipements européens et par l'encouragement au développement d'une communauté scientifique et technologique européenne autour de l'édition, de sociétés savantes et de forums technologiques.
En favorisant la création d'une structure européenne permettant de financer au capital-risque des projets issus des recherches et les talents de petits laboratoires et de PME de différents pays de l'Union.
4. Relever le défi culturel et audiovisuel
Le développement culturel d'un pays ne se décrète pas. L'État doit s'efforcer de créer les conditions d'épanouissement de la création et d'accès de tous à la culture sous toutes ses formes. De ce point de vue, le bilan de la gauche est positif. Le budget du ministère de la culture a doublé depuis 1981 ; l'offre culturelle s'est considérablement accrue ; la création contemporaine a été développée ; les droits des artistes ont été renforcés ; les industries de ce secteur ont été soutenues et le renouveau culturel des villes et des régions a connu un essor sans précédent.
Réaffirmer l'ambition de la culture pour tous
Face aux excès de l'individualisme et au repli identitaire, la culture est un facteur décisif de cohésion sociale ; elle est aussi un espace de liberté. Nous devons, en cohérence avec notre projet pour la France, réaffirmer l'ambition de la culture pour tous. Je veux aider les créateurs, peintres, sculpteurs musiciens, artistes, architectes, écrivains, réalisateurs, metteurs en scène… à la fois par les commandes publiques, mais plus encore par les conditions psychologiques favorables que je veux créer dans ce pays.
C'est pourquoi le budget de la culture reviendra, au minimum, à 1 % du budget de l'État. La politique culturelle sera décentralisée et l'aménagement culturel du territoire poursuivi, dans le cadre d'une politique contractuelle qui permettra une coordination entre les collectivités locales concernées. Le soutien à la création sera renforcé, en particulier à l'intention des entreprises qui créeront des emplois, l'aide à l'éclosion des jeunes talents réaffirmée et le mécénat encouragé.
Je veux aussi favoriser pour les jeunes l'accès aux métiers de la culture, en développant l'enseignement artistique et en étendant les systèmes de mécénat pour artistes débutants.
Gagner la bataille culturelle
Aujourd'hui, la culture est devenue un enjeu politique, économique et stratégique. Les nouvelles technologies, la mondialisation des marchés et des réseaux, les autoroutes de l'information, la concentration des entreprises et des capitaux bouleversent les pratiques, menacent les identités, réduisent le pluralisme des expressions et la liberté de choix des citoyens. Le temps libre entraîne le développement des "entreprises culturelles" et la création de milliers d'emplois.
Pour préserver leur identité, mais aussi leur compétitivité économique, il est crucial que la France et l'Europe ne soient pas un simple réceptacle des technologies et des contenus venus d'outre-Atlantique. De ce point de vue, ce que l'on a appelé "l'exception culturelle" doit rester la règle. C'est vrai, bien évidemment, pour l'audiovisuel. Mais c'est également vrai pour l'information, dont la liberté est l'un des fondements de la démocratie. L'un comme l'autre ne peuvent être considérés comme de simples marchandises.
Nous allons entrer dans une époque de révolution technologique sans précédent provoquée par la combinaison de trois technologies : le numérique, la compression de données, le satellite. L'Europe a les moyens de participer à cette révolution à égalité avec les États-Unis et le Japon, à condition de développer une innovation technologique et une stratégie indépendantes et de ne pas subir la déréglementation du marché audiovisuel européen. La France dispose de ce point de vue de nombreux atouts : ses créateurs, ses artistes, ses ingénieurs, quelques groupes multimédias puissants, et une industrie de télécommunications dont France Télécom, qui doit rester sous contrôle public.
Résister à l'offensive américaine suppose surtout de faire naître un grand marché intérieur culturel par une politique de décentralisation et d'échanges à l'échelle européenne. Je maintiendrai en vigueur les quotas de production audiovisuelle qui, seuls, permettront de mettre en œuvre les restructurations nécessaires dans ce secteur. Les industries de programme devront être soutenues et des alliances majeures entre les grandes chaînes de télévision encouragées, y compris dans le service public. Et pourquoi ne pas créer un "Hollywood" européen permettant à nos réalisateurs de disposer des moyens techniques les plus modernes pour réaliser leurs productions en plusieurs langues ?
Clarifier les relations entre les groupes de média et la puissance publique
Dans le domaine des médias et de la communication, les principes qui me guident sont clairs : liberté d'information et liberté professionnelle des journalistes, soutien économique transparent à la presse quotidienne nationale et régionale. Les aides de l'État à la presse quotidienne d'informations générales, élément essentiel du débat démocratique, seront clarifiées et renforcées.
Je constate que les entreprises de médias en France sont dans une situation unique au monde : les plus grandes entreprises du secteur sont adossées à des groupes industriels dont ce n'est pas l'activité centrale et qui, de surcroît, bénéficient de marchés importants avec l'État et les collectivités locales. L'information tend ainsi à être dominée par des groupes pour lesquels cet investissement fait partie d'une stratégie de groupe bien souvent étrangère à l'objet et à l'économie des médias.
C'est pourquoi je propose un aménagement du cadre législatif multimédia limitant dans le capital des entreprises de communication et de presse à vocation générale la présence des groupes faisant plus d'un certain pourcentage de leur chiffre d'affaires total avec l'État et les collectivités locales. Les dispositions de la loi sur la communication devront être revues.
5. Promouvoir le sport pour tous
Facteur d'équilibre et d'épanouissement personnels, le sport revêt aussi une importante fonction d'intégration sociale. Le sport représente, dans le même temps, un vrai gisement d'emplois stables. Le sport participe enfin de la conquête du temps libre.
Dans cet esprit, je propose quelques orientations fortes :
Un objectif ambitieux de pratique sportive à l'école. D'ici cinq ans, tout enfant devra faire six heures effective d'éducation physique et de sport. Des formules souples d'aménagement du temps scolaire accompagneront la réalisation de cet objectif. Les professeurs d'éducation physique et sportive auront un rôle accru dans l'enseignement d'une éthique de vie, du respect des autres, du rejet de la violence.
La formation des cadres et animateurs sportifs, professionnels comme bénévoles, sera accrue et leur nombre augmenté, notamment dans le cadre des contrats pour l'emploi que j'ai déjà évoqués. Le bénévolat associatif sera valorisé et favorisé.
Les conditions d'exercice du sport de haut niveau devront être clarifiées et le sport professionnel régi par des règles claires et transparentes, comme toute entreprise.
Une conférence sur l'éthique sportive sera organisée sous l'égide du comité olympique français et une législation sur la violence dans le sport élaboré par le Parlement.
Pour mettre en œuvre ces orientations, il faut des moyens nouveaux. Les crédits consacrés à l'éducation physique et au sport seront substantiellement augmentés.
Tirant toutes les conséquences de la décentralisation, c'est par une politique de partenariat renforcée entre l'État, les collectivités territoriales et les organisations sportives que la portée sociale de la pratique sportive sera reconnue et appliquée.
III. – Développer les territoires et la qualité de la vie par l'écologie
J'ai trois convictions en ce domaine : le Président de la République doit être soucieux de la vie quotidienne des Français ; l'écologie – prise dans son sens le plus large – constitue la clé qui permet d'améliorer la qualité de la vie ; les seules lois du marché sont souvent inefficaces, et parfois même néfastes pour atteindre cet objectif.
La vie quotidienne, c'est, bien sûr, l'emploi, les salaires, le temps de travail. Je les ai évoqués. Mais ce sont également les conditions de vie, en ville comme à la campagne, le logement, les transports, les services… Je propose trois séries d'actions qui apporteront des améliorations concrètes aux conditions de vie des Françaises et Français :
1. Mettre en place un plan de reconquête écologique
2. Assurer un développement solidaire des territoires
3. Réinventer une politique pour la ville
1. Mettre en place un plan de reconquête écologique
Cette ambition permettra de protéger notre patrimoine naturel et culturel, de répondre à des besoins d'activités nouvelles et de créer de nombreux emplois.
La mise en place de ce plan dépend sans doute de l'État. Mais elle dépend aussi des acteurs de terrain. Et elle pourra être cofinancée par les collectivités locales qui accepteront d'y souscrire.
Les buts d'un tel plan ? Protéger ou recréer les paysages. Prévenir les catastrophes naturelles, développer l'agriculture écologique, préserver les ressources halieutiques, protéger les sols et la biodiversité. Les leviers d'action sont divers et touchent aussi bien la politique des transports que la politique de l'énergie ou la politique fiscale.
Reconquérir les paysages
L'urbanisation anarchique, le développement d'une agriculture de plus en plus industrielle et chimique, l'accumulation croissante et la dissémination des déchets ont petit à petit transformé, érodé, abîmé les paysages naturels, les côtes, les fleuves, les montagnes et la mer. Les dommages se sont lentement accrus et se traduisent aujourd'hui par des catastrophes ou par des pollutions chimiques. En outre, la biodiversité s'appauvrit et les paysages subissent une atteinte esthétique souvent irrémédiable, malgré le travail des associations.
Nous n'avons pas su jusqu'ici prendra la pleine dimension de ce problème. C'est aujourd'hui un vaste plan de reconquête des paysages qui doit être réalisé, comprenant des travaux de terrassement, de reconstitution des sols, des plantations dispersées, des travaux hydrauliques. Ce plan implique le développement d'entreprises "vertes", l'émergence de nouveaux métiers et la création d'emplois. Coordonné par l'État, ce plan sera réalisé par les collectivités locales dans le cadre de contrats cofinancés. Ils seront précédés de consultations démocratiques au plan local, impliquant notamment les associations.
Prévenir les catastrophes naturelles, lutter contre les pollutions
Il y a eu récemment, en France, de fortes inondations, des glissements de terrain, des incendies de forêts. Les risques sismiques ne sont pas nuls. Partout, la nature nous rappelle sa force. Les activités humaines se sont souvent organisées sans tenir suffisamment compte de la nature. Une politique efficace de prévention des risques naturels doit être mise en place, avec des moyens législatifs et réglementaires adaptés, avec des actions d'information et de persuasion auprès de la population et des décideurs locaux. Je veillerai à ce que les moyens nécessaires soient accordés à ces actions.
Le bruit, l'air et l'eau constituent trois enjeux principaux
Le bruit est la première des nuisances que subissent les Français, en particulier en milieu urbain. Notre pays a pris, là aussi, du retard. II devra le combler, notamment en ce qui concerne les travaux d'isolation phonique qui devront bénéficier d'aides publiques et d'incitations.
La mauvaise qualité de l'air est à l'origine de troubles de santé de plus en plus répandus, dans les agglomérations en particulier. Les moyens de surveillance et d'information devront être renforcés. Quant aux remèdes, ils seront trouvés d'abord dans le développement des transports en commun et des véhicules non polluants, comme je le propose, et dans la diminution des émissions de gaz carbonique.
L'eau ne doit pas être considérée comme une marchandise ordinaire. Elle est un élément – fragile – de notre patrimoine commun. Aussi, me paraît-il indispensable de surveiller et de garantir la qualité de l'eau. De même, il est urgent de renforcer les conditions d'attribution des délégations de service public concernant l'eau, ainsi que je le préciserai plus loin.
Réorienter la politique des transports
Nos villes – et particulièrement nos grandes villes – connaissent de sérieux problèmes de transports. Du temps est perdu. De l'énergie est gaspillée. De l'espace est stérilisé. Il est urgent à mes yeux de favoriser les transports publics. Je souhaite que l'État et l'Europe – et je me battrai en ce sens – apportent des concours financiers conséquents à un plan de développement des transports collectifs.
Je souhaite également que l'État donne l'exempte. Les industriels, les chercheurs, les ingénieurs ont fait de la France un pays compétitif dans le domaine des véhicules électriques et des véhicules mixtes. Je propose qu'une large partie du parc automobile de l'État soit remplacée, en l'espace de cinq ans, par de tels véhicules.
Je souhaite par ailleurs que les taux de plomb dans l'essence – dont on sait l'importance pour l'environnement soient encore revus à la baisse. L'Europe doit le faire, en s'alignant sur l'exemple des pays scandinaves. L'État, quant à lui, doit encourager ces carburants là et non les banaliser, comme l'a fait le gouvernement il y a quelques mois.
Pour le transport interurbain, nous avons également des choix décisifs à effectuer
La France a pris du retard en laissant se développer de manière débridée le transport routier. Au mépris des conditions de travail des chauffeurs. Au mépris de la rentabilité des entreprises de transport soumises à une concurrence sauvage. Au mépris de l'environnement et, parfois même, de la sécurité des Français. Une négociation entre les représentants des professions concernées doit s'engager afin de limiter ces excès. Le cas des transports chimiques mérite une attention particulière : ils doivent être plus sévèrement réglementés et rendus plus sûrs, en particulier par la mise en sécurité des véhicules et par l'instauration systématique du double chauffeur.
Je suis favorable à un meilleur équilibre entre le transport ferroviaire et le transport routier. Le transport combiné entre le rail et la route existe déjà en Suisse et en Autriche. Un projet existe pour la liaison entre la France et l'Italie. Je propose le lancement d'un tel plan de transport combiné dans le cadre du programme de grands travaux européens que j'ai déjà évoqué.
Proposer une loi d'orientation sur l'énergie
Les choix énergétiques sont décisifs aussi bien pour l'avenir de notre pays que pour celui de la planète, pour notre indépendance sans doute mais pour les générations futures avant tout.
Le Parlement a dans ce domaine un rôle essentiel à jouer. Pour conduire les évaluations nécessaires du parc nucléaire français. Pour se prononcer sur la création d'une autorité indépendante et transparente d'évaluation et d'information. Pour étudier les conditions du développement des bio-carburants et des énergies renouvelables et géothermiques outre-mer, trop méprisées jusqu'à présent. Ce débat pourrait se conclure par le vote d'une loi d'orientation sur l'énergie fixant pour les dix prochaines années les grands choix de notre politique. Le gouvernement actuel a timidement amorcé la réflexion. Là, comme ailleurs, il s'est arrêté en chemin.
Rendre notre fiscalité écologique
Une réforme fiscale doit être engagée, je l'ai dit. Aux objectifs que j'ai fixés, j'en ajouterai un autre : une réorientation écologique de notre fiscalité. Je me limiterai ici à deux exemples : je suis favorable à l'instauration d'une écotaxe à l'échelle européenne sur les émissions de gaz carbonique. Elle constituerait à la fois un moyen pour dégager des ressources permettant de lutter contre les pollutions et une incitation à les réduire. Par ailleurs, je suis favorable à une taxation sur les pollutions phoniques et les pollutions de rivières d'origine industrielle, selon le principe pollueur-payeur.
2. Assurer un développement solidaire des territoires
La décentralisation engagée en 1982 est l'un des grands acquis – et l'une des réformes les plus profondes – de ces quinze dernières années. Je souhaite poursuivre ce mouvement qui mérite d'être clarifié et démocratisé. Et je suis convaincu que la décentralisation et l'aménagement du territoire – je préfère dire le développement solidaire des territoires – constituent l'un des enjeux majeurs pour l'avenir de notre pays.
On a tenté d'opposer les villes et les campagnes. C'est une faute. J i ai pour ma part une vision globale fondée sur la complémentarité.
La France de demain sera forte de ses grandes métropoles et de ses villes. Il faut leur donner les moyens – en termes de réseaux TGV, de télécommunications, de recherche, d'universités – de rivaliser avec leurs homologues européens. La France de demain devra s'appuyer sur des villes moyennes qui animent tout leur territoire. La France de demain devra offrir, dans les bourgs ruraux, une large palette de services publics et de proximité.
En définitive, tout se jouera dans la complémentarité et dans la solidarité.
Favoriser le maintien des services publics en zone rurale et dans les quartiers en difficulté.
Le marché tend à concentrer les activités et, de ce fait, à accroître les inégalités. Je veux rompre avec cette logique libérale.
La présence des services publics est essentielle dans les zones rurales comme dans les quartiers difficiles. Il faut non seulement maintenir leur présence – les faire revenir le cas échéant – mais même augmenter leurs moyens. Cela s'est déjà fait en ce qui concerne l'éducation avec les zones d'éducation prioritaires.
Il est toujours nécessaire d'améliorer l'efficacité du service public. Il est souvent possible d'en réduire les coûts. Je le souhaite. Mais je n'accepte pas que le calcul économique à courte vue conduise à sacrifier des zones entières. Et je me battrai pour que l'Europe accorde aux services publics la place qui doit être la leur et en tire les conséquences réglementaires et financières.
Développer la solidarité entre les collectivités les plus riches et les collectivités défavorisées.
Combien de petits départements ruraux pourraient résoudre beaucoup de leurs problèmes avec un infime pourcentage du budget des départements les plus riches ? Combien de banlieues pourraient sortir de leurs difficultés avec une réelle solidarité de la part des communes les plus aisées ?
La gauche a mis en place une dotation de solidarité urbaine à cet effet. Il est nécessaire d'aller maintenant plus loin dans la solidarité entre les collectivités locales. Il ne s'agit pas d'en accepter simplement le principe comme le gouvernement vient de le faire. Il faut en prévoir les modalités et le calendrier. Je souhaite que le Parlement légifère sur cette question.
Poursuivre le développement et l'égalité en outre-mer
Les départements et territoires d'outre-mer constituent un atout et une richesse pour notre pays. Chacun d'eux a sa spécificité et je souhaite qu'on la prenne en compte en dépassant la notion réductrice de "DOM-TOM". Leurs habitants expriment des demandes et des besoins. Il faut y répondre.
Le développement économique constitue à mes yeux l'une des deux priorités. Il suppose une meilleure insertion dans l'environnement régional. De nouveaux marchés peuvent s'ouvrir dans la zone caraïbe, dans l'océan Indien et dans le Pacifique. Mais il faut avoir la volonté de rompre avec la logique des économies de comptoir et il faut s'en donner, là encore, les moyens. Le savoir-faire de la population, son niveau de formation, son potentiel technique et scientifique, les liens avec l'Union européenne sont des atouts sur lesquels nous pouvons nous appuyer.
Je suis favorable à ce que l'on envisage des adaptations fiscales – par exemple la création de zones franches – pour favoriser les activités de transformation ou de maintenance à forte valeur ajoutée. Je veillerai à une défense vigilante et active de la préférence communautaire pour les productions traditionnelles, notamment agricoles et j'encouragerai la modernisation des circuits économiques.
Je souhaite, par ailleurs, une application plus efficace des accords de Lomé. Cela contribuera aussi à des échanges plus équilibrés avec les pays de la région.
Enfin, il faut reconnaître l'identité et les enjeux spécifiques de chacun des départements et territoires, quitte à faire évoluer de façon différenciée les institutions locales et les structures administratives.
La seconde priorité concerne l'égalité
L'égalité des chances d'une part. Le mouvement a été interrompu. Il faut le reprendre. Par un effort accru en matière d'éducation et de formation. Par une lutte de tous les instants contre l'échec scolaire. Par l'adaptation des programmes aux réalités de chaque département ou territoire.
L'égalité sociale d'autre part. Sa réalisation progressive est un devoir de justice. Elle concerne les salaires, la protection sociale. Elle suppose un effort en faveur du logement social. Elle nécessite un nouveau pacte social et notamment un allégement des charges sur les bas salaires afin de réduire l'assistanat et de développer l'insertion professionnelle, notamment pour les jeunes.
3. Réinventer une politique pour la ville
La ville doit redevenir le lieu de progrès, de rencontre et d'ouverture qu'elle a été dans l'histoire moderne. Je ne me résigne pas à la vie dégradée que connaissent certains quartiers. Entrer dignement et tous ensemble dans le XXe siècle suppose de réinventer une politique pour la ville et d'y consacrer tous les moyens nécessaires. Outre la création d'emplois, les trois priorités essentielles concernent le logement, la reconstruction des banlieues et le développement des services.
Réaliser le droit au logement
Aujourd'hui, le droit au logement doit être réaffirmé. Non pas dans les déclarations ou les intentions, d'autant moins qu'elles sont contredites par la pratique, par exemple avec la chute brutale des crédits décidée pour 1995. Mais dans les actes, avec une politique et un objectif : un toit pour chacun.
C'est dans cet esprit aussi que j'ai évoqué la nécessité de consacrer des moyens budgétaires conséquents au logement. Il faut être plus précis, car le sujet est grave.
Il est indigne qu'en cette fin de siècle, les SDF se comptent par dizaines de milliers. Je ne me satisfais pas des mesures d'urgence prises chaque année par un gouvernement toujours pris de court. J'ai la volonté, et nous en avons les moyens, de faire en sorte que, dans les deux ans, il n'y ait plus de SDF dans notre pays. Je demanderai la mise en œuvre d'un plan de construction de logements d'insertion et de logements destinés aux populations les plus fragiles.
Plus largement, il faudra relancer le logement social en fixant un objectif ambitieux de construction et en remettant à plat les mécanismes d'attribution. Tous les moyens de conciliation et de relogement préalable devront être recherchés pour éviter les expulsions, prioritairement lorsqu'il s'agit de familles victimes du chômage. Dans les cas extrêmes, les préfets devront réquisitionner les logements qui, financés sur fonds publics, sont laissés vacants pour des raisons spéculatives.
S'agissant du parc locatif privé, il est indispensable que le marché retrouve un niveau d'offres plus élevé. Je propose de mettre en place un statut du bailleur privé marqué par la stabilité et l'équilibre juridique qui permettra de relancer ce secteur: un régime fiscal incitatif et une garantie des loyers seront proposés aux propriétaires qui, par la voie contractuelle, s'engageront à modérer les loyers et à loger des ménages modestes. Dans le même esprit, une prime pourra être attribuée aux propriétaires privés qui loueront leur logement à des personnes à faibles ressources.
Beaucoup peut encore être fait. Garantir la mixité de l'habitat en réalisant des logements sociaux dans toutes les communes, objectif auquel le gouvernement vient de renoncer. Dégager des moyens d'acquisitions foncières pour les communes. Renforcer le rôle du maire, notamment dans l'attribution des logements sociaux sur la base de règles transparentes. Amplifier la politique d'amélioration de l'habitat. Diversifier les formes d'aide à l'accession à la propriété. Mais je veux y insister : tout doit être fait pour régler la question du logement dans notre pays.
Reconstruire les banlieues
La ségrégation urbaine est contraire à nos valeurs. Elle est dangereuse pour ta démocratie. Elle affaiblit notre économie. Les principes contenus dans ta toi d'orientation sur ta ville ont gardé toute leur force: solidarité, mixité sociale, urbanisme durable, qualité architecturale...
Je veux engager sur les 20 ou 30 quartiers prioritaires un vaste programme combinant des opérations massives de reconstruction et de restructuration et le renforcement des services publics et privés offerts à leur population. L'État doit aider dans ces zones particulièrement dégradées les collectivités à reconstituer te tissu économique et social, en apportant les aides financières nécessaire, ainsi que la présence forte et agissante des services publics. C'est grâce à cette action concertée et pérenne que les activités économiques, et avec elles les emplois, reviendront dans ces sites, et que la confiance en l'avenir pourra être restaurée.
Développer les services aux personnes
Je l'ai déjà évoqué, mais il faut y revenir. Les emplois de proximité ont, bien évidemment, pour objectif de réduire le chômage. Mais ils ont aussi pour vocation de répondre à des besoins et, ce faisant, d'améliorer la qualité de la vie.
Ainsi, dans les zones urbaines, je souhaite favoriser la création d'emplois de gardiens d'immeubles, dont la présence contribuera à la convivialité, à la sécurité et à la qualité de vie des habitants.
Rassembler les moyens de l'État
Trop de décisions ou de bonnes idées se perdent dans l'opposition stérile de logiques contradictoires.
Afin que l'action de l'État pour tout ce qui touche au développement des territoires et aux ressources naturelles s'applique de manière efficace et homogène, je demanderai au Premier ministre de constituer un grand ministère de l'écologie et des territoires. Un ministère fort, disposant de l'ensemble des moyens de ce secteur et appuyé sur une volonté politique déterminée, pourra agir efficacement.
Ce ministère regroupera les compétences relatives à l'environnement, à l'aménagement du territoire, au logement, au transport et à l'énergie. Ainsi, les lois existantes (notamment les cinq grandes lois sur l'environnement votées entre 1988 et 1993) pourront voir leurs textes d'application rapidement publiés et la mise en œuvre des décisions pourra être accélérée, en particulier pour la fermeture des décharges sauvages.
IV. – Vouloir l'Europe pour la France et pour le monde
La France est un grand pays. Nous avons à en être légitimement fiers. Mais nous avons d'autant plus de responsabilités à l'égard de la communauté internationale et de nos partenaires privilégiés.
Le Président de la République a la responsabilité principale de la politique étrangère et de la défense. Celles-ci ne peuvent donc être absentes des réflexions et des propositions que tout candidat fait à ses concitoyens. Dans ce domaine comme dans les autres, les Français doivent être informés des problèmes et des grands choix qui s'offrent à eux.
Ce sera un enjeu du siècle qui vient de réussir à faire de la politique internationale un sujet à part entière du débat démocratique. Telle est mon ambition.
C'est pourquoi, à un moment où une certaine confusion semble régner dans les esprits, je veux m'attacher à proposer des choix pour l'avenir.
1. Réaffirmer les principes de notre politique étrangère
2. Mettre l'Europe au service des peuples
3. Repenser notre politique de défense
1. Réaffirmer les principes de notre politique étrangère
Je ne sépare pas l'action de la France dans le monde des valeurs dont la République est porteuse et qui doivent inspirer notre attitude vis-à-vis de l'extérieur comme elles inspirent l'ensemble de mon programme. C'est pourquoi ma politique étrangère sera guidée en priorité par quatre principes : la paix, la démocratie, le développement, la solidarité.
La paix doit être aujourd'hui l'objectif essentiel. Cet impératif ne demande malheureusement pas à être justifié. Les dernières années nous ont assez montré, dans l'ex-Yougoslavie comme au Rwanda, que la communauté internationale ne dispose pas des moyens suffisants pour prévenir ou régler les conflits lorsqu'ils sont déclarés.
C'est pourquoi je considère comme impératif aujourd'hui que soient créés, sous l'égide des Nations Unies, de vrais mécanismes d'arbitrage, de prévention des crises, de maintien ou de rétablissement de la paix, d'intervention humanitaire, dont le monde a besoin. Telle est la tâche la plus urgente. Je considère que, dans cette perspective, les organes centraux de l'ONU devront être élargis pour devenir plus représentatifs tout en étant plus efficaces. Membre permanent du conseil de sécurité, la France doit proposer, prendre l'initiative, montrer la voie.
Bien entendu, c'est d'abord en Europe que la construction de mécanismes de sécurité collective, adaptés à la nouvelle période dans laquelle nous sommes entrés depuis 1989 et l'écroulement du communisme, est la plus nécessaire et la plus urgente.
Au Proche-Orient, la France continuera à appuyer le processus de paix entre Israël, les Palestiniens et les pays arabes. Avec l'Union européenne, elle favorisera l'émergence d'une zone de prospérité et de co-développement dans la région.
Après la paix, notre deuxième principe doit être la démocratie Dans le monde te! qu'il est, c'est le bon modèle de référence. Qui ne voit en effet qu'en Russie, et plus largement dans les États héritiers de l'ex-Union soviétique. Le véritable enjeu, y compris du point de vue de la paix et de la stabilité, n'est pas seulement économique mais politique ? Le marché et la libre concurrence ne suffisent pas à assurer la démocratie.
N'oublions pas l'objectif essentiel, qui est l'établissement et la consolidation des sociétés démocratiques, respectueuses des droits de l'homme et des libertés. Il faut donc veiller à ce qu'il soit partout respecté. En Afrique sub-saharienne, comme plus près de nous, et particulièrement en Algérie où nous devrons nous efforcer d'aider à dégager une issue politique qui, là encore, suppose la démocratie.
Le développement doit être notre troisième principe. Personne ne peut croire en effet que le libre échangisme mondial et les préceptes du FMI suffiront à assurer la prospérité des peuples. Il y a des exclus dans le monde, et ces exclus se comptent par milliards.
Il faut donc reprendre, sur des bases nouvelles et, dirais-je, assainies, notre effort d'aide au développement. En direction de l'Afrique bien sûr, mais sans oublier qu'en Asie ou en Amérique latine, nombreux sont les peuples qui comptent sur nous. De ce point de vue, je veillerai à ce que le ministère de la coopération soit intégré dans le ministère des affaires étrangères.
Il faudra peser de tout notre poids pour éviter que l'Union européenne ne réduise sa contribution et baisse les bras devant l'ampleur des efforts à fournir. Les accords de Lomé, le Fonds européen de développement sont encore plus nécessaires aujourd'hui qu'ils ne l'étaient hier.
Enfin, notre quatrième principe doit être la solidarité. La France ne peut pas être indifférente aux conflits et aux drames qui concernent l'humanité tout entière.
Les problèmes d'environnement, la prolifération des armes nucléaires, la dissémination des matières fissiles, le trafic de drogue exigent aussi une concertation et une riposte d'ensemble. La France doit prendre toute sa part dans ces combats. Elle doit être à leur avant-garde.
La solidarité, c'est aussi déployer une action humanitaire partout où les droits de la personne humaine sont menacés. Ceci suppose de soutenir les organisations non gouvernementales et de mettre à leur disposition nos moyens publics.
La solidarité, c'est enfin une dimension particulière que je ne veux pas oublier, celle qui unit les pays qui partagent la même langue. Simplifier, renforcer, développer les instruments multilatéraux de la francophonie, augmenter les moyens – aujourd'hui très insuffisants de notre action culturelle extérieure, soutenir les deux millions de Français établis à l'étranger qui participent au rayonnement de la France sont autant de mesures que je m'engage à prendre.
Voilà les valeurs dont je souhaite qu'elles inspirent notre action sur la scène internationale.
2. Mettre l'Europe au service des peuples
Je suis profondément européen. Pour moi, la France doit rester au premier rang de la construction européenne.
Rassembler des nations qui ont de fortes traditions de souveraineté et qui ont, chacune à son époque, dominé le monde par les armes était une entreprise à priori difficile. À force de patience, de volonté et d'obstination, cette gageure est devenue réalité. Des peuples, différents, se sont retrouvés autour des valeurs de tolérance et de démocratie qu'ils partagent. C'est la construction européenne qui nous a assuré 40 années de paix, de stabilité et de croissance. Aujourd'hui, l'Europe est devenue le cadre naturel de notre action et nous offre la possibilité de conduire des politiques communes. Cette œuvre, qui doit beaucoup à l'action de François Mitterrand, doit être poursuivie sans faiblesse.
Pour autant, il faut bien reconnaître que l'Europe traverse aujourd'hui une crise d'identité. L'image de l'Europe s'est troublée aux yeux des Européens. Cette crise est liée aux difficultés économiques et sociales, au sentiment d'une insuffisance de démocratie, mais aussi à un manque de perspectives politiques.
Pour moi, si l'on veut aujourd'hui que l'idée européenne ne recule pas, il faut que l'Europe soit davantage celle des peuples. C'est dans cet esprit que je souhaite aborder tous les dossiers européens et notamment les prochaines négociations de 1996 et c'est pourquoi je fixe à l'engagement renouvelé de la France dans la construction de l'Europe quelques objectifs prioritaires.
Avancer dans la construction de l'Europe politique
Pour rendre l'Europe cohérente et efficace, il faut vigoureusement avancer dans la construction de l'Europe politique. Le traité d'union ouvre des perspectives mais tout reste à faire. C'est une entreprise difficile car sans cohésion extérieure forte, l'Europe ne pourra pas peser. Sans un respect de la diversité des nations qui la composent, l'Europe ne pourra progresser et se réduira à une zone de libre-échange. Ce que je ne veux pas.
Il va falloir définir le partage des souverainetés. Il importe donc de clarifier et de simplifier les mécanismes de décision, en visant d'abord l'efficacité européenne et un meilleur contrôle démocratique. Les peuples d'Europe doivent savoir précisément, dans tous les domaines, "qui fait quoi" et "qui contrôle qui", tandis que l'Union et les États doivent voir leurs domaines de compétence et leurs responsabilités définies de façon claire, stable et permanente.
En s'inspirant de ces principes, la France aura, avant 1996, à préciser sa position sur le rôle futur et la composition du conseil, de la Commission, sur les pouvoirs du Parlement européen et des parlements nationaux. Parce que dans une Europe élargie, la règle de l'unanimité équivaudrait à la paralysie, il nous faudra faire en sorte que, dans les secteurs où l'Union est compétente, la règle de la majorité la remplace.
Élargir l'Europe sans la diluer
L'élargissement à l'Est est souhaitable, mais il ne doit pas se traduire par la dilution dans une zone de libre échange qui ne correspond pas à l'ambition que nous avons pour l'Europe. Il doit être l'occasion de renforcer et nos politiques communes, comme la PAC, et nos institutions. Pour ce qui concerne la politique étrangère et de sécurité communes, à laquelle j'attache une importance toute particulière, je souhaite que l'on aille au-delà de la coordination prévue aujourd'hui. Nous devrons engager, sur des points limités mais essentiels, de véritables actions communes de politique étrangère servies par des instruments d'intervention militaires, mais aussi humanitaires et de coopération, adaptés.
Mais dans le même temps où elle s'élargira à l'Est, l'Europe devra penser au Sud. La France proposera donc une grande initiative en direction des pays méditerranéens, avec pour objectif de promouvoir la paix et la sécurité, mais aussi le co-développement et la démocratie. Simultanément, elle devra s'employer, comme je l'ai indiqué, à redonner toute leur vigueur aux accords de Lomé et à obtenir de ses partenaires qu'ils assument le financement commun des fonds d'aide multilatérale.
Aller vers la monnaie unique
Il faut aller vers la monnaie unique dès que possible, conformément au Traité de Maastricht, qui a été ratifié par le peuple français. Cette réalisation constituera pour nous le premier pas, nécessaire, vers une stabilisation générale des monnaies. Dans cet esprit, la France proposera à l'Union de prendre, au moment du passage à la monnaie unique, l'initiative d'une négociation mondiale visant à rétablir un nouveau système monétaire international stable et équilibré et à lutter contre les mouvements erratiques de capitaux. Les accidents financiers ou monétaires récents montrent l'urgence d'une telle action.
Mener une lutte commune pour l'emploi
Il faut aussi veiller à ce que l'Union européenne se consacre à la lutte commune pour l'emploi, pour la cohésion sociale et contre l'exclusion. Les objectifs de la politique économique en Europe ne sauraient se limiter aux critères de convergence de la monnaie unique. Pour donner un sens au mot d'Europe sociale, nous devrons harmoniser vers le haut les législations sociales des divers pays.
Cela suppose de mettre en œuvre les propositions indiquées dans le Livre Blanc, proposé par Jacques Delors, qui préconisent une croissance plus riche en emplois et porteuse d'un modèle de développement durable.
La France proposera donc que le Conseil européen et le Conseil des ministres exercent toutes leurs responsabilités, y compris vis-à-vis de la Banque centrale. Ainsi nous nous assurerons que la politique monétaire de l'Europe est bien au service de sa politique économique et sociale et non l'inverse.
Il est par ailleurs indispensable, comme je l'ai indiqué, de faire naître une politique commerciale européenne avec les moyens de se défendre contre les agressions extérieures.
La Conférence sociale européenne rassemblant les syndicats et les représentants du patronat devra poser les termes d'un nouveau Contrat social européen.
Agir ensemble pour la culture
Mais, l'Europe que nous devons construire n'est pas simplement un espace économique et social. L'Europe, c'est une histoire commune, une culture commune, une conception commune de la société Dans une compétition économique mondiale effrénée qui traite la culture – je devrais dire la maltraite – comme n'importe quel produit marchand, l'Europe doit résister solidairement et défendre aux yeux du monde ses valeurs et son humanisme. C'est pour moi un élément essentiel de la construction européenne sur lequel il ne saurait y avoir de compromis.
Affirmer l'Europe au plan international
Mon ambition pour l'Europe est qu'elle s'affirme davantage comme puissance mondiale. L'affirmation de l'Europe au plan international montrera que celle-ci n'est pas contradictoire, bien au contraire, avec la volonté de défendre fermement, dans tous les domaines, les intérêts de la France.
Ma conviction, c'est que le monde, dans l'état où il est aujourd'hui, a besoin d'une Europe forte.
3. Repenser notre politique de défense
La chute du communisme et le démantèlement du bloc de l'Est ont modifié profondément l'équilibre stratégique du monde. À une menace identifiée et localisée s'est substitué le développement de conflits régionaux multiples et dispersés.
La France doit adapter la structure, l'équipement et les moyens de son armée à la situation nouvelle. Elle doit veiller à posséder des armes et des équipements de qualité nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie qu'elle aura définie.
Maintenir la dissuasion nucléaire
La force de dissuasion nucléaire appuyée sur les sous-marins doit rester le pilier de notre défense, garante de notre indépendance. Le développement des satellites d'observation devra être poursuivi et y associant nos partenaires européens de manière à bâtir progressivement un système d'information et d'alarme totalement indépendant. Cette force de dissuasion doit protéger l'ensemble de l'espace où s'étendent les intérêts vitaux de la France.
Cette volonté n'est pas incompatible avec la prolongation du moratoire sur les essais nucléaires – qui suppose un programme de simulation-pour autant que les autres puissances maintiennent sur ce point leurs engagements. Dans le même esprit, nous participerons aux négociations portant sur la reconduction du traité de non-prolifération nucléaire, de cessation des essais et le désarmement par la réduction progressive et consensuelle des stocks d'armes conventionnelles et non conventionnelles, en vue de promouvoir un désarmement sûr et contrôlé.
Jeter les bases d'une défense européenne
Notre politique de défense doit prendre acte de notre engagement européen. L'Europe devra dans les années futures disposer de moyens militaires correspondant à l'affirmation de son identité politique. L'Eurocorps dans lequel se trouvent des Français, des Allemands, des Espagnols devrait servir de base à la constitution d'une armée européenne au service de la politique de sécurité commune que nous devons bâtir en liaison avec l'Union de l'Europe occidentale et l'organisation du Traité de l'Atlantique du Nord.
Une force d'intervention rapide européenne devra être mise en place grâce à la coordination de plus en plus étroite de la Force d'action rapide française et des forces équivalentes qui existent en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne. Dans ce cadre, l'Europe devra accroître rapidement sa capacité autonome d'aérotransport.
En cohérence avec cet effort, il faudra poursuivre l'émergence d'une industrie européenne de l'armement. Je souhaite que la France multiplie les coopérations européennes multilatérales sur les grands programmes, dont les satellites d'observation radar et infrarouge constituent un exemple prioritaire, et encourage l'intégration européenne des entreprises.
Notre politique de défense doit prendre acte de notre engagement européen. L'Europe devra dans les années futures disposer de moyens militaires correspondant à l'affirmation de son identité politique. L'Eurocorps dans lequel se trouvent des Français, des Allemands, des Espagnols devrait servir de base à la constitution d'une armée européenne au service de la politique de sécurité commune que nous devons bâtir en liaison avec l'Union de l'Europe occidentale et l'organisation du Traité de l'Atlantique du Nord.
Une force d'intervention rapide européenne devra être mise en place grâce à la coordination de plus en plus étroite de la force d'action rapide française et des forces équivalentes qui existent en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne. Dans ce cadre, l'Europe devra accroître rapidement sa capacité autonome d'aérotransport.
En cohérence avec cet effort, il faudra poursuivre l'émergence d'une industrie européenne de l'armement. Je souhaite que la France multiplie les coopérations européennes multilatérales sur les grands programmes, dont les satellites d'observation radar et infrarouge constituent un exemple prioritaire, et encourage l'intégration européenne des entreprises.
Enrichir le service national
Le service national fondé sur la conscription joue un rôle irremplaçable de brassage social et de trait d'union entre la nation et son armée. Toutefois, pour répondre aux conditions techniques, sociales et psychologiques actuelles, il doit prendre des formes multiples. Au service traditionnel qui subsistera, doit s'ajouter une nouvelle forme de service civil. D'une durée équivalente, ce service pourra se faire dans les services de proximité des collectivités locales, les associations à but social ou humanitaire, la coopération ou l'action humanitaire extérieure.
Je souhaite que la France dispose d'une armée moderne, adaptée aux temps nouveaux, garante de notre indépendance, prenant petit à petit sa place dans la construction européenne, une armée qui soit au service de la Paix. Je sais qu'elle en est capable.
V. – Faire vivre une nouvelle pratique du pouvoir
Liberté, égalité des chances et des droits pour tous – et notamment entre femmes et hommes –, impartialité de l'État, laïcité, sécurité, juste équilibre entre intérêt individuel et intérêt collectif, solidarité nationale entre les générations et les territoires : les Françaises et les Français doivent se persuader que les valeurs de la République ont gardé leur force mobilisatrice. Elles doivent continuer à guider notre action collective.
Pourtant, notre société souffre d'un déficit démocratique. Alors que le niveau culturel et d'éducation du pays s'est élevé, les Français ont le sentiment que trop de décisions se prennent sans eux, que le pouvoir est trop lointain.
Ils tendent à s'éloigner du débat public et de la vie collective. En même temps, ils attendent une nouvelle pratique du pouvoir et seraient sans doute prêts à s'engager si les conditions d'une responsabilité partagée étaient réunies.
C'est à ce désenchantement et à cette aspiration que je veux répondre. Non pas en fustigeant une prétendue disparition de l'esprit civique mais en proposant à tous ceux qui sont prêts à exercer une responsabilité et, en premier lieu, aux responsables de l'État un changement profond dans l'exercice du pouvoir.
L'ensemble du projet que je présente nécessite, pour être appliqué, une adhésion forte et confiante des citoyens et, pour cela, une nouvelle façon de gouverner.
C'est pourquoi, dans la fidélité aux principes de la République, mais dans un esprit de renouveau démocratique, je propose d'engager une action résolue autour de six objectifs :
1. Démocratiser nos institutions
2. Garantir la sécurité
3. Renforcer l'indépendance de la justice, au service des citoyens
4. Redonner confiance dans la vie publique
5. Réaliser l'égalité entre femmes et hommes
6. Développer la citoyenneté au quotidien
1. Démocratiser nos institutions
J'ai défini ma conception : celle d'un "Président-citoyen". Le Président de la République est, et demeure, un citoyen. Il doit être accessible. Il doit accepter le débat. Il doit être au sens fort du mot, responsable.
Le pouvoir éloigne, par nature. Son mode d'exercice, sous la Ve République, éloigne davantage encore.
Instituer le quinquennat
Pour moi, être un Président-citoyen, c'est être proche des préoccupations quotidiennes des Français, responsable des grandes orientations politiques du pays, respectueux des rôles du gouvernement et du Parlement, garant de l'impartialité de l'État, de la cohésion sociale, du respect de la liberté et de l'indépendance de la justice. C'est aussi rendre compte de son mandat devant le pays, dans un délai raisonnable. C'est dans cet esprit que je souhaite ramener le mandat présidentiel à 5 ans ce qui permettra d'éviter les périodes de cohabitation, facteur d'affaiblissement dans la conduite du pays. Je soumettrai cette décision à l'approbation des citoyens par référendum et l'appliquerai à moi-même.
Mais il faut aller plus loin. Un "Président-citoyen", c'est également un Président qui assure, partout et toujours, la progression de la démocratie.
Restaurer le rôle du gouvernement et celui du Parlement
Le Gouvernement doit devenir un lieu de délibération collective. Le conseil des ministres aujourd'hui ne remplit pas ce rôle. C'est sans doute affaire de volonté. C'est aussi fonction du nombre de ministres constituant le gouvernement. Je demanderai au Premier ministre de former un gouvernement resserré, apte à délibérer collégialement sur les grandes décisions et à être pleinement solidaire dans l'action. Le Premier ministre soumettra son programme de gouvernement au vote de confiance de l'Assemblée.
Je souhaite par ailleurs que ces ministres ne puissent plus détenir de responsabilité exécutive dans une collectivité locale. Il est des fonctions qui ne sont pas compatibles dans une démocratie.
Moins nombreux, plus présents, les ministres doivent enfin avoir davantage de responsabilité dans leur domaine de compétence. Je souhaite que la direction du budget soit placée auprès du Premier ministre et que les ministres disposent, une fois le budget voté, d'une plus grande responsabilité financière pour s'adapter aux réalités et pour mener une action plus efficace et plus rapide.
Quant au Parlement, il doit retrouver son rang et son rôle
Tout part d'une réforme: l'interdiction faite également aux députés de détenir une responsabilité exécutive dans une collectivité locale. Il y a là une raison matérielle : l'absentéisme parlementaire choque les Français et le cumul actuel des mandats le favorise. Il y a aussi et surtout une question de principe : ce cumul peut entraîner une confusion d'intérêts. Les mesures visant une stricte limitation du cumul des mandats feront également l'objet du référendum.
Tout, pourtant, ne saurait s'achever avec cette seule réforme. Le Parlement doit retrouver sa vocation et contrôler vraiment le gouvernement.
Notre Parlement doit s'ouvrir davantage sur de nouvelles missions, comme le suivi de l'application des lois ou l'évaluation des politiques publiques. Il doit reconnaître davantage de droits à l'opposition et la possibilité par exemple de mettre en place une commission d'enquête ou l'organisation d'un débat en séance publique. Le Parlement doit se doter d'outils modernes, lui permettant de disposer de ses propres analyses afin d'être à égalité dans le dialogue avec le gouvernement, avec, par exemple, la création d'un office parlementaire économique et budgétaire
Quant à l'autre grande fonction du Parlement – la fonction législative – je souhaite qu'elle ne puisse plus être interrompue à n'importe quel moment et que l'usage de l'article 49/3 soit limité. Je souhaite également que le Parlement retrouve sa place dans l'initiative des lois et une plus grande maîtrise de son ordre du jour. Je souhaite enfin que la discussion de la loi en séance publique se fasse sur le texte issu du débat en commission et non sur celui présenté par le gouvernement. Cela aurait l'avantage non seulement de rendre aux commissions leur rôle mais aussi de modifier un rapport de forces aujourd'hui par trop en faveur du gouvernement.
Ouvrir aux citoyens le droit de saisir le Conseil constitutionnel
Un "Président-citoyen", c'est enfin un président qui donne davantage de droits aux citoyens. La gauche avait tenté d'ouvrir la saisine au Conseil constitutionnel à tous les justiciables. La droite s'y est opposée en 1990 et de nouveau en 1993. Il faut faire aboutir cette réforme.
2. Garantir la sécurité
La sûreté constitue l'un des droits imprescriptibles définis par la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789. Si le mot est abstrait, rien n'est davantage concret que son contenu : le maintien de la tranquillité publique, la sécurité des personnes et des biens, le respect de l'État de droit. Pas de liberté réelle sans sécurité garantie. Pas d'État vraiment républicain, sans sécurité respectée, pour tous et partout.
J'ai proposé des priorités : la lutte pour l'emploi, le combat contre la drogue, la rénovation des quartiers, le plan pour la jeunesse. Toutes participent aussi de cette volonté de préserver la sécurité. Bien évidemment, la police a. elle aussi, un rôle éminent à jouer et mérite une attention particulière.
Développer une police de proximité
Mon action en matière de sécurité s'appuiera sur une triple démarche de prévention, de dissuasion et de répression. À cet effet, je veux développer une police de proximité, accessible, efficace, au contact direct et permanent de la population.
C'est pourquoi je propose que soient élaborés des contrats d'objectifs de sécurité. Au plus près des réalités : dans les quartiers, les villes ou les agglomérations. Avec la participation de tous les acteurs de terrain : élus, administrations, travailleurs sociaux, associations, médiateurs locaux, commerçants, artisans, entreprises. Avec des objectifs précis et un suivi régulier de leur réalisation par tous ceux qui ont été associés à leur élaboration.
C'est dans le même esprit que je propose que les effectifs consacrés à la sécurité quotidienne des Français soient accrus. Là encore, il faut être clair : cela ne suppose pas des policiers plus nombreux mais des policiers mieux utilisés et mieux équipés. La réduction – raisonnable – des forces affectées aux compagnies républicaines de sécurité, l'allègement des services protocolaires, le redéploiement des policiers de la direction des renseignements généraux apportent, chacun pour partie, des éléments de solution. Une efficacité accrue sera recherchée par une répartition plus cohérente des zones entre police nationale et gendarmerie.
Un nouvel effort est nécessaire pour poursuivre I a modernisation de la police. De ses moyens immobiliers et matériels. De ses capacités d'accueil et de communication. De sa formation contre les nouvelles formes de délinquance, qu'elles soient liées aux délits financiers ou au trafic de drogue.
La lutte contre les nouvelles formes de délinquance, notamment financière et commerciale, en particulier contre les grands trafiquants de drogue, sera amplifiée et ses moyens d'action renforcés. La lutte antiterroriste devra être conduite de manière résolue et effective. Les services de la DST seront renforcés par l'incorporation d'une partie des effectifs actuels des RG. Le gouvernement adoptera une attitude de fermeté face au terrorisme et une politique de coopération avec les pays démocratiques.
Renforcer la transparence
Les Français souhaitent une police efficace. Ils souhaitent également une police transparente, démocratique, citoyenne. C'est pourquoi je propose de supprimer la direction des renseignements généraux. C'est pourquoi aussi je propose que soit créé auprès du Premier ministre un Conseil supérieur de la sécurité intérieure, chargé de veiller à la transparence de l'action de la police et de la gendarmerie.
3. Renforcer l'indépendance de la justice, au service des citoyens
Quand la justice est en crise, quand son fonctionnement provoque des incompréhensions et suscite des interrogations – et tel est le cas aujourd'hui –, c'est la démocratie qui est atteinte.
En tant que justiciables, les Français ont le sentiment d'être désarmés par des procédures lourdes, lentes et incompréhensibles. La crédibilité de la justice en est affaiblie. En tant que citoyens, les Français doutent parfois de la capacité de la justice à traiter à la fois librement et sereinement des affaires qui mettent en cause des responsables politiques ou économiques. La légitimité de la justice est alors menacée.
Les citoyens veulent une justice impartiale et des magistrats responsables. Les professionnels du droit ont besoin de règles et de moyens pour adapter la justice aux exigences de la démocratie de notre temps.
Garantir l'indépendance des procédures
Un acte fort sur le plan symbolique et juste sur le plan des principes est aujourd'hui indispensable. I! est légitime que le pouvoir exécutif et le Parlement définissent les principes de la politique pénale. Il n'est pas normal que le pouvoir politique puisse peser – directement ou indirectement – sur des affaires en cours.
Aussi, le lien qui existe aujourd'hui entre le Garde des Sceaux et le parquet doit-il être coupé : les réquisitions du parquet doivent être libres pour tout ce qui concerne les cas d'espèce.
Pour garantir le déroulement serein et indépendant des procédures, le contrôle de la justice sur l'action et le fonctionnement de la police judiciaire sera renforcé. Les garanties en matière de protection de la vie privée et publique doivent être confortées : les écoutes administratives seront plus sévèrement réglementées.
Les compétences du Conseil supérieur de la magistrature doivent être renforcées, notamment pour ce qui concerne la carrière des magistrats du parquet.
Moderniser la justice
La modernisation de la justice doit constituer une priorité forte du prochain mandat présidentiel. Il faut définir des objectifs : rapidité dans les procédures, clarté dans le fonctionnement, ouverture dans le recrutement, répartition géographique plus équilibrée, égalité d'accès et donc renforcement de l'aide juridique. Il faut pour cela dégager des moyens : je propose de doubler le budget de la justice dans les cinq prochaines années. C'est un effort important. C'est un effort nécessaire.
4. Redonner confiance dans la vie publique
Les Français doutent de la vertu de ceux qui les dirigent. C'est la démocratie, là encore, qui s'en trouve affaiblie.
Le règne de l'argent dans les années 80, et pas seulement en France, la multiplication des centres de décisions publiques, la complexité des montages financiers ont rendu possibles certaines dérives, qui restent cependant très minoritaires. Ces facteurs ne peuvent en aucune façon excuser la corruption.
La justice doit pouvoir instruire librement et sanctionner avec sérénité.
Je suis en outre favorable à ce que les contrôles soient renforcés pour restaurer la confiance des citoyens dans la vie publique.
J'ai, de ma propre initiative, fait état de mon patrimoine. Je souhaite que tous les candidats, politiques, à de hautes charges publiques (ministres, présidents des exécutifs locaux) soient soumis à une telle obligation au moment où ils prennent leur fonction et au moment où ils I' abandonnent.
De même, le contrôle doit être renforcé s'agissant de la passation des marchés publics, des délégations de service public (en particulier dans le domaine de l'eau), des passages de la haute fonction publique vers le secteur marchand. Dans le même esprit, je souhaite que soient renforcés les moyens législatifs et financiers des juridictions financières.
Rénover l'État et le service public
Pour être plus respecté, l'État doit être mieux compris. Pour être mieux compris, l'État doit être réformé.
Ce n'est pas la qualité du travail des fonctionnaires qui est en cause. Elle est même largement et justement appréciée. C'est le fonctionnement global de l'administration qui est perçu comme trop lointain, trop bureaucratique, trop impénétrable. L'efficacité de la puissance publique est contestée alors même que son intervention est de plus en plus réclamée.
Les Français veulent un État impartial et lisible, un État capable de concevoir et d'agir efficacement, un État comprenant leurs demandes et leurs attentes.
Il est nécessaire de clarifier le rôle de l'État et de restaurer l'idée même de service public.
Le service public a une mission essentielle pour combattre les inégalités sociales et territoriales (en particulier par sa présence dans les zones rurales), pour maintenir la cohésion nationale. Le service public doit être défendu et rénové. Ses principes fondateurs – impartialité, neutralité, laïcité, accès simplifié, traitement égal – doivent être respectés. Je compte poursuivre et amplifier la politique de modernisation de l'État engagée en 1988 et simplifier la réglementation pour la rendre accessible à tous les citoyens.
5. Réaliser l'égalité entre femmes et hommes
L'égalité entre les femmes et les hommes est inscrite dans la Constitution et dans la Déclaration des Droits de l'homme. Aujourd'hui, en France, elle est loin d'être une réalité.
Ces vingt dernières années ont été marquées par l'engagement déterminé des femmes dans le monde du travail. Dans le même temps, les femmes ont acquis la maîtrise de leur corps, liberté essentielle, qui reste menacée. La diversification de la vie familiale et l'augmentation du nombre des familles monoparentales constituent d'autres évolutions importantes.
Mais notre société n'a pas intégré dans son organisation, ses structures, ses comportements, les conséquences de ces profondes mutations. Ainsi, les femmes demeurent très minoritaires dans les lieux de décision, qu'ils soient politiques ou économiques.
Bon nombre des problèmes rencontrés par les femmes trouveront une solution dans un mouvement d'ensemble de la société, comme je le propose, vers l'emploi, vers la diminution du temps de travail, vers l'amélioration de la qualité de la vie. Mais force est de constater que des mesures spécifiques pour les femmes sont encore nécessaires et qu'un respect et une amélioration des lois existantes s'imposent.
À la vision régressive, moralisatrice et ségrégative qui resurgit avec les projets de la droite, je veux opposer un projet de société en mouvement assurant réellement l'égalité, le libre choix des personnes, des progrès collectifs dans l'organisation du travail, dans l'amélioration de la vie quotidienne et dans la cité.
Il est urgent d'agir dans trois directions à la fois.
Réaliser l'égalité professionnelle
Malgré le vote de la loi Roudy, les écarts de salaires, à qualification égale, continuent à pénaliser les femmes.
J'envisage plusieurs mesures pour améliorer cette situation: des contrats d'objectifs volontaristes seront établis dans l'administration et les entreprises publiques pour accroître le nombre des femmes aux postes d'encadrement et assurer l'égalité salariale. Dans le secteur privé, je suis favorable à ce que la politique contractuelle entre les partenaires sociaux s'attache à formaliser des engagements de même nature.
La création d'emplois dans des services de proximité pourra doublement améliorer la vie des femmes. En leur offrant de nouvelles facilités, par exemple pour la garde des enfants. En leur ouvrant des possibilités d'emploi, majoritairement occupés par des femmes et dont il conviendra de garantir le statut et la pérennité.
Garantir la dignité des femmes
Le droit à la maîtrise de leur corps par la contraception et l'interruption volontaire de grossesse reste une liberté et un droit essentiels pour les femmes. Il faut bien sûr assurer les moyens d'appliquer pleinement et partout la loi Veil. Il faut aller plus loin en développant l'information sur la contraception et IVG, rendre autonomes les centres IVG et reconnaître un statut valorisant aux personnels y travaillant, et appliquer strictement la loi Neiertz qui condamne les atteintes aux services publics hospitaliers par des commandos anti-IVG.
Les violences commises à l'encontre des femmes doivent être prévenues et combattues : il faudra renforcer les structures d'accueil et d'écoute, les moyens d'information et de sensibilisation ainsi que la lutte contre I a violence sexiste.
Cette action en faveur de la dignité des femmes doit prendre une dimension internationale. Au nom de la laïcité, la France ainsi que l'Europe doivent manifester leur solidarité au-delà des frontières à l'égard de toutes les femmes qui sont victimes ou persécutées simplement parce qu'elles entendent être des femmes libres.
Assurer la présence des femmes dans la vie publique
La représentation juste des femmes et des hommes dans les instances de débat et de décision est nécessaire à la démocratie. L'application effective de ce principe, auquel les Françaises et les Français sont attachés, se heurte à beaucoup d'obstacles. Ainsi, il n'y a que 5 % de femmes au Parlement.
Pour les femmes et pour la démocratie, je veux, résolument faire avancer cette grande idée de la parité.
Je proposerai la tenue d'États généraux des femmes pour créer l'élan nécessaire vers une nouvelle étape.
6. Développer la citoyenneté au quotidien
Les citoyens doivent être les acteurs de la vie démocratique. La citoyenneté ne s'exprime pas seulement le jour des élections. Elle doit moins encore se voir réserver une journée par an comme certains le proposent sans rire. Elle est permanente. Elle requiert une écoute. Elle suppose des réponses.
Combien de décisions se sont-elles révélées mauvaises, inapplicables ou incompréhensibles, faute d'avoir été précédées d'un débat public ? Combien de préoccupations restent-elles insatisfaites simplement faute de dialogue ?
Favoriser le développement de la vie associative
C'est donc à la fois par souci démocratique et par volonté d'efficacité que je souhaite favoriser le développement de la vie associative.
La situation financière des associations doit être stabilisée. Les associations s'épuisent à attendre le versement des subventions promises. Il faut à la fois davantage de rigueur et de souplesse dans les relations entre les associations et les pouvoirs publics.
Le rôle des associations doit également être mieux reconnu. La loi doit leur donner la place qui leur revient, notamment en ce qui concerne les enquêtes publiques sur les grands aménagements. Il ne me paraît pas admissible qu'un grand équipement, une autoroute, un TGV, soit imposé d'en haut par une démarche technocratique. Il ne s'agit pas de permettre aux intérêts particuliers ou aux égoïsmes de s'opposer à un projet d'intérêt général. Il faut surmonter les contradictions par un véritable débat qui doit évidemment avoir lieu en amont de la décision.
Développer la citoyenneté dans l'entreprise
La citoyenneté au quotidien doit aussi s'exprimer dans l'entreprise.
Je me félicite que le concept d'entreprise citoyenne fasse aujourd'hui son chemin. Cette évolution se fera d'autant mieux si les travailleurs peuvent normalement s'exprimer aux divers niveaux de l'entreprise. Les socialistes ont beaucoup fait dans ce domaine, notamment avec les lois Auroux.
Je souhaite aujourd'hui que nous allions vers des structures de représentation spécifiques aux PME dans lesquelles réside une partie importante de l'emploi salarié. Il faut aussi renforcer et étendre le rôle des comités de groupe – et cela dans les grandes entreprises notamment au niveau européen. Les organisations syndicales trouveront dans cette disposition les moyens de retrouver un grand nombre d'adhérents dans des secteurs dynamiques et implantés dans un nombre plus grand d'entreprises. Les dispositions restrictives de la loi quinquennale sur l'emploi seront abrogées. Car il ne peut y avoir de citoyenneté dans l'entreprise sans revitalisation des organisations qui concourent au dialogue social.
Rétablir la tradition républicaine de la citoyenneté
La citoyenneté concerne naturellement ceux que la France – qui ne peut tolérer l'immigration clandestine – a souhaité accueillir. À cet égard, conformément à la tradition de notre République, et dans un esprit d'intégration, je proposerai de revenir au principe du droit du sol : tout enfant né sur le territoire Français est citoyen français.
Avec Lionel Jospin c'est clair
Présidentielle 95
1995-2000
Propositions pour la France
Lionel Jospin
Fiches-argumentaires
Fiche n° 1
Place l'homme au cœur de l'économie
Abaisser les charges sur les bas salaires
Pour favoriser l'emploi sans ajouter aux 135 milliards de francs de cadeaux faits aux entreprises depuis 2 ans sans effet sur le chômage, il faut inciter à l'embauche des salariés de faible qualification, qui sont les premières victimes du chômage. En effet, les charges sociales pèsent proportionnellement plus lourdement sur les plus bas salaires et pénalisent donc l'embauche.
Ce que propose Lionel Jospin :
Abaisser les charges sociales sur les bas salaires en instituant une franchise de 5 000 francs sur l'assiette de la cotisation employeur d'assurance-maladie compensée notamment par un réaménagement des cotisations patronales sur les revenus supérieurs. C'est donc un effort de solidarité sans "cadeaux" aux entreprises.
Ce que propose la Droite :
Balladur : Réduire de 4 000 francs par an les cotisations patronales d'assurance maladie pour tous les salaires. Mesure aveugle, coûteuse, sans contrepartie.
Chirac : Exonération totale des charges sociales pour les embauches de chômeurs de longue durée. Nouveau cadeau aux entreprises, qui produira un effet d'aubaine (c'est-à-dire qu'elles n'embaucheront pas plus, mais à moindre coût).
Fiche n° 2
Placer l'homme au cœur de l'économie
Réduire le temps de travail
Il faut reprendre le mouvement de baisse de la durée du travail qui s'est presque arrêté chez nous depuis plus de 10 ans, à la différence de ce qui s'est passé chez nos voisins. Le mouvement spontané reste trop lent. Nous travaillerons sans doute autour de 30 heures au cours du XXIe siècle. Il faut franchir une première étape dès maintenant, pour créer des emplois et améliorer la vie de tous les salariés.
Ce que propose Lionel Jospin :
Abaisser la durée légale du travail à 37 heures hebdomadaires en 1997, dans le cadre d'accords à négocier par les partenaires sociaux dès maintenant pour trouver, au cas par cas, au plus près des acteurs, les modalités concrètes les plus justes et les plus efficaces pour accroître l'emploi durable, sans diminuer les salaires.
Favoriser par des aides financières et par une réglementation plus incitative (abrogation de la loi quinquennale pour l'emploi) l'abaissement du temps de travail. L'État-employeur prendra lui-même des responsabilités et montrera la voie.
Développer des formes mutualisées de capital-temps permettant plus de progressivité dans l'entrée et la sortie de la vie active, plus de souplesse pour la formation, la culture, la famille, les loisirs, le sport, la vie associative et citoyenne. Ces fonds seront alimentés par des contributions des entreprises et des salariés volontaires et incités financièrement par l'État.
Donner à chacun plus de liberté pour l'organisation de son temps tout au long de sa vie.
Ce que propose la Droite :
Balladur : Développer le temps partiel et l'aménagement du temps de travail sans aucun dispositif financier. Ouvrir le droit à l'allocation parentale d'éducation dès le premier enfant. En d'autres termes, inciter les femmes à moins travailler et à rester au foyer.
Chirac : "Mieux aménager le temps". On appréciera le creux de la proposition.
Fiche n° 3
Placer l'homme au cœur de l'économie
Lancer de grands programmes pour l'emploi
Créer des emplois dépend en premier lieu des entreprises mais l'État n'est pas pour autant impuissant. Il doit retrouver tout son rôle et mettre toutes ses capacités au service de l'emploi. L'État peut créer ou contribuer à créer de vrais emplois en répondant aux besoins de la population.
Ce que propose Lionel Jospin :
Lancer trois grande programmes pour l'emploi et la qualité de la vie :
Le premier concerne la reconstruction des banlieues et le développement du logement social.
Le deuxième concerne le développement des services aux personnes.
Le troisième concerne la préservation du paysage et du patrimoine.
Mobiliser pour cela des ressources budgétaires importantes (35 milliards de francs) en partenariat avec tous les acteurs concernés et notamment les collectivités locales, les organismes d'HLM, les mutuelle, les comités d'entreprises qui amplifieront cet effort. Il sera nécessaire de réorienter, en étroit accord avec les partenaires sociaux, une partie des fonds destinés à l'indemnisation du chômage.
Ce que propose la Droite :
La notion de grands travaux pour l'emploi semble, par nature, étrangère aux conceptions économiques des candidats conservateurs.
Fiche n° 4
Placer l'homme au cœur de l'économie
Ouvrir la négociation salariale
Le temps de la rigueur salariale doit cesser. Depuis dix ans, la part de la richesse nationale affectée aux salaires a baissé en France, plus qu'ailleurs, pour atteindre un niveau inférieur à celui de la plupart des pays développés. Résultat : la consommation stagne et le chômage ne diminue pas.
Ce que propose Lionel Jospin :
Redonner au travail une plus juste part dans la répartition de la valeur ajoutée c'est un impératif de justice sociale, c'est un impératif de politique économique :
La hausse des salaires constitue le soutien à la consommation indispensable à une reprise plus soutenue de la croissance en France.
Ce dont les entreprises manquent actuellement, c'est moins de financement que de clients et de consommateurs. Leur taux d'autofinancement atteint d'ailleurs 130 %.
L'excédent actuel de la balance commerciale atteste de notre compétitivité retrouvée et donne des marges de manœuvre.
C'est aussi un impératif pour favoriser le dialogue social : la récente rencontre entre les partenaires sociaux et l'accord qui en est résulté pour engager un dialogue nourri sur cette question montre que l'heure de la négociation salariale est venue.
Ce qui propose la Droite :
Chirac a un discours de circonstance et d'apparence sociale. Il est favorable à la hausse des salaires, mais pas à une hausse générale des salaires. C'est le vieux discours de la droite, le gouvernement n'impulse pas, et tout est fonction de la situation de l'entreprise.
Balladur lui, ne dit rien sur le sujet. Mais c'est un silence éloquent. Sa vision de la rigueur n'a plus de justification économique. Elle n'est qu'un moyen supplémentaire pour accroître encore les profits.
Fiche n° 5
Placer l'homme au cœur de l'économie
Promouvoir la sécurité sociale et protéger les plus fragiles
Certains prennent aujourd'hui prétexte du déficit des comptes sociaux pour penser que l'intervention publique est désuète et que l'initiative privée serait mieux à même d'assurer ceux qui en ont les moyens contre les risques de la maladie, du chômage et de la vieillesse. Le modèle européen qui allie l'efficacité de l'économie et la qualité de la protection sociale pour tous doit être fermement défendu.
Ce que propose Lionel Jospin :
Garantir la santé pour tous en défendant l'hôpital public, en réorganisant le système de soins autour des médecins généralistes, en améliorant les conditions de remboursement grâce à la maîtrise des gaspillages.
Garantir les retraites en défendant le système de répartition et en permettant aux retraités de bénéficier des fruits de la croissance par une meilleure revalorisation de leurs pensions, notamment des pensions de réversion.
Mettre en place un dispositif complet d'aide aux personnes âgées dépendantes qui comprendra une allocation de dépendance accordée en fonction des ressources, la construction d'hébergements appropriés pour les personnes fortement dépendantes, la diversification des lieux de vie, l'accentuation des actions de prévention et le développement de la gérontologie.
Accroître les prestations familiales pour les familles les moins aisées grâce à une politique responsable et ambitieuse d'aide à la famille et à une véritable politique de l'enfance ; c'est aider dès le premier enfant quand la faiblesse des revenus le justifie ; c'est développer les structures d'accueil de la petite enfance.
Favoriser l'intégration des personnes handicapées, citoyens à part entière, en milieu ordinaire, notamment en améliorant leurs ressources, tout en développant les structures spécialisées qui font actuellement défaut.
Garantir les ressources de la protection sociale en finançant les allégements de charges sur les bas salaires et en élargissant la CSG à tous les revenus du capital.
Ce que propose la Droite :
Chirac propose :
De laisser filer les dépenses de santé et prépare ainsi la remise en cause de la protection sociale et l'arrivée des assurances privées.
De créer des fonds de pension par capitalisation pour les retraités sans garantir l'avenir des régimes de répartition.
D'instaurer une allocation de libre choix dès le premier enfant qui consiste en réalité à renvoyer les femmes à la maison en finançant cette allocation par la remise en cause de certaines prestations dont bénéficient actuellement les classes moyennes et populaires.
Balladur, pour sa part, attaque l'hôpital public et réduit les ressources de la protection sociale, préparant la remise en cause de la santé pour tous et de la protection sociale.
Ils ne disent rien sur les handicapés, rien sur la garantie des ressources de la protection sociale, rien sur la revalorisation des retraites.
Fiche n° 6
Placer l'homme au cœur de l'économie
Garantir le droit à la santé pour tous
La politique de droite a consisté depuis deux ans à baisser les conditions de remboursements : + 20 % pour le ticket modérateur, + 10 % pour le forfait hospitalier, sans toucher aux rentes de situation et aux gaspillages dans le domaine de la santé.
Refuser l'assurance-maladie à deux vitesses et défendre fermement le modèle européen de protection sociale, suppose de rompre avec cette politique et de faire porter l'effort sur une meilleure organisation du système de soins.
Il faut garantir l'accès de tous aux soins. L'hôpital public en est le meilleur garant, le médecin généraliste le premier agent, et l'amélioration des remboursements une nécessité.
Ce que propose Lionel Jospin :
Défendre l'hôpital public contre ceux qui le mettent en cause.
Réorganiser en profondeur le système de santé autour du médecin généraliste, qui doit être remis au centre du dispositif, notamment en assurant l'accès au spécialiste, et dont la fonction doit être revalorisée.
Définir annuellement, avec les partenaires sociaux, les grandes masses de recettes et de dépenses pour préserver l'équilibre et donc la pérennité de l'assurance-maladie. Dans ce cadre, arrêter avec les professions de santé les mesures de rationalisation indispensables.
Conduire une véritable politique de santé publique par l'éducation, la prévention, l'évaluation et la recherche médicale, dirigée en particulier contre les grandes maladies.
Améliorer les conditions de remboursement et faciliter l'accès des plus démunis aux soins.
Ce que propose la Droite :
Ses propositions ne sont que la poursuite de la politique actuelle.
Chirac veut supprimer le budget global hospitalier et laisser filer les dépenses. À terme, c'est la mort de la sécurité sociale.
Balladur entend favoriser les intérêts catégoriels des professions de santé et laisser la facture aux assurés.
Fiche n° 7
Placer l'homme au cœur de l'économie
Lutter contre les agressions commerciales
La France ne doit pas se fermer au commerce extérieur. En particulier, elle ne peut refuser d'importer des produits en provenance de pays en développement pour lesquels les exportations sont souvent vitales.
Encore faut-il que le commerce international soit l'un des moyens permettant aux travailleurs de ces pays de voir leur situation s'améliorer. Encore faut-il que le dumping social ou écologique ne devienne pas la règle de base du commerce international.
Il faut fixer des règles et se donner les moyens de les faire respecter ; ce ne peut être fait efficacement qu'au niveau européen.
Ce que Lionel Jospin propose :
Taxer les produits importés en provenance de pays qui ne respectent pas un code social minimal. Une taxe spécifique sera appliquée aux importations des produits en provenance de pays qui ne respectent pas les règles de l'organisation mondiale du commerce et du bureau international du travail. Son produit sera utilisé pour financer des projets sanitaires, éducatifs et sociaux dans les pays en voie de développement.
Mettre en place au niveau européen un instrument – à l'instar du dispositif des États-Unis – permettant de prendre des sanctions unilatérales à l'égard des pays (États-Unis, Extrême- Orient) qui léseraient les intérêts commerciaux des pays de l'Union européenne.
Ce que propose la Droite :
Une question oubliée par la Droite !
Balladur : rien.
Chirac : rien.
Fiche n° 8
Placer l'homme au cœur de l'économie
Réformer la fiscalité
Le financement de la sécurité sociale repose aujourd'hui essentiellement sur les salaires, alors que certaines prestations – les allocations familiales, l'assurance maladie – s'adressent à tous les Français. Il en résulte des charges sociales très lourdes, qui pénalisent l'emploi, en particulier pour les bas salaires.
La fiscalité sur les placements financiers, à l'inverse, a été conçue à l'époque où l'inflation laminait les taux d'intérêts réels. Elle comporte des exonérations et des privilèges qui, aujourd'hui, ne sont plus justifiés.
Actuellement, compte tenu des abattements et des différentes exonérations, le taux d'imposition moyen des revenus du capital est de 7,4 %, alors que les salaires supportent en moyenne un prélèvement de 37 % (impôts sur le revenu, CSG et cotisations famille et maladie).
Un travailleur qui touche par exemple un salaire brut de 7 000 francs par mois, paie déjà 25 % de cotisations famille et maladie sur son salaire. Pourquoi les titulaires de revenus financiers ne devraient-ils pas contribuer au financement de ces prestations?
Il faut savoir que, compte tenu des différentes exonérations, un couple fortuné peut détenir 3 millions de francs d'obligations et d'actions et percevoir, sans travailler, un revenu supérieur à 20 000 francs par mois, sans avoir à acquitter le moindre impôt.
Ce que propose Lionel Jospin :
Une réforme fiscale dont les principes sont clairs : plus de justice, plus d'efficacité. C'est-à-dire :
Alléger nettement les charges sociales sur les bas salaires par une franchise de 5 000 francs sur l'assiette de la cotisation employeur d'assurance-maladie compensée, notamment, par un réaménagement des cotisations patronales sur les revenus supérieurs.
Mieux utiliser la contribution sociale généralisée, (plus juste que la TVA et que les prélèvements sur les seuls revenus du travail) en l'étendant à l'ensemble des revenus du capital, en dehors de l'épargne populaire.
Mettre plus de clarté et de justice dans l'impôt sur le revenu, en remettant à plat les exonérations, abattements et privilèges divers quand ils ne sont pas justifiés par des objectifs économiques ou sociaux.
Rééquilibrer la fiscalité du travail et celle du capital en restaurant un taux de prélèvement libératoire unique à 17 % sur les revenus des placements financiers.
Réduire les abattements multiples qui amènent les sociétés à payer moins d'impôts que leurs homologues des grands pays de l'Union européenne.
Simplifier, clarifier, rendre plus justes les impôts locaux et assurer une meilleure répartition des ressources entre collectivités prospères et collectivités en difficultés.
Revoir les conditions de transmission des PME pour permettre d'en assurer la pérennité.
Ce que propose la Droite :
Réduire les impôts, mais sans nous expliquer comment ils financeront les dépenses publiques, assureront la pérennité de la protection sociale et diminueront le déficit budgétaire.
Supprimer les tranches supérieures du barème de l'impôt sur le revenu et, sous couvert de simplifications, alourdir l'impôt sur les classes moyennes salariées.
Diminuer encore la fiscalité de l'épargne alors qu'il faut rétablir plus de justice et revenir sur des privilèges injustifiés.
Fiche n° 9
Préparer avec les jeunes l'entrée dans le XXIe siècle
Combattre le trafic de drogue
La drogue est un fléau qui frappe d'abord les jeunes et risque de détruire leur vie. C'est un devoir national que d'apporter aux toxicomanes qui veulent s'en sortir, l'aide et le soutien nécessaires. Il faut mettre en place une politique complète de prévention, d'éducation et de soins. Il faut déclarer résolument la guerre à la drogue, c'est-à-dire, combattre en priorité les gros trafiquants qui bâtissent des empires financiers sur ce commerce.
Ce que propose Lionel Jospin :
Amplifier l'effort de prévention et de soin par le renforcement des structures d'accueil, d'hébergement ou de postcure et des programmes d'accompagnement et de substitution (multiplication des centres de méthadone) ; par une action spécifique en direction des jeunes de 10 à 14 ans ; par une révision de la loi de 1970 en considérant le toxicomane d'abord comme une personne qui a besoin d'aide et de soutien.
Réprimer durement le trafic de la drogue et lutter contre la constitution d'une mafia de la drogue par une action plus vigoureuse, notamment au plan européen, contre les trafiquants.
Ce que propose la Droite :
Chirac : Adopter notre droit aux formes nouvelles de la délinquance contre le trafic de drogue : ambiguïté et renoncement.
Balladur : Quelques paroles lénifiantes et paternalistes : "Il est évident que des mesures de solidarité permettant aux jeunes en difficultés un plus grand accès à la culture et au sport, devront être encouragées"...
Fiche n° 10
Préparer avec les jeunes l'entrée dans le XXIe siècle
Lutter contre le Sida
La France est le pays d'Europe le plus touché. Le développement du Sida révèle diverses insuffisances graves de notre société : prévention inefficace de la toxicomanie, méconnaissance des risques de transmission par la voie sexuelle, mauvaise prise en charge des problèmes de santé de ceux qui sont en marge de la société, place insuffisante faite aux professionnels de la santé intervenant dans la prévention... La lutte contre le Sida, c'est la priorité de santé publique pour les jeunes.
Ce que propose Lionel Jospin :
Mener le combat médical, économique, politique en liaison avec les associations.
Développer et diversifier l'action préventive, accroître ses moyens.
Améliorer la formation du personnel hospitalier.
Encourager le dépistage volontaire.
Accroître l'effort de recherche nationale, en impliquant notamment davantage l'industrie pharmaceutique.
Multiplier les programmes d'échange de seringues.
Mettre à disposition le préservatif à 1 franc, pour tous et partout, notamment dans les établissements scolaires.
Ce que la Droite propose :
Balladur : rien. Les jeunes, on sait ce qu'il en pense et ce qu'il leur propose (CIP, IUT, contrôles d'identité).
Chirac : rien. Mais se rappeler sa volonté, entre 1986-1988, de fermer l'Université aux jeunes par la sélection (Loi Devaquet et ses conséquences tragiques).
Fiche n° 11
Préparer avec les jeunes l'entrée dans le XXIe siècle
Redonner la priorité à l'école
L'éducation doit retrouver la priorité qui était la sienne entre 1988 et 1993. Les Français sont attachés à leur école qui met l'éducation à la portée de tous sans distinction de sexe, de race ou de religion. Il faudra conforter l'école dans sa conception laïque et républicaine et la faire évoluer, dans l'unité maintenue du service public.
Ce que propose Lionel Jospin :
Adapter l'école aux réalités nouvelles en se recentrant sur les enseignements de base, les mécanismes intellectuels fondamentaux pour donner les références et les repères indispensables.
Faire de l'école le lieu et l'instrument privilégié de l'égalité des chances permanente, pour reconnaître les talents et les acquis tout au long de la vie.
Rapprocher enseignements professionnels et de culture générale pour faciliter l'entrée dans la vie professionnelle et éviter la hiérarchie des savoirs et compétences.
Créer des solidarités sociales autour de l'école, pour briser les inégalités sociales, en développant les aides aux études et les moyens de soutien et d'accompagnement, en renforçant les moyens dans les zones défavorisées.
Donner aux établissements une grande autonomie de gestion et une responsabilité plus grande dans la mise en œuvre de l'enseignement pour donner plus de souplesse et concilier enseignement de masse et excellence.
Ce que propose la Droite :
Après avoir cassé la priorité donnée à l'éducation à partir de 1988 par Lionel Jospin, et après avoir voulu porter atteinte à l'École républicaine en janvier 1994, Balladur et Chirac veulent développer prioritairement l'apprentissage et revaloriser les filières professionnelles.
Chirac a évoqué un référendum sur l'école (pour démanteler sous couvert de "réformes" ?) mais ne tient manifestement pas trop à en parler.
Fiche n° 12
Préparer avec les jeunes l'entrée dans le XXIe siècle
Construire l'université du XXIe siècle
L'Université crée, organise, diffuse le savoir. Elle forme les enseignants et les cadres du pays. Dans la bataille de l'intelligence, qui se livre au plan mondial, son rôle est essentiel. Il faut reprendre l'effort pour l'Université que la droite, qui n'a pas compris son importance, a brutalement cassé.
Ce que propose Lionel Jospin :
Reprendre et compléter le plan social étudiant : il sera actualisé après concertation avec les organisations étudiantes.
Rétablir les commissions sociales étudiantes des Universités pour gérer les aides.
Reprendre les projets d'Université 2000 et combler le retard pris par le gouvernement de droite.
Relancer les contrats État-Université-Région.
Reprendre l'effort budgétaire pour l'Université et la politique contractuelle entre l'État et les Universités, qui garantissent l'évolution de leurs moyens.
Ce que propose la Droite :
Développer les filières technologiques (Balladur) et créer un "statut" de l'étudiant (Chirac), c'est-à-dire le contraire de ce qui a été fait depuis deux ans.
Fiche n° 13
Préparer avec les jeunes l'entrée dans le XXIe siècle
Relancer l'effort de recherche
L'avenir de notre industrie et la compétitivité de notre économie dépendent en grande partie de la qualité, du développement et du rayonnement de notre recherche. L'impulsion que nous avions donnée a été brisée par le gouvernement actuel, comme cela avait déjà était le cas en 1986.
Dans la bataille de l'intelligence, l'innovation scientifique et son corollaire technologique sont des leviers décisifs.
Ce que propose Lionel Jospin :
Rétablir le financement du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Recréer une direction de la recherche universitaire.
Créer un centre national de la recherche technologique et industrielle organisé sur la base de laboratoires mixtes État-industrie.
Relancer une véritable politique de coopération européenne : par l'élaboration de vastes programmes de recherche, par une politique de grands équipements européens et en aidant à l'élaboration et à la diffusion du savoir au niveau européen par l'édition, les forums, les échanges.
Favoriser la création d'une structure européenne de capital-risque permettant de financer les projets issus des PME et de petits laboratoires des pays d'Europe.
Ce que propose la Droite :
Balladur et Chirac ne disent rien mais leurs actes parlent pour eux.
Fiche n° 14
Préparer avec les jeunes l'entrée dans le XXIe siècle
Réaffirmer l'ambition de la culture pour tous
Le développement culturel d'un pays ne se décrète pas. Mais l'État doit s'efforcer de créer les conditions d'épanouissement de la création et d'accès de tous à la culture sous toutes ses formes. La gauche a un bilan positif depuis 1981. Il faut partir de cet acquis pour aider davantage toutes les formes d'art et de création dans un esprit démocratique et décentralisé.
Ce que propose Lionel Jospin :
Porter le budget du ministère de la culture au moins à 1 % du budget de l'État.
Renforcer les aides à la création, à l'éclosion des jeunes talents.
Développer l'enseignement artistique.
Ce que propose la Droite :
Balladur : Rien.
Chirac : Tout... Donner toute sa place à l'enseignement artistique. Défendre le livre. Une bibliothèque dans chaque école. Reconnaître le droit des auteurs. Encourager l'édition. Mettre les nouvelles technologies au service de la démocratie culturelle. 1 % du budget de l'État consacré à la culture.
Trop beau pour être vrai !
Fiche n° 15
Préparer avec les jeunes l'entrée dans le XXIe siècle
Enrichir le service national
La conscription est un élément fondamental de notre République. Il favorise la cohésion sociale et lie l'armée à la Nation.
Le service national républicain doit s'enrichir et se diversifier.
Ce que propose Lionel Jospin :
Revenir au principe d'égalité de tous les jeunes Français devant le service national.
Créer un service civil, de durée équivalente à celle du service traditionnel, mais pouvant se faire dans les services de proximité des collectivités locales, les associations à but social ou humanitaire, la coopération ou l'action humanitaire extérieure.
Ce que propose la Droite :
Chirac a dit sa préférence pour l'armée de métier, puis il a démenti. Qui peut dire aujourd'hui quelles sont ses propositions entre une armée de métier et une conscription maintenue ?
Balladur propose d'étendre le service civil, en l'étendant aux jeunes filles. À chacun de de juger.
Fiche n° 16
Préparer avec les jeunes l'entrée dans le XXIe siècle
Promouvoir le sport pour tous
Facteur d'équilibre et d'épanouissement personnels, Je sport revêt une importante fonction d'intégration sociale, Il représente aussi un vrai gisement d'emplois stables.
Ce que propose Lionel Jospin :
Donner, à tout enfant 6 heures d'éducation physique par semaine.
Valoriser et favoriser le bénévolat sportif.
Introduire les règles de transparence dans le sport professionnel et de haut niveau.
Développer l'éthique sportive et combattre la violence dans le sport.
Augmenter sérieusement les crédits publics consacrés au sport.
Développer le partenariat avec les collectivités locales et les organisations sportives.
Ce que propose la Droite : Rien.
Fiche n° 17
Développer les territoires et la qualité de la vie par l'écologie
Réaliser le droit au logement
Il est indigne d'un pays moderne et démocratique comme le nôtre de laisser certains de ses citoyens sans logement ou habiter dans des logements exigus et sans confort. Le droit au logement doit devenir une réalité : un toit pour chacun. Il ne doit plus y avoir de sans domicile fixe dans les 2 ans. Il faut relancer vigoureusement le logement social.
Ce que propose Lionel Jospin :
Mettre en œuvre un plan de construction de logements d'insertion et de logements destinés aux populations les plus fragiles.
Relancer le logement social en fixant un objectif ambitieux de construction (120 000 PLA soit + 50 %) et de réhabilitation (200 000 PALULOS soit + 70 %).
Remettre à plat les mécanismes d'attribution selon des règles transparentes.
Mettre en œuvre tous les moyens de conciliation et de relogement préalable pour éviter les expulsions, y compris en réquisitionnant des logements vacants construits sur fonds publics.
Mettre en place un statut du bailleur privé marqué par la stabilité et l'équilibre juridique. En particulier, un régime fiscal incitatif, une garantie de loyers et une incitation financière seront mis en place pour les propriétaires qui s'engageront à louer à des personnes à faibles ressources.
Ce que propose la Droite :
La Droite n'affiche pas clairement sa priorité sur le logement social.
Chirac : Des logements d'insertion et des aides à la pierre quelle qu'elle soit. De toutes les façons, sa politique à Paris parle pour lui.
Balladur : Aider à l'achat du premier logement pour tous. Construire plus en aidant tous ceux qui bâtissent, c'est le contraire d'une priorité.
Fiche n° 18
Développer les territoires et la qualité de la vie par l'écologie
Mettre en œuvre un plan de reconquête écologique
L'écologie est au cœur d'un projet socialiste. La dégradation de l'environnement, les pollutions, les contraintes de cadre de vie, sont des facteurs importants d'inégalité sociale. L'écologie mérite un projet global, inséparable de ce qui est proposé par ailleurs, en matière de solidarité, d'organisation du travail, ou de démocratisation de la société. Mais il ne suffit pas d'idées généreuses. Il faut aussi des perspectives cohérentes et des mesures ambitieuses. L'écologie n'est pas l'ennemie du progrès. Elle est la condition de la poursuite d'une croissance durable. Elle représente un gisement d'emplois pour les entreprises vertes et de nouveaux métiers.
Ce que propose Lionel Jospin :
Reconquérir les paysages, pas seulement pour l'esthétique, mais par nécessité de lutter contre de multiples pollutions, l'appauvrissement de la biodiversité, voire des catastrophes plus graves encore. Les moyens travaux de reconstitution des sols, d'hydraulique, de terrassement, de replantation.
Prévenir les catastrophes naturelles par une politique efficace de prévention, fondée sur de nouvelles réglementations, des actions d'information et de persuasion, et une large mobilisation des moyens.
Préserver la qualité de l'air et de l'eau, et lutter contre les nuisances phoniques.
Réorienter la politique des transports en faveur des transports collectifs, et notamment pour les transports de marchandises interurbains, par le développement du transport combiné fer-route (cf. fiche n° 21).
Tout ne dépend pas de l'État : les associations et les collectivités locales ont un rôle majeur à jouer. Mais sans incitation au niveau de l'État, rien ne sera possible. C'est pourquoi Lionel Jospin propose :
Le lancement d'un grand programme de travaux financé par l'État et les collectivités locales, et si possible dans un contexte européen.
Une loi d'orientation sur l'énergie pour les dix prochaines années, instrument de planification des besoins, fondée sur l'évaluation de l'énergie nucléaire et favorisant le développement des énergies renouvelables.
La création d'une autorité transparente et indépendante sur l'énergie nucléaire.
Et surtout une fiscalité qui intègre la dimension écologique, en particulier par l'instauration d'une écotaxe à l'échelle européenne sur les émissions de gaz carbonique.
Ce que propose la Droite :
La Droite n'a jamais résisté aux grands lobbies. Voyez la loi Bosson sur l'urbanisme, qui constitue une régression dans la rationalisation du droit de construire, et dans le primat de l'intérêt collectif sur l'intérêt individuel.
Balladur nous a montré l'effet Gribouille de sa politique écologique. Un seul exemple : la hausse plus accentuée du carburant vert. Le gouvernement parle de l'écologie pour le prochain siècle. Pour nous, les enjeux sont aujourd'hui.
Fiche n° 19
Développer les territoires et la qualité de la vie par l'écologie
Reconstruire les banlieues
La ségrégation urbaine est contraire à nos valeurs. Elle est dangereuse pour la démocratie. Elle affaiblit notre économie. Il faut un autre urbanisme. La toute première priorité en ce domaine, c'est de reconstruire les banlieues.
Cette priorité n'est pas nouvelle. Elle fondait la loi d'orientation sur la ville, votée en 1990. À partir des principes qui ont gardé toute leur force, solidarité, mixité sociale, urbanisme durable, qualité architecturale, il est urgent de définir des objectifs massifs et simples...
Ce que propose Lionel Jospin :
Réhabiliter et reconstruire vingt ou trente quartiers prioritaires, avec le concours de tous les acteurs locaux, publics et privés.
Développer un grand programme de services aux personnes, fortement créateur d'emplois.
Concentrer les moyens de l'État autour d'un grand ministère de l'écologie et des territoires.
Ce que propose la Droite :
Pour Chirac, la manière dont il a traité la question du logement social à Paris parle mieux que tous ses discours.
Balladur a supprimé le ministère de la ville pour le confier à Madame Veil, par ailleurs ministre de la santé et des affaires sociales. L'action pour la ville n'a pas disparu, elle s'est essoufflée et a été récupérée par Charles Pasqua, avec la philosophie qu'on lui connaît... Mauvais augure pour l'avenir.
Fiche n° 20
Développer les territoires et la qualité de la vie par l'écologie
Assurer un développement solidaire des territoires
La décentralisation depuis 1982 a transformé la France. Elle est notre œuvre. Elle est aujourd'hui unanimement reconnue. Elle répond aux aspirations à plus de liberté et de solidarité des Français.
Un quinquennat socialiste prolongera la perspective ainsi ouverte. La décentralisation, conjuguée avec une vision d'aménagement du territoire, fondée sur la spécificité des régions et leur complémentarité, permettra un développement solidaire et équilibré de la France de demain.
Il ne s'agit pas de mots abstraits : il s'agit du mieux-vivre des Français et de l'égalité des chances, partout sur le territoire national, y compris outremer.
Ce que propose Lionel Jospin :
Priorité aux services publics : il faut les maintenir en zone rurale, les renforcer dans les quartiers en difficulté.
Solidarité entre collectivités riches et moins riches, voire défavorisées. Les socialistes au gouvernement ont créé des dotations de solidarité. Il y eut bien des résistances. N'est-ce pas Monsieur Chirac ? N'est-ce pas Monsieur Sarkozy ? Il faut renforcer ces dotations pour permettre à de nombreuses communes de mieux faire face à la pauvreté, à l'exclusion et à la déchirure du tissu social.
Insertion dans l'Europe : des collectivités fortes à la mesure de leurs partenaires européennes, agissant en réseaux reliés par leurs transports, leurs télécommunications, leurs universités, leurs centres de recherche, leurs entreprises. Le développement des territoires est synonyme de dialogue et non pas d'isolement.
Égalité entre la métropole et l'outre-mer, en particulier par l'égalité sociale, la préférence communautaire, le renforcement du système éducatif, la création de zones franches dans les DOM.
Ce que propose la Droite :
Le gouvernement a parlé de l'aménagement du territoire, mais il ne l'a pas fait. La loi Pasqua (encore une) proclamait une ambition. Mais elle est restée dans les cartons. Sans doute parce qu'il n'y avait ni ambition, ni idées.
La Droite oppose le monde rural aux villes. Comme s'il ne s'agissait pas de créer des complémentarités plutôt que des oppositions.
La Droite est impuissante à réaliser un véritable aménagement du territoire : il faut avoir le souci de combattre les excès et les dérives du marché et de mettre en œuvre une volonté collective fondée sur l'État et le service public.
Fiche n° 21
Développer les territoires et la qualité de la vie par l'écologie
Réorienter la politique des transports
Tant dans les villes que pour le transport des marchandises sur le territoire, la priorité a été donnée au tout-camion et au tout-voiture. D'où une perte de temps dans les embouteillages, un coût exorbitant des infrastructures routières en zone urbaine très vite saturées, un gaspillage d'énergie et la dégradation des paysages et de l'espace. Il faut doter la France d'une politique ambitieuse et rééquilibrée des transports urbains et interurbains.
Ce que propose Lionel Jospin :
En ville
Lancer un plan de développement des transports collectifs, soutenu par des concours financiers de l'État et de l'Union européenne.
Développer le parc des véhicules électriques et des véhicules mixtes ; l'État donnera l'exemple pour ses propres véhicules en substituant de tels véhicules à son parc actuel dans les cinq prochaines années.
Revoir à la baisse, au niveau européen, les normes de taux de plomb dans l'essence, et encourager l'utilisation des carburants sans plomb.
Transport de marchandises
Engager une négociation avec les partenaires pour limiter les excès des transports routiers.
Renforcer la réglementation des transports chimiques et mettre en place le système du double chauffeur.
Lancer, en France, dans le cadre des grands projets européens, un plan de transport combiné rail-route.
Ce que propose la Droite :
Rien de nouveau, donc poursuivre le bétonnage des villes et des campagnes, promouvoir le tout-voiture et le tout-camion.
Fiche n° 22
Vouloir l'Europe pour la France et pour le monde
Mettre l'Europe au service des peuples
L'Europe est aujourd'hui devenue le cadre naturel de notre action et nous offre la possibilité de conduire des politiques communes. La France doit rester au premier rang de la construction européenne. Pour que l'idée européenne ne recule pas, il faut que l'Europe soit davantage celle des peuples.
Ce que propose Lionel Jospin :
Avancer dans la construction de l'Europe politique pour une Europe plus cohérente et plus efficace en définissant le partage des souverainetés, en changeant et simplifiant les mécanismes de décision.
Élargir l'Europe sans la diluer, en renforçant à cette occasion nos politiques communes, comme la PAC, et nos institutions, et en s'ouvrant au Sud, par une grande initiative en direction des pays méditerranéens pour promouvoir la paix et la sécurité, le co-développement et la démocratie.
Aller vers la monnaie unique dès que possible, car c'est le premier pas d'une stabilisation générale des monnaies favorable à la croissance et l'emploi, et plus largement vers le rétablissement d'un nouveau système monétaire international pour mieux lutter contre la spéculation.
Mener une lutte commune pour l'emploi en harmonisant vers le haut les législations sociales, en dotant l'Union européenne d'une arme commerciale à l'instar du "super 301 américain" pour se défendre contre les agressions extérieures et en mettant en application le livre blanc de Jacques Delors.
Ce que propose la Droite :
Édouard Balladur a une position frileuse sur l'Europe et prône l'Europe à la carte, c'est le contraire de ce qu'il faut faire. Il n'a rien dit sur la lutte commune pour l'emploi et pour l'Europe sociale. L'Europe est pour lui essentiellement une zone de libre-échange.
Quant à Chirac, il a tellement souvent changé de position sur le sujet que son "Européanisme nouveau" n'est que de circonstance. Il n'a aucune idée neuve et ne propose que le gadget de la présidence du Conseil européen: le travail pour dans deux ans de Giscard ?
Fiche n° 23
Faire vivre une nouvelle pratique du pouvoir
Limite strictement le cumul des mandats
Il faut enrichir le contenu démocratique de nos institutions : le quinquennat et la restauration des prérogatives républicaines du Parlement y concourront.
L'absentéisme parlementaire choque les Français et le cumul actuel des mandats le favorise. Il y a surtout une question de principe : ce cumul peut entraîner une confusion d'intérêts entre l'intérêt général de la nation et l'intérêt local ainsi qu'une paralysie pour mener à bien de grandes réformes.
Ce que propose Lionel Jospin :
Aucun député, aucun ministre ne pourra détenir un mandat exécutif dans une collectivité locale. Il ne pourra donc être ni maire ou adjoint au maire, ni président ou vice-président d'un conseil général ou d'un conseil régional, ni président ou vice-président d'un syndicat de collectivités locales.
Cette réforme courageuse qu'attendent les Français va permettre :
D'avoir un Parlement où les députés sont présents et plus libres de leur prise de position sur les grandes questions nationales ; c'est un gage de réussite des grandes réformes dont le pays a besoin, par exemple la réforme de la fiscalité locale ou celle de la solidarité entre les collectivités riches et les collectivités défavorisées, réformes jusqu'ici bloquées ou limitées par le cumul des mandats.
De faire leur place à de nouveaux responsables notamment des femmes et des jeunes qui désirent accéder aux charges publiques ; c'est un gage de renouvellement et d'une démocratisation plus large de la représentation politique à tous les niveaux.
Ce que propose la Droite : Rien.
Séguin s'était pourtant fait le champion des droits du Parlement et a souvent dénoncé les inconvénients du cumul des mandats. Mais de là à avoir le courage de passer à l'acte…
Fiche n° 24
Faire vivre une nouvelle pratique du pouvoir
Renforcer l'indépendance de la justice au service des citoyens
La justice est la première garante du bon fonctionnement d'un État démocratique impartial. Or, trop souvent, les justiciables se sentent désarmés devant des procédures lourdes, lentes et incompréhensibles et les citoyens doutent de la capacité de la justice à traiter librement et sereinement les affaires les plus délicates.
Ce que Lionel Jospin propose :
Garantir l'indépendance des procédures, en coupant le lien qui existe entre le Parquet et le ministre de la justice, c'est-à-dire en laissant aux procureurs la liberté dans leurs réquisitions pour tout ce qui concerne les cas d'espèce.
Moderniser la justice pour la rendre plus proche des citoyens, plus rapide, plus accessible.
En confortant les garanties en matière de protection de la vie privée et publique et en réglementant très sévèrement les écoutes administratives.
En renforçant les compétences du Conseil supérieur de la magistrature, notamment pour ce qui concerne la carrière des magistrats du Parquet.
En définissant des objectifs quantifiés pour l'amélioration de la justice et en dégageant les moyens nécessaires, ce qui conduira à doubler le budget de la justice dans les cinq prochaines années.
Ce que propose la Droite :
Balladur veut renforcer le secret de l'instruction dans la ligne de l'amendement Marsaud et mieux assurer l'exécution des peines.
Chirac veut garantir l'indépendance des juges et renforcer le budget de la justice.
Mais, ce ne sont là que de vagues promesses. Ils ne disent pas avec quels moyens et comment. Ils ne disent rien des garanties sur la protection de la vie publique et de la vie privée. Et leurs pratiques actuelles comme le montrent des affaires récentes, vont à l'encontre de leurs promesses.