Déclaration de M. Guy Drut, ministre de la jeunesse et des sports, sur l'information des jeunes, sur les technologies nouvelles telles que le multimédia, l'évolution de la carte jeunes, l'aménagement des rythmes scolaires, l'utilisation du multimédia dans le domaine du sport, Hourtin le 31 août 1995.

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Intervenant(s) : 
  • Guy Drut - Ministre de la jeunesse et des sports

Circonstance : 16èmes universités d'été de la communication à Hourtin le 31 août 1995

Texte intégral

Je suis heureux de participer à cette 16e université d'été de la communication, organisée par la ligue de l'enseignement et le centre régional d'éducation permanente et d'action culturelle d'Aquitaine que je tiens à remercier ici de leur invitation à une manifestation, de renommée internationale qui réunit depuis plusieurs années les médias, les spécialistes de la communication, ainsi que des responsables d'entreprises et d'associations.

Depuis plusieurs années, le ministère de la Jeunesse et des sports y est présent. Il organise d'ailleurs à cette occasion un stage de formation en direction de ses personnels techniques et pédagogiques, des directeurs de centres d'information jeunesse et des directeurs régionaux et départementaux. Dans ce cadre, deux tables rondes se tiennent cette année sur les thèmes suivants :

– le multimédia : une éducation populaire du XXIe siècle (31 août 1995) ;

– le multimédia au service du social (1er septembre 1955).

Ces questions sont au centre de nos préoccupations. En effet, les relations entre l'information et les jeunes ne sont pas nouvelles. Elles se sont posées au moment où les téléviseurs sont entrés dans les foyers, où l'informatique s'est vulgarisée et plus récemment quand les jeux vidéo sont devenus accessibles au plus grand nombre.

Le bon usage de ces outils par les jeunes mérite encore des efforts, tant pour leur éducation que pour leur formation.

A l'heure des autoroutes de l'information, le multimédia constitue ainsi pour le ministère de la Jeunesse et des sports, un élément « incontournable », une opportunité, mais une opportunité qu'il faut savoir utiliser avec discernement. Comme l'indique, avec une certaine poésie le titre de cette rencontre, le navigateur, le port et la boussole, il faut se fixer un cap et savoir le garder si on veut éviter soit de passer à côté d'un progrès majeur soit de pêcher par excès de technicité.

Le ministère de la Jeunesse et des sports doit intégrer les possibilités du multimédia dans ses actions de formation des jeunes, des animateurs et des éducateurs. Il se doit aussi d'accompagner dans ces évolutions les grandes associations habilitées pour la formation à l'animation, ainsi que bien entendu le monde sportif.

De plus, le multimédia offre des possibilités nouvelles : l'éducation à la santé, l'information sur l'orientation des choix, la prévention des toxicomanes et des conduites à risque en sont quelques exemples parmi d'autres. Les réseaux d'accueil et d'information des jeunes (CIJ-BIJ) ne peuvent rester à l'écart ; ils devront un jour ou l'autre s'approprier ce nouvel outil et auront à former et éduquer les jeunes à sa maîtrise.

Le multimédia concerne un grand nombre de domaines : l'école, la culture, le loisir et le sport, le social, la santé, la travail et l'emploi, l'information, l'économie, et les médias eux-mêmes. Chacun est à même aujourd'hui – et c'est l'objet de ces rencontres – d'en vérifier les intérêts, d'en mesurer les contraintes, de s'interroger sur ses multiples enjeux.

Je souhaite être autant le ministre de la Jeunesse que des Sports. C'est pourquoi, je vous livrerai quelques réflexions sur ce que le multimédia peut apporter à l'un comme à l'autre de ces deux secteurs de mon activité.

I. – Pour la jeunesse

Nos sociétés dont le fonctionnement est de plus en plus complexe, placent les jeunes dans une situation paradoxale :

– les jeunes sont apparemment plus libres dans un monde qui s'ouvre, et où modes et cultures jeunes se mondialisent ;

– dans le même temps, ils sont aussi plus dépendants, économiquement par exemple de leurs familles ou de la collectivité, plus contraints, ce de fait, dans leur vie quotidienne.

Ils sont par ailleurs particulièrement sensibles aux effets d'une communication de masse, qui contribue parfois à noircir un avenir qui leur paraît incertain.

J'estime d'abord, à cause de ce contexte, qu'il entre dans la responsabilité de l'Etat de mettre à leur disposition une information objectif fiable et désintéressée pour permettre à chacun de choisir sa voie en toute connaissance de cause.

Cette politique de développement de l'information des jeunes doit être impulsée par l'Etat et relayée par les collectivités, associations, et organismes en charge des jeunes.

La France, dans le cadre de la présidence de l'Union européenne a su faire partager cette volonté aux pays membres en faisant adopter en avril dernier une résolution sur ce sujet.

Je citerai en premier lieu, pour demeurer fidèle au thème de cette université, la gestion des modes d'accès à l'information par les jeunes.

Un constat d'abord : il y a inégalité flagrante parmi les jeunes, pour accéder à l'information sur les sujets qui les concernent (emploi et formation, loisirs et vacances, santé, droit, service national, vie quotidienne…), ce qui, tout naturellement place les nouvelles technologies comme le remède « potentiel » à cette difficulté.

Deux écoles s'opposent :

– le tout technologique : ce qui importe c'est de faciliter l'accès individuel à des banques de données, aux modes d'emploi intégré et aux coûts d'utilisation rendus plus légers ;

– le tout éducatif : l'information ne vaut que par un dialogue de direct, où la personnalité du jeune est prise en compte, entendue, comprise et respectée…

A l'évidence, c'est en combinant les deux approches et en diversifiant les modes techniques d'accès à l'information et en veillant à aller au-devant du besoin d'information des jeunes que se situe l'efficacité de cette politique d'information des jeunes.

Pris isolément chaque mode d'accès est insuffisant et sélectif. A titre d'exemples, et je m'en excuse pour les non-initiés :

– le fil Info Jeunes, récemment mis en service est surtout un outil d'accueil et d'orientation ;

– les bus Info Jeunes, vont à la rencontre des jeunes isolés, dans les quartiers et en milieu rural ;

– les bornes télématiques interactives, permettent un « balayage » rapide et intelligent des domaines d'information.

Vous l'avez compris, je ne crois pas à la seule magie des technologies, pour remédier sans autre intervention à l'exclusion et à l'isolement. Mais je suis convaincu qu'un effort de conception, et de rénovation de l'information délivrée aux jeunes viendrait améliorer de façon spectaculaire les moyens actuellement utilisés. Je suis prêt à encourager les initiatives qui iraient, en ce sens, dans le cadre d'un concours national, que je demande au CIDJ, présidé par M. Cavada, de piloter.

A côté de cette politique plus précise facilitant l'accès à l'information des jeunes, je suis sensible à leurs difficultés dans leur vie quotidienne.

Mon ministère vient juste de concéder l'exploitation de la carte Jeunes à une société, pour rassembler des services, des prestations, des réductions qui allègent d'abord les coûts, mais qui innovent également à partir d'une analyse de leurs besoins.

Cette carte Jeunes est dotée d'un micro-processeur très perfectionné, qui permettra le développement de plusieurs services. L'ambition de cette « carte des cartes » est de constituer un passeport quotidien, pour les jeunes de 12 à 26 ans, leur permettant de téléphoner, de payer, d'interroger un serveur, de comptabiliser des avantages et des tickets d'entrée, etc.

Tout ceci repose sur l'exploitation, non seulement des possibilités de communication télématique, mais aussi sur un partenariat avec le secteur économique.

Les fonctionnalités technologiques de la carte Jeunes permettent ces développements, il reste à les installer dans le trimestre qui s'ouvre.

Pour mon ministère, il s'agit, très directement, d'un moyen de communication avec les jeunes : se contenter de satisfaire leurs besoins de consommation ferait à juste titre réagir l'éducateur, mais parvenir à guider leurs envies de consommation, pour acquérir liberté de choix, capacité de projet, goût d'entreprendre, c'est un beau challenge !…

Grâce à l'évolution de la carte Jeunes et à son potentiel technologique, il est raisonnable de viser un objectif d'un million de jeunes en 1996.

Enfin, il est clair que tout ceci suppose dans le même temps le renforcement de notre capacité de formation des jeunes à ces nouvelles technologies.

Il est indubitable que le multimédia, technologie de l'avenir doit faire partie des méthodes et des sujets d'enseignement si on veut familiariser l'enfant avec le monde dans lequel il vivra demain.

A titre d'exemple, à l'initiative de mon ministère, 10 écoles primaires du Vercors regroupant 300 écoliers travaillent actuellement en réseau afin d'apprendre aux élèves à rechercher l'information, à la synthétiser et à travailler en groupe virtuel.

Mais il est évident que ce type d'enseignement n'emportera pas l'adhésion de tous les enfants (certains ont besoin avant tout de contacts personnalisé) et que l'utilisation des systèmes multimédia du fait de leur caractère interactif repose avant tout sur l'initiative personnelle des enfants. C'est pourquoi, je souhaite que l'on puisse, chaque fois que cela est possible, dégager dans la journée scolaire des moments consacrés aux activités sportives culturelles et d'éveil où l'enfant choisit par une démarche volontaire ses activités. C'est dans le cadre de ces choix volontaires que la familiarisation au monde du multimédia pourra se faire dans de bonnes conditions.

Ainsi, l'aménagement des rythmes scolaires, priorité de mon action ministérielle, en libérant du temps dans la journée de l'enfant, assure à l'enfant un meilleur équilibre et une plus grande capacité d'attention ce qui est l'objectif essentiel.

Au-delà, il permet à l'enfant de s'ouvrir à des activités qui ne font pas partie aujourd'hui du tronc commun des enseignements ; c'est le cas du sport auquel je suis bien évidemment très attaché, et sur lequel je souhaite maintenant m'attarder.

II. – Pour le sport

La pratique du sport impose toujours plus de technicité, que ce soit pour le sport de haut niveau ou pour le sport de masse. Ce dernier aujourd'hui pratiqué par 14 millions de licenciés repose bien souvent sur la compétence de bénévoles et sur le dynamisme de petits clubs. En parallèle, notre système législatif a évolué imposant des réglementations destinées à assurer les pratiquants, à normaliser le cadre d'intervention des animateurs sportifs, à favoriser le développement de l'esprit sportif…

Aujourd'hui, être dirigeant de club, et même d'être pratiquant d'un sport, c'est acquérir un ensemble de connaissance qu'il n'est pas toujours facile de rassembler. Le multimédia et les nouvelles techniques de communication peuvent jouer un rôle important pour favoriser la pratique sportive en condensant sur un même support des images permettant de mieux comprendre la décomposition d'un geste, du son permettant d'entendre les recommandations les plus fortes, des tableaux permettant de cadrer les performances prévisibles, et des textes permettant de préciser les réglementations appropriées…

Certaines disciplines, et je m'en félicite, ont déjà commencé à rassembler tous ces éléments, en liaison avec l'Institut national du sport et de l'éducation physique, sur des CD-Rom qui présenteront des informations de qualité sur la pratique de leur sport. Agrémenté de quelques extraits d'émissions télévisées bien choisis comme certains matches ou certaines courses gravés dans nos mémoires, ces supports de communication vivant pourront donner à leur lecteur l'envie de pratiquer tel ou tel sport. On peut même imaginer la mise en place très prochaine de bornes interactives présentant des loisirs sportifs en collaboration avec les fédérations concernées. Celles-ci auront à coeur d'utiliser ces nouvelles techniques pour l'émergence de leur filière de haut niveau.

Dès lors que l'on chercher à atteindre la performance maximale, il convient d'utiliser pour cela toutes les possibilités offertes par la technique voire par la science.

Si dans certains pays ont fait appel à la mécanique des fluides pour influencer la technique du nageur, on imagine bien ce que la numérisation peut apporter en terme de simulation et d'optimisation d'un geste sportif. Le développement d'outil conceptuel et technique dans le domaine de la mécanique du geste, le développement des techniques de l'imagerie et du recueil des données permettront, à coup sûr, d'améliorer les performances tout en augmentant la sécurité des pratiquants. Ces travaux, dont les coûts sont importants, vont être rendus possibles par la mise en commun de fichiers numérisés sur des réseaux de transmission. Le ministère de la Jeunesse et des sports est déjà pilote de nombreuses opérations menées en collaboration avec les organismes scientifiques comme le CNRS, l'INSERM et d'autres ministères (Recherche, Enseignement supérieur, Défense, Santé…).

Je tiens à insister sur le travail actuellement mené par l'INSEP, qui produit en multimédia des programmes de formation et d'information sur le sport s'adressant aux athlètes, aux entraîneurs, aux enseignants ou au grand public.

Ces documents, édités par le service audiovisuel et multimédia de l'INSEP, sur CD-Rom, allient la richesse pédagogique de l'enseignement assisté par ordinateur, la souplesse de manipulation du magnétoscope, la rapidité du CD-Rom et la qualité de l'image vidéo plein écran. Ils représentent, comme tous les multimédias, une des grands enjeux de l'avenir pour la transmission des connaissances dans le jeu du dialogue interactif avec les programmes d'enseignement et d'information.

Le ministère de la Jeunesse et des sports possède actuellement, par l'intermédiaire de l'INSEP, une avance considérable dans les nouvelles technologies que représente le multimédia en matière de sport.

Je mentionnerai à titre d'exemple les programmes suivants :

– « Stade numérique » qui est destiné au grand public et a été diffusé à 1 000 exemplaires ;

– « Les Métiers de la voile » qui est utilisé par l'Ecole nationale de voile et dans les manifestations de promotion du ministère de la Jeunesse et des sports (Salon de l'étudiant, etc.) ;

– « Equivision » qui a reçu le premier prix du multimédia de formation au festival du film de Biarritz en 1994 et est utilisé pour la formation des juges de dressage nationaux et internationaux à l'Ecole nationale d'équitation) ;

– « Les Métiers des sports de montagne », édité à 1 000 exemplaires qui est destiné aux services extérieurs du ministère de la jeunesse et des sports. C'est un outil remarquable pour mieux présenter aux jeunes à la recherche d'un emploi dans les métiers du sport, les différentes filières et voies d'accès à ces métiers.

D'autres titres sont en préparation.

L'INSEP assure également l'animation du réseau audiovisuel et multimédia du ministère de la Jeunesse et des sports dont l'objectif est de :

– produire, coordonner, diffuser et soutenir la production de documents audiovisuels et multimédia par les établissements du ministère de la Jeunesse et des sports et par ses partenaires, en faisant appel aux nouvelles technologies – cassettes CDI, CD-Rom, réseau câblé, canal hertzien – vers le monde sportif et le grand public ;

– assurer la veille technologique et analyser l'impact des nouvelles technologies audiovisuelles et multimédia dans le domaine de la formation et des équipements ;

– créer et développer un réseau européen dont la finalité première sera la production et la diffusion des connaissances sur les sports par l'audiovisuel et le multimédia. A cet égard, la constitution en mai 1995, à l'initiative de la France de l'Euro réseau audiovisuel multimédia, auquel participent d'ores et déjà sept instituts européens des sports permettra d'intensifier la coopération et les échanges d'informations dans ce secteur d'avenir.

La volonté du ministère de la Jeunesse et des sports de s'ouvrir aux innovations technologiques ne s'arrête pas là, des partenariats avec l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR) permettront de rapprocher encore le milieu sportif et le milieu industriel français.

En matière d'application concrète, toujours en ce qui concerne l'utilisation des nouvelles techniques numériques, il convient de signaler les développements réalisés ou en cours de réalisation, qui peuvent demain modifier sensiblement les données fondamentales du sport de haut niveau :

– sur le plan financier, développement des techniques permettant la création de panneaux publicitaires virtuels sur des stades ou des circuits. Sur le plan tactique, développement des techniques de simulation des courses nautiques, récemment élaborées lors de la dernière coupe de l'America.

Comme vous le voyez, les sujets sont multiples qui touchent de près ou de loin le traitement numérique de l'information sportive. Je voudrais conclure ce volet « sport » par un retour sur le problème de l'emploi que j'ai déjà évoqué précédemment. En effet, la pratique sportive peut favoriser l'émergence d'emplois dont la structure se rapproche fortement des pistes de réflexions les plus prometteuses : employeurs partagés (les clubs), horaires adaptés (en fonction des disponibilités de la clientèle), caractère saisonnier… La mise en réseau des bourses d'emplois sportifs développés dans les associations départementales « profession sport » devra permettre la confrontation des offres d'emplois provenant de clubs, d'associations ou de particuliers, et des demandes des moniteurs de sports. Les nouvelles techniques de communication peuvent permettre de répondre à la problématique d'adéquation entre une offre et une demande extrêmement atomisées… Cette action est une de celle que j'ai décidé de mettre en oeuvre à l'occasion du pal sport-emploi que je propose au Premier ministre et dans lequel les nouvelles techniques de communication trouveront toute leur place.

Face à toutes ces possibilités d'exploitation du multimédia et des nouvelles techniques de communication, il faut néanmoins rester lucide et choisir les bonnes directions. C'est pourquoi, je souhaite tout d'abord, à travers le « groupe multimédia jeunesse » pouvoir mesurer l'incidence de ces nouvelles technologies sur l'éducation des enfants et des jeunes, et sensibiliser les partenaires économiques et sociaux à l'utilisation pédagogique de ces produits de communication.

Je souhaite de même pouvoir faire procéder à un état des lieux à un échelon européen en instaurant une veille technologique et sociale permettant de mener les réflexions fondamentales sur l'utilisation des outils multimédia par les jeunes.

Je sais que ces outils sont des atouts considérables qui aideront le travail de mon ministère en matière d'aménagement des rythmes scolaires, de lutte pour l'emploi, de développement de la pratique sportive et en matière de performances de nos champions. Ils représentent un formidable défi qu'il nous faut relever.

A cette occasion, je voudrais conclure mes propos en me référant au titre du « Manifeste de l'Arche », rédigé il y a maintenant presque deux ans, et qui écrivait déjà : « les nouvelles technologies de l'information : un espoir plutôt qu'une menace »…