Texte intégral
Le Journal du Dimanche : 10 septembre 1995
Le Journal du Dimanche : Hier, Venise, aujourd'hui Deauville. En somme, Philippe Douste-Blazy, ménageriez-vous « la chèvre et le chou » ?
Philippe Douste-Blazy : Je suis allé à Venise, le deuxième festival au monde après Cannes, pour soutenir « La Cérémonie » de Claude Chabrol, en compétition. J'ai tenu à venir à Deauville profitant d'un hommage rendu à Irwin Winkler, d'abord parce que j'aime le cinéma. Et puis parce que ce n'est pas en boycottant les films américains que l'on fait avancer les choses. Ce n'est pas par des propos vexatoires qu'on défendra efficacement le cinéma français, mais c'est en adoptant une politique offensive.
Le Journal du Dimanche : Pas de déclaration à la Jacques Toubon disant qu'il avait trouvé « Jurassic Park » plutôt ennuyeux ?
Philippe Douste-Blazy : Non.
Le Journal du Dimanche : Où en est le cinéma français ?
Philippe Douste-Blazy : Pour les six premiers mois de 95, la part du cinéma français a été de 40 %, soit une augmentation de 39 % par rapport à l'année dernière. La part du cinéma américain est de 47 %, soit une diminution de 17 %. La rentrée s'annonce d'ailleurs faste pour le cinéma français avec des films, dans des genres très différents, comme « Les Anges gardiens », « La Cérémonie », « Le Hussard sur le toit. » Et je vous annonce un scoop : nous allons débloquer en faveur du cinéma français 40 millions de francs supplémentaires.
Le Journal du Dimanche : Pendant ces « cent jours », en dehors d'un parcours médiatique réussi, qu'avez-vous fait ? Concrètement ?
Philippe Douste-Blazy : Un des grands succès de la présidence française de l'Union européenne aura été le plan Média 2. Le cinéma européen bénéficiera de deux milliards de francs. C'est la mesure qu'a prise le Conseil des ministres de la Culture que je présidais en juin dernier. J'ai obtenu après m'être beaucoup battu le 1 % du budget de l'État.
Le Journal du Dimanche : Justement ce 1 % ! Ne l'avez-vous pas obtenu par des artifices, en faisant rattacher à votre ministère des secteurs comme celui de l'Orchestre de Radio France et donc son budget ?
Philippe Douste-Blazy : Le ministère de la Culture sera un des ministères dont le budget augmentera le plus. Il est vrai que nous avons voulu, que j'ai voulu, récupérer l'Orchestre de Radio France et aussi l'architecture. Je trouve normal que les espaces protégés autour des monuments historiques dépendent de notre ministère. Jack Lang l'avait demandé. Jacques Toulon aussi. Il m'a d'ailleurs aidé à l'obtenir. Je l'en remercie. Bien évidemment, une fois que j'ai eu l'architecture, on m'a transféré son budget ! Mais dans le même temps, rarement un budget du ministère de la Culture aura eu cette importance. Hors Grands Travaux, il sera augmenté de 12 %. Et j'ai obtenu un milliard de francs pour mener à bien des actions en faveur des banlieues. La culture pour tous, je tiens beaucoup à cette idée. Des centaines d'artistes sont venus me voir pour que nous les aidions à monter des spectacles dans les quartiers les plus défavorisés. Ce qu'a déjà fait Guy Bedos est remarquable. Je l'ai d'ailleurs rencontré, pour lui demander des conseils. En accord avec le ministère de l'Intégration, nous avons défini vingt-cinq sites. Le 19 octobre, je présente un plan théâtre, suivi d'un plan livres, etc. Ce n'est pas du concret, ça ?
Le Journal du Dimanche : L'audio-visuel ?
Philippe Douste-Blazy : J'ai renforcé les pouvoirs du CSA, créé deux chaînes thématiques, histoire et fiction, avec Arte, l'INA et Pathé. Et la nouvelle grille de France-Télévision montre un effort envers la qualité.
Le Journal du Dimanche : Ah bon ?
Philippe Douste-Blazy : Il commence ! Il faut qu'il y ait un effort ! Tenez, ce serait bien si lors de la remise des différents prix, comme les Sept d'or, il y en ait un qui soit donné à la meilleure émission culturelle. Créons, créons. Il y a bien la meilleure émission sportive…
Le Journal du Dimanche : En politique, que pensez-vous du retour de vos anciens amis, les balladuriens ?
Philippe Douste-Blazy : J'espère qu'ils seront tous élus.
Le Journal du Dimanche : Les essais nucléaires ne risquent-ils pas de nuire au rayonnement culturel de la France à l'étranger ?
Philippe Douste-Blazy : Il ne faut pas tout mélanger. Regardez les sondages. On leur demande : « Êtes-vous pour les essais nucléaires ? » 59 % des Français répondent qu'ils sont contre. Mais à la question : « Est-ce que vous souhaitez que la France ait une arme nucléaire ? » 60 % disent oui. C'est là toute l'ambiguïté.
Le Journal du Dimanche : Oui mais notre image à l'extérieur ?
Philippe Douste-Blazy : Jusqu'à maintenant, aucun des projets auxquels nous travaillons n'a été remis en question par nos partenaires étrangers.
Le Journal du Dimanche : Oui mais l'image ?
Philippe Douste-Blazy : Où est le problème ?
La Tribune Desfossés : 15 septembre 1995
La Tribune : Le fameux 1 % du budget de l'État promis par Jacques Chirac à la Culture a été atteint au prix du rattachement à votre ministère de l'architecture, qui dépendait du ministère de l'Équipement. S'agit-il d'un simple tour de passe-passe budgétaire ?
Philippe Douste-Blazy : Le budget du ministère de la Culture représentera 1 % du budget total de l'État en 1996, soit environ 15,6 milliards de francs. Cela signifie 2 milliards de francs supplémentaires par rapport à 1995, dont 1 milliard consacré à des mesures nouvelles. À cela s'ajoute l'extension du champ de compétences de la Culture, avec en particulier le rattachement des services départements de l'architecture, que dirigent les architectes des Bâtiments de France. Ce rattachement, je l'ai demandé, et tous les ministres de la Culture ont essayé de l'obtenir.
La Tribune Desfossés : Pourquoi l'architecture est-elle essentielle à la culture ?
Philippe Douste-Blazy : Lorsque le ministère de la Culture restaure un monument historique, c'est un non-sens que les espaces alentour ne dépendent pas de lui. Avec ce rattachement, le ministère a enfin les moyens d'une véritable politique de la qualité architecturale, c'est-à-dire la mise en valeur du patrimoine et du cadre de vie des Français.
La Tribune Desfossés : Quelles sont vos priorités en matière de culture ?
Philippe Douste-Blazy : Ce sont les priorités fixées par le gouvernement dès son entrée en fonction : porter une attention toute particulière à ce que les crédits alloués au ministère soient affectés au développement de l'emploi et à la réduction de la fracture sociale. La lutte contre l'exclusion, c'est-à-dire la culture pour tous, suppose sa diffusion partout sur le territoire et la mise en œuvre de grands projets en régions. Cela suppose aussi le développement des enseignements artistiques.
La Tribune Desfossés : Avec 1,8 milliard de francs en 1995, la direction du patrimoine est la mieux nantie du ministère de la Culture. À cela s'ajoute 1,5 milliard annuel de la loi-programme. L'accent mis par vos prédécesseurs sur ce secteur, plus conservateur que créateur, vous semble-t-il justifié ?
Philippe Douste-Blazy : Le patrimoine évoque notre histoire et notre mémoire collective. Mais j'entends mettre en place une politique novatrice dans ce domaine. Il s'agit de faire vivre le patrimoine existant et aussi de déceler ce qui constituera celui de nos enfants. Je suis un élu local et je me rends bien compte que les Français sont à la recherche de leurs racines, régionales et nationales. Le monument sert de relais à ce besoin, c'est un repère face à une modernité de plus en plus insaisissable.
Et puis le patrimoine, c'est l'équipement culturel le mieux réparti dans le territoire : près de 40 000 monuments sont aujourd'hui protégés et à ce titre contribuent aux politiques d'aménagement du territoire. C'est à l'échelon local un gisement d'emplois et un taux fort de main-d'œuvre : 1 million de francs investis dans la restauration génèrent 2,3 emplois, contre 1,5 dans la construction neuve. 3 500 chantiers s'ouvrent chaque année, cela permet le maintien d'un vaste réseau de PME spécialisées qui disposent d'un savoir-faire rare, précieux, souvent oublié.
La Tribune Desfossés : Comment moderniser la politique du patrimoine ?
Philippe Douste-Blazy : La modernisation de notre politique de conservation passe par trois orientations.
Une meilleure coordination dans la mise en œuvre des politiques de protection, cela supposait de rendre l'architecture au patrimoine : voilà qui est fait et c'est une grande victoire.
Une prise en compte du fait qu'à côté du grand patrimoine il existe un patrimoine moins spectaculaire trop souvent négligé, notamment les parcs et jardins. Et puis il y a le patrimoine de proximité, rural, industriel, laissé de côté car il correspond à une prise de conscience récente.
Enfin l'entretien des bâtiments. Souvent les villes ne donnent que trop peu d'argent à l'entretien, et quand il faut faire des travaux, cela finit par coûter très cher.
La Tribune Desfossés : Quels seront le statut et la mission de la Fondation du patrimoine, pour laquelle un projet de loi va être déposé ?
Philippe Douste-Blazy : Cette fondation servira à catalyser les initiatives. Ce sera une institution publique dotée d'un statut juridique spécifique qui lui assurera son indépendance. Elle devra préserver le patrimoine menacé, assister les propriétaires désireux d'ouvrir un monument au public, indiquer à l'intention des visiteurs, par un label spécifique, le petit patrimoine de proximité qui présente un intérêt sans pour autant mériter une procédure de classement ni d'inscription.
La Tribune Desfossés : En Europe règne l'anarchie en matière de circulation des objets patrimoniaux. Comment éviter la sortie illicite des objets d'art français?
Philippe Douste-Blazy : Le marché de l'art en Europe nécessite d'harmoniser des législations différentes. C'est complexe, délicat, car cela touche au cœur des sensibilités nationales. La circulation illicite, d'ailleurs marginale, n'est pas une difficulté majeure, elle impose un arsenal de mesures, dont certaines autoritaires. Mais la véritable question est de savoir comment concilier l'existence d'un marché de l'art actif avec un contrôle lui évitant d'être soumis aux seules lois de la spéculation. D'un côté, l'œuvre d'art constitue un élément essentiel du patrimoine national, et à ce titre n'est pas un bien ordinaire. De l'autre, il faut considérer le marché de l'art comme un marché comparable à celui des capitaux : ce n'est pas l'exportation qui l'enrichit mais l'importation qui en accroît le volume. À cet égard, les dispositions fiscales et réglementaires imposées au vendeur ou à l'acheteur jouent un rôle déterminant dans le choix du lieu de vente. C'est pourquoi les différents pays européens examinent les dispositions en vigueur afin de tenter de les harmoniser de la façon la plus favorable, entre eux d'abord et puis face à la concurrence du marché américain. C'est le conseil Ecofin qui tranchera.
La Tribune Desfossés : Comment encourager le mécénat privé autrement que par l'incitation fiscale, qui ne franchit jamais la bene de Bercy ?
Philippe Douste-Blazy : Je m'emploie plutôt à examiner ce qui dans les textes actuels peut être amélioré. Il est clair que les dispositions de la loi de 1987 sont insuffisamment appliquées au regard des ambitions de l'époque. Et que le mécénat qui s'est développé rapidement entre les années 1985-1990 a subi un coup d'arrêt par la suite. Lié à l'économie mondiale, ce coup d'arrêt a eu des conséquences moins graves dans notre pays que dans ceux où le financement des activités culturelles dépend entièrement des intérêts privés. Nous pouvons espérer entrer dans une période de croissance plus forte qu'hier. Mais il faut aussi remettre en marche les outils traditionnels du mécénat en France, afin que cette forme de participation civique des entreprises et des particuliers joue à nouveau son rôle.
Le Parisien : 16 septembre 1995
Le Parisien : Que représente pour vous la notion de patrimoine?
Philippe Douste-Blazy : Le patrimoine, c'est ce que nous ont légué tous ceux qui ont occupé notre sol avant nous. Il est notre histoire, notre mémoire collective. On le voit avec le succès, chaque année, des Journées du patrimoine : les Français cherchent aujourd'hui à renouer avec leurs racines et à retrouver une identité quelquefois difficile, souvent discutée mais toujours nécessaire. Le patrimoine cristallise les aspirations, car il incarne notre histoire.
Je suis le ministre du patrimoine. L'une de mes priorités sera de développer la connaissance de ces monuments, leur mise en valeur, les faire vivre. Nous allons faire des lieux de culture des lieux accessibles au plus grand nombre. J'ajouterai que le patrimoine est l'équipement le plus largement réparti sur le territoire : plus de quarante mille monuments sont aujourd'hui protégés. Si la campagne manque de théâtres, de cinémas ou de bibliothèques, elle dispose en revanche de nombreux monuments. En ce sens, c'est un incontestable facteur de développement économique et de cohésion sociale.
L'entretien et la restauration sont des activités créatrices d'emplois. Les investissements de l'État dans ce domaine permettent le maintien en région d'un vaste réseau de petites entreprises qui possèdent un savoir-faire précieux : un million de francs investis dans le patrimoine, c'est 2,3 emplois créés contre 1,5 emploi dans la construction neuve.
Le Parisien : Êtes-vous attachés à un certain type de patrimoine ?
Philippe Douste-Blazy : J'aime la France et son patrimoine ! Je suis heureux de constater que le champ du patrimoine s'accroît de jour en jour de nouveaux domaine : les parcs et jardins ou le patrimoine rural, longtemps négligés, comptent aujourd'hui parmi les priorités de mon action. J'accorde à la question des jardins une attention toute particulière. En effet, il ne faut pas oublier que la France peut s'enorgueillir d'une tradition très ancienne du jardinage qui a donné nom à un style : le jardin « à la française ». Notre pays dispose, dans ce domaine d'un patrimoine riche et varié, et surtout fragile. La France possède aussi de nombreux petits bâtiments et monuments comme les moulins, les pressoirs dans les campagnes, les halles, les marchés et les églises dans les villages, qui reflètent les coutumes locales mais aussi notre identité nationale. Le patrimoine et à l'image même de cette identité : pluriel mais un, c'est un tout qui ne se divise pas
Le Parisien : Vous êtes très attaché au patrimoine médical. Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour sa sauvegarde ?
Philippe Douste-Blazy : Homme de médecine, placé à la tête du ministère de la Culture, il est évident que je porte au patrimoine médical une attention toute particulière. Comme vous le savez, l'inventaire, la protection, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine médical font partie des missions mêmes de ce ministère. D'ailleurs, près de cinquante hôpitaux ou hospices sont déjà protégés au titre des monuments historiques, ainsi que près de trois mille objets. Ma priorité est de programmer les opérations de sauvegarde indispensables à la survie des édifices menacés. Mais je souhaite également favoriser toutes les actions possibles tendant à faire connaître de patrimoine médical : expositions, présentation dans les monuments et musées, supports multimédias et publications. Ce patrimoine, riche et passionnant, doit être mis en valeur. Il est tout aussi indispensable que les conquêtes modernes de la science médicale d'aujourd'hui car, sans lui, ce sont nos repères qui feraient défaut.
Tous les Parisiens, tous les habitants de l'Île-de-France connaissent le Val-de-Grâce. Ce joyau d'architecture classique, superbement restauré grâce aux efforts sans précédent du ministère de la Défense et du ministère de la Culture, n'est pas seulement un bel ensemble aux façades classiques. Je souhaite que chacun y consacre une part de son temps à la visite du musée de la Médecine qu'il accueille. Je ne peux m'y promener sans songer, avec respect et reconnaissance, à mes grands anciens qui m'ont fait tel que je suis aujourd'hui : un homme de science et un homme de médecine, placé à la tête du ministère de la Culture.
Le Parisien : Quelles sont les priorités de votre action pour le patrimoine, et de quels moyens disposez-vous ?
Philippe Douste-Blazy : La politique patrimoniale que je conduis coïncide parfaitement avec les trois grandes priorités fixées par le gouvernement : une utilisation rigoureuse et des crédits, le développement de l'emploi, la réduction de la fracture axiale. Grâce à la loi de programme votée au Parlement le 31 décembre 1993, le patrimoine dispose de moyens financiers importants : 8 milliards sur cinq ans. Ces fonds sont, avant tout, affectés à des opérations urgentes de restauration. Restaurer le patrimoine est mon devoir et ma fierté.
La modernisation de notre politique de conservation passe, quant à elle, par quatre orientations, C'est d'abord une meilleure coordination de la mise en œuvre des différentes politiques de protection. Cela supposait de rendre l'architecture au patrimoine. C'est fait. Avec le rattachement de l'architecture au ministère de la Culture, nous donnerons un nouveau souffle à la promotion du cadre de vie grâce à une démarche qui intègre protection du patrimoine, des espaces, des paysages et qualité architecturale. C'est ensuite la prise en compte, à côté du grand patrimoine, de patrimoines moins spectaculaires trop souvent négligés, et notamment les parcs et jardins. La France a une grande tradition dans ce domaine, mais elle pourrait complètement disparaître sans une action énergique… Ce sera l'une de mes priorités. Il me paraît indispensable de dynamiser la mise en valeur du patrimoine de proximité : patrimoine rural, patrimoine industriel longtemps laissé de côté parce qu'il correspond à une prise de conscience récente. La Fondation du patrimoine, que j'ai relancée, jouera un rôle important avec la mise en place d'un système de labellisation de ce type de patrimoine. Enfin, j'accorderai une grande attention à l'entretien des bâtiments, seule garantie d'une politique efficace de conservation ainsi qu'aux métiers d'art. Il faut protéger ces savoir-faire anciens et absolument indispensables aux entreprises de restauration. Voilà bien une politique d'ensemble, qui ne sera conduite et réussie que si chacun accepte d'y mettre du sien : l'État, les collectivités locales, les propriétaires eux-mêmes. Je souhaite que le patrimoine appartienne à tous. Tout le monde doit pouvoir y accéder dans les meilleures conditions. J'invite vos lecteurs à entrer ce week-end dans leur histoire en allant visiter les nombreux monuments ouverts à l'occasion de ces journées.
RTL : Dimanche 17 septembre 1995
J.-P. Tison : Le succès est-il aussi grand cette année que l'année dernière ?
Philippe Douste-Blazy : Nous avons dépassé les 7 millions de visiteurs, avec un grand mouvement en province avec plus de 10 %, et à Paris une stabilité qui est probablement due aux mesures de sécurité. Il faut remercier les journalistes, vous les radios, les journaux régionaux : c'est l'information qui a permis à nos concitoyens de prendre conscience de l'intérêt de visiter nos sites et monuments historiques. J'ai tenu à ce qu'il y ait cette année l'ouverture de lieux nouveaux, comme par exemple l'hôtel de Choiseul où l'on vient de me dire que plus de 3 000 personnes sont venus visiter en 48 heures. La visite du patrimoine français représente la deuxième pratique culturelle des Français, et la première pratique culturelle des moins de 40 ans. C'est notre mémoire commune, notre histoire collective qui intéressent. Nous sommes peut-être en recherche d'une identité qui, d'ailleurs bien souvent, est malmenée.
J.-P. Tison : On a souvent associé les monuments à l'histoire du cinéma.
Philippe Douste-Blazy : Nous avons ouvert au public l'institut Louis-Lumière à Lyon. Le succès a été considérable. Dans la région Rhône-Alpes il y a eu une augmentation des visites : + 15 %. Cette année on a surtout voulu ouvrir le patrimoine de proximité, le patrimoine rural, mais aussi le patrimoine industriel comme ces usines Lumière avec son hangar des premiers films.
J.-P. Tison : Quel a été votre itinéraire ?
Philippe Douste-Blazy : Je suis ensuite allé à la cathédrale de Bourges où l'on fêtait le huitième centenaire. Il y a eu un phénomène populaire extraordinaire. Ce matin, je suis allé sur un site archéologique où les premiers Grecs sont arrivés près de Marseille, Saint-Blaise. C'est un endroit écologique et environnemental magnifique. Et ce soir, je suis allé au château d'If. Forteresse extraordinaire, un endroit à la fois clos, refermé sur lui-même, mais un endroit ouvert au monde depuis le XVe siècle.
J.-P. Tison : Vous avez déclaré que l'Opéra de Lyon aurait un statut d'opéra national dans le cadre d'un rééquilibrage entre Paris et la province.
Philippe Douste-Blazy : Ce sera une des grandes actions du ministère de la Culture cette année. Le Premier ministre me l'avait demandé, il y tient énormément. Un des symboles forts, c'est d'abord le budget, en ouvrant des équipements culturels en province, en particulier dans les banlieues des grandes villes. Autre symbole fort, l'opéra. Nous voulons montrer que l'opéra ce n'est pas que Paris, c'est aussi la région. Il y a eu Lyon, il faudra aussi travailler avec Marseille.
J.-P. Tison : L'architecture qui était rattachée au ministère de l'Équipement va passer sous votre aile au ministère de la Culture.
Philippe Douste-Blazy : Alain Malraux et Jacques Duhamel avaient la responsabilité de l'architecture lorsqu'ils étaient ministres de la Culture. Je tenais à ramener l'architecture au ministère de la Culture. Pas pour avoir plus de pouvoir, mais tout simplement parce que l'architecture d'aujourd'hui est le patrimoine de demain. Et le ministère de la Culture c'est le ministère de la création, de la vie. Donc, avec l'architecture c'est de la ville dont il s'agit : c'est l'architecture qui dessine le cadre de vie dans lequel nous vivons. Toutes les rues, les quartiers, les maisons dans lesquelles nous habitons, c'est l'architecture qui dessine ce cadre-là.
J.-P. Tison : L'Europe nous imite maintenant.
Philippe Douste-Blazy : Depuis 1984 où la France a commencé, l'Europe nous suit. J'ai tenu à ce que les différentes directions de l'architecture viennent à Paris pour que nous puissions parler de l'architecture et de l'Europe. Nous avons, nous les Européens, une histoire commune. Quarante pays étaient présents. Et puis, il faut penser aux différents patrimoines qui sont en danger aujourd'hui parce que l'Europe est malheureusement en guerre dans certains endroits. Il serait bon que tous les ministres de la Culture du monde se rencontrent pour dire aux militaires qu'il faut toujours sauvegarder le patrimoine. Ne pas vouloir casser des peuples, des patrimoines, des cultures et des civilisations en explosant les monuments historiques.