Interviews de M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement, à France 2 le 8 et dans "Le Monde" et "Le Parisien" du 9 février 1996, notamment sur le bilan du prêt à taux zéro.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - France 2 - Le Monde - Le Parisien - Télévision

Texte intégral

Date : jeudi 8 février 1996
Source : France 2

P. Chêne : Pourquoi 20 mois obligatoirement pour rembourser le prêt à taux zéro ?

Pierre-André Périssol : Parce que ça leur permet de pouvoir avoir une mensualité plus faible et donc de pouvoir acheter, ce qu’ils n’auraient pas pu faire autrement. Si le prêt à taux zéro marche bien, c’est parce que 5 objectifs qu’on avait fixés ont été atteints. D’abord, c’est une aide très sociale. 8 bénéficiaires du prêt à taux zéro sur 10 gagnant moins de 15 000 francs par mois. Les deux tiers sont des jeunes de moins de 35 ans et 60 % sont des ouvriers et des employés, des gens qui ne pouvaient pas accéder à la propriété avant et qui, dorénavant, vont à nouveau pouvoir le faire. Deuxièmement, c’est une aide très juste. Plus ces revenus sont faibles, plus l’aide est forte. Ça vous paraît normal, mais ce n’était pas le cas avant.

P. Chêne : On se demandait toujours ce qui avait changé par rapport aux anciennes aides. Ça, ça a changé ?

Pierre-André Périssol : Justement, avant l’aide était d’autant plus importante que les revenus croissaient. Là, plus les revenus sont faibles plus l’aide est forte. Troisièmement, c’est une aide très lisible. Tout le monde sait aujourd’hui qu’il y a un prêt à taux zéro si on veut acheter un logement et c’est très important.

P. Chêne : Le PAP donnait plus d’argent mais il le donnait autrement ?

Pierre-André Périssol : Oui, c’est d’autant plus efficace, objectif majeur, qu’en deux mois et demi, nous avons fait à peu près 30 000 prêts à taux zéro, c’est-à-dire une année de production de PAP. C’est pour ça que c’est plus efficace. Le PAP, comme il y en avait peu, c’était une petite loterie. Et, deuxièmement, on avait perdu avec ces dispositifs les accédants modestes, ceux qui voulaient acheter…

P. Chêne : Il faut rappeler ce qu’était le PAP ?

Pierre-André Périssol : Le prêt à l’accession à la propriété était une loterie, il y en avait à peu près 30 000 par an, donc on avait de la chance ou non. En tout état de cause, grâce à cette réforme, on montre d’abord qu’on peut faire beaucoup mieux, qu’on peut être beaucoup plus efficace, qu’on peut être plus juste et plus social en dépensant pas plus et deuxièmement, on rend de l’espoir à des gens qui avaient un désir et ne pouvaient pas le mettre en œuvre. Comme ça, on contribue à rendre confiance à la société.

P. Chêne : C’est vrai, ça marche. Un petit envers du décor : ce prêt à taux zéro a été donné à plusieurs banques, le Crédit Foncier avait l’exclusivité du PAP ou presque, ça risque de mettre 5 000 personnes au chômage si la banque ne s’en remet pas ?

Pierre-André Périssol : Pas du tout. Vous le savez très bien. La preuve étant d’ailleurs que le Crédit Foncier est un des premiers acteurs dans le prêt à taux zéro avec d’autres établissements. Et donc, si le Crédit Foncier a des difficultés aujourd’hui, elles ne naissent pas de ce qui s’est passé dans les deux dernier mois où d’ailleurs il a joué un rôle majeur. Et j’en félicite tous les employés du Crédit Foncier qui se sont bien mobilisés sur ce nouveau prêt. Je pense qu’il y a une crise immobilière dans la quel le Crédit Foncier s’est peut-être un peu trop engagé dans les années 90-91-92.

P. Chêne : Des nouvelles du surloyer HLM, il est en place ?

Pierre-André Périssol : Il sera en place. C’est une mesure de justice sociale. Rappelons qu’une HLM, c’est un logement à loyer modéré parce qu’il y a une aide forte de la collectivité. Donc, lorsqu’un locataire HLM dont les revenus viennent à augmenter, ma conception de la diversité dans l’habitat, fait qu’il peut y rester. Je ne veux pas d’une ville où il y aurait d’un côté les riches et de l’autre côté les pauvres, mais ma conception de la justice sociale fait qu’il doit payer un complément de loyer au titre de la solidarité. Donnons un exemple : un ménage avec deux enfants, en province, si ses revenus viennent à dépasser 18 000 francs, il habite un HLM, il y restera, il payera à peu près 35 francs par mois depuis. En Île-de-France, si ses revenus dépassent 28 000 francs, à ce moment-là, il payera environ 210 francs de plus par mois.

 

Date : 9 février 1996
Source : Le Monde

Le Monde : Considérez-vous que vos objectifs sont atteints ?

Pierre-André Périssol : J’avais fixé plusieurs objectifs : que le nouveau prêt soit lisible, efficace, social et juste. Il semble qu’au terme de ces trois premiers mois de mise en œuvre ces objectifs soient atteints. Le rôle social du prêt à taux zéro est réel puisque près de 80 % des bénéficiaires ont des revenus égaux ou inférieurs à 15 000 francs par mois. En outre, le dispositif touche les jeunes puisque les deux tiers ont moins de trente-cinq ans. Cette aide financière nouvelle est d’autant plus forte que le revenu des ménages en bénéficiant est plus faible. C’était l’inverse dans les prêt PAP. Le résultat est qu’en trois mois, on a distribué le volume d’une année de prêts PAP, ceci avec des prêts complémentaires qui n’excèdent pas, en moyenne, 7,2 %.

Le Monde : Le succès du prêt à taux zéro auprès du public populaire ne rend-il pas urgente la mise en œuvre du dispositif de sécurisation que vous aviez annoncé ?

Pierre-André Périssol : Je ne crois pas qu’il y ait de risques particuliers de surendettement liés au nouveau prêt du seul fait du caractère social de sa clientèle. Ou alors, cela veut dire qu’avec 15 000 francs de revenus, on ne peut pas accéder à la propriété. Le surendettement a pris un caractère massif dans les années 80, mais nous sommes en 1996. Aujourd’hui, les prêteurs aussi bien que les emprunteurs sont conscients que le temps n’efface pas les dettes. Il est néanmoins nécessaire d’être vigilant, et le dispositif prévu doit être mis en place. Il sera opérationnel dans le courant du mois de mars. Il s’agit, en cas de perte d’emploi, d’alléger la mensualité de remboursement des ménages entre le dixième et le vingt-quatrième mois de chômage. Il nous a paru logique que ce dispositif soit pris en charge par les collecteurs du 1 % patronal, et j’ai tenu à ce qu’il soit négocié avec eux. Ils sont désormais prêts à s’engager, il nous reste à mettre au point les dispositions techniques.

Le Monde : Vous attendiez de la réforme qu’elle libère des logements HLM. Pensez-vous que ce sera le cas ?

Pierre-André Périssol : Ce qui me paraît important, c’est que les gens aient la liberté de choix. On note que les trois quarts des bénéficiaires du prêt à taux zéro sont des locataires. Qu’ils le soient dans le parc privé ou dans le parc social, en achetant un logement, ils libèrent celui qu’ils occupent.

Le Monde : Mais le problème aujourd’hui semble moins le problème du volume de l’offre que celui de l’adaptation à la demande.

Pierre-André Périssol : Si un ménage modeste libère un logement locatif, c’est forcément un logement offrant un montant de loyer modeste. Ceux qui sont aujourd’hui dans les files d’attente de cette fraction du locatif vont pouvoir bénéficier de cette offre nouvelle.

Le Monde : Les déductions fiscales favorisant l’investissement locatif sont perçues comme une prime aux gros revenus. Où est la cohérence avec la réforme de l’accession à la propriété ?

Pierre-André Périssol : Mon objectif, encore une fois, n’est pas de distribuer des cadeaux à telle ou telle catégorie, mais de permettre aux Français de se loger selon leurs souhaits. Les mesures fiscales dont vous parlez vont attirer vers le logement locatif ceux qui ont les moyens financiers d’investir. Dans ce but, il a été décidé, en fonction d’une conjoncture qui nécessite de favoriser l’emploi, d’arrêter des taux d’amortissement très puissants et incitatifs les premières années. Là encore, l’offre locative, à tous les niveaux de loyer, notamment dans la catégorie intermédiaire, devrait s’en trouver renforcée.


Date : 9 février 1996
Source : Le Parisien

Le Parisien : Quel bilan tirez-vous des premiers mois de distribution du prêt à taux zéro ?

Pierre-André Périssol : J’en suis extrêmement satisfait. Ce système a montré son efficacité puisqu’en moins de trois moins, nous avons fait autant de prêts qu’en une année de prêts à l’accession à la propriété. Les objectifs sociaux ont été atteints : huit ménages bénéficiaires sur dix ont des revenus inférieurs à 15 000 francs par mois, six sur dix sont des employés ou des ouvriers, deux sur trois sont des jeunes de moins de trente-cinq ans. De plus, grâce à la concurrence entre les établissements, les prêts complémentaires au prêt à taux zéro tournent autour de 7,5 %, ce qui est intéressant pour les emprunteurs. Enfin cette aide est beaucoup plus juste que les anciens prêts d’accession à la propriété puisqu’elle est d’autant plus forte que le revenu est plus faible.

Le Parisien : Compte tenu de ce succès, réviserez-vous à la hausse votre objectif pour l’année 1996 ?

Pierre-André Périssol : 120 000 prêts, c’est déjà beaucoup, mais je rappelle que cette aide n’est pas contingentée. Donc tout le monde sera servi. Ajoutons que le Gouvernement a décidé, à titre exceptionnel, d’ouvrir pour l’année 1996 le prêt à taux zéro à toute acquisition de logement ancien dès lors que l’on fait pour 20 000 francs de travaux dedans, ce qui va encore élargir sa cible.

Le Parisien : Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter que ces nouveaux accédants à la propriété ne se retrouvent, un jour, surendettés ?

Pierre-André Périssol : Je souhaite qu’il y ait un filet de sécurité pour les ménages qui vont s’engager sur une période de quinze à vingt ans. Face à un accident de parcours, comme le chômage, je prévois que les remboursements soient allégés pendant une période de quinze moins, à compter du dixième mois de chômage. Ce dispositif sera opérationnel dans quelques semaines.