Texte intégral
1. Le gouvernement désigné après l’élection présidentielle de mai 1995 a dû faire face à un contexte économique et financier marqué par trois difficultés majeures :
- les déficits publics avaient atteint en 1993 et 1994 avec 5,6 % du PIB leur niveau le plus élevé depuis plus de 25 ans ;
- le manque de confiance dans notre économie entraînée par cette dérive des comptes publics et le choix de ne pas utiliser les marges élargies sein du SME contraignait à une politique monétaire restrictive. Les taux d’intérêt étaient très élevés et marquaient un écart important avec les taux allemands (310 points de base d’écart pour les taux à trois mois et 70 points pour les taux à 10 ans) ;
- un retournement conjoncturel s’amorçait en Europe qui ne pouvait épargner la France.
La politique de réforme de redressement conduite depuis deux ans et l’évolution de la conjoncture économique en Europe permettront au gouvernement issu des élections législatives de mai 1997 de bénéficier d’un contexte radicalement différent, même si à l’évidence le processus de transformation de notre économie et de retour à une croissance suffisante pour faire reculer nettement le chômage n’est pas achevé.
- les déficits publics sont revenus au voisinage de 4 % en 1996 et sont, comme on le verra plus loi, nettement orientés à la baisse ;
- l’amélioration progressive des soldes budgétaires a permis un assouplissement de la politique monétaire et la baisse des taux d’intérêt à un niveau qui est parmi les plus bas du G7. A la veille des élections, les taux d’intérêts étaient ainsi de 3,4 % pour les taux à trois mois (soit 25 points de base au-dessus des taux allemands) et 5,7 % pour les taux à 10 ans (soit un écart en notre faveur de 15 points de base avec les taux allemands). Ces résultats témoignent d’un haut degré de confiance dans la politique économique suivis par la France.
- les perspectives de croissance et d’emploi sont bonnes. Les mesures structurelles qui ont été décidées et tout particulièrement l’allègement des charges sociales sur les bas salaires (environ 42 milliards en année pleine) ont rendu la croissance plus riche en emplois. En 1996, avec une croissance de 1,3 %, le nombre d’emplois créés en France a pratiquement compensé le nombre d’emplois détruits, alors qu’en 1992, avec une croissance proche de 1,2 %, notre pays avait perdu 280 00 emplois. Ceci nous met dans une situation plus satisfaisante que l’Allemagne, par exemple, qui a perdu 350 000 emplois, en net en 1996, avec un taux de croissance comparable au nôtre.
L’économie française a clairement recommencé de créer des emplois : la progression est de 140 000 créations nettes de 1997 et 250 000 l’an prochain.
Le recul de l’inflation accentue les gains de pouvoir d’achat dont les salariés bénéficient depuis 1996 : sur un an, le salaire horaire ouvrier a progressé de 2 % en pouvoir d’achat (contre moins de 0,5 % jusqu’à mi 96). Aussi l’application des règles de revalorisation automatique du Smic va-t-elle conduire à un relèvement de l’ordre de 1,9 % au 1er juillet.
La diffusion de ce pouvoir d’achat ne peut que conforter les prévisions des experts, en particulier des organismes internationaux qui nous créditent d’une croissance d’environ 2,5 % en moyenne annuelle en 1997 et de 3 % en 1998. Les prévisions générales sont confirmées par les résultats des toutes dernières enquêtes de conjoncture. Celle réalisée en mai par l’INSEE auprès des chefs d’entreprise de l’industrie montre une perspective d’activité soutenue dans les prochains mois et les carnets de commandes sont aujourd’hui jugés « très étoffés ».
Un point d’incertitude demeure sur l’investissement qui ne manifeste pas de réel redémarrage. Mais les conditions financières sont favorables aux entreprises et la clarification des perspectives de croissance une fois levées les incertitudes électorales devrait permettre une reprise plus vigoureuse des dépenses d’équipement.
Au total, tout laisse penser que la politique menée en matière de finances publiques, la baisse des taux d’intérêt et le rééquilibrage des parités entre les monnaies ont véritablement créé les conditions d’un redémarrage durable et sein de l’activité.
2. La maîtrise des finances publiques a joué un rôle décisif dans le redressement de la situation économique de notre pays et a largement contribué à créer les conditions d’une croissance durable et soutenue.
Il est important de consolider cet acquis, d’autant qu’en sens inverse, le redémarrage de la croissance est lui-même un atout important d’une politique de réduction des déficits publics, en raison de son impact sur les recettes.
Le LFI 1997 et la loi de financement de la Sécurité sociale ont été adoptées dans cette perspective. Elles ont permis d’arrêter un niveau de déficit prévisionnel de 3 % du PIB autorisant la participation de la France à la monnaie unique dès sa mise en place au 1er janvier 1999.
Ce résultat a été obtenu en maintenant les dépenses de l’État pour 1997 au même niveau qu’en 1996. Cette modération sans précédent des dépenses de l’État a permis d’amorcer en parallèle le processus pluriannuel de baisse de l’impôt sur le revenu avec 25 milliards de francs d’allègements dès cette première année.
Le respect des objectifs fixés pour 1997 sera un enjeu important pour le gouvernement issu des élections. Il n’est pas définitivement acquis et nécessitera des mesures de rééquilibrages comme cela avait été le cas en 1996 où des ajustements à hauteur d’environ 25 milliards avaient dû être effectués sur le budget de l’État. Globalement, les écarts concernent les prévisions de recettes pour un total de l’ordre de 35 milliards alors que les estimations et les autorisations de dépenses peuvent tout à fait être respectées tant pour le budget de l’État que sur celui de la Sécurité sociale si les gestionnaires maintiennent leur vigilance. La question qui devra être tranchée au cours de l’été par des décisions de gestions et des mesures réglementaires et non pas obligatoirement par un collectif budgétaire est celle de savoir à quelle hauteur exactement et par quels moyens (économies sur les dépenses, mobilisation de recettes exceptionnelles non fiscales, remise en cause de dépenses fiscales…). Le gouvernement décide de compenser le défaut de certaines recettes. Cet écart sur les recettes n’est pas définitivement connu à ce jour et peut varier sensiblement en fonction de l’évolution de l’emploi et de l’activité au cours des prochains mois. Son origine est triple :
- les recettes fiscales nettes progressent depuis deux ans à un rythme nettement inférieur à celui du PIB. Le constat des recettes effectives de 1996 entraîne, toutes choses égales par ailleurs, une révision à la baisse de 15 milliards de prévision pour 1997. Ce sont essentiellement les recettes de TVA dont l’évolution est décevante. Ce phénomène est pour partie explicable par les conditions particulières de la croissance qui en 1996 et au début 1997 a été tirée par les exportations. A ce titre, il est heureusement transitoire. Cependant cette explication n’est pas apparue suffisante au ministre de l’Économie et des Finances qui a confié à l’Inspection générale des finances une enquête permettant de savoir si de nouvelles formes de fraudes dues aux nouvelles conditions des échanges au sein de la CEE sont ou non à l’origine de pertes significatives de recettes. Ce rapport sera disponible très prochainement.
- les cotisations sociales devraient sur la base de la tendance des recettes des premiers mois où la masse salariale n’évolue pas au rythme anticipé rapporté pour l’ensemble des régimes sociaux de l’ordre d’une dizaine de milliards de moins que prévu, l’écart sur le seul régime général étant limité à environ 5 milliards.
- un accord conclu entre les partenaires sociaux sur l’UNEDIC qui a notamment permis de baisser les cotisations chômage aura pour effet d’absorber presque intégralement un excédent initialement prévu de 12 milliards. Cette évolution n’affecte pas directement la Sécurité sociale stricto sensus, mais le régime chômage étant inclus dans les comptes publics selon les normes européennes, la variation de son solde dégrade la prévision de plus de 0,1 point de PIB.
En matière de dépenses, les besoins supplémentaires de financement identifiés doivent pouvoir être couverts, sans difficultés majeures, par des dépenses intérieures sur d’autres postes.
Sur le budget de l’État, l’administration des finances anticipe les dépenses supplémentaires nettes d’environ 23 milliards, dont une partie peut justifier l’intervention d’un décret dans les prochaines semaines. En sens inverse, le maintien des taux d’intérêts à leur niveau actuel permettrait une économie de 5 milliards sur les crédits ouverts au titre des charges de la dette. De plus le ministre de l’Économie et des Finances a mise en réserve 10 milliards qui ne seront pas dépensés si cette mesure n’est pas levée et qui peuvent à tout moment faire l’objet d’un arrêté d’annulation.
L’écart théorique est donc de 8 milliards, ce qui à ce stade de l’année et par comparaison avec des dépenses budgétaires de plus de 1 500 milliards n’a rien d’inhabituel.
S’agissant de la Sécurité sociale, il faut attendre la réunion (en principe à la fin juin) de la Commission des comptes de la Sécurité sociale pour connaître les projections d’exécution de la LFSS.
L’écart par rapport à la prévision sur le régime général ne devrait pas excéder sensiblement celui de 5 milliards déjà cité.
Si les prévisions de dépenses s’avéraient néanmoins supérieures, il est dans la logique de la loi de financement (et les ordonnances d’avril 1996 en ont complété les moyens) d’arrêter les mesures correctrices permettant de respecter le texte adopté par le Parlement.
Il faut cependant ajouter que, parallèlement, la question de la dette accumulée en 1996 et au cours des premiers mois de 1997 devra être réglée avant l’automne pour éviter la saturation de l’enveloppe maximale des enveloppes CDC.
3. Pour 1998, la préparation de la LFI et de la LFSS n’a pas encore dépassé véritablement le stade du travail de préparation technique par les services compétents.
Une lettre de cadrage a cependant été adressée le 22 avril dernier aux différents ministres leur prescrivant à ce stade un objectif similaire à celui retenu pour la présentation de la LFI (Loi de finances initiale) 1997, à savoir une reconduction globale des dépenses de l’État en francs courants par rapport à l’année précédente. Ce cadrage étant intervenu le lendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, les conférences budgétaires auxquelles il a donné lieu n’ont pu naturellement déboucher sur un projet finalisé remis au gouvernement.
Par ailleurs, les premiers travaux dits de « Perspectives budgétaires » menées par la Direction du Budget évaluent la tendance des déficits publics à un chiffre supérieur à 4 % du PIB, sur la base, il est vrai, de prévisions de recettes spontanées particulièrement basses. Ce chiffre peut être ramené 3 % après prise en compte des mesures d’économie sur les dépenses budgétaires et de la Sécurité sociale, de remise en cause de certaines dépenses fiscales et de mobilisations de recettes exceptionnelles à caractère non fiscal. Cette positon n’a l’objet d’aucun arbitrage gouvernemental et plusieurs des mesures suggérées soulèvent des difficultés politiques importantes.
Ces travaux mettent en évidence le fait que, malgré les travaux accomplis, il n’y a pas aussi longtemps que la croissance retrouvée n’a pas fortement affectée le rythme d’évolution des recettes de l’État et de la Sécurité sociale, de tendance spontanée à la réduction des déficits.
Celle-ci doit être poursuivie non seulement pour des impératifs de politique européenne, mais surtout pour sortir de la spirale de l’endettement et éviter la remontée des taux d’intérêt. Elle ne peut être obtenue - sauf à envisager des recettes nouvelles qui freineraient la croissance et seraient rejetées par une large majorité de l’opinion - que par une attitude volontariste de maîtrise des dépenses publiques.
Il est donc certain que la présentation de manière crédible en septembre prochain d’un PLF (projet de loi de finances) et d’un PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) faisant apparaître un déficit cumulé de 3 % exigera un engagement politique très fort du gouvernement dans son ensemble sur la limitation de la charge que les dépenses publiques font passer sur notre pays.
Un exercice indispensable s’imposera lors des choix budgétaires et des arbitrages sur les comptes sociaux au cours de l’été pour manifester la capacité de la France à tenir ses engagements pris.
Cet exercice sera facilité si :
- il est partie intégrante d’un programme impliquant le gouvernement dans l’amélioration de la gestion publique, dans une politique permettant de rendre un service meilleur aux usagers, aux assurés sociaux, aux administrés, avec des dépenses stabilisées ;
- il est présenté comme une contribution à l’économie privée pour lui permettre de générer de la croissance des emplois et des salaires grâce à un allègement des prélèvements. Sans limitation des dépenses publiques, il n’y a pas de politique crédible de réduction des impôts et des déficits.
- il est accompagné de mesures montrant la volonté du gouvernement d’assurer la cohésion sociale en luttant contre le chômage et l’exclusion, tout en accélérant la croissance et la modernisation du pays.