Texte intégral
Congrès INAO - 22 mai 1996
Monsieur le président,
Messieurs les présidents des comités nationaux,
Mesdames, Messieurs,
C’est avec un grand plaisir, Monsieur le président, que je participe pour la première fois en tant que ministre du congrès de l’INAO, institution dont la réputation ni la qualité de l’action ne sont ne sont plus à prouver.
Il faut avouer que vous y êtes pour quelque chose, Monsieur le président, et j’englobe dans ce compliment bien entendu l’ensemble de tous ceux qui ici présents contribuent au quotidien par leur action et leur engagement à ce qui aujourd’hui constitue un symbole au quotidien par leur action et leur engagement à ce qui aujourd’hui constitue un symbole de la réussite de notre filière agricole et alimentaire et cela pour trois raisons.
Depuis maintenant plus de 60 ans vous démontrez dans les faits que performance, diversité des terroirs, respect des traditions, maîtrise des rendements et gestion de la rareté sont compatibles : les remarquables résultats économiques et commerciaux des productions sous application d’origine contrôlée sont à cet égard des réponses sans appel aux adeptes de la performance économique par les seuls gains de productivité.
La situation particulièrement difficile et, je le crains, durable que rencontrent certaines filières telles que celle de la viande bovine doit être pour chacun d’entre nous l’occasion de nous interroger sur les limites de certains systèmes de production et sur les réponses appropriées à apporter dans l’intérêt global de tous les acteurs de la chaîne économique : producteurs, transformateurs et bien entendu consommateurs.
Les appellations d’origine n’ont cessé de progresser au fil des années pour maintenant représenter près de 20 % du total des exploitations et un chiffre d’affaires de plus de 80 milliards dont une bonne moitié réalisée à l’exportation et un chiffre d’affaires de plus de 80 milliards dont une bonne moitié réalisée à l’exportation.
Je tiens à rendre un hommage collectif à cette réussite, fruit d’une discipline continue mais aussi de combats difficiles.
Seconde raison, les AOC jouent un rôle irremplaçable en matière d’aménagement du territoire et de respect de l’environnement, notions là aussi de plus en plus déterminantes aux yeux du consommateur et de l’ensemble de la collectivité nationale.
Vous avez le don de transformer ce que certains appellent des handicaps naturels en des atouts, qu’il s’agisse de la topographie, de l’altitude ou encore des terroirs.
Mais vous avez toujours compris aussi que l’économie et la répartition de la valeur ajoutée étaient au cœur du débat : l’entreprise doit tirer son revenu du marché et les discussions, les négociations sûrement acharnées pour le partage équitable de la valeur ajoutée témoignent de cette lucidité mais aussi de la fragilité de ces logiques de différenciation si caractéristiques des AOC.
Une de vos grandes forces étant bien entendu d’avoir eu la sagesse de considérer l’appellation comme une propriété et un patrimoine collectif dont vous étiez dépositaire et dont il vous appartient de préserver et de valoriser la notoriété et le potentiel économique.
Je suis comme vous le savez très attaché à ce que cette logique de partenariat entre les différents maillons de cette chaîne non seulement soit maintenue mais bien plus devienne le cas général dans le secteur agricole et alimentaire : il faut à tout prix éviter des excès auxquels nous assistons ici et là notamment avec la grande distribution ou de la part de certains opérateurs.
Soyez certains que je serai toujours à vos côtés : le risque en terme économique d’image et de banalisation est réel et ne doit en aucun cas être couru.
En somme Monsieur le président vous avez très souvent été les précurseurs de beaucoup de débats et sujets aujourd’hui d’actualité et bien plus vous avez su effectuer les choix clairs qui s’imposaient.
Je n’hésiterais pas à qualifier votre secteur d’activité comme un système de production et de valorisation réconciliateur :
- entre producteurs et consommateurs ;
- entre production et environnement.
Pour autant les AOC ne sont ni le modèle unique, ni la réponse unique, ni à l’abri des mutations de notre environnement ou encore de la concurrence internationale : vous l’avez rappelé Monsieur le président rien n’est définitivement acquis, il faut savoir être à l’écoute et se préparer à ces nouveaux défis.
Tout ceci doit nous inciter collectivement au réalisme, à la capacité d’anticipation et à la vigilance.
Vigilance tout d’abord quant aux attentes actuelles et futures du consommateur.
Le système d’agrément est un bon système : il y a probablement lieu à le faire évoluer, à le compléter et à réfléchir aux responsabilités propres, dans cette perspective, à l’INAO, aux syndicats de défense et aux interprofessions.
Je sais que vous avez déjà abordé ces questions : elles sont importantes dès l’instant où elles s’inscrivent dans cette logique d’une vision complète de la chaîne « du producteur au consommateur » et donc d’une meilleure satisfaction des attentes de l’acheteur final.
Sur ce même plan vous avez évoqué la difficile mais incontournable question de la cohérence d’ensemble des signes et du rôle de la commission mixte.
Vous le savez je suis particulièrement attentif à ce sujet dont dépend dans son ensemble la politique de qualité.
Il est impératif de préserver mais aussi de renforcer cette complémentarité et cette synergie entre les différents signes.
C’est aussi que je l’entends et c’est une des vocations principales de cette commission : à défaut nous risquons une multiplication incontrôlée donc une banalisation et une incompréhension du consommateur comme cela a pu arriver dans certains secteurs et pour certains signes.
Il est donc urgent que ces questions soient rapidement examinées sans a priori mais avec lucidité.
Ainsi l’IGP doit-elle devenir la panacée, l’outil immédiat et facile de toutes les politiques de qualité quels qu’en soient les acteurs et quelles qu’en soient les filières ?
Je ne le pense pas et je suis certain du contraire.
Évitons le pire en galvaudant l’accès à certains signes, ou en en utilisant d’autres à mauvais escient : nous pourrions conduire les producteurs et les opérateurs à des échecs économiques sévères et par là-même entacher la notoriété et la crédibilité de notre politique de qualité dans son ensemble.
Les signes de qualité obéissent à une logique de complémentarité. Dans cet ensemble les appellations sont des instruments de politique agricole dont les producteurs sont les acteurs prépondérants : n’oublions pas que près de 150 000 exploitations ont fait ce choix économique et ont trouvé, grâce aux appellations, une viabilité durable.
C’est avec cet état d’esprit que j’ai voulu que la loi d’orientation comporte un volet « qualité et valorisation des productions » : ce sera l’occasion et le support des nécessaires réformes et aménagements.
Dans votre intervention Monsieur le président vous avez aussi abordé la question des contrôles dans le secteur viticole, de leur nécessaire simplification et d’un partage plus rationnel des compétences entre les différents services de l’administration et des organismes rattachés.
Le secteur a une histoire longue et riche à laquelle, pourrais-je dire, s’ajoute une histoire des contrôles administratifs liés à différentes préoccupations : santé publique, fiscalité, fraudes, conditions de production.
Le résultat en est une sédimentation et une accumulation de contrôles sans nécessairement avoir pris en compte ces évolutions du contexte ni de l’organisation de pouvoirs publics.
Deux questions méritent d’être posées :
- des contrôles pourquoi faire ?
- une fois définis ces objectifs, qui est le mieux placé pour les effectuer ?
Je suis tout comme vous favorable à une réforme qui doit aller dans le sens d’une simplification, sans pour autant remettre en cause l’efficacité des contrôles, et du choix de l’administration la mieux à même d’exercer le contrôle au regard de son expérience et de ses compétences, en évitant tout redondance.
Pour les autres secteurs, il y a sûrement aussi des progrès possibles mais c’est clairement dans le secteur viticole que nous devons avancer rapidement.
La loi d’orientation pourra de ce point de vue faire progresser ce sujet.
À propos de partage de compétences, il est un autre domaine dans lequel je serai et je demeurerai à la fois attentif et à la fois très offensif : il s’agit des compétences respectives de la France et de l’Union européenne en matière d’appellation d’origine.
Que les choses soient claires : il n’est pas question de se laisser imposer les décisions de la part de la commission qu’il s’agisse de l’Époisses, du Comté, de la Feta ni d’ailleurs de toute autre appellation.
C’est pour cette raison fondamentale que j’ai été amené à me prononcer contre le règlement relatif à l’enregistrement des AOP et IGP tel que présenté par la commission lors du dernier Conseil des ministres.
Ainsi les conditions de production de l’Époisses, du Compté relèvent de la seule prérogative de la France et doivent continuer à être définies par un seul décret français pris sur proposition des syndicats de défense après avis du Comité national de l’INAO.
Toute atteinte à cette conception se traduirait par un affaiblissement de la capacité du ministère de l’agriculture à jouer un rôle effectif en matière de politique d’aménagement du territoire et de politique agricole tout simplement.
Vous avez raison Monsieur Pinchon quand vous faites le lien entre cette maitrise de la définition des conditions de production et le maintien de l’agriculture dans certaines régions, non compté l’emploi induit qui en est directement lié.
La reconnaissance et la défense c’est nous, la protection c’est l’Union européenne.
Tel est l’esprit et la lettre du principe de subsidiarité que j’entends voir pleinement reconnu et appliqué que ce soit pour les appellations d’origine et encore pour la réforme de l’OCM viti-vinicole.
Vous le voyez nous partageons les mêmes façons de voir et le même attachement à défendre, à promouvoir et à faire évoluer ces appellations.
Il faut à tout prix préserver ces forces et ces atouts qui vont bien au-delà de l’économique seul pour s’étendre à des valeurs culturelles, au respect des hommes et des traditions.
Ne perdez-pas votre âme et résistons aux tentations multiples : l’extension des compétences de l’INAO est de ce point de vue une affaire délicate à gérer.
Que les nouveaux secteurs s’inspirent de la façon de faire sans pour autant imiter ce qui a fait le succès de notre viticulture.
L’INAO a plus que jamais un rôle central en matière de politique agricole et c’est pourquoi j’ai toujours défendu son action même en des périodes budgétaires difficiles et même s’il faut que les professionnels s’engagent de plus en plus.
Il a fallu toute cette passion, toute cette capacité à convaincre que chacun vous reconnait Jean Pinchon pour surmonter avec succès ces défis.
Vous avez aussi su vous entourer des présidents de grande qualité dont je tiens aussi à saluer l’action courageuse car rarement porteuse d’unanimité.
À l’aube de ces mutations et de ces changements je suis certain que l’arrivée d’un nouveau directeur, Monsieur Benard, à vos côtés sera un élément positif dans cette préparation.
Je sais pouvoir compter sur vous tous et soyez assurés en retour que je serai toujours un fidèle et opiniâtre avocat de ces nobles causes.
jeudi 23 mai 1996 : Assemblée général volailles fermières de Loué
Monsieur le ministre,
Monsieur le président Maignan,
Mesdames, Messieurs,
Je ne vous cache pas ma satisfaction de me trouver parmi vous ce matin, dans ce qui constitue, à bien des égards, le berceau de la politique de qualité du ministère dont j’ai la charge.
Tout le monde connaît les volailles de Loué. Il s’agit d’un produit qui a acquis une notoriété qui dépasse aujourd’hui nos frontières.
Mais on sait peut-être moins combien les professionnels de la Sarthe ont été des précurseurs en lançant, il y a près de 40 ans, une démarche qui allait d’abord être très officiellement reconnue par le ministère de l’agriculture et surtout « faire école » dans l’ensemble de la filière agro-alimentaire.
La création des volailles de Loué, c’est d’abord une prise de conscience collective : prise de conscience qu’il n’y a pas qu’un seul modèle de développement agricole, celui qui consiste à produire toujours plus, au meilleur coût, que la qualité peut constituer une opportunité formidable pour répondre aux attentes du consommateur et assurer un meilleur revenu aux producteurs.
J’ai parfois l’impression que certains redécouvrent seulement aujourd’hui ces principes simples qu’avaient parfaitement identifiés les créateurs des volailles de Loué.
Leur initiative est exemplaire à plus d’un titre.
D’abord, parce qu’elle n’aurait pas vu le jour sans la fédération de toutes les énergies, producteurs, transformations, élus locaux, qui ont tous « relevé les manches » pour faire des volailles de Loué une réalité.
Ensuite, parce qu’elle illustre la collaboration très efficace qui peut se nouer entre les professionnels et les services du ministère, lorsque des hommes de dialogue et de volonté se trouvent des « deux côtés ».
Vous avez souligné, Monsieur le président, le rôle joué par le directeur des services agricoles de la Sarthe. Je vous en remercie : je crois qu’il s’agit d’une reconnaissance méritée pour le travail accompli.
Mais surtout, Loué est un exemple parce qu’il a inspiré toute notre politique de développement de la qualité et d’abord, la création du label rouge, dont Loué fut l’un des premiers bénéficiaires.
Vous le savez, j’ai fait de la qualité et de l’identification des produits un axe majeur de ma politique.
Aujourd’hui, nous devons être capables, à côté de la production de masse, qui restera toujours nécessaire dans certaines filières exportatrices, de développer des productions bien identifiées et qui disposent d’atouts spécifiques, qu’il s’agisse de leur origine ou de leurs qualités.
Je crois aux produits du terroir, aux produits attachés à leur région, aux produits de qualité, car ils permettent de conjuguer deux impératifs apparemment contradictoires : la satisfaction des besoins du consommateur et la juste rémunération du producteur.
Le consommateur recherche, aujourd’hui, la qualité dans son alimentation. Il est de plus en plus attaché à l’origine des produits. Les produits bien identifiés peuvent répondre à ces besoins et peuvent en même temps assurer un meilleur revenu aux producteurs, car il est possible de mieux les valoriser, tout en restant dans un niveau de prix raisonnable, compatible avec les disponibilités du consommateur.
La qualité dans le domaine des produit agro-alimentaires, ce n’est pas autre chose que cette rencontre entre une offre bien ciblée et des besoins.
Encore faut-il savoir de quoi nous parlons, car le risque est grand de galvauder cette notion de qualité et d’origine, et certains ne s’en privent pas… C’est pourquoi, pour ma part, j’ai décidé de donner la priorité aux garanties officielles de qualité et d’origine, que sont en premier lieu le label rouge, mais également l’appellation d’origine contrôlée, la certification de conformité et même l’agriculture biologique. Bientôt dans les tous prochains jours, je pense pouvoir rajouter un cinquième signe, qui permettra de promouvoir les « produits de montagne ».
Seuls ces garanties officielles sont à même d’assurer au consommateur avec certitude que le produit bénéficie de caractéristiques particulières, qu’il s’agisse de son origine, de son mode d’élaboration ou de son goût. À ces garanties doivent s’attacher des exigences précises, car la qualité ne peut tolérer la médiocrité, j’y reviendrai.
Nous avions la chance de disposer, en France, d’un ensemble de garanties bien adaptées aux besoins et qui permettent de construire de vraies filières, du producteur au transformateur, comme c’est le cas à Loué.
Nous avons également souhaité responsabiliser les professionnels dans les contrôles et la gestion de la garantie dont ils bénéficient et permettez-moi de saluer le travail exceptionnel réalisé par le SYVOL depuis de nombreuses années pour construire la filière « volailles de Loué », la développer et la tirer vers le haut.
La qualité est aussi, je l’ai dit, le gage d’une meilleure valorisation pour les producteurs agricoles, en amont de la filière et ce point de vue sera, j’en suis sûr, partagé par les 1 000 éleveurs de volailles de Loué. Le label est l’affaire d’une filière, mais c’est avant tout leur affaire et c’est par leur travail quotidien que le produit livré, finalement, au client, est conforme à ses attentes et que « loué » conserve sa réputation.
Je me réjouis de la reconnaissance que nous avons accordée il y a quelques instants à la CAFEL en lui remettant ce certificat d’assurance de la qualité, qui apporte la preuve que les producteurs ont mis en place une organisation qui leur permet de livrer un produit de qualité constante et de faire face à tous les aléas. C’est une garantie supplémentaire et surtout, cela illustre la volonté de tous d’œuvrer ensemble dans le même sens, au service d’un produit et d’un nom, mais avant tout au service du consommateur.
Permettez-moi d’insister sur le consommateur, car je ne répéterai jamais assez que c’est d’abord à son service que notre agriculture doit œuvrer. C’est une réalité que nous devons totalement intégrer désormais. Il ne sert à rien de produire ce dont le consommateur ne veut pas. Il faut en permanence identifier les besoins et tenter d’y répondre.
Ce n’est pas facile, d’autant plus que ces besoins évoluent en permanence et il devient de plus en plus difficile d’y répondre.
Aujourd’hui, nous le voyons bien, le consommateur s’intéresse de plus en plus aux conditions de production et au bien-être des animaux, et dans ce domaine également, les signes de qualité peuvent apporter une réponse, car ils apportent la garantie que cette question est bien prise en compte.
J’évoquerai également, mais cela ne vous surprendra pas, le problème de la vache folle. Face à la montée irrationnelle de l’inquiétude des consommateurs, la meilleure réponse que nous avons pu apporter est celle d’une identification garantie de la viande bovine française. C’est une démarche qui n’est pas très éloignée de celle qui conduisent à des labels ou des certifications de conformité et je souhaite que nous allions de plus en plus dans ce sens.
J’ai fixé, vous le savez, un objectif, une ambition qui ne me semble pas irréaliste : je souhaite qu’à terme, un agriculteur sur deux ait une de ses productions bénéficiant d’une garantie officielle et que ces produits représentent plus de 15 % du marché.
La volaille sous label a, de ce point de vue, une expérience considérable et je suis persuadé que vous pouvez effectivement apporter votre expérience à d’autres filières qui se lancent seulement, je pense à la viande ou aux fruits et légumes.
Le champ est immense, les opportunités sont nombreuses. Nous manquons cruellement de produits bien identifiés dans certaines filières et je suis certain que nous pouvons atteindre l’objectif que j’ai fixé.
Encore faudra-t-il qu’un certain nombre de conditions soient réunies.
Tout d’abord, nous devons être capable de maîtriser le développement des produits de qualité.
Il serait dangereux de vouloir atteindre 100 % d’un marché sous signe de qualité, car cela signifierait la banalisation du produit.
Il faut au contraire être capable de maintenir un haut niveau d’exigence technique, afin que le produit se distingue réellement des produits standard. C’est dans cet esprit que j’ai engagé la révision de la notice technique du poulet label. La nouvelle notice, parue pendant le salon de l’agriculture, a permis de renforcer les exigences. Elle doit permettre à la filière de reprendre un second souffle sur des bases nouvelles. J’ai souhaité la plus grande transparence dans l’élaboration de ce texte, qui a fait l’objet de vastes débats. Je sais que vous auriez souhaité le « durcir » encore sur certains points, mais je crois que nous sommes parvenus à un bon compromis, qui peut vous satisfaire globalement. Je peux vous dire que ce n’est pas le cas de tous les opérateurs, et certains auraient préféré un texte plus « laxiste »…
C’est ce même devoir d’exigence et de qualité qui m’a conduit à revoir complètement le futur décret « montagne » qui assurera enfin qu’un « produit de montagne » sera un vrai « produit de montagne », fabriqué en montagne, avec des matières premières provenant de la montagne.
Mais la maîtrise de la production n’est pas seulement l’affaire des pouvoirs publics et de la réglementation : c’est aussi celle des opérateurs eux-mêmes et je constate comme vous qu’il est très difficile d’obtenir un accord des producteurs au niveau national.
Mon rôle ne peut pas être d’imposer ce type d’accord. En revanche, je peux faire en sorte que les accords entre professionnels puissent être conclus sans difficulté et qu’on ne vienne pas dire ensuite qu’ils sont anticoncurrentiels : limiter la production de produits de qualité n’a rien d’anticoncurrentiel !
Vous savez que j’ai souhaité voir ce point figurer explicitement dans la réforme de l’ordonnance de 1986 sur la concurrence. Dans un premier temps, des décrets d’exemption paraîtront très prochainement afin d’autoriser ce type d’accord.
C’est un premier pas. Il est utile. Car à trop vouloir développer une production de qualité, on risque de « tuer » le produit lui-même et remettre en cause l’équilibre économique des producteurs de la filière, particulièrement fragile dans le secteur de la volaille.
Le maintien de cet équilibre et de la place des producteurs doit être une priorité. Les signes de qualité ne doivent être confisqués ni par les grands industriels de l’agro-alimentaire, ni par les distributeurs. Que l’on me comprenne bien : il ne s’agit pas de cantonner les produits de qualité dans une vision artisanale et étriquée, mais il s’agit en revanche d’assurer un juste partage de la valeur ajoutée, notamment au profit des producteurs agricoles.
Vous savez combien je me suis impliqué dans la réforme de l’ordonnance de 1986, qui comportera des dispositions intéressantes sur le déréférencement abusif ou les promotions. Je veillerai à leur bonne mise en œuvre, car les volailles de Loué, comme l’ensemble de la filière volaille ne peuvent se passer de la grande distribution, mais encore faut-il être capable d’encadrer certaines pratiques, je pense en particulier aux promotions qui touchent particulièrement la volaille label et portent atteinte à l’image du produit.
En amont, vous avez évoqué le coût des céréales. Nous avons atteint aujourd’hui une situation absurde : des terres en jachères d’un côté, des prix qui augmentent et des demandes à satisfaire de l’autre. Le débat sur le taux de jachère aura lieu à Bruxelles au moins de juin. Je souhaite que nous prenions en compte la réalité d’aujourd’hui qui ne justifie plus de jachère obligatoire, mais c’est un combat qui reste à mener et vous savez que la France ne compte pas que des alliés dans ce domaine.
Nous avons encore de grands défis à relever pour construire une agriculture présente sur l’ensemble du territoire et qui puisse offrir des produits diversifiés, pour les consommateurs français comme pour l’exportation ; des produits de masse et des produits identifiés, des produits de qualité, des produits de terroir.
Telle est mon ambition. Tel est le chantier que je viens d’ouvrir en préparant, à la demande du président de la République, une loi d’orientation qui fixera le cadre de notre filière agricole et agro-alimentaire pour les 20 prochaines années. La qualité et la valorisation des productions occupera une place importante dans ce projet. Loué nous montre la voie, avec quelques années d’avance. J’espère que nous aurons la même audace et que nous contribuerons à développer notre agriculture à l’image de la filière volaille dans la Sarthe. C’est un exemple pour tous. C’est un exemple pour moi.