Texte intégral
Date : 15 avril 1996
Source : La Lettre confédérale CFTC
RÉFORME DE L'ÉTAT : TERRAIN MINÉ
Le gouvernement a mis en chantier une réforme des plus ambitieuses, la réforme de l'État. On sait que la fonction publique de l'État est un terrain où se sont accumulés les mécontentements. Les fonctionnaires en Viennent à se demander si l'État croit encore à l'avenir de leur mission. Ce n'est donc pas le meilleur moment pour s'aventurer sur un terrain aussi périlleux.
Cela étant dit, une réforme est sans doute nécessaire. Nous conseillons donc au ministre de la Fonction publique de redoubler de concertation et surtout de ne pas entreprendre une procédure à marche forcée. C'est un peu l'impression qu'a laissée le lancement des premières consultations.
Bien entendu, les personnels sont en première ligne et c'est avec eux que les travaux doivent s'engager en priorité.
Nous avons indiqué à Monsieur Perben combien il était important de traiter celle réforme dans la durée Il s'agit d'une entreprise aux facettes multiples et de longue haleine. Le pragmatisme voudrait qu'une démarche de réussite se construise à pour des sujets qui se révèlent comme les plus consensuels. Faute de cela nous irons à un blocage rapide et grave. Il y a déjà bien assez d'occasions de se fâcher dans le secteur public.
Il appartiendra donc au Premier ministre de donner du sens à la réforme. Celle-ci devra se construire sur les missions d'avenir de la Fonction publique et sur un projet ambitieux d'aménagement du territoire, prenant en compte les problèmes d'emploi. Il faut en effet d'abord que les fonctionnaires sachent où l'on veut aller et soient réellement impliqués dans le processus de décision.
COMMUNIQUÉ
Réforme de l'État : oui
Précipitation : non
La Confédération CFTC vient d'être reçue par Dominique Perben, ministre de la Fonction publique, dans le cadre de la consultation sur la réforme de l'État et à partir d'un document d'orientation qui reste indicatif. Alain Deleu qui menait la délégation a reconnu qu'une réforme de l'État était nécessaire. Pour ce faire, l'État doit réaffirmer la place qu'il entend avoir dans le pays pour contribuer à la bataille pour l'emploi et contre l'exclusion. La vaste consultation qui se déroule actuellement sur le territoire ne pourra être efficace que si elle permet eux partenaires concernés de prendre le temps de réfléchir, de faire des propositions.
De plus, cette réforme doit se faire avec les personnels et non contre eux en tenant compte de leurs légitimes aspirations.
Réforme ne doit pas rimer avec précipitation. Il s'agit d'une réforme de longue haleine ; c'est le message que répètera la délégation de la fédération générale des fonctionnaires CFTC de l'État lorsqu'elle sera reçue au ministère de la Fonction publique mercredi matin.
Paris, le 9 avril 1996
COMMUNIQUÉ
Le conseil de la Fédération générale des fonctionnaires, réuni le 22 mars, a pris connaissance du document de travail préparatoire à la réforme de l'État.
Le conseil réaffirme solennellement que les fonctionnaires et les agents de l'État ont déjà largement contribué au développement, à l’aménagement du territoire et à l'amélioration des conditions de vie de l'ensemble des citoyens.
Il considère qu'une réforme de l'État est nécessaire, cependant elle suppose qu'un certain nombre de conditions soient remplies :
- une concertation large et approfondie avec les organisations syndicales de fonctionnaires ;
- qu'aucune décision rapide ne doit être prise tant l'enjeu est d'ampleur, comme c'est le cas actuellement ou ministère du Travail et des Affaires sociales.
La FGF ne pourra accepter une remise en cause majeure du statut des agents et une forme de démantèlement de certains ministères. Si la déconcentration peut comporter des facilités de gestion, elle ne peut se faire au détriment des fonctionnaires et de leurs aspirations légitimes.
Le rapport manque de souffle en ce qui concerne l'aménagement du territoire et reste muet sur le rôle et les missions de l'État.
Si la vie quotidienne du citoyen doit être améliorée, cela ne peut se faire ou détriment de l'intérêt général et d'un service public de qualité bien organisé et accessible à tous.
Paris, le 10 avril 1996
RÉFORME DE L'ÉTAT
Un document en discussion
Un document portant sur la réforme de l'État, élaboré par le ministère de la Fonction Publique, a été diffusé très largement à l'ensemble des partenaires sociaux et aux agents des différents ministères.
Les confédérations, les organisations de fonctionnaires, les chambres patronales, le CNPF... tous sont sollicités pour donner leur avis. Le Premier ministre prendra connaissance de tous les avis, puis prendra sa décision avant l'été.
Certaines mesures nécessitent des textes législatifs, ils devront être votés avant la fin de la session parlementaire. Le plan de réforme se déroulera sur trois ans.
Pour leur part, la Confédération et la Fédération générale des fonctionnaires de l'État ont été reçues par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l'État, Dominique Perben.
Le contenu
Le document s'articule autour de quatre axes :
- placer le citoyen ou cœur du service public ;
- rénover la gestion des ressources humaines ;
- déléguer les responsabilités ;
- mieux décider, mieux gérer.
Placer le citoyen au cœur du service public
Simplification des relations entre l'État et le citoyen, allègement des démarches, simplification des procédures, présence des services publics dans les zones sensibles et création d'un nouveau personnage : « le faciliteur administratif » dont le statut et les missions ne sont pas encore définis.
Évaluation de la qualité des services publics (expérimentation) :
- accueil qualité dans chaque ministère ;
- droits des citoyens (paiement rapide…) ;
- droit aux exclus (droit de vote, espaces) ;
- médiateur (accès aux documents administratifs) ;
- justice : nouvelle organisation des tribunaux guichets universels de greffes, délais de jugement réduits.
Réforme de la Fonction publique
Mieux connaître les ressources humaines et mieux utiliser les compétences (développement de l'Aménagement du Temps de Travail, évolution des emplois, rénovation de la notation).
Fusion de l'ENA et de l'Institut international d'administration publique (IIAP).
Promouvoir la mobilité regroupement des corps, développement de la polyvalence.
Clarification du système de primes et indemnité.
Encadrement supérieur clarification du recrutement, responsabilisation, généralisation des contrats d'objectifs.
Déléguer les responsabilités
L'État doit piloter, parachever, garantir la déconcentration :
- renforcement de l'État territorial ;
- pilotage des services opérateurs ;
- garantie de la déconcentration (un haut fonctionnaire sera délégué par le Premier ministre auprès de chaque ministère) ;
- marge de manœuvre donné aux préfets ;
- amélioration de la gestion déconcentrée des ressources humaines ;
- redéployer les ressources humaines (10 % des effectifs des administrations centrales seront transférés vers la province) ;
- préconisassions de réorganisation des universités, de la recherche, de la jeunesse et des sports, des offices agricoles, du commerce extérieur, des réseaux à l'étranger (place de la France à l'étranger, en Europe en particulier, ambassadeurs non résidents) ;
- développement du partenariat avec d'autres acteurs publics ou professionnels (exemple les organisateurs de réunions assureront la charge de leur service d'ordre).
Mieux décider et mieux gérer
Changer l'État central pour mieux décider :
- légiférer mieux et moins ;
- rénover la procédure de préparation du budget ;
- renforcer les capacités d'élaboration et d'évaluation des politiques publiques ;
- assumer efficacement les fonctions de tutelle des entreprises publiques ;
- alléger et simplifier l'État central. Rénover la gestion publique • rénover la gestion financière ;
- mise en place d'une véritable politique patrimoniale de l'État ;
- doter l'État de systèmes d'information performants.
Quelques orientations
Ce sont essentiellement les fonctionnaires de l'État qui seront amenés à mettre en œuvre les mesures retenues. Un grand nombre d'entre elles modifieront le fonctionnement des administrations, les conditions de travail, de recrutement, de déroulement de carrière, peut-être même le statut des agents.
La CFTC a toujours souhaité que le centre de décision se rapproche le plus possible de l'usager et considère que la décentralisation et la déconcentration impriment des orientations qui vont dons le bon sens.
Les orientalisons générales contenues dans le document concernant ces axes pourraient être acceptables si l'on avait une lisibilité plus grande concernant :
- le rôle de l'État ;
- les missions de l'État ;
- son investissement dans la bataille pour l'emploi ;
- le développement des structures intermédiaires ;
- l'aménagement du territoire.
Le bien commun ne semble pas l'emporter sur la volonté de chercher à faire plaisir à l'usager.
L'État sera-t-il plus ou moins présent, pesant ? La question reste de savoir si cette réforme s'inscrit dons une logique de moins d'État apparent, ou de plus d'État contrôleur caché. Il semblerait qu'une prudence certaine soit nécessaire dans l'appréciation de ce document dont les vertus ne sont pas évidentes.