Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames, Messieurs les députés,
Le sujet qui fait aujourd'hui l'objet de nos débats est d'une extrême importance.
Nul ne peut ignorer la souffrance que l'autisme véhicule pour les personnes atteintes comme pour leurs familles. Nul ne peut rester sourd à cette détresse, tant il est vrai que chacun d'entre nous a été un jour confronté, dans sa vie privée ou publique, directement ou indirectement, au drame posé par ce handicap. L'actualité nous rappelle aujourd'hui, dans toute sa cruauté, la gravité du problème posé.
L'absence de certitudes scientifiques sur les origines de l'affection autistique, les controverses auxquelles elles ont, et continuent à donner lieu, confèrent de surcroît à ce mal un caractère inexpliqué, ce qui le rend d'autant plus insupportable. Les incertitudes qui en résultent, tant sur le diagnostic que sur les méthodes de prise en charge, n'ont fait qu'ajouter au désarroi des familles.
Il était donc nécessaire que le Parlement se saisisse de ce sujet, au nom de tous ceux qui, dans leur chair comme dans leur âme, se trouvent quotidiennement meurtris. Je tiens ici à rendre hommage publiquement à leur courage.
Je tiens aussi à remercier l'Assemblée nationale d'avoir inscrit à l'ordre du jour la présente proposition de loi. En février 1995, alors parlementaires, Jacques Barrot et moi-même avions d'ailleurs co-signé le texte présenté par Jean-François Chossy tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme.
Votre commission a en réalité examiné deux textes : la proposition de Jean-François Chossy, ainsi que la proposition de Laurent Fabius tendant à améliorer la prise en charge de l'autisme. Suivant les conclusions de votre rapporteur Christian Kert, que je tiens à remercier pour la qualité de son rapport, elle a choisi, pour des raisons de recevabilité financière et législative, de délibérer sur la première sous réserve de quelques aménagements.
Je voudrais saluer le large consensus qui s'est dégagé de ces travaux, qui témoignent de la volonté commune de marquer du sceau législatif la nécessité d'appréhender ce handicap dans routes ses dimensions.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a bien pour objet de donner un prolongement législatif à l'action des pouvoirs publics, et de redonner l'espoir à tous ceux qui se trouvent confrontés à cette douloureuse situation.
Depuis le dépôt de la proposition de loi de Jean-François Chossy en février 1995, les pouvoirs publics ont véritablement pris la mesure des problèmes posés par le syndrome autistique en mettant en oeuvre un plan national d'action sur l'autisme à l'initiative de Madame Simone Veil en avril 1995. Ce plan s'appuie sur une circulaire interministérielle du 27 avril 1995 qui prévoit notamment des plans d'action régionaux. Il s'est accompagné d'une dotation de 100 millions de francs permettant de créer un nombre significatif de places adaptées à cette catégorie de handicap.
Il n'en reste pas moins que la présente proposition de loi, en consacrant notamment au plan législatif la priorité que représente la prise en charge des personnes autistes, ne peut que conforter et aider le gouvernement dans les actions qui ont été entreprises sur ce thème et que je vais vous détailler maintenant.
Au regard du problème de l'autisme, les pouvoirs publics étaient confrontés à une double difficulté :
– la première était l'existence de divergences profondes sur les origines de l'autisme, sur les catégories nosographiques pour repérer ce syndrome, et sur les techniques appropriées pour prendre en charge ces troubles ;
– la seconde difficulté résidait dans les graves insuffisances constatées, tant au plan quantitatif que qualitatif, concernant la prise en charge des autistes dans notre pays.
Définir une doctrine claire sur l'autisme et ses troubles apparentés, et élaborer un plan concret pour améliorer les modalités d'accueil des personnes présentant de tels troubles, pouvait apparaître comme un défi, que la circulaire du 27 avril 1995 s'est efforcée de relever. La plupart des acteurs et institutions concernés ne s'y sont pas trompées en reconnaissant à ces instructions toute leur pertinence.
1. La circulaire du 27 avril 1995 repose, en effet, sur des études préparatoires et une concertation approfondie
Elle s'inspire sur les conclusions de trois rapports principaux :
– le rapport de l'IGAS d'octobre 1994 sur la prise en charge des enfants et adolescents autistes ;
– le rapport de l'Agence Nationale pour le Développement de l'Évaluation Médicale (ANDEM) de novembre 1994, qui précise la définition de l'autisme, son taux de prévalence et d'incidence, et évalue les diverses prises en charge existantes ;
– un troisième rapport, de janvier 1995, élaboré par un groupe d'experts animé par la Direction de l'Action Sociale qui a dégagé des propositions propres à améliorer l'accueil des adultes autistes.
Outre le fait que cette circulaire s'est inspirée directement des propositions de ces trois rapports, le texte a fait l'objet d'une concertation avec les principales organisations représentatives des professionnels sanitaires et médico-sociaux du secteur, ainsi qu'avec les représentants des familles d'autistes.
La Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés a été également consultée sur ce texte, qui a par ailleurs fait l'objet d'une préparation commune avec les services de l'Éducation Nationale au titre des programmes d'intégration scolaire.
2. La seconde originalité de la circulaire tient au fait qu'elle dépasse les cloisonnements traditionnels pouvant exister entre les domaines sanitaires, d'une part, et médico-sociaux et pédagogiques d'autre part
Les plans régionaux sur l'autisme s'inspirent d'une logique de mise en réseaux coordonnés des différentes prises en charge. Ils articulent les procédures actuelles de planification sanitaire et médico-sociale. Ils tendent à favoriser la création entre les diverses institutions de réseaux « horizontaux » par groupes de classe d'âge, ou de réseaux « verticaux » garantissant les relais nécessaires ainsi que de bonnes modalités de passage d'une institution à l'autre, en fonction de l'évolution de l'âge des sujets autistes concernés.
3. Ces instructions reposent, par ailleurs, sur une logique « oecuménique », dépassant l'opposition entre le « tout thérapeutique » et le « tout éducatif et pédagogique »
Rien n'aurait en effet été plus préjudiciable à des prises en charge de qualité que de proposer un modèle exclusivement sanitaire ou, à l'inverse, un modèle essentiellement éducatif.
L'une des principales lignes de force de la circulaire est de proposer que la personne autiste soit prise en charge dans sa globalité par une équipe réellement pluridisciplinaire, prenant en compte les aspects pédagogiques, éducatifs, soignants et de socialisation, nécessaires à cette catégorie de handicap bien particulier.
Ainsi quelle que soit la nature juridique de la structure ou du service qui la met en oeuvre, la prise en charge doit dans tous les cas intégrer ces quatre composantes essentielles.
Il n'y a en effet pas lieu d'opposer les notions de maladie et de handicap, qui ne sont à l'évidence ni antinomiques, ni parfaitement superposables.
La circulaire dépasse ainsi le caractère artificiel du clivage entre le sanitaire et le social s'agissant de la prise en charge des autistes.
4. Une autre originalité du dispositif repose sur le fait que les directives du 27 avril 1995 instaurent une réelle souplesse quant aux règles techniques de fonctionnement des dispositifs d'accueil
Afin de s'adapter au mieux aux spécificités du « sur-handicap » présenté par l'autisme, la circulaire prévoit bon nombre de dérogations expérimentales à la réglementation en vigueur. Il s'agit de dérogations d'âge tout d'abord : des structures pour adultes pouvant organiser des admissions à partir de 16 ans ; inversement, des institutions pour enfants pouvant accueillir de jeunes adultes au-delà de 20 ans. Il s'agit ensuite de dérogations organisationnelles ou de dérogations tarifaires permettant notamment des ratios d'encadrement plus favorables.
5. Cette circulaire a fait également l'objet d'un suivi attentif de son application
Une journée de travail sur l'autisme a été organisée le 27 juin dernier afin de faciliter la mise en oeuvre par les services déconcentrés de l'État des plans régionaux sur 5 ans. Il s'agissait notamment d'évaluer les besoins, de définir les contenus des prises en charge à partir d'expériences concrètes, et de préciser l'organisation de l'appel d'offre ouvrant droit à des créations nettes de places à hauteur de 100 millions de francs en provenance de l'assurance maladie.
Par ailleurs la lettre circulaire du 21 août 1995 a arrêté les principaux critères auxquels devaient répondre les projets sélectionnés au plan régional.
6. Enfin, et il s'agit d'un point essentiel, les instructions du 27 avril 1995 sont destinées à s'intégrer dans un plan national d'action pour l'autisme plus large, comprenant notamment quatre séries de mesures complémentaires :
a) L'ANDEM poursuit actuellement ses travaux dans deux directions : la définition et l'harmonisation des critères diagnostiques sur l'autisme et l'étude des outils méthodologiques d'évaluation des prises en charge.
b) Par ailleurs, un groupe de travail réfléchit actuellement à une organisation adaptée des programmes de formation continue et d'adaptation à l'emploi des divers professionnels concernés par la prise en charge des autistes.
c) Des programmes d'aide à la vie quotidienne des familles vont être mis en oeuvre en partenariat avec la Caisse Nationale d'Allocations Familiales, en organisant des modes de garde adaptés : crèches, haltes garderies et séjours de vacances pour les jeunes autistes.
d) Enfin, la recherche sur l'autisme va être stimulée dans ses diverses composantes recherche fondamentale, clinique et épidémiologique, avec notamment l'appui des réseaux de l'INSERM et du centre collaborateur français de l'OMS.
Toutes ces mesures démontrent à l'évidence que les pouvoirs publics ont véritablement pris la mesure des efforts qu'il convient d'entreprendre sur l'autisme. Les 100 MF précités ont fait l'objet d'une délégation de crédits en fin d'année 1995. Ils ont permis le financement de 47 projets, offrant 631 places nouvelles, réparties dans 22 régions. 294 places ont été créées au profit des enfants et adolescents, pour l'essentiel sous forme de SESSAD couplées à des classes d'intégration scolaire et sous forme de sections adaptées au sein d'instituts médico-éducatifs. Pour ce qui concerne les jeunes adultes et adultes autistes, 337 places nouvelles ont été financées dans le cadre de foyers médicalisés ou de Maisons d'Accueil Spécialisées. Ces diverses créations correspondent à une première tranche d'exécution des plans régionaux élaborés pour une période de 5 ans. Elles représentent un effort très important de nature à améliorer l'accueil des autistes.
Cet effort sera bien entendu poursuivi au cours des cinq années de montée en charge des plans régionaux afin de mieux répondre à la prise en charge des enfants, adolescents et adultes autistes.
J'ai en effet pu mesurer à quel point l'autisme constituait ce que j'appellerai un « sur-handicap » particulièrement lourd. À ce titre il m'est clairement apparu que le maintien permanent des sujets autistes à domicile représentait une charge écrasante pour les familles et des souffrances psychologiques très vives pour l'entourage, à tel point que la survie même de la cellule familiale pouvait s'en trouver gravement menacée.
Il est donc du devoir des pouvoirs publics de rester particulièrement actifs et vigilants. Il nous faut poursuivre une action efficace afin de mieux répondre aux besoins de ces populations qui, pendant trop longtemps, ont été indiscutablement insuffisamment prises en compte.
C'est la raison pour laquelle le gouvernement apportera un soutien sans faille à la présente proposition de loi.