Interview de M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget et porte-parole du gouvernement, à RTL le 26 mars 1996, sur la maladie de la vache folle, la décision française d'embargo sanitaire des viandes bovines en provenance du Royaume-Uni, et sur le mémorandum sur l'Europe sociale.

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J.-M. Lefèbvre : L'affaire de la vache folle : est-ce que vous considérez que les Britanniques ont fait tout ce qu'ils devaient faire ?

A. Lamassoure : La France, en tout cas, a fait ce qu'elle devait faire. Nous avons été le premier pays à prendre des mesures pour protéger la santé des consommateurs. Il y a doute. Les scientifiques ne savent pas très bien quelle est l'origine de la maladie, et comment elle se transmet. Dès que nous avons appris les premiers rapports inquiétants venus de Grande-Bretagne, nous avons été le 21 mars dernier à arrêter toute importation de viande bovine ou de produits dérivés en provenance de Grande-Bretagne.

J.-M. Lefèbvre :  C'est un aspect indirect du libéralisme excessif en Grande-Bretagne ?

A. Lamassoure : Je ne le crois pas. Je crois sincèrement qu'il y a eu des avis divergents dans la communauté scientifique. Vous avez observé qu'après la décision française la plupart de nos partenaires, et beaucoup d'autres pays dans le monde, ont pris la même décision d'embargo sanitaire vis-à-vis des viandes bovines en provenance du Royaume-Uni. Nous avons constaté en France un très petit nombre de cas : en cinq ans, il y a eu une douzaine de cas de vache folle en France. Nous avons mis les grands moyens : vous avez vu les images à la télévision. Une vache contaminée dans une exploitation et la totalité de l'élevage, 150 vaches, ont été abattues.

J.-M. Lefèbvre : Encore une fois c'est la Grande-Bretagne face au Continent.

A. Lamassoure : En l'espèce, je crois que c'est une coïncidence. Et il est de l'intérêt des autorités britanniques de prendre des mesures qui garantissent leur propre opinion publique qu'il n'y a pas de risque sanitaire ; sinon les conséquences économiques, notamment pour les éleveurs britanniques, seraient dramatiques. Comme l'a indiqué le ministre de l'agriculture, nous sommes prêts à aider les Britanniques.

J.-M. Lefèbvre : Schengen : plus de contrôles pour l'Allemagne et l'Espagne, mais maintien pour les pays du Benelux, Belgique et Luxembourg. La question de la drogue aux Pays-Bas ?

A. Lamassoure : Oui ! Schengen c'est la libre circulation des personnes en Europe de l'Ouest entre sept pays, et en contre-partie, une augmentation de la sécurité et des contrôles, notamment pour lutter contre le grand banditisme, le terrorisme, le trafic de drogue. Nous avons obtenu des garanties satisfaisantes de la plupart de nos partenaires, des Allemands, des Espagnols, des Portugais. Ce n'est pas le cas vis-à-vis des Hollandais. Cela fait plusieurs mois que nous expliquons aux Hollandais qu'ils ont une législation un peu particulière en matière de drogue. C'est leur droit. Encore faut-il qu'ils protègent leurs voisins contre les conséquences désagréables de cette législation. Tant que cela ne sera pas le cas, nous maintiendrons des contrôles à l'égard de tous les trafics et des mouvements de personnes qui viennent des Pays-Bas.

J.-M. Lefèbvre : Après la publication dans Libération d'une tribune sur sa vision de l'Europe par le Président CHIRAC : le Président de la République, comme son prédécesseur, est rallié à l'Europe sociale ?

A. Lamassoure : Il partage la vision de ses prédécesseurs qui a toujours été la vision française d'une Europe qui soit d'abord une Europe politique. Pour des raisons historiques, l'Europe a commencé d'abord par le commerce, les marchands. Puis elle a été économique. Nous avons décidé qu'elle serait également monétaire, à compter du 1er janvier 1999. Mais le véritable objectif est d'une Europe politique. Une Europe qui s'adresse à l'ensemble des citoyens et dont la dimension sociale a été jusqu'à présent insuffisante. C'est pourquoi le Président CHIRAC insiste sur cette dimension sociale. Et demain, il va publier un mémorandum français sur l'Europe sociale. Le 30 mars à Turin, les chefs d'État et de gouvernement européens vont se réunir pour lancer une grande négociation de mise à jour des traités européens, pour bâtir cette Europe politique. Et ce mémorandum français sur l'Europe sociale sera l'un des éléments importants qui seront sur la table.

J.-M. Lefèbvre : Prévision de croissance revue à la baisse. Cela ne va pas vraiment mieux ?

A. Lamassoure : Au contraire, cela va mieux. Ce n'est pas une prévision. Nous avons traversé une période de ralentissement de la croissance depuis le mois d'août dernier, et nous avons enregistré les conséquences hier, lors de la réunion technique de la commission des comptes de la nation. Mais ce qui est important de savoir pour les Français, c'est que depuis le début de l'année ça va mieux : grâce à la baisse du coût de l'argent, des taux d'intérêt, grâce aux mesures que nous avons prises pour donner des aliments à tous les moteurs de la croissance des comptes de la nation. Mais ce qui est important de savoir pour les Français, c'est que depuis le début de l'année ça va mieux : grâce à la baisse du coût de l'argent, des taux d'intérêt, grâce aux mesures que nous avons prises pour donner des aliments à tous les moteurs de la croissance économique. La croissance c'est comme un quadrimoteur : il y a la consommation des familles – elles repartent fortement, de 5 % en février 96 par rapport à 95. Il y a l'investissement des entreprises, qui allaient mieux l'année dernière, et nous allons encore accélérer avec de nouveaux avantages fiscaux. Il y a l'investissement des familles en matière de logement. Dans ce domaine, nous avons fait une réforme très importante de la fiscalité du logement. Et il y a le moteur des exportations. Dans ce domaine, les entreprises françaises sont très compétitives, puisqu'elles ont obtenu un record de ventes à l'étranger l'année dernière. Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais depuis mois nous avons une volée d'hirondelles, et nous pouvons considérer que l'économie française repart, et que le printemps économique coïncidera avec le printemps végétal.