Déclarations de MM. Lionel Jospin, ministre de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports, et Robert Chapuis, secrétaire d'État chargé de l'enseignement technique sur le développement universitaire, l'accueil des bacheliers technologiques et les enseignements technologiques à l'université, à La Sorbonne les 26 et 27 juin 1990.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Lionel Jospin - Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;
  • Robert Chapuis - Secrétaire d'État chargé de l'enseignement technique

Circonstance : Assises nationales de l'enseignement supérieur "Universités 2000" à la Sorbonne du 26 au 29 juin 1990.

Texte intégral

Allocution prononcée par Monsieur Lionel Jospin, ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, devant les Assises nationales de l'Enseignement Supérieur à Paris, le 26 juin 1990

Après plus d'un mois de débats, de discussions, de rencontres, dans les académies et les régions, la grande concertation engagée pour préparer le plan national de développement et d'aménagement universitaire entre dans une nouvelle phase. Les assises régionales proprement dites viennent de s'achever. Les activités des groupes de travail régionaux, quant à elles, se poursuivent pour élaborer des propositions. Aujourd'hui, se concrétise le temps de la réflexion nationale, le temps du bilan et de la conception en commun d'une stratégie globale de développement de notre enseignement supérieur. Car c'est bien cela qui est en jeu : non point seulement des mètres carrés en plus, des constructions nouvelles mais une vision d'ensemble de ce que doivent être les universités de l'an 2000.

Construire les universités de l'an 2000, c'est une priorité pour le Gouvernement, c'est un devoir pour l'État. Le Premier Ministre et le Président de la République ont d'ailleurs tenu à marquer, par leur présence au cours de ces journées, la primauté qu'ils accordaient à cette priorité. Construire les universités de l'an 2000, c'est la réponse que nous devons tous apporter au formidable désir de formation et de culture qui pousse désormais les jeunes vers nos universités. Car l'enseignement supérieur est aujourd'hui à la fois l'objet et l'expression d'une demande sociale et culturelle sans précédent.

J'ai parlé d'une demande ; sans doute vaudrait-il mieux parler de multiples demandes. Que voit-on aujourd'hui ? Une jeunesse soucieuse de son avenir, profondément marquée par la crise économique, par la peur du chômage, et qui se tourne en masse vers notre système éducatif pour lui demander des formations, des diplômes, de quoi réussir une vie professionnelle. Mais une jeunesse qui lui demande aussi une véritable culture, nécessaire pour participer pleinement à la vie d'un monde en plein bouleversement, l'accès à un niveau de savoir de plus en plus élevé.

Un monde nouveau est en train de naître où les technologies, où l'intelligence seront essentielles. Une société fondée sur un nouveau rapport de l'homme au travail, sur une nouvelle conception du temps, sur de nouvelles bases culturelles voit le jour sous nos yeux. Formation, culture, création, technologie, tous ces mots désignent la réalité du monde de demain. Notre jeunesse veut s'y préparer et elle a besoin tout autant d'une formation professionnelle que de repères et de valeurs.

Pendant longtemps, l'accès à l'université a été une chance ou un privilège. Il est aujourd'hui de plus en plus perçu par les jeunes et par leur famille comme un droit. C'est une modification importante des mentalités et des comportements. Ne nous y trompons pas. Les jeunes demandent aussi à notre enseignement supérieur de répondre à leurs exigences d'égalité, de justice, de progrès.

Et puis il y a l'économie qui, elle aussi, change profondément. L'économie française, marquée par une évolution très -sapide des qualifications et des métiers, confrontée à une concurrence européenne et internationale plus aigüe, a besoin d'ingénieurs, de chercheurs, de cadres, de salariés en plus grand nombre et de mieux en mieux formés. Car c'est là désormais qu'est la vraie puissance: dans la capacité d'un pays à innover et à créer.

Nous devons donc être capables aujourd'hui d'accompagner ces jeunes dans leur ambition, de conjuguer ces aspirations multiples pour construire un projet global. C'est ce que je m'efforce de faire. Et je le fais non pas depuis quelques mois, autrement dit depuis que j'ai annoncé le plan de développement universitaire auquel vous allez réfléchir durant ces quelques jours, mais depuis deux ans. Car si le schéma national que nous allons, ensemble, élaborer est un des pivots de ma politique, il ne prend son sens qu'à l'intérieur d'un ensemble plus vaste que j'ai commencé à mettre en place dès mon arrivée au Ministère de l'Éducation nationale, en mai 1988. C'est de cette politique d'ensemble que je veux vous parler aujourd'hui, en introduction à ces Assises.

Quand j'ai pris mes fonctions, j'ai trouvé une situation grave, une situation qui nécessitait des réponses immédiates. La difficulté principale pour moi était de faire face à la fois au long terme et au court terme, et cela avec des moyens tout à fait insuffisants. En effet, alors qu'il fallait construire un enseignement neuf, préparer les universités du XXIe siècle, et donc élaborer des projets à long terme, sans cesse l'urgence était là et se rappelait à nous. Fallait-il borner notre action à l'accueil des étudiants, répondre aux besoins immédiats et ne faire que cela ? Il fallait bien sûr cet effort. Mais si nous avions laissé les structures en l'état actuel, notre université ne pourrait donner à tous ces jeunes les formations de qualité qu'ils attendent. À l'inverse, bâtir de grands projets d'avenir et, ce faisant, laisser les jeunes aux portes de nos universités, faute d'agir sur l'urgence, était l'autre écueil qu'il nous fallait éviter.

J'ai choisi de construire l'avenir mais sans négliger l'immédiat et ses besoins pressants. Les jeunes sont là et ils découvrent une Université qui, faute de moyens, faute d'une prise de conscience et d'une action suffisantes pendant des décennies, faute de prévision, est au bord de l'asphyxie. Et cela malgré les efforts accomplis par les personnels des universités: enseignants, personnels techniques ou administratifs, ouvriers et de service. J'ai pu constater que, malgré l'état de délabrement qui, peu à peu, gagnait nos universités, la qualité des enseignements et de la recherche n'avait pas baissé. J'ai pu constater, qu'à force de dévouement, d'imagination et d'esprit d'initiative, des expériences nouvelles avaient vu le jour, un peu partout, pour tenter de s'adapter et de suppléer à la pénurie. Je voudrais leur dire à tous aujourd'hui merci, merci pour ce qu'ils ont fait et continuent de faire. Le Ministre que je suis est fier d'être leur responsable et de les représenter au sein du Gouvernement.

Il fallait donc absolument donner de l'oxygène à notre enseignement supérieur. C'est ce que le Gouvernement a commencé de faire en prenant des mesures urgentes, augmentations budgétaires importantes (plus de 10 % par an), plan d'urgence de janvier dernier pour préparer la rentrée universitaire, … Et nous continuerons de le faire.

Mais, en même temps, nous avons élaboré une politique à long terme, une politique qualitative, seule capable d'offrir aux jeunes la formation de qualité à laquelle ils aspirent. Cette formation, quelle est-elle ? Elle tient en trois impératifs :
    – elle doit concilier la qualité et la quantité ;
    – elle doit allier culture générale et professionnalisation ;
    – elle doit conjuguer l'égalité avec la diversité.

C'est autour de ces trois objectifs que j'ai structuré toute ma politique. Pourquoi ?

Ce que nous devons affronter aujourd'hui, ce n'est pas un phénomène brutal et sans lendemain, c'est une mutation de grande ampleur. Une mutation peut-être plus importante encore que celle qu'a connue la société française quand l'enseignement primaire est devenu obligatoire. Notre enseignement supérieur devient un enseignement de masse. Or, pour moi, il n'y a pas d'antinomie entre la quantité et la qualité. Ceux qui estiment le contraire, pensent, sans doute et sans toujours oser le dire, qu'il faudrait réduire le nombre des étudiants pour maintenir la qualité de notre enseignement. Et les malthusiens, en la matière, sont plus nombreux qu'on ne le croit. Je le sais bien.

Ma réponse à moi, c'est de dire qu'il faudra avoir à la fois plus d'étudiants et des étudiants mieux formés. Comment ne pas voir que c'est en augmentant le nombre de nos citoyens qui posséder ont une formation de niveau universitaire que l'on augmentera, d'un même mouvement, le nombre de nos prix Nobel, de nos grands ingénieurs, de nos grands écrivains !

Élever le niveau de formation n'est pas suffisant. La formation, ce doit être aussi l'instrument qui permet de s'adapter au monde nouveau qui s'ouvre devant nous. C'est pourquoi notre Université doit offrir à tous à la fois une culture générale et une formation professionnelle. Offrir l'une à l'exclusion de l'autre, un type de filière mais pas un autre, c'est tout simplement ne pas comprendre les exigences du monde moderne. Sans formation professionnelle, c'est le spectre du chômage. Mais, sans culture générale, c'est l'impossibilité d'une bonne reconversion, c'est le développement de la vie culturelle de notre pays qui est compromise.

Il nous faudra instaurer, dans notre Université, ce que j'aimerais appeler "la diversité républicaine", l'égalité dans la diversité. Non, l'uniformité n'assure pas l'égalité. Elle revient, dans les faits, à avantager ceux dont la formation, la tournure d'esprit, ou la condition sociale, s'adaptent le mieux aux critères uniques. J'en ai la conviction : seule la diversité assure une réelle égalité. Comme le dit fort justement François Jacob, "c'est parce que les hommes sont divers qu'il a fallu inventer la notion d'égalité ; si nous étions tous de vrais jumeaux, l'égalité n'aurait pas d'utilité." On ne saurait dire les choses plus clairement. Introduire la diversité dans notre enseignement, qu'est-ce que cela signifie ? C'est, à côté des filières considérées aujourd'hui comme "nobles", donner une noblesse à toutes les autres, c'est affirmer que, dans la diversité respectée, tous peuvent prétendre à l'excellence. Les individus bien sûr mais aussi les établissements. Reconnaître la diversité, c'est préserver l'égalité des chances pour tous.

Voilà explicités les trois objectifs auxquels doit répondre cet enseignement de l'avenir que je m'efforce de construire. Vous comprenez l'ampleur de la mutation que doit opérer notre Université. C'est à cette évolution profonde, parfois radicale, que je me suis attaché depuis deux ans. Elle concerne tous les aspects de la vie de notre enseignement supérieur.

L'avenir de notre université passe d'abord par une communauté universitaire forte et vivante. C'est le premier axe de l'action que j'ai entreprise.

Ce que tout le monde constate aujourd'hui c'est le sous-encadrement dont souffrent certains établissements, c'est le manque d'enseignants-chercheurs, parfois la pénurie pure et simple, en personnels. Certes – et c'est la première explication – les moyens accordés n'ont pas été suffisants et les recrutements n'ont, très souvent, pas été à la hauteur des besoins de bien des établissements.

Mais ce que l'on voit moins, c'est l'essoufflement de tout un mécanisme de recrutement, c'est un malaise plus profond et plus grave. D'un côté, il y a, c'est vrai, les créations de postes, mais, de l'autre, ne l'oublions pas, il y a les étudiants qui font des thèses de doctorat et se destinent aux carrières d'enseignants chercheurs. Ainsi, en 1988, il n'y avait pas assez de postes créés mais, en même temps, 2 000 postes étaient vacants, dans l'université, … en partie faute de candidats. Certaines disciplines – je pense, par exemple, à quelques disciplines scientifiques et à la gestion – sont en difficulté, faute d'être irriguées par l'arrivée régulière d'étudiants et de jeunes chercheurs.

C'est à partir de ce constat que nous avons commencé à construire une politique de recrutement et de formation ambitieuse. Il s'agit d'une politique à long terme mais qui, conformément à la démarche que j'ai adoptée, ne néglige pas pour autant l'urgence. L'urgence, c'était de créer des postes. Nous l'avons fait, avec une ampleur tout à fait nouvelle. Cet effort a été un effort de justice : il a porté en priorité sur les académies les plus déficitaires au Nord et à l'Ouest et nous a permis de commencer à rattraper les inégalités les plus flagrantes tout en répartissant les moyens en fonction des évolutions actuelles de la population étudiante. Ces améliorations sont cependant tout juste suffisantes pour faire face aux nouveaux afflux d'étudiants et il faudra encore du temps et des moyens pour résorber les retards accumulés. Parallèlement à cet effort de créations de postes, j'ai entrepris une simplification et une amélioration de nos procédures de recrutement. C'est avec la même préoccupation que j'ai décidé, en accord avec la communauté universitaire, de mettre en place, dès cette année, une agrégation interne pour les sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion.

Pour redonner espoir et dignité à une communauté universitaire qui avait vu sa situation se dégrader progressivement, pour rendre plus attrayantes les carrières universitaires, j'ai entrepris une revalorisation de la situation de tous les enseignants chercheurs. Le Gouvernement a décidé de consacrer, sur quatre ans, 1,4 milliards de francs par an à ces mesures. Elles permettront, outre un déblocage important des carrières, la mise en place d'un système indemnitaire qui reconnaît la diversité des tâches qu'assument les enseignants du supérieur : tâches pédagogiques, travail d'encadrement doctoral et de recherche mais aussi responsabilités administratives. Ce système indemnitaire est un des moyens que nous avons retenus pour rapprocher les rémunérations des enseignants de celles d'autres agents de la Fonction Publique bénéficiant d'un solide régime de primes. Ce plan a été élaboré dans le dialogue et la concertation. Un relevé de conclusions a été signé par la majorité des organisations syndicales. Ces mesures ont été bien reçues des enseignants malgré certains retards de mise en place. Il n'était cependant pas suffisant pour nous assurer, à lui seul, un recrutement de qualité dans les années qui viennent. Il fallait prendre le problème très en amont, au moment où les étudiants commencent leur thèse.

Nous avons donc mis en place un dispositif qui permet à des étudiants de recevoir une formation à la recherche et à l'enseignement supérieur. 14 centres d'initiation à l'enseignement supérieur (les CIES) fonctionnent actuellement. 1 570 jeunes "allocataires moniteurs", qui reçoivent une allocation de 9 200 francs par mois, y effectuent leur thèse tout en se préparant à des fonctions d'enseignants-chercheurs, sous la direction pédagogique d'un enseignant qui est leur tuteur. Notre objectif est d'ici trois ans, d'étendre ce système à 5 000 étudiants. C'est la première fois, dans l'histoire de l'enseignement supérieur en France, je tiens à le souligner, qu'un tel dispositif est conçu et mis en place.

Il est d'autres personnels qui jouent un rôle essentiel dans la vie de la communauté universitaire : ce sont les "IATOS", les personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service. Ils ont souvent été les oubliés des politiques universitaires. Pourtant, comment faire fonctionner les bibliothèques, les laboratoires sans eux ? Comment assurer une bonne gestion des établissements, comment entretenir les locaux et accueillir les étudiants sans eux ?

J'ai, dans le domaine des créations de postes de personnels IATOS, opéré un renversement de tendance complet. À mon arrivée, en 1988, on pratiquait une politique aveugle de gel et de suppression de postes. J'ai rétabli les recrutements : 455 emplois ont été créés en 1990. Corollaire indispensable de cette politique : diverses mesures ont été prises pour améliorer les carrières, la formation continue et la gestion de ces personnels. Ces mesures ne sont pas suffisantes, nous le savons, c'est pourquoi je considère que la poursuite de cet effort doit être une priorité de l'action gouvernementale.

La communauté universitaire, ce sont aussi les étudiants. Ils sont aujourd'hui 1 million 300 000 et leur nombre augmente chaque année très rapidement. Or, qu'est-ce qu'un étudiant aujourd'hui ? Que savons-nous du mode de vie, des besoins réels, des revenus, des aspirations de l'ensemble de ces jeunes ? Peu de choses, en fait. Dans ce domaine également, l'université française a bien du retard. C'est d'autant plus grave que la population étudiante, a, en quelques années, profondément évolué.

Une proportion encore insuffisante de jeunes appartenant aux couches sociales les plus défavorisées de notre pays parvient aujourd'hui à l'Université. C'est vrai. Pourtant, les choses changent. Beaucoup, aujourd'hui, font des études supérieures alors que leurs parents n'en avaient pas fait ou très peu. Cette situation les rend plus fragiles.

Pour de nombreuses familles, une formation supérieure est aujourd'hui un investissement très lourd. Il y a celles peur qui c'est un investissement, de toute façon, trop lourd. Alors, elles reçoivent des aides, sous forme de bourses, mais celles-ci ne sont suffisantes ni par leur nombre, ni par leur montant. Et puis il y a toutes les autres – et elles sont nombreuses – pour lesquelles, la formation des enfants exige des sacrifices et qui ne reçoivent pas d'aide. Les jeunes poursuivent leurs études, c'est vrai, mais ils ne les font pas tous dans les mêmes conditions. Après le baccalauréat, les inégalités se creusent très vite. Un étudiant qui doit travailler pour payer ses études n'est pas dans la même situation que celui qui peut subvenir à ses propres besoins et se consacrer pleinement à ses études.

Je veux développer une véritable aide sociale pour les étudiants. J'ai engagé, depuis juin 1988, une politique d'accroissement du nombre et du montant des bourses. Mais notre système de bourses ne concerne aujourd'hui que 230 000 jeunes. Si nous nous en tenons au dispositif actuel, nous ne réussirons pas à aider les quelque 5 à 600 000 jeunes qui ont besoin d'être soutenus financièrement durant leurs études.

Pour répondre à ces besoins nouveaux, il fallait mettre au point un système nouveau. J'ai donc proposé au Gouvernement une politique qui comprend deux volets : d'une part ce que nous appelons une "allocation d'études" et d'autre part, une augmentation considérable de nos capacités de logement et de restauration. J'ai parlé d'une allocation d'études. En effet, ce nouveau système combinerait des bourses, dont le montant et le nombre continueront de progresser, avec des prêts garantis, attribués selon des critères sociaux et pédagogiques. Aux côtés de l'État, qui doit pleinement jouer son rôle de garant de la justice et de l'égalité entre tous, les collectivités locales mais aussi les entreprises pourraient être associées au financement de ce système complémentaire de prêts. Les étudiants participeraient pleinement à la définition et à la gestion de ce dispositif. J'ai créé, comme vous le savez, un Observatoire de la vie étudiante ; son râle serait de procéder à l'évaluation régulière de ce dispositif, pour informer les pouvoirs publics des problèmes 4 des dysfonctionnements qu'il constaterait. Cet Observatoire doit d'ailleurs me remettre cette semaine son premier rapport annuel, comme son Président, le Professeur TROCME, vient de me le faire savoir.

Le second volet de cette politique, ce sont ces deux aspects si souvent oubliés de la vie au sein d'une université : la restauration et l'hébergement. Nous sommes passés, en deux ans, de 200 logements construits par an à 2 500 par an. L'idéal serait d'atteindre une moyenne de 15 000 logements nouveaux par an ; notre objectif est, en effet, d'essayer de doubler en cinq ans nos capacités actuelles. Pour cela, je souhaite que nous puissions réunir nos forces avec celles du Ministre de l'Équipement, du Logement et des Transports et du Ministre délégué au Logement, tout en développant notre coopération avec les collectivités territoriales.

Pour développer cet enseignement supérieur de l'avenir que j'ai évoqué tout à l'heure, nous devons aussi améliorer et moderniser les structures de notre université pour les rendre plus efficaces. C'est le deuxième axe de l'action que j'ai entreprise. Pour cela, il faut agir dans deux directions, d'une part, faire vivre l'initiative et la diversité au sein des établissements et, d'autre part, introduire partout des démarches programmées et cohérentes.

Faire vivre l'initiative, qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Une loi a été voté en 1984. Elle est aujourd'hui appliquée partout dans notre pays, ce qui n'était pas le cas lorsque je suis arrivé en 1988. Un pas important vers l'unité de notre enseignement supérieur a ainsi été franchi, dans le calme et le dialogue. Cette loi affirme l'autonomie des universités. Une liberté plus grande est indispensable pour faire naître une vraie diversité dans notre université, pour élaborer des formations originales, pour réagir vite aux transformations du savoir et de la société. Nous ne développerons pas notre enseignement supérieur si les universités ne prennent pas en mains, elles-mêmes, leur avenir. Qui peut, mieux qu'elles, décider de leur stratégie pédagogique, de leurs priorités en matière de formation, de leurs projets ? Les universités de l'an 2000 ne se construiront ni dans le centralisme, ni dans le contrôle, parfois stérilisant, d'une administration trop éloignée des établissements, ni dans l'uniformité. Mais elles ne se construiront pas non plus sans le soutien de l'État, sans les garanties d'égalité et d'équilibre national que doit apporter l'État, face au risque d'éparpillement, face à l'arbitraire des décisions individuelles et face aux conséquences graves qu'aurait une concurrence non maîtrisée. Il est temps de sortir des logiques dualistes dans lesquelles notre enseignement supérieur a été, trop longtemps, enfermé : ou bien l'égalité mais dans l'uniformité le contrôle bureaucratique ou bien la liberté mais dans la privatisation et la concurrence sauvage. Nous voulons la diversité et l'égalité dans le service public, l'initiative et la garantie de règles nationales.

Pour cela, nous avons, petit à petit, établi de nouvelles relations entre l'administration et les établissements, entre l'échelon national et l'échelon local. Ces nouvelles relations s’appuient sur une idée fondamentale : celle du contrat, Ces contrats, qui, pour les universités, couvrent une durée de quatre ans, englobent l'ensemble des activités de l'établissement. Déjà les universités du Nord, de l'Ouest, d'une partie du Centre, de la Corse, de départements d'outre-mer comme la Réunion où je me suis rendu très récemment, ont signé leurs contrats avec l'État. Les propositions élaborées par les universités de l'Est, du Sud-Est et du Sud-Ouest sont en cours de négociation. Viendront ensuite les universités parisiennes. En me rendant sur place caris les établissements, j'ai pu me rendre compte du changement de climat et de langage qu'a amené cette nouvelle politique. Des habitudes de négociation et de dialogue sont en train de se créer, une transparence s'installe, la concertation prend un sens nouveau et l'autonomie des établissements, de théorique qu'elle était pendant longtemps, devient enfin concrète.

Pour piloter cette nouvelle politique, il nous tallait revoir nos instruments de gestion. Dans l'administration tout d'abord. Nous avons créé une Direction de la programmation et du développement universitaires. Cette réorganisation de l'administration centrale montre bien que la programmation à long terme et la planification sont au cœur de ma démarche. Mais il fallait aussi revoir les modes de gestion dans les établissements. Un certain nombre de mesures ont déjà été prises pour donner aux universités plus de responsabilités dans la gestion de leurs moyens, pour assouplir les règlements, simplifier leurs procédures budgétaires, bref, pour améliorer leur système de gestion…

Pour favoriser l'autonomie pédagogique des établissements, tout en garantissant la pérennité et la qualité des diplômes nationaux, nous avons mis fin à la procédure d'habilitation centralisée. Dans le cadre des contrats pluriannuels, les projets pédagogiques sont désormais examinés globalement, au moment de la contractualisation, par un comité d'expertise pédagogique des projets d'établissements (le CEPPE) qui propose lui- même les habilitations.

Nouvelles relations entre l'État et les universités, mais aussi nouvelles relations entre l'État et les collectivités locales. L'université doit être au cœur de la vie d'une région, d'un département ou d'une ville. Depuis plusieurs années déjà, les collectivités investissent, volontairement et librement, dans l'enseignement supérieur. Or, à cette situation nouvelle, nous avons répondu par des structures et des attitudes souvent trop rigides. Alors que, sur le terrain, une collaboration peu à peu se mettait en place – implicitement et sans règle du jeu – le débat, lui, s'enfermait dans un manichéisme parfois outrancier : ou transférer les compétences ou ne consentir aucune concertation. Ce n'était pas raisonnable. Ce que je vois, moi, c'est la potentialité d'une formidable levée d'énergies, c'est une mobilisation commune autour de notre enseignement supérieur, c'est la possibilité pour les collectivités locales et pour l'État de vraiment travailler ensemble.

C'est pourquoi je veux remplacer le langage du pouvoir par celui des responsabilités assumées, le langage de, la rivalité par celui du partenariat. Le partenariat tel que je le conçois, vous en avez un exemple aujourd'hui avec la tenue de ces Assises nationales. C'est une démarche totalement nouvelle à l'Éducation nationale. Ces Assises ont été précédées par une concertation sans précédent dans notre pays. Chacun y a été associé, chacun a pu se faire entendre : aussi bien les universitaires et les étudiants, que les milieux socio-économiques, que les villes, les départements, les régions… Pas d'interdit dans la participation, pas de tabou bans les sujets de discussion. Car s'il y a tabou, il faut bien qu'il y ait, quelque part, totem. Et, personnellement, je pense que ni le pouvoir de l'État, ni la liberté des collectivités ne méritent d'être sacralisés ! Plus sérieusement, les collectivités territoriales sont nos partenaires dans la construction et l'aménagement des locaux, mais elles peuvent également devenir nos interlocuteurs dans le développement et la programmation de nos formations supérieures. Aucun sujet ne doit être exclu, aucun aspect de la vie universitaire ne doit être écarté de nos débats, même si l'État conserve ses prérogatives.

Le partenariat tel que je le conçois n'est pas fait que de discussions, il est fait pour agir ensemble. En témoigne la loi qui est examinée ce soir en deuxième lecture au Sénat et qui donnera, si elle est votée comme je l'espère, aux collectivités territoriales la possibilité d'obtenir la maîtrise d'ouvrage de constructions universitaires et le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée. En témoigne également ma volonté que les schémas régionaux soient l'occasion d'engager des coopération d'un nouveau type, grâce à des contrats bilatéraux ou multilatéraux entre l'État, les collectivités et les établissements, sous des formes que nous devrons développer dans la diversité. En témoigne enfin mon souci de faire vivre pleinement les dispositions des lois de 1983 et de 1984, qui, jusqu'à présent, n'avaient pas trouvé d'occasion d'être appliquées, faute de plan de développement universitaire. Ces dispositions, je le rappelle, impliquent la Consultation des collectivités territoriales lorsqu'elles sont directement concernées par la carte universitaire.

Le contrat et le partenariat sont donc deux démarches sur lesquelles j'appuie ma politique de développement universitaire. Mais, ce développement, encore faut-il le concevoir, lui donner un contenu. L'augmentation des effectifs d'étudiants n'est pas un phénomène nouveau, même s'il revêt aujourd'hui une ampleur exceptionnelle. On a, bien sûr, tenté d'y répondre par le passé. Mais, au coup par coup. Des crédits se débloquaient, alors on construisait ici. Quelques années plus tard, sans programmation nationale, on construisait là. Au gré des urgences. Selon des priorités fluctuantes. Et d'ailleurs, sauf en 1968 et 1969, on n'a que peu construit. Regardons notre université. Elle subit la pression de la vague des étudiants. C'est incontestable. Mais elle subit aussi les conséquences d'initiatives éparses, de l'incohérence de l'ensemble du dispositif, de l'absence d'optimisation des moyens disponibles.

Prévoir, avoir des démarches cohérentes et programmées au plan national, c'est la seule façon de maintenir la qualité de l'ensemble de notre dispositif de recherche et de formation, l'égalité des étudiants entre eux, tout en laissant se développer les spécificités, les spécialités, les projets originaux, en un mot, la diversité. C'est bien la preuve qu'une certaine planification n'est pas forcément la rigidité et l'uniformité.

Pour améliorer la qualité de notre enseignement supérieur mais aussi pour préparer notre université aux enjeux d'une recherche où la concurrence est désormais mondiale, où l'Europe va profondément modifier les règles du jeu, nous avons engagé tout un ensemble de projets de développement. Le plus ambitieux et le plus important, c'est celui dont vous allez discuter durant ces journées : le schéma d'aménagement national pour les cinq ans à venir.

Ce plan a des objectifs et une méthode. Les objectifs sont de construire un million et demi de mètres carrés nouveaux, dont plusieurs universités nouvelles en Île-de-France et dans le Nord-Pas de Calais, et de rénover les universités existantes. Pour ce plan, l'État a consenti un effort de plus de 16 milliards de francs. La méthode, c'est, à partir d'un cadre initial dont seules les grandes lignes sont esquissées, la concertation régionale, puis l'arbitrage de l'État. Cette méthode qui privilégie la concertation régionale est si nouvelle pour tous les partenaires que déjà des interrogations naissent, des réflexes de crainte apparaissent, des interprétations fausses voient le jour et des appels à un arbitrage national s'expriment de façon beaucoup trop prématurée. Je voudrai donc vous apporter quelques précisions.

Les universités françaises sont diverses. Certaines ont une histoire très ancienne, d'autres sont de création beaucoup plus récente. Certaines sont situées dans de grands centres urbains et leurs différentes implantations résultent d'un découpage arbitraire, d'autres sont des universités interdisciplinaires situées dans des villes de plus petite taille. Certaines attirent, en grand nombre, des étudiants venus des autres académies, d'autres moins. Etc. Tous ces facteurs font la diversité des universités françaises et, sans doute, leur force. Pour répondre à cette variété, il nous 'allait élaborer des modèles de développement suffisamment souples pour améliorer l'ensemble du système, sans le figer dans des structures trop rigides ou trop uniformes. Car je veux la qualité partout, mais la qualité dans la diversité. La logique dans laquelle je me situe ne débouche pas sur des universités concurrentielles mais sur des universités complémentaires et diverses.

Il existe, dans les grandes villes, des universités morcelées, sans relations entre elles, incapables d'offrir des cursus pluridisciplinaires aux étudiants, dotées d'un rayonnement inégal, alors que leur taille et leur qualité en font potentiellement des équivalents des grands centres européens ou internationaux. Pourquoi ne pas chercher à les fédérer sous un même label, à les vivifier, à inciter tous les partenaires à travailler autour d'objectifs communs ? C'est l'objectif de la démarche que nous avens entreprise avec ce que nous appelons "les pôles européens". Aucun moyen supplémentaire ne sera accordé à ces universités fédérées, sauf pour faire vivre des structures fédérales.

Autre cas de figure : celui d'universités de petite taille, qui vivent dans l'isolement et ont du mal à atteindre une masse critique. Pourquoi ne pas développer des liens entre ces universités et créer des réseaux qui leur permettraient d'atteindre la taille nécessaire aux recherches lourdes et à leur entrée dans le paysage universitaire européen ? C'est dans cet esprit que nous allons chercher à faire s'épanouir des réseaux régionaux.

Quant à l’Île-de-France, fallait-il continuer à la laisser hors des plans de développement, alors qu'elle attire de plus en plus d'étudiants ? Décentraliser, c'est d'abord déconcentrer l’Île-de-France et alléger la pression qui pèse sur Paris-Centre. C'est pourquoi nous avons décidé la création d'universités nouvelles en Île-de-France, c'est 'pourquoi également nous avons exclu, pour l'instant, les universités de Paris-centre des premiers pôles européens.

Il existait, lorsque je suis arrivé en 1988, de nombreuses antennes universitaires, clandestines pour bon nombre d'entre elles. Fallait-il les supprimer ? J'ai pris acte d'une situation qui démontrait l'ampleur de la demande de formation. Nous avons donc décidé d'intégrer les antennes universitaires dans le schéma national. Si elles servent réellement la démocratisation de l'enseignement supérieur, alors je dis oui aux antennes. Mais si elles doivent être l'amorce d'un enseignement supérieur à deux vitesses, alors je dis résolument non. Je serai, sur ce point, particulièrement ferme et vigilant. Le nombre d'étudiants, dans les antennes, doit être limité. Il faut donner aux antennes les moyens d'atteindre une taille minimum et, surtout, les relier très étroitement à une université de plein exercice qui pourra leur apporter un important potentiel d'enseignement et de recherche.

Toutes nos universités devront se développer dans une véritable égalité des chances. C'est à l'État d'en être le garant. Et il le sera. Cette volonté, je l'ai montrée en commençant de corriger, au travers des attributions de postes, le déséquilibre d'encadrement qui pénalisait les universités du Nord et de l'Ouest. Cette volonté, je la montre en créant l'Institut universitaire de France qui reconnaît et encourage la recherche de haut niveau là où elle est effectuée. Je la montre lorsque je lance un programme qui encourage la naissance d'équipes de recherche et que je prends des mesurés contre les pratiques d'autorecrutement qui favorisent les grands centres au détriment des plus petits.

Mais égalité des chances ne veut pas dire absence d'évaluation et refus de la transparence. Si la qualité ne se décrète pas, on peut néanmoins la mesurer de façon objective, en recherche par exemple. Mon objectif étant de rechercher partout la qualité, j'invite donc toutes les universités, toutes les régions, à se mobiliser, non pas en ayant l'œil rivé sur la politique menée par le voisin, mais en faisant preuve d'imagination et de dynamisme pour développer des projets qui leur soient propres. Le cadre que nous vous offrons, avec ce plan de développement et d'aménagement universitaire, permet à tous de s'épanouir. Le rôle de l'État, et je suis là pour y veiller, sera de maintenir l'égalité des étudiants, quel que soit le lieu où ils font leurs études, de donner aux universités, quelles qu'elles soient, les moyens de rendre cette égalité effective.

D'ores et déjà, vous le savez, j'ai défini, à l'intérieur de ce plan de grands secteurs prioritaires. Je vous en cite quelques-uns. Le premier concerne les campus. Le campus, voilà une structure essentielle au développement universitaire. Voilà aussi une structure longtemps négligée dans notre pays. Regardons certaines de nos universités, avec leurs campus sans vie, coupés de la ville ou de la région qui les abritent. Dans les pays anglo-saxons, des villes se construisent autour de l'université qui en est le cœur culturel et intellectuel. En France, certaines universités récentes se sont construites en opposition à la ville, comme rejetées loin de la vie de la Cité. Or, l'université ne doit pas être, à l'évidence, un lieu d'exclusion mais un lieu de vie, un lieu d'animation culturelle et intellectuelle.

Nous avons l'intention de construire mais aussi de construire mieux. J'ai donc confié une mission d'expertise à des architectes et à des urbanistes. Cette mission a abouti au lancement, avec le Ministère de l'Équipement, d’un programme « Architecture nouvelle » consacré aux universités. Il s'agit de réexaminer l'urbanisme des campus mais aussi d'améliorer la qualité architecturale de nos universités. Nous devons retrouver, dans nos universités, la fierté des bâtiments, le plaisir de vivre et d'étudier dans un cadre agréable. Pour revivifier la vie culturelle au sein des universités, j'ai déjà engagé une action avec le Ministère de la Culture. Je compte également mettre en place un plan de développement du théâtre et du cinéma dans les universités.

Autre structure essentielle, autre structure incroyablement négligée : les bibliothèques universitaires. Notre retard, dans ce domaine, par rapport aux grands pays industrialisés est préoccupant. Nous avons entrepris un effort budgétaire considérable pour rattraper notre déficit en mètres carrés, en personnels, et en documentation. J'ai tenu à ce que les bibliothèques occupent une place importante dans les contrats qui ont été conclus avec les universités. Elles sont également une des priorités du schéma de développement et d'aménagement universitaire. Enfin, un Conseil Supérieur des bibliothèques a été créé. Présidé par André Miquel, il permet aux Ministères de l'Éducation nationale, de la Culture et de la Recherche de faire le point régulièrement sur l'ensemble des problèmes des bibliothèques, sur les résultats du rattrapage engagé et d'harmoniser leur action.

Je vous ai parlé des hommes et des structures. Le troisième et dernier axe de la politique que j'ai entreprise, c'est une volonté de faire émerger des pratiques universitaires modernes. L'université, c'est un ensemble de pratiques et un type d'enseignement tout à fait originaux, alimentés et renouvelés en permanence par la recherche. Ce qui fait l'identité de l'université, c'est la création du savoir, l'esprit de recherche, ce lien permanent entre l'innovation et la transmission très rapide des connaissances les plus neuves. Sans une recherche universitaire forte, notre enseignement supérieur s'étiolerait vite et serait réduit au rôle de simple lieu de transmission d'un savoir qui, de toutes façons, serait créé ailleurs.

Or, depuis quelques années, la recherche universitaire dans notre pays perdait peu à peu de sa vigueur. Les équipes de jeunes chercheurs sont rares. C'est pourquoi, j'ai décidé de donner une nouvelle vigueur à la recherche universitaire en complémentarité avec le CNRS et les autres organismes de recherche. Pour cela, il fallait d'abord lui donner des missions plus claires : la formation des futurs docteurs, – j'en ai déjà parlé –, la nécessité de faire surgir et de soutenir de nouvelles équipes, le souci permanent de faire passer le plus rapidement possible dans l'enseignement les nouveaux acquis de la recherche.

Pour mettre en œuvre cette politique, il nous fallait des instruments. Nous avons imaginé des structures nouvelles. Une Direction a été créée : la Direction de la Recherche et des Études doctorales. Sa mission : piloter, aider, coordonner la recherche universitaire, grâce à des Directions scientifiques. Un Observatoire des thèses a été mis en place. Il nous permettra, année après année, de mesurer de façon objective les résultats positifs et les retards de notre pays dans ce domaine. Un nouveau conseil, placé directement auprès de moi, – le Conseil scientifique de l'Éducation nationale – présidé par Jean-Marie Lehn, réunit des scientifiques de très haut niveau qui sont pour moitié, européens. Ce Conseil, qui vient de tenir sa deuxième session, m'apporte, en toute indépendance, le point de vue de la communauté scientifique internationale sur les évolutions du savoir et la validité des choix scientifiques de notre enseignement supérieur. Autre nouveauté : l'Institut Universitaire de France, – je l'ai évoqué rapidement tout à l'heure –. Cette institution sans murs permet à des universitaires du plus haut niveau qui proviennent de toutes les universités françaises de bénéficier, pendant une durée limitée, de conditions tout à fait exceptionnelles pour poursuivre leurs recherches tout en continuant, partiellement, à enseigner, dans leur université même, pour faire profiter les futurs docteurs, en particulier, de leurs compétences.

Vivifié par une recherche dynamique, l'enseignement universitaire pourra alors remplir sa mission qui est de dispenser à la fois une formation professionnelle et une culture générale. Je l'ai évoqué au début de mon intervention. Pour y parvenir, nous devons travailler dans deux directions : faire évoluer les méthodes d'enseignement et améliorer l'accueil et l'orientation des étudiants. Les taux d'échec en premier cycle sont actuellement trop élevés. Trop d'étudiants abandonnent en cours d'année. Pour beaucoup d'entre eux, l'université est un univers très opaque, où les possibilités de parcours manquent de clarté, où les questions sont nombreuses mais où il n'y a pas toujours quelqu'un à qui les poser. Quand on les interroge, ils parlent d'anonymat, de difficultés à choisir et de solitude.

J'ai donc l'intention de mettre en place un système d'orientation et d'accueil beaucoup plus transparent, beaucoup plus efficace et, j'ajouterai, beaucoup plus chaleureux. Nous sommes en train d'y travailler. Il faut également faciliter les réorientations en cours de parcours en multipliant les passerelles. C'est un des objectifs de la rénovation des premiers cycles que nous avons entreprise. De même, les schémas de formation post-baccalauréat qui ont été élaborés dans les académies permettent un meilleur ajustement entre les formations du secondaire et les débouchés dans l'université. Certaines de ces actions en faveur des premiers cycles ont déjà commencé. Tous ces problèmes ont fait l'objet d'une très large concertation au niveau des académies. Dès l'automne, j'engagerai avec tous les acteurs et es partenaires de l'enseignement supérieur, une concertation pour proposer un cadre permettant de faire évoluer les premiers et les deuxièmes cycles. C'est en instaurant plus de souplesse dans les parcours, des passerelles plus nombreuses, des possibilités de recours multiples, des procédures d'orientation plus attentives aux aspirations des étudiants que nous assurerons l'égalité des chances pour tous dans le respect de la diversité des talents de chacun.

Reste les méthodes d'enseignement elles-mêmes. La spécificité de l'enseignement supérieur – à savoir ce lien entre la recherche et l'enseignement que j'ai évoqué à l'instant – exige des méthodes également spécifiques. C'est à l'université que les méthodes de travail personnel, l'habitude de la recherche, du travail autonome, devraient jouer un rôle essentiel. Pour cela, il faut bien sûr mieux préparer les jeunes en leur faisant acquérir ces méthodes dès l'enseignement secondaire – c'est une de mes préoccupations et une des missions que j'ai confiées au nouveau Conseil national des Programmes – mais il faut aussi que ces méthodes occupent une place plus importante dans l'ensemble de l'enseignement dispensé à l'université elle-même et surtout au début du premier cycle.

Enfin, pour mieux préparer les étudiants à leur future vie active, pour leur donner le goût de l'autonomie, les contacts avec le monde socio-économique qui sera, pour bon nombre d'entre eux. Le monde dans lequel ils travailleront, ces contacts, donc sont essentiels. Longtemps, l'université et l'entreprise ont vécu sans lien aucun, voire dans une méfiance réciproque. Les mentalités ont aujourd'hui considérablement évolué. L'université est prête à s'ouvrir plus largement sur son environnement. Elle doit le faire, car l'indépendance de l'université provient de la qualité de sa recherche, de sa capacité de formation, des règles et des garanties qui président à son fonctionnement et certainement pas de son éloignement de la vie économique et sociale.

Des savoirs, des pratiques nouvelles, se créent dans les entreprises, les administrations, chez les professions libérales. L'Université doit les intégrer et en faire profiter les étudiants. C'est pourquoi j'ai décidé la création dans les mois qui viennent d'un nouveau corps de professeurs associés qui pourront être recrutés parmi les meilleurs professionnels français et qui apporteront cette ouverture sur le monde extérieur qui fait parfois défaut à l'Université.

Associer culture générale et formation professionnelle, ce n'est pas seulement ouvrir l'Université sur le monde du travail, c'est savoir inventer de nouvelles conceptions de la formation. Il en est une qui était restée quasiment inchangée depuis des décennies alors que ceux qui la recevaient voyaient leurs missions évoluer rapidement, je veux parler de la formation des enseignants. Le savoir évolue très vite ; tous les futurs enseignants, instituteurs et professeurs, doivent avoir un, formation ouverte sur ces mutations. Ils doivent également acquérir une formation professionnelle. C'est ce que leur apporteront les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres qui commenceront à fonctionner dès octobre 1991. Il s'agit là d'une nouveauté très importante et d'une mission essentielle pour les universités qui devront s'y impliquer et y apporter tout leur dynamisme.

Une pédagogie moderne, c'est aussi une pédagogie qui utilise intelligemment les nouvelles technologies de communication. Elles peuvent, dans les années qui viennent, changer la manière d'enseigner. J'ai décidé de créer une mission de développement des technologies modernes à l'université et de lancer une étude sur la possibilité de mettre en place, dans notre pays, comme cela existe déjà chez certains de nos voisins, une "université ouverte".

Cette formation qui allie culture générale et culture professionnelle, je la conçois également comme une formation mieux adaptée aux professionnels. Grâce à un enseignement plus souple, composé de modules capitalisables, de cursus à durée variable, l'Université devra renforcer son rôle dans la formation continue. Il y a là, dans notre pays, des besoins considérables.

C'est dans le même esprit que j'ai décidé de lancer la formation d'un nouveau type d'ingénieur qui se distinguera des ingénieurs généralistes que nous formons déjà et dont je compte bien augmenter Le nombre, en plein accord avec les souhaits exprimés par le Président de la République. Ces nouveaux ingénieurs posséderont une formation plus spécialisée fondée sur une alternance de périodes de formation dans l'institution universitaire et de périodes dans l'entreprise. Cette formation devrait, à terme, contribuer à nous permettre de doubler le nombre de nos ingénieurs. Elle s'adresse aussi bien à de jeunes bacheliers qu'à des techniciens supérieurs déjà en activité.

Il y aurait certes encore beaucoup d'autres points à évoquer, mais je n'oublie pas que ces Assises sont les vôtres, qu'elles sont un lieu de dialogue et de débats où toutes les voix doivent se faire entendre et pas seulement la mienne. L'Université, longtemps, a divisé notre pays, elle a même, parfois, fait peur. Aujourd'hui, je vois, partout autour de moi, qu'elle préoccupe, qu'elle passionne, qu'elle mobilise. C'est le signe d'une mutation profonde. Mieux qu'un signe, c'est une chance. Alors, cette chance saisissons-là. La passion, bien sûr, ne suffira pas à faire vivre nos universités, à les préparer à leur avenir.

Mais nous avons, pour la première fois depuis longtemps, des moyens, même s'il en faudra encore davantage, nous avons la perspective d'une action à long terme, nous avons une réelle volonté politique. C'est beaucoup. Mais ce n'est pas assez. Pour réussir ces universités de l'an 2000, dont j'ai tracé les grandes lignes, dont je construis les bases depuis deux ans, il faudra les idées, les talents, le dynamisme et la participation de toutes les forces du pays, de vous, les universitaires, de vous, les représentants des collectivités locales, de vous qui appartenez au monde économique, de notre jeunesse, de vous tous Recteurs, Présidents d'université, scientifiques de renom international, dont je ne peux bien sûr citer tous les noms, de vous tous qui nous apportez déjà talent et imagination… Ces universités de l'avenir, réunissons-nous aujourd'hui pour les construire, tous ensemble.


Intervention de monsieur Robert Chapuis, secrétaire d'État, chargé de l'Enseignement technique, aux assises nationales "université 2000", le mercredi 27 juin, à la Sorbonne

Monsieur le ministre d'État
Madame le Recteur
Mesdames et Messieurs,

L’an 2000, nous y sommes. C’est aujourd'hui que se conçoit et se construit l'université de l'an 2000. Cette référence au second millénaire a longtemps figuré comme l'image même du futur, d'un futur encore plus lointain que celui qu’Orwell fixait en 1984 et qui est déjà derrière nous, c'est désormais l'avenir tout proche. C’est dire que les travaux qui sont menés au cours de ces assises nationales revêtent un caractère de grande urgence, d'autant que depuis 20 ans la collectivité publique n'a pas fait pour l'université les efforts qui étaient à la hauteur de l'enjeu.

L'enjeu est à la fois social, économique et culturel, à notre époque, les avancées scientifiques sont indissolublement liées à celles de la technique, qu'il s'agisse des moyens modernes de recherche nécessaires à la constitution des savoirs dans toutes les disciplines même les plus anciennes ou qu'il s'agisse des impulsions données à la recherche ou à la transmission des connaissances : transfert, interactivité, contrat, voilà quelques-uns des mots-clés d'aujourd'hui, qu'il s'agisse de recherche fondamentale ou de recherche appliquée, de formation dite générale et académique ou de formation plus pratique et dite professionnelle. C’est dire que la relation avec la technologie n'est pas un à-côté de l'université ; elle est au cœur d'un certain nombre des questions fondamentales qu'elle doit affronter ; à qui doit-elle s'ouvrir ? Quelles sont ses finalités à travers ses formations, à travers ses personnels, dans les relations avec la vie économique et sociale, dans sa relation avec la constitution d'une culture de référence, fondée sur les valeurs essentielles d'un humanisme qui retrouve toute son actualité. C’est pourquoi je voudrais, en tant que secrétaire d'État chargé, auprès du ministre d'État, de l'enseignement technique, évoquer deux aspects qui me paraissent essentiels pour le développement de l'université française au cours des prochaines années. Je veux parler de l'accueil des bacheliers technologiques dans l'enseignement supérieur, et du développement des enseignements technologiques au sein de l'université. Ils ne constituent pas bien entendu les seuls problèmes. Je les crois cependant significatifs, parce qu'ils sont signes de contradiction, point d'appui de choix qui engageront loin et durablement.

L’accueil des bacheliers technologiques dans l'enseignement supérieur est une question très importante pour la politique éducative, et j'ai eu plusieurs fois l'occasion de l'évoquer avec les responsables universitaires, avec les présidents d'université, avec les directeurs d'IUT.

La situation actuelle n'est pas satisfaisante et elle est bien connue : les bacheliers F et G, qui réussissent bien dans les filières courtes, ne sont cependant pas assez nombreux à y trouver place, notamment dans les IUT, qui accueillent majoritairement des bacheliers généraux. En même temps, ces jeunes connaissent dans les premiers cycles universitaires des taux d'échec inacceptables.

Cette question me semble vraiment cruciale parce qu'il s'agit, au fond, de savoir si l'on est capable ou non de réussir la démocratisation de l'enseignement supérieur.

Il y a là un véritable enjeu social, je dirais presque un contrat social à respecter.

Que signifie, en effet, l'objectif de mener 60 % d'une classe d’âge au niveau du baccalauréat en l'an 2000, si l'université de l'an 2000, ne se prépare pas à offrir des formations qualifiantes a tous les bacheliers a tous ceux qui ont atteint ce niveau, mais qui ont acquis en plus le droit et la possibilité de le dépasser ? Or l'objectif des 80 % ne sera atteint qu'avec le développement des enseignements technologiques et professionnels dans le second degré, c'est-à-dire en diversifiant les voies de la réussite.

C'est pourquoi je crois que l'enseignement supérieur ne pourra accueillir de manière satisfaisante des étudiants à la fois plus nombreux et plus divers, qu'en diversifiant ses filières et en assouplissant ses cursus. On ne pourra pas former la moitié et plus d'une classe d’âge comme on formait autrefois une élite représentant 5 % de sa génération.

Les bacheliers technologiques représentent aujourd’hui le tiers des bacheliers et leur diplôme les destine normalement à la poursuite d'études. Ils sont bien préparés pour suivre des formations de technicien supérieur et ils y réussissent bien, quand ils y sont accueillis, que ce soit en section de techniciens supérieurs comme en IUT.

La France, qui ne connait pas le double niveau de formation des ingénieurs qui existe en Allemagne fédérale, en Grande-Bretagne, et dans la plupart des pays européens, a su par contre développer un excellent dispositif de formation de techniciens supérieurs en deux ans, parfaitement reconnu et apprécie des entreprises.

La demande de l'économie est toujours forte pour ce niveau de qualification dont il convient donc de poursuivre le développement, mais avec la volonté d'accueillir de manière privilégiée les bacheliers technologiques dans les filières courtes.

Une attention particulière doit être accordée sur ce point a l'évolution des instituts universitaires de technologie, à leur place au sein des formations de techniciens supérieurs, comme à leur place au sein de l'université.

Formations universitaires originales crées il y a près de 25 ans, les IUT ont largement contribué à introduire à l'université la dimension technologique et une logique de professionnalisation, ce qui a constitué une évolution extrêmement positive, et disons-le un succès.

Mais dans le même temps, les sections de techniciens supérieurs ont connu une croissance telle qu'en dix ans, de 1979 à 1989, la part des IUT dans les formations de techniciens supérieurs est passée de 61 % à 42 %.

Si cette tendance devait se poursuivre la question se poserait de la nature universitaire, à terme, des formations de techniciens supérieurs. Si les IUT ne formaient plus que marginalement au niveau baccalauréat + 2 ans, ils seraient condamnés soit à s'isoler et à végéter, soit à changer de nature et à se transformer en écoles.

Autant je crois important d'affirmer la nature universitaire des IUT, qui ne doivent pas être des entités vivant dans un splendide isolement au sein de l'université, autant il m'apparaitrait regrettable que les IUT s'écartent de leur mission première qui est de former des techniciens supérieurs.

Nous irions à l'envers des évolutions que connaissent les grands pays industriels, si nous laissions se créer un divorce entre nos formations dites courtes, où se recrutent les techniciens supérieurs, qui seraient voués à prolonger l’enseignement des lycées et les formations plus longues, en plusieurs cycles, telles qu'elles se développent dans les universités. Cette rupture serait un handicap majeur, cassant aussi bien l'évolution du système de formation supérieur que la modernisation de l'organisation du travail dans les entreprises et les services.

Les IUT doivent être tout à la fois universitaires et technologiques ; ils constituent un lien essentiel entre l'université et les diverses branches professionnelles.

Cela ne signifie pas pour autant que tout autre activité que la formation à BAC + 2 doit être proscrite, ni que les IUT n'ont aucune perspective d'évolution, bien au contraire. Mais il faut fixer clairement les missions prioritaires.

Une autre question est le développement des poursuites d'études après le DUT, voire après le BTS. On constate en effet qu'un nombre non négligeable de jeunes poursuivent leurs études après ces diplômes, vers des seconds cycles, ou vers des formations d'ingénieurs.

Parallèlement certains départements d'IUT montent des années post-DUT de spécialisation, dont certaines procurent un avantage réel en terme d'insertion professionnelle.

Ces prolongations d'études ont plusieurs causes, certaines sont discutables, parmi lesquelles l'accès de bacheliers généraux en IUT, qui se destinait d'emblée à des études plus longues, d'autres justifiées, en raison de l'existence de seconds cycles technologiques à l'université, auxquels ne correspondent pas de premiers cycles technologiques. De surcroît, ces formations complémentaires peuvent correspondre à des besoins de l'environnement économique local.

Il ne faut donc pas exclure a priori l'idée que des formations courtes débouchent sur des poursuites d'études, pour autant que l'on préserve un nombre suffisant de sorties au niveau BAC + 2.

De surcroît, deux perspectives importantes s'offrent aux étudiants titulaires d'un diplôme du cycle court :

– la première est la préparation des concours de recrutement dans les corps enseignants, particulièrement dans l'enseignement technique, au moment où la mise en place des IUFM a pour objet de renforcer la nature universitaire de la formation des maitres. Les titulaires d'un DUT ou d'un BTS constituent de fait un vivier pour ces recrutements, qui requièrent tous désormais la possession d'une licence ;

– la seconde perspective est le développement de la formation continue, pour l'accès au titre d'ingénieur, grâce aux nouvelles formations que nous mettons en place à partir de la prochaine rentrée.

La question n'est donc pas de s'interroger sur la possibilité de poursuivre des études après un BTS ou un DUT puisque c'est déjà une réalité, que dans certains cas on peut comprendre, voire même encourager. La question est de savoir quelle est la structure qui délivrera ces formations, avec la préoccupation d'optimiser en même temps les cursus. Certains parcours aberrants pourraient sans doute être évités par une meilleure orientation au départ, par un décloisonnement des filières post-baccalauréat, ou par une diversification des premiers cycles intégrant mieux, en particulier, la dimension technologique.

Des premiers cycles technologiques a l'université permettraient d'améliorer les chances de réussite des bacheliers technologiques, et sans doute d'autres bacheliers qui échouent actuellement. Ils constitueraient aussi une meilleure préparation aux seconds cycles technologiques.

L'objet de ces assises nationales n'est pas je le sais de s'interroger sur les contenus mais cet aspect sera également essentiel, pour déterminer l'articulation des différentes filières de l'enseignement supérieur, pour rechercher un dispositif à la fois plus efficace et je l'espère plus simple que notre système actuel, et qui évite de créer de nouvelles discriminations.

Je souhaite que les assises nationales soient aussi l'occasion d'une réflexion sur le développement des formations technologiques à l'université. Comme les formations scientifiques, comme les formations à la gestion et au commerce, elles sont absolument indispensables au dynamisme économique de la France, a sa capacité d'affronter avec succès la concurrence internationale.

Les formations technologiques existent actuellement sous diverses formes à l'université, tant au sein des UFR, que des IUT, d'autres instituts autonomes ou des écoles extérieures.

Je crois nécessaire de réfléchir au type de structure capable de favoriser un développement rapide de ces formations. Nous avons plus encore qu'auparavant besoin de cadres, besoin de techniciens supérieurs, besoin d'ingénieurs, besoin de chercheurs, besoin de professionnels qualifies dans les nouveaux métiers de la communication, du tourisme, de la culture comme de l'action sociale ou de la santé.

Faut-il créer de nouvelles structures, faut-il renforcer celles qui existent, faut-il regrouper ou fédérer en réseau celles qui sauront développer des complémentarités et des synergies ?

Le 23 décembre 1985, la loi programme sur l'enseignement technologique et professionnel prévoyait la création d'universités de technologie, ayant pour mission principale la formation des ingénieurs, le développement de la recherche et de la technologie.

Ce n'est pas finalement la politique qui a été poursuivie et, l'université de Compiègne exceptée, aucune autre université de technologie n'a surgi de terre. Pourquoi ? nous nous sommes demandes si le développement de la technologie à l'université supposait nécessairement la création de structures spécialisées. Le risque était d'une part de démobiliser sur ce point tout le reste de l'enseignement supérieur, et d'autre part de séparer la technologie des autres enseignements, en créant des spécialisations excessives.

Le pari a été fait, finalement, de mener ce développement avec les universités existantes, c'est-à-dire en maintenant une certaine polyvalence. La contrepartie est bien sûr que les universités ont toutes pour mission, et en particulier les universités scientifiques, de conduire une politique hardie dans ce domaine.

Beaucoup d'efforts ont déjà été engagés. les formations d'ingénieurs à l'université se sont par exemple très bien développées. il existe de grandes universités scientifiques et trois instituts nationaux polytechniques. Mais il reste encore beaucoup à faire, notamment dans les premiers cycles.

Faut-il créer au sein de l'université des structures spécialisées ? Faut-il créer à côté des premiers cycles délocalises des antennes technologiques ? Comment articuler un développement de formations technologiques avec les structures des IUT ?

Ces questions doivent être débattues pour éclairer les grandes orientations qui seront prises pour le schéma d'aménagement et de développement de l'université au cours des prochaines années.

Je souhaite que les assises nationales permettent un large échange sur les deux préoccupations que je viens d'évoquer, et facilitent l'émergence, sinon de réponses uniques et définitives aux questions posées, a tout le moins d'une logique capable de guider les choix en matière de développement et d'aménagement de l'université de l'an 2000 qui sont l'objet même de nos débats.