Articles et interviews de M. Lucien Rebuffel, président de la CGPME, dans "La Volonté" de février et mars 1996, et "Les Échos" du 19 février 1996, sur les mesures en faveur de la croissance, et pour l'installation d'entreprises dans des banlieues en difficulté, et sur l'aide aux exportations.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Energies News - Les Echos - LA VOLONTE - Les Echos

Texte intégral

Date : février 1996
Source : La Volonté

À quand la relance ? Qu'il y ait de la morosité dans l’air, voire de l’anxiété, n’est pas niable. Les Français se restreignent dans leurs achats. Ils estiment plus judicieux de mettre de l’argent de côté. Allons-nous sombrer dans la déprime ?

Des décisions ont été prises en haut-lieu, des mesures arrêtées. Qu’elles tardent à faire effet ? N’en déplaise aux impatients, un intervalle de temps sépare toujours une décision de son application. Combien de temps nous faudra-t-il attendre pour que les mesures gouvernementales portent leurs premiers fruits ? Plusieurs semaines encore, si ce n’est plusieurs mois. Rien à cela que de très normal.

Trop fragmentaires, ces mesures ? Ce qui peut en donner l’impression est qu’elles ont été nettement ciblées. Aux fins d’une plus grande efficacité. La confiance manque, c’est un fait ; et elle ne se décrète pas. Elle ne dépend pas d'une signature. Se comprendrait-il pour autant que nous déclarions forfait ? Quand bien même notre économie traverserait une mauvaise passe, notre pays est loin d'être au bout de son rouleau. Il a encore de solides atouts dans son jeu. Quasiment aucune inflation. Une monnaie que beaucoup envieraient. Des taux d'intérêt en baisse. Une innovation ! Confrontées à de mêmes problèmes, la France et l'Allemagne ont résolu de synchroniser leurs politiques de rétablissement de la croissance.

Une baisse, tant attendue, des impôts ? Elle dépendra, chez nous, de la réussite du plan actuellement en vigueur ; mais déjà des signes encourageants apparaissent. Quel coup de pouce pouvons-nous donner ? Au risque de nous répéter, il serait souhaitable que nous embauchions chaque fois que s'en dessine une possibilité. Toute embauche sera un plus. Le pire serait, par les temps qui courent, que nous nous recroquevillions au fond de notre coquille. Évitons-le.


Date : février 1996
Source : La Volonté

La Volonté : Quelle appréciation d'ensemble portez-vous sur les mesures relatives au « Pacte de relance pour la Ville » ?

Lucien Rebuffel : J'ai découvert les 68 mesures du « Pacte de relance pour la Ville » avec une réelle satisfaction. Car, à mon avis, l'ampleur et la diversité des dispositions prises sont parfaitement en rapport avec la gravité des problèmes rencontrés sur le terrain.

Dès le 19 janvier, j'ai fait savoir par un communiqué que la CGPME avait tout lieu de se sentir satisfaite des mesures du Plan Juppé pour les banlieues, en ce sens que ces mesures s'articulent entre elles de façon à la fois cohérente et réaliste.

Bien entendu, nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que tous les problèmes vont, d'un seul coup, se trouver réglés comme par enchantement. Il est clair que tous les quartiers en difficulté ne vont pas se trouver pris en compte par l'opération qui s'amorce. Celle-ci constitue toutefois une initiative très encourageante du seul point de vue humain. Elle prouve que la sensibilité de nos gouvernants se trouve en phase avec les difficultés exprimées par les plus démunis.

À mon sens, la nouvelle démarche est donc tout à fait encourageante : après un certain nombre de tentatives beaucoup plus ponctuelles, pour ne pas dire plus timides, elle traduit une réelle volonté de s'attaquer en profondeur à la globalité des problèmes rencontrés. Voilà pourquoi je considère que le « Pacte de relance pour la Ville » doit mobiliser tous les dirigeants d'entreprise.

La Volonté : Dans l'immédiat, qu'attendez-vous, pour les PME-PMI ? Des nouvelles dispositions ?

Lucien Rebuffel : Il n'y a pas de doute que perspective, pour un entrepreneur de pouvoir exploiter ses affaires en se trouvant dispensé de tout prélèvement fiscal et de toutes charges sociales constitue un levier particulièrement puissant.

Je suis persuadé, pour ma part, qu'une telle perspective va éveiller bien des vocations économiques, notamment chez les plus jeunes. Par ailleurs, les commerçants et artisans déjà en place, ainsi que les dirigeants PMI, vont trouver là un encouragement sérieux à développer toujours plus leurs affaires.

Voilà pourquoi la CGPME a déjà engagé toutes les professions à s'intéresser de façon très active au Pacte. Encore une fois, la possibilité de s'installer en « zone franche » doit, de façon tout à fait positive, être considérée comme une véritable aubaine.

La Volonté : Doit-il s'agir là d'un premier pas seulement ?

Lucien Rebuffel : Bien entendu, malgré un mieux très prometteur, nous ne saurions nous arrêter en si bon chemin. Je considère en particulier, qu'au-delà des bonnes intentions et des affirmations de principe, la mise en place de certaines structures d'accompagnement apparaissent indispensables.

Dans cette affaire, aucun mieux significatif ne pourra être durablement atteint sans le respect d'un minimum de cohérence. C'est pourquoi, à mon sens, « le Pacte de relance » dépasse très largement, par sa portée, toutes les initiatives pouvant venir de chez M. Gaudin ou de chez M. Raoult. Le garde des sceaux est directement impliqué aussi, qui doit veiller à ce que les jeunes délinquants ne soient pas prématurément relâchés. Dans le même esprit, un effort de clarification s'impose en ce qui concerne les structures d'accueil à prévoir.

Parallèlement aux mesures sécuritaires, des mesures financières sont à prévoir avec un maximum de rapidité et de précisions. En effet, quelle que soit la bonne volonté des plus jeunes, il leur sera difficile d'envisager l'installation sans l'accès à certains prêts. Des concours bancaires, impliquant peut-être l'élaboration d'un nouveau mécanisme, doivent donc intervenir de façon appropriée.

 

Date : 19 février 1996
Source : Les Échos

Les Échos : Au terme de cette visite de trois jours, pensez-vous que ce marché soit mûr pour les PME ?

Lucien Rebuffel : Les besoins de ce marché me paraissent énormes dans tous les domaines. La question est de savoir s’ils sont solvables. Or, si les grandes entreprises ont la capacité de mettre en place des accords de troc, ces schémas échapperont toujours aux PME. Les risques sur ce marché sont tels que je leur déconseille de s’y lancer seules. Il ne s’agit pas de partir à l'aventure. Pour le marché russe, le principe du portage d’une petite entreprise par une plus grande qui lui apporte ainsi ses connaissances du pays, son réseau, me paraît être une approche raisonnable.

Les Échos : À l'heure où le gouvernement réfléchit à la façon d'aider les PME à l'export, quelles sont les pistes qui méritent selon vous n'être suivies ?

Lucien Rebuffel : La meilleure manière d’aider les PME à l'export est de leur éviter tout risque financier anormal. Une PME ne peut pas supporter par exemple de risques de change ou de non transfert. Il y a des services de l'État qui savent faire cela. Pour l’instant, il me paraît important de sensibiliser les petites entreprises aux marchés extérieurs pour faire en sorte qu'elles développent une part de leur chiffre d'affaires à l'export, de l'ordre de 25 à 30 %, pour avoir un équilibre d’exploitation. Je dois dire que dans mes déplacements en province il m'arrive de rencontrer, même dans les endroits les plus reculés, de jeunes chefs d’entreprise qui sont déjà rompus aux techniques de l'exportation.

Les Échos : Dans cette démarche globale de sensibilisation des PME à l'export, envisagez-vous de développer un pôle international de la CGPME ?

Lucien Rebuffel : Je vais fortifier un service international qui existe déjà, mais qui est pour l’instant très orienté sur la législation européenne. Je vais conserver cette mission même si elle peut paraître trop administrative par rapport à la conquête des marchés extérieurs. Je vais, en ce qui me concerne, me consacrer à la recherche de ces débouchés en me fixant comme priorité des échanges à l'intérieur de l'Europe.

 

Date : mars 1996
Source : La Volonté

Nous vous demandons une reconnaissance éclatante du fait PME... J'avais adressé cette requête au Premier ministre lors de la dernière convention à Bordeaux, en novembre, de notre Confédération. Ce vœu est-il en train de se réaliser ? Que le chef du gouvernement ait tenu à assister à ces assises, a constitué un premier signe. Il nous a révélé son Plan PME. Ledit Plan aurait pu être mis à dormir dans un fond de tiroir. Il n'en a rien été. Les trente-quatre mesures qu'il préconisait commencent, l’une après l’autre, à être mises en œuvre.

Trop longtemps les grandes surfaces ont écrasé de leur poids nos entreprises. Sous la menace de déférencements, elles confisquaient à leur profit une partie de la richesse engendrée par les fabricants qui les fournissaient. Pratiquant la vente à marge zéro, quand ce n'était pas la vente à perte, sous prétexte de prix d'appel, leur comportement était devenu de rapaces, de prédateurs. Nous avons souhaité qu'un terme soit mis à cette déloyauté. Nous avons été entendus puisque le gouvernement a déposé un projet de loi visant à modifier l'ordonnance qui avait fixé en 1986 les règles de la concurrence.

C'est la troisième fois, en trente-cinq ans, que le Parlement est appelé à se prononcer sur la formation des prix. En sortira-t-il enfin la charte de la concurrence que nous réclamons ? Force est de constater que, ces temps-ci, les PME sont de plus en plus souvent sous le feu des projecteurs. Nos concitoyens commencent-ils à prendre conscience de ce que sont, en réalité, les PME, à savoir l’irremplaçable moteur de notre économie ? En ce temps où la relance tarde à se confirmer, elles seules embauchent. Nous avions demandé qu’un ministre des PME ait sa place au gouvernement. Nous avons été exaucés et nous avons tout lieu jusqu’ici de nous en réjouir.

Une grande première : lors de son récent voyage à Singapour, le chef de l’État s’est fait accompagner, pour la première fois, par des « petits patrons ». De tels signes témoignent chaque jour davantage que les PME existent. Ces signaux en disent long. Soyons sûrs qu’ils ne trompent pas.