Texte intégral
Le Figaro : Avez-vous pu mesurer la force dissuasive de la politique des charters ?
Jean-Louis Debré : Vous pouvez mesurer les résultats de l'action que j'ai entreprise dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine au travers d'un certain nombre de chiffres incontestables : 21 opérations de reconduites groupées à la frontière ont été organisées, dont sept en collaboration avec divers pays européens.
Aucun gouvernement ne peut se prévaloir d'une telle action. Il s'agit à l'évidence d'un changement fondamental par rapport à l'immobilisme antérieur. Aux slogans de certains, aux incantations d'autres, j'oppose la réalité et les résultats.
Depuis plus d'un an, 14 572 étrangers en situation irrégulière ont été éloignés de France. Du 1er janvier au 10 juillet 1996, 6 702 étrangers ont été éloignés contre 5 339 pour la même période de 1995. Soit une augmentation de plus de 25 %.
Nous sommes donc sur la bonne voie et nul, de bonne foi, ne peut nous taxer d'inaction. Reste que cette politique a besoin d'être confortée sur la durée pour demeurer crédible.
Le Figaro : Votre discours de fermeté n'est-il pas en contradiction avec, notamment, la mise aux oubliettes du rapport Philibert-Sauvalgo ?
Jean-Louis Debré : J'ai toujours dit que ce rapport, d'origine parlementaire, n'engageait que ses auteurs. Il s'agit d'un travail intéressant et complet. Je regrette que des politiques partisanes soient venues en dénaturer le sens et la portée, et fausser les termes du débat.
L'immigration, le contrôle des flux migratoires, la lutte contre le travail clandestin, sont des problèmes de société qu'il faut avoir le courage d'aborder. Je ne sais pas pourquoi certains empêcheraient que les responsables politiques abordent ces questions et en parlent librement. Je n'ai pas, en ce domaine, l'intention de me laisser impressionner par les tenants de la pensée unique.
Le Figaro : Un durcissement des lois relatives à l'immigration clandestine est-il définitivement écarté ?
Jean-Louis Debré : Ne raisonnons pas toujours en termes législatifs. La prolifération des lois ne comble pas les lacunes de la volonté. Il ne suffit pas de faire des textes pour régler des problèmes.
Au cas présent, ce qui m'importe est d'améliorer notre dispositif de lutte contre l'immigration irrégulière et de le rendre plus efficace. Les lois actuelles ont constitué une étape importante dans la bonne direction. Nous devons maintenant apporter à l'usage les aménagements nécessaires.
Le Figaro : Le soutien des Églises chrétiennes aux Africains sans papiers est-il un obstacle à la mise en œuvre de votre politique ?
Jean-Louis Debré : Je serais tenté de vous dire : « Rendez à César ce qui est à César... » Les appréciations portées par les autorités ecclésiastiques ne sauraient empêcher le gouvernement de prendre ses responsabilités. Celles-ci sont claires : il doit faire respecter la loi. Aussi, le refoulement des étrangers démunis de titres de séjour sera-t-il poursuivi. Il vise d'ailleurs, indistinctement, les personnes placées dans cette situation, quelles que soient leurs origines. Je pense notamment aux immigrants venus d'Europe de l'Est comme de l'Extrême-Orient dans des conditions irrégulières.