Texte intégral
Date : 7 juin 1996
Intervention de Madame le ministre – AGEFIPH
Monsieur le président, Monsieur le directeur général, Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour m’avoir invitée à clôturer vos journées techniques nationales sur la formation professionnelle des personnes handicapées et les schémas régionaux.
Cette manifestation vient vraiment et parfaitement à point nommé. En effet, le problème de la formation en général est crucial, celui de la formation des travailleurs handicapés ne l’est pas moins.
L’amélioration de cette formation est donc primordiale.
Je reconnais bien là, la qualité d’analyse et de travail de l’AGEFIPH pour s’être saisi de ce thème et pour s’être entouré, en l’occurrence, d’intervenants de très grande qualité. Je salue aussi la volonté du conseil régional d’Auvergne qui, par sa participation, réaffirme l’engagement et l’investissement des régions sur ce point capital.
Les thèmes que vous avez arrêtés sont au cœur de la réflexion de l’État ; votre apport peut donc être essentiel, que ce soit sur les schémas régionaux de formation, sur l’apprentissage, sur l’extension des champs de formation ou sur ses financements ou que ce soit sur la mobilisation des compétences dans les actes de prescriptions et de validation de la formation.
En bref, le jour est venu où nous avons, dans le domaine de la formation, beaucoup de sujets à faire avancer, ensemble.
Comme vous le savez parfaitement, l’objectif prioritaire de la loi de 1987 est l’accès à l’emploi du plus grand nombre de personnes handicapées au milieu ordinaire du travail. Les composantes de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle des travailleurs handicapés doivent s’inscrire dans cet objectif.
Les résultats atteints en 1994, avec un taux d’emploi de 4,11 % restent encore éloignés de l’objectif fixé par le législateur à 6 %, même si trois données positives peuvent être soulignées :
– la progression est constante ;
– une partie importante des 33 000 embauches réalisées en 1995 par les EPSR, les OIP et l’ANPE, s’effectuent dans les établissements de moins de 20 salariés non assujettis à l’obligation ;
– 68 % des embauches sont réalisés dans les entreprises de moins de 20 salariés.
Je me félicite de l’effort très marqué des PME qui se sont véritablement impliquées dans ce devoir d’insertion.
La formation professionnelle est logiquement et bien évidemment un objectif essentiel de la politique d’insertion des travailleurs handicapés ; en effet, et nombre d’intervenants, notamment en entreprise, le soulignent, les travailleurs handicapés sont d’abord handicapés pour leur accès à l’entreprise, par leur faible niveau de qualification.
Dans cette optique, l’obligation d’emploi doit être considérée comme une obligation de qualification pour l’emploi, en vue d’une insertion professionnelle progressive et durable.
La mise en place de cette démarche est complexe et se heurte à plusieurs types de difficultés, qui sont bien connues :
– problèmes de qualification professionnelle des travailleurs handicapés en inadéquation avec les besoins réels des entreprises ;
– difficultés à construire ou à reconstruire un projet professionnel à partir des acquis et des expériences des travailleurs handicapés ou de leur première formation s’agissant en particulier des jeunes handicapés issus des structures spécialisées telles que les IME et les IMPRO ;
– difficultés à développer des actions de formation en alternance avec les entreprises.
L’approche du handicap reste encore trop souvent marquée par l’alternance, formation qualifiante ou emploi, la mise en situation de travail n’étant pas toujours reconnue comme un moyen d’augmenter les compétences des travailleurs handicapés.
Ces difficultés mettent en évidence la nécessité de développer les relations et les échanges entre les acteurs de l’insertion professionnelle : les médecins, les formateurs des centres de formation, les chargés d’insertion des EPSR/OIP, les chefs d’entreprises, les milieux professionnels et notamment les branches professionnelles et les associations de travailleurs handicapés.
En matière de formation, l’existence d’un rapport inégal entre les besoins des personnes handicapées et les places offertes par les centres de formation spécialisés ou de droit commun pose question. Ce rapport est inégal, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif.
L’offre de formation repose essentiellement, comme on le sait, sur les centres de rééducation professionnelle, les centres de l’AFPA et les schémas régionaux de formation professionnelle mis en place par l’AGEFIPH.
L’accueil, la formation et l’accès à l’emploi des travailleurs handicapés relèvent d’une volonté politique. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour atteindre cet objectif. L’engagement de l’État dans ce domaine ne s’est pas démenti depuis plusieurs années.
Cet engagement poursuit deux objectifs majeurs.
Le premier est d’accroître la quantité et la qualité de l’offre, en ouvrant les dispositifs de formation de droit commun aux personnes handicapées.
Cela me paraît capital.
L’État a naturellement missionné son instrument direct qu’est l’AFPA en ce domaine. À ce titre, les engagements pris par l’AFPA de développer le nombre de personnes accueillies dans les centres de formation professionnelle des adultes, même si l’objectif des 4 000 stagiaires prévus pour 1994, n’a pas été atteint, montre l’ambition de développer une offre de formation permettant de faire bénéficier les personnes handicapées des dispositifs de droit commun, dans un objectif permanent de déspécialisation. Aujourd’hui, l’AFPA a marqué sa volonté de développer la qualité et la capacité d’accueil des travailleurs handicapés dans des parcours de formation adaptés. Ce sont près de 3 000 stagiaires qui ont été accueillis en 1995.
Le développement des schémas régionaux de formation de l’AGEFIPH, dont la coordination avec les directions régionales du travail doit encore s’approfondir, relève de la même logique de déspécialisation de l’offre, et doit donc être soutenue. La logique de ces schémas régionaux est de développer l’accueil des personnes handicapées dans les centres de formation de droit commun. Les schémas régionaux ont permis l’émergence d’une offre de formation diversifiée, répondant aux besoins d’un public relativement proche de l’emploi et pouvant suivre une formation sans le recours aux centres de rééducation professionnelle ou à des opérations spécifiques de formation. Copilotés par les conseils régionaux, les schémas régionaux sont mis à la disposition des partenaires (COTOREP, équipes de placement…) dans le cadre des programmes départementaux d’insertion des travailleurs handicapés.
Le deuxième objectif, qui s’impose aujourd’hui à nous, est la mise en cohérence, au niveau national et régional, de cette offre de formation, seul moyen efficace à terme pour répondre rapidement et de façon pertinente aux besoins des entreprises et aux capacités des personnes handicapées.
La création d’un Centre nationale de ressources et de recherches sur la formation, placé sous la responsabilité technique de l’AFPA, va permettre d’apporter une réponse en terme d’organisation de cette cohérence. Ce centre constituera un élément de progrès s’il répond aux objectifs de mise en réseau des compétences dans un souci de capitalisation et de transfert des expériences, de développement de nouveaux outils de formation permettant de compléter et d’enrichir les produits utilisés par les centres de formation, de conception de méthodes pédagogiques et de diffusion auprès des entreprises en vue de favoriser le maintien dans l’emploi des salariés menacés par le handicap.
Ce centre sera l’outil technique et méthodologique indispensable pour favoriser cette régulation de l’offre et je me réjouis vivement que l’AGEFIPH ait décidé de participer à sa mise en place, et je l’en félicite.
Les centres de rééducation professionnelle constituent aujourd’hui encore le principal instrument de formation pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. L’enquête de l’IGAS en cours doit contribuer à clarifier leurs missions et à en moderniser le fonctionnement. Un groupe de suivi sera chargé de mettre en application les propositions et recommandations de l’IGAS.
D’ores et déjà, il y a lieu d’encourager les CRP à poursuivre les efforts engagés en matière de modularisation des formations, à développer les formations en alternances en entreprise, et à progresser dans la mise en œuvre de parcours individualisés de formation.
Il est impératif que cette étude dégage les voies d’avenir pour ces centres, qui se sont engagés dans une politique de modernisation qui commence à porter ses fruits. Ils doivent trouver leur place dans la programmation régionale de la formation des travailleurs handicapés, à laquelle il convient désormais de réfléchir avec l’ensemble des acteurs, depuis les organismes de formation spécialisés jusqu’aux représentants des employeurs.
Il conviendra naturellement d’associer la région, collectivité territoriale compétente, à ces réflexions, tant il est vrai qu’elle doit s’impliquer pleinement dans cet aspect de la politique régionale de formation. Il s’agit d’organiser les complémentarités au niveau régional en associant l’AFPA, les organismes de formation de droit commun et les centres de rééducation professionnelle, en développant et en stabilisant, sur les plans réglementaire et financier, la politique engagée par l’État, l’AGEFIPH et les conseils régionaux au travers des schémas régionaux.
C’est cette politique active, claire, simple et efficace sur le terrain qui assurera le développement de la formation en alternance et de la formation concertée avec l’entreprise. Elle permettra une adéquation forte avec les besoins des marchés locaux de l’emploi et des entreprises. Elle favorisera l’accès à l’emploi des personnes handicapées, objectif national que, chaque jour, dans un partenariat qui n’est pas un vain mot, nous nous donnons les moyens d’atteindre, au service des entreprises et des personnes.
Au-delà de ces propos qui fixent les différentes évolutions de notre mobilisation prioritaire pour la formation des travailleurs handicapés, nous devons aller plus loin dans le domaine de l’insertion professionnelle.
C’est une priorité politique.
C’est donc une question de volonté politique.
Le président de la République l’a bien rappelé l’année dernière : « le regard que nous portons sur les personnes handicapées engage notre vision de l’homme tout entier. Une société se juge à l’attention qu’elle porte aux plus fragiles des siens ».
Quand Jacques Chirac a parlé « d’une nouvelle étape à franchir », il entendait notamment que nous avancions dans les domaines de l’intégration professionnelle qui progresse trop lentement.
Aussi, lors de la réunion du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le 13 mai dernier, le ministre du travail et des affaires sociales, Jacques Barrot a rappelé les axes prioritaires de travail des différents départements ministériels concernés.
Premier axe prioritaire : créer, dès le plus jeune âge, les conditions de la socialisation la plus précoce possible du jeune enfant handicapé et d’une intégration scolaire réussie.
Deuxième axe prioritaire : faciliter le libre choix des lieux et modes de vie par les personnes handicapées.
Troisième axe prioritaire : assurer, par un dispositif adapté, la continuité de la prise en charge de jeunes adultes et des personnes handicapées vieillissantes.
Enfin quatrième axe prioritaire : développer l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Cet axe prioritaire de travail avait été fortement déterminée par le Premier ministre, lors de l’installation officielle du délégué interministériel aux personnes handicapées, Patrick Ségal :
« Vous savez combien la question de l’emploi me préoccupe. Or, les contraintes économiques qui pèsent sur notre environnement, l’exigence de compétitivité, de technicité Induisent des changements dans le processus d’insertion dans l’emploi dont sont victimes, d’abord, les personnes handicapées. »
C’est pourquoi, avec Jacques Barrot, nous avons décidé de donner un « nouvel élan » à l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés afin d’être au rendez-vous dès le début de l’année prochaine, du dixième anniversaire de la loi de 1987.
Ainsi, notre réflexion et notre travail sur l’insertion professionnelle se développera de la façon suivante :
– dans un premier temps, les administrations concernées, et tout particulièrement, la délégation à l’emploi, feront l’état complet de tous les travaux menés dans le domaine depuis cinq ans afin de ressortir toutes les propositions, améliorations ou études qui n’ont pas trouvés d’aboutissements ; que ce soit les rapports de l’IGAS ou de la Cour des comptes, les analyses des services, les propositions des organismes ou des associations ; c’est ce que j’appellerais « dépoussiérer les propositions que nous avons tendance à laisser dans nos cartons » ;
– dans un deuxième temps, un inspecteur général des affaires sociales prendra la tête d’une mission-expert qui pourra regrouper la délégation à l’emploi et la délégation à la formation professionnelle, l’ANPE et l’AFPA et, bien évidemment, l’AGEFIPH, auxquels se joindront des représentants de l’entreprise, des partenaires sociaux, des équipes de préparation et de suite de reclassement, un coordonnateur de programme départemental d’insertion et un médecin de travail. Ce groupe, d’une bonne douzaine de personnes, fera le point des propositions existantes et des réflexions nouvelles et rédigera un projet synthétique ;
le troisième temps fort, sera le temps d’une concertation forte et profonde – et surtout efficace – avec tous les partenaires et les associations.
Cette concertation devra être terminée à la fin de cette année 1996, afin, comme je l’ai dit, d’être prêt pour le dixième anniversaire de la loi de 1987.
Aucune piste de travail ne doit pas être écartée : que ce soit l’amélioration des circuits de formation professionnelle, l’apprentissage, la formation en alternance ou que ce soit le maintien dans l’emploi ou dans l’entreprise du salarié devenu handicapé.
Il nous faut absolument faire évoluer la loi de 1987 sur ces points faibles et notamment sur les accords d’entreprise et la sous-traitance.
Nous devons permettre aux ateliers protégés de mieux s’intégrer dans la compétitivité économique mais parallèlement, nous devons établir une véritable passerelle entre milieu protégé et milieu ordinaire, qui ne soit pas un vain mot.
Nous pourrons sûrement mieux coordonner les initiatives locales et l’action de chaque partenaire pour l’emploi des travailleurs handicapés ; cela va des programmes départementaux d’insertion aux missions des EPSR.
En bref, soyons clairs, je ne vois aucun tabou inabordable.
Il faut absolument, que, tous ensemble, nous avancions vers un vrai projet pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées pour la fin de cette année 1996.
Le gouvernement décidera ensuite de la forme législative ou réglementaire que cela devra prendre.
Il s’agit, soyons en tous conscients, d’une priorité du gouvernement.
J’y mettrai toute ma volonté et mon enthousiasme, je compte sur vous tous pour apporter votre pierre à cet édifice.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de se contenter de gérer intelligemment un dispositif établi une fois pour toutes, dans le confort moral illusoire que prêteraient les grandes conquêtes déjà réalisées. En matière d’emploi et en matière sociale, qui n’avance pas recule.
Il faut réaffirmer et refonder une solidarité plus que jamais nécessaire de notre pays avec ses citoyens handicapés. Et la place de cette politique doit être éminente, car elle est un phare pour toutes les autres politiques, dont le faisceau marque la hauteur de nos ambitions collectives.
La politique que je préconise en faveur des personnes handicapées s’organise autour d’un double principe fondateur. Elle doit conjuguer le souffle d’une inspiration et les infléchissement résolus que commandent la nécessaire adaptation à un monde dont l’évolution ne cesse de s’accélérer.
La continuité de l’inspiration est dictée par le respect absolu dû à la dignité des personnes handicapées, qui doivent se sentir pleinement citoyennes au cœur de notre nation.
Quant aux infléchissements nécessaires, ils sont de notre ressort, de notre volonté, à vous comme à moi.
Un cadre mieux assuré et des outils efficaces constituent les préalables indispensables à l’engagement et à la réussite d’une telle politique.
Voici très succinctement ce que je voulais vous dire lors de vos journées techniques internationales. Celles-ci ont été très instructives.
Il nous faut, désormais, aller plus loin, ensemble.
Je compte sur vous.
Je vous en remercie.
Date : Jeudi 11 juillet 1996
Intervention devant le Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés
Monsieur le ministre,
Monsieur le délégué interministériel,
Mesdames, Messieurs,
Comme l’a souligné Monsieur Jacques Barrot, le président de la République a rappelé l’année dernière que : « le regard que nous portons sur les personnes handicapées engage notre vision de l’homme tout entier. Une société se juge à l’attention qu’elle porte aux plus fragiles des siens ».
Quand Jacques Chirac a parlé « d’une nouvelle étape à franchir », il entendait notamment que nous avancions dans les domaines de « l’intégration professionnelle qui progresse trop lentement ».
Le ministre du travail et des affaires sociales l’a rappelé tout à l’heure, six axes prioritaires ont été arrêtés, ils doivent déboucher sur des diagnostics et des propositions concrètes pour la fin de l’année.
Comme vous, nous estimons que le développement de l’insertion professionnelle des personnes handicapées est et demeure une priorité du gouvernement.
Cette priorité avait été fortement déterminée par le Premier ministre lors de l’installation officielle du délégué interministériel aux personnes handicapées, Monsieur Patrick Ségal – présent à nos côtés aujourd’hui – : « Les contraintes économiques qui pèsent sur notre environnement, l’exigence de compétitivité, de technicité, induisent des changements dans le processus d’insertion dans l’emploi dont sont victimes, d’abord, les personnes handicapées.
L’intégration professionnelle des travailleurs handicapés, facteur essentiel, de leur insertion sociale, voilà un défi qu’une société s’honore de relever, malgré la crise qui la traverse ».
C’est pourquoi, avec Jacques Barrot, nous avons décidé de donner un « nouvel élan » à l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés afin d’être au rendez-vous, dès le début de l’année prochaine, du dixième anniversaire de la loi de 1987.
Ainsi, notre réflexion et notre travail sur l’insertion professionnelle se développe de la façon suivante :
– dès à présent, j’ai demandé aux administrations concernées, et tout particulièrement à la délégation à l’emploi, de faire l’état complet de tous les travaux menés dans le domaine depuis cinq ans, afin de ressortir toutes les propositions, améliorations ou études qui n’ont pas trouvés d’aboutissements ; que ce soit les rapports de l’IGAS, de la Cour des comptes, les analyses des services, les propositions des organismes et des associations, ou, bien évidemment, vos propres réflexions ; c’est ce que j’appellerais « dépoussiérer les propositions que nous avons tendance à laisser dans nos cartons » ;
parallèlement, un inspecteur général des affaires sociales prendra la tête d’une mission-expert qui pourra regrouper la délégation à l’emploi et la délégation à la formation professionnelle, l’ANPE et l’AFPA, l’AGEFIPH, auxquels se joindront des représentants de l’entreprise, des partenaires sociaux, des équipes de préparation et de suite de reclassement, un coordonnateur de programme départemental d’insertion et un médecin du travail. Ce groupe technique, d’une douzaine de personnes, fera le point des propositions existantes et des réflexions nouvelles et rédigera un projet synthétique qui servira de base à la troisième étape ;
– celle-ci démarrera à l’automne ; elle permettra une concertation forte profonde – et surtout efficace – avec les associations.
À l’occasion de cette concertation, il est bien évident que la section permanente et le Conseil supérieur lui-même seront mis très largement à contribution. C’est leur mission première et je pense qu’à travers cette procédure le Conseil supérieur retrouvera toute sa compétence et surtout toute sa capacité d’intervention qui nous a un peu manqué depuis quelque temps.
Le Conseil supérieur doit jouer pleinement son rôle. Je sais que vous y tenez infiniment. Nous aussi.
Le ministère est tout à fait prêt à entendre les opinions des partenaires. Il a également des convictions fortes sur les différents points évoqués.
Cette mission doit nous permettre de nous poser, ensemble, de vraies questions.
Soyons clair, si nous voulons avancer concrètement, aucun sujet ne doit demeurer tabou.
Les points qui posent problème sont nombreux. À commencer par l’obligation d’emploi elle-même, dont le taux stagne malgré les résultats probants soulignés à l’instant. En effet, la proportion d’établissements qui n’emploient aucun travailleur handicapé ne diminue pas. Doit-on continuer à admettre l’absence d’obligation pour certains emplois ? De plus, l’échec de la politique contractuelle touche une des innovations majeures de la loi de 1987. L’instrument reste limité à quelques grandes entreprises. Les PME n’utilisent pas cet outil, pas plus que les branches, malgré la grande souplesse de contenu. Les partenaires sociaux peuvent, peut-être, s’investir dans ce domaine ?
Pourquoi ne pas réfléchir à un renforcement de l’obligation financière pour les entreprises qui n’ont embauché aucun TH depuis plusieurs années ? Ou ne doit-on pas réfléchir à être plus incitatif que répressif ?
Pourquoi la formation professionnelle des travailleurs handicapés s’est-elle marquée par une relative désorganisation de l’offre, et une complexité des financements ?
Comment veiller à une adéquation entre l’offre et la demande de formation émanant tant des entreprises que du public ? Comment mieux réfléchir à l’accessibilité des formations qualifiantes aux personnes handicapées, au développement de l’utilisation de l’alternance, ainsi qu’aux perspectives de programmation régionale de l’offre, incluant les centres de de rééducation professionnelle et les organismes de droit commun, en liaison avec les schémas régionaux de l’AGEFIPH ?
La décentralisation progressive des compétences en matière de formation professionnelle n’implique-t-elle pas de s’interroger sur les responsabilités en matière de politiques et de financements ? La formation professionnelle des personnes handicapées n’a-t-elle pas vocation à évoluer à l’instar du droit commun ?
L’important est actuellement la mise en cohérence, au niveau national et régional, de l’offre de formation, seul moyen efficace, à terme, pour répondre rapidement et de façon pertinente aux besoins des entreprises et aux capacités des personnes handicapées.
La sortie du milieu protégé est un sujet difficile, tout comme l’efficacité des passerelles entre milieu protégé et milieu ordinaire. Favoriser l’emploi en milieu ordinaire est une priorité mais pas au détriment des personnes handicapées. Ne doit-on pas plutôt privilégier à tout prix la lutte contre le chômage des 120 000 handicapés demandeurs d’emploi ?
La modernisation des ateliers protégés doit se poursuivre pour en faire de véritables entreprises sociales adaptées. Doit-on continuer à rapprocher les ateliers protégés des conditions de fonctionnements économiques traditionnels ? Les ateliers protégés devront-ils développer plus encore un véritable projet d’évolution pour leurs salariés handicapés ?
Par ailleurs, le vieillissement des travailleurs handicapés est une vraie question. J’invite, d’ores et déjà, les partenaires sociaux à se saisir concrètement du sujet.
L’organisation du dispositif de réinsertion est arrivée aujourd’hui à un stade de relative complexité et doit être simplifiée sur des règles claires. Ainsi, comment mieux favoriser l’insertion dans l’emploi ou dans l’entreprise des salariés devenus handicapés ?
L’organisation de la COTOREP a bien évolué mais nous devons aller plus loin comme l’a rappelé le Premier ministre dans le cadre de la réforme de l’État, en ce qui concerne notamment l’accueil et les délais de décisions. Le monde de l’entreprise doit, sans doute, être plus présent dans l’esprit des membres de la COTOREP.
Les relations avec l’AGEFIPH doivent être clarifiées : après plusieurs années de fonctionnement à plein régime, le positionnement de l’AGEFIPH doit-il évoluer ? Dans quel sens ?
Dans le domaine de l’organisation locale des politiques d’insertion, la généralisation des programmes départementaux d’insertion des travailleurs handicapés, aujourd’hui, au nombre de 70, doit être réalisée à horizon de 2 à 3 années. Mais il nous faut, désormais, avancer en pensant à chaque instant à une meilleure coordination et à une vraie cohérence sur le terrain.
La complémentarité des acteurs, doublée de la simplicité et de l’efficacité des mesures doivent être notre seuls guide dans ce domaine, sans jamais oublier les nécessaires accompagnements et suivis des personnes. Un placement désincarné n’est-il pas un placement raté ?
Voici très rapidement et très succinctement, quelques questions que nous pouvons nous poser.
La concertation que nous lançons nous en apportera sûrement d’autres, et surtout, je l’espère, elle nous donnera des réponses, vos réponses.
Cette concertation devra être terminée à la fin de cette année 1996, afin, comme je l’ai dit, d’être prêt pour le dixième anniversaire de la loi de 1987.
Il faut absolument, que, tous ensemble, nous avancions vers un vrai projet pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées pour la fin de cette année 1996.
Le gouvernement décidera ensuite de la forme législative ou réglementaire que cela devra prendre.
Il s’agit, soyons en tous conscient, d’une priorité du gouvernement.
J’y mettrai personnellement, aux côtés de Jacques Barrot, toute ma volonté et mon enthousiasme, je compte sur vous tous pour apporter votre pierre à cet édifice.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de se contenter de gérer intelligemment un dispositif établi une fois pour toutes, dans le confort moral illusoire que prêteraient les grandes conquêtes déjà réalisées. En matière d’emploi et en matière sociale, qui n’avance pas recule.
Il faut réaffirmer et refonder une solidarité plus que jamais nécessaire de notre pays avec ses citoyens handicapés. Et la place de cette politique doit être éminente, car elle est un phare pour toutes les autres politiques.
La continuité de l’inspiration est dictée par le respect absolu dû à la dignité des personnes handicapées, qui doivent se sentir pleinement citoyennes au cœur de notre nation.
Quant aux infléchissements nécessaires, ils sont de notre ressort, de notre volonté, à vous comme à nous.
Un cadre mieux assuré et des outils efficaces constituent les préalables indispensables à l’engagement et à la réussite d’une telle politique.
Voici donc rapidement dépeint le travail qui nous attend tous ensemble jusqu’à la fin de l’année. Je compte sur vous.
Je vous remercie.