Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur l'ouverture de la concertation sur le choix du tracé du canal Seine Nord, à Amiens, le 15 septembre 1997.

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Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Je suis avec vous ce matin parce que je tenais à montrer l’importance que j’attache à la concertation qui s’ouvre aujourd’hui sur le choix du tracé du canal Seine-Nord.

Et pourtant, je ne pourrais pas rester longtemps parce que, comme vous le savez, la session extraordinaire de l’Assemblée nationale se tient dès aujourd’hui, avec à son ordre du jour la question de l’emploi des jeunes.

C’est une question clé de l’avenir de notre société. Et j’ai la conviction que nous pouvons contribuer à créer des centaines de milliers d’emplois rémunérés pendant 5 ans et pour lesquels l’État s’engage à la hauteur de 80 % du Smic.

Certes, je n’ignore pas tous les débats légitimes que soulève une telle décision et notamment sur la pérennisation de ces emplois, mais je suis sûr que si nous laissions aller les choses comme hier, la vie dans nos villes, dans nos villages, dans nos départements, deviendrait tout simplement impossible. Mettre le pied à l’étrier de l’emploi, à des centaines de milliers de jeunes, leur assurer des ressources régulières, c’est pour ces jeunes, pour leurs familles, redonner une chance à la vie contre la désespérance, le désœuvrement, l’insécurité.

Vous vous souvenez que le Premier ministre a souligné dès son discours d’investiture qu’il entendait faire de la lutte pour l’emploi la priorité du gouvernement. Eh bien, nous sommes au cœur du sujet avec les débats qui s’ouvrent aujourd’hui à l’Assemblée nationale, avec la Conférence nationale sur l’emploi et la réduction du temps de travail dans les prochaines semaines, avec aussi les initiatives et les décisions que nous prenons pour soutenir et développer l’activité et la croissance qui sont décisives pour gagner la bataille de l’emploi sur le long terme.

J’ai déjà parlé de ce sujet lors de ma précédente venue dans ce département, à l’occasion de l’inauguration de l’A16 à Abbeville.

Aujourd’hui, il s’agit d’un nouveau et très grand chantier, d’une nouvelle chance pour développer l’activité et l’emploi, puisqu’il s’agit du canal à grand gabarit Seine-Nord. Et je sais, pour en avoir parlé déjà avec de nombreux élus de Picardie, et aussi de la région Nord-Pas-de-Calais, combien, vos travaux et notre décision d’ouvrir la concertation suscitent d’espoirs et d’intérêt.

Le débat qui s’ouvre aujourd’hui est en effet une étape essentielle de l’avancement de ce projet de liaison fluviale à grand gabarit qui permettra de relier le bassin de la Seine aux canaux du nord de la France.

C’est l’un des éléments d’une politique des transports ambitieuse qui doit conduire non pas à opposer les modes de transports entre eux dans une concurrence toujours plus vive, mais qui doit nous permettre d’arriver à un meilleur équilibre et à une meilleure complémentarité entre ces modes de transport, qu’ils soient, terrestre, ferroviaire, routier, maritime, ou – et c’est ce qui nous réunit aujourd’hui – fluvial.

Dans le cadre de la nouvelle politique du gouvernement, j’ai, pour notre système de transport, une quadruple ambition :

- répondre, de façon efficace, aux besoins de l’économie et contribuer à l’emploi ;
- participer à l’aménagement du territoire et équilibré ;
- être respectueux de l’environnement et s’inscrire dans la perspective d’un développement durable ;
- enfin, permettre aux femmes et aux hommes qui en assurent quotidiennement le fonctionnement, de bénéficier de conditions de travail à la mesure du service qu’ils rendent à la collectivité.

Dans ce contexte, le transport fluvial a de nombreux atouts : il est peu onéreux, respectueux de l’environnement, sûr et fiable. Aussi, je souhaite que nous parvenions ensemble à le faire progresser pour qu’il occupe tout le place qui doit lui revenir dans une politique des transports rééquilibrée, c’est-à-dire, réellement multimodale.

Cela ne se fera que progressivement et en agissant simultanément sur trois fronts :

1. Offrir à tous les opérateurs du secteur un cadre d’exercice de leur profession qui leur permette d’être dynamiques et performants.

2. Entretenir ensuite correctement le réseau existant.

3. Enfin, savoir développer raisonnablement et efficacement ce réseau.

Offrir à tous les opérateurs un cadre moderne d’exercice de leur profession.

Au moment où nous lançons un grand débat sur une nouvelle infrastructure, je voudrais tout d’abord saluer ici l’ensemble des professionnels du transport fluvial, et notamment les artisans-bateliers et les compagnies de navigation, qui se sont engagés dans un effort de modernisation de leur outil de travail.

Avec la loi du 12 juillet 1994 relative à l’exploitation commerciale des voies navigables, s’est engagée une mutation profonde et progressive du transport fluvial, qui doit lui permettre de fonctionner à l’horizon 2000 et de faire face aux échéances européennes que nous souhaitons positives pour le développement des échanges et des coopérations entre tous les pays concernés.

Je sais que vous attendez la sortie des derniers contrats-types qui ont nécessité un certain délai parce que nous avons voulu qu’ils fassent l’objet d’une large concertation. Les choses sont maintenant sur la bonne voie et j’ai demandé à la direction des transports de tout mettre en œuvre pour que les décrets correspondant soient publiés d’ici la fin de l’année.

Mais, il ne suffit pas d’un cadre juridique. Il faut aussi, tous les jours, savoir trouver de nouveaux clients, arriver à convaincre de nouveaux chargeurs que la voie (...) ce peut être le bon choix et d’abord, le bon choix pour eux. Je sais que Voies navigables de France a lancé une action résolue en direction des transporteurs fluviaux pour les aider dans leur démarche commerciale à explorer toutes les voies possibles de développement du trafic. Il faut poursuivre dans cette voie.

Enfin, je vous informe que l’État continuera de soutenir ces efforts d’adaptation de la profession, qui doit engager tous les partenaires du transport fluvial, VNF, mais aussi les établissements portuaires, les chargeurs et les transporteurs. Le plan économique et social de la batellerie doit recevoir ces jours-ci l’accord de Bruxelles pour son application en 1997. Pour 1998, j’agis pour que l’effort des pouvoirs publics contribue encore à la modernisation de la profession, et permettre un réel accompagnement social.


Je voudrais maintenant en venir aux infrastructures.

Certes, il nous faut développer le réseau. C’est tout l’enjeu du projet qui nous réunit aujourd’hui et j’y reviendrai tout à l’heure. Mais, il ne servirait à rien de développer notre réseau si, dans le même temps, nous n’avions pas d’abord le souci de préserver et d’entretenir le réseau existant.

Accélérer la modernisation du réseau existant

La France dispose d’un réseau de voies navigables de 8 000 km dont 6 800 km ont été confiés à l’établissement public Voies navigables de France. Il existe un point sur lequel, je crois, tout le monde est d’accord en France, c’est que le niveau d’entretien de notre réseau des voies navigables n’est pas aujourd’hui satisfaisant.

Avec la réforme des voies navigables et la création de Voies navigables de France en 1991, un pas en avant a été fait, mais nous ne sommes toujours pas au niveau souhaitable et la voie d’eau n’a pas d’avenir si le réseau existant n’est pas correctement entretenu et rénové.

La direction des transports terrestres a fait sur ce sujet un bon travail d’analyse et de diagnostic, avec le concours du conseil général des ponts et chaussées, VNF et les services de la navigation : il montre l’ampleur des besoins et a tracé des pistes pour hiérarchiser les priorités en fonction des vocations et des usages des différentes sections. Ce travail, qui est sur le point d’aboutir, nous permettra d’éclairer les choix et les orientations qui doivent être retenus. Nous devons maintenant agir.

Je peux vous assurer aujourd’hui que j’espère obtenir pour 1998 un accroissement tout à fait significatif des moyens du fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables. Pour une raison simple et que j’ai eu l’occasion de dire devant la batellerie réunie lors du grand pardon ; je crois à l’avenir des liaisons fluviales.

Ces moyens supplémentaires devraient permettre de commencer à infléchir la politique des transports terrestres en faveur d’une politique intermodale.

Je souhaite, en particulier, que la voie d’eau joue pleinement son rôle dans ce cadre, et que la part du fonds d’intervention pour les transports terrestres et voies navigables (FITTVN) qui lui est consacré soit augmentée significativement dès 1998.

Ces moyens supplémentaires nous permettront, en particulier, de passer à la vitesse supérieure pour la restauration de voies navigables dès le début de 1998 et ceci dans le cadre d’un plan triennal que je souhaite que Voies navigables de France élabore.

Enfin, le réseau le plus performant n’existe pas sans ceux qui l’exploitent. Je voudrais donc profiter ici de l’occasion pour saluer les 5 000 agents de l’État, qui dans les services déconcentrés du ministère de l’équipement, des transports et du logement, travaillent en liaison avec Voies navigables de France, à promouvoir un service public moderne, efficace et tourné vers l’usager. Il faut persévérer dans cette voie.


Développer le réseau avec une démarche exemplaire

Je voudrais maintenant en venir au développement du réseau.

Les études et les procédures se poursuivent pour la réalisation des deux projets de liaisons fluviales Seine-Nord et Seine-Est.

Il m’apparaît essentiel que les réflexions sur ces deux projets se poursuivent parallèlement, dans un souci de cohérence du développement de notre réseau de voie navigables.

S’agissant de la liaison Seine-Est, les études d’opportunité socio-économique sont en cours. Je souhaite pouvoir disposer des premiers résultats d’ici la fin de l’année.

Aussi, je me réjouis d’ouvrir avec vous le débat d’aujourd’hui, qui est une étape essentielle de l’avancement du projet Seine-Nord.

Je tiens donc à ce que le projet de développement du réseau qui nous réunit aujourd’hui puisse suivre un déroulement absolument exemplaire sur le fond comme sur la forme, dans tous les aspects : le choix du tracé, le souci de respecter l’environnement, les estimations de coût et les évaluations de ses effets socio-économiques.

C’est ainsi que nous pourrons, le moment venu, prendre les décisions qui relèvent de ma responsabilité.

Les études socio-économiques qui sont en cours d’actualisation éclaireront les décisions sur la suite du projet.

Je voudrais en premier lieu remercier l’établissement public Voies navigables de France et ses directions régionales, notamment le service de navigation du Nord-Pas-de-Calais, ainsi que le service technique central des ports maritimes et des voies navigables de Compiègne pour la qualité du travail préliminaire accompli, qui vous permet de bénéficier des documents supports de la concertation sur le choix du tracé.

Je sais que des questions se posent, que des inquiétudes se sont exprimées, notamment dans les milieux portuaires. Cette nouvelle liaison représente une possibilité d’améliorer et d’élargir l’offre de transports terrestres au port français, et on sait que l’articulation des différents modes de transports est devenue une question majeure.

En tout état de cause, je demande à Monsieur Dufeigneux, préfet, coordinateur, d’organiser dans le cadre de la concertation, une réunion entre l’ensemble des représentants des ports français concernés, du Havre à Dunkerque, et Voies navigables de France pour apprécier comment Seine-Nord pourra constituer un atout pour le développement de l’ensemble du tissu économique régional.

À partir de maintenant, le débat va donc commencer.


Je voudrais ici, Monsieur le préfet, vous remercier de votre accueil aujourd’hui et remercier aussi tous ceux qui – sous votre coordination – participent à l’organisation de ce débat et, en particulier, les membres de la commission de suivi que préside Monsieur Jean-Louis Olivier. Je n’en sous-estime pas la difficulté matérielle et je suis pour ma part, persuadé que le soin porté à tous les détails est au moins aussi important que la vision stratégique d’ensemble.

Je me réjouis que pour répondre à ma demande d’un débat approfondi et ouvert, il soit fait appel à un site internet. Ainsi, toutes les personnes intéressées pourront exprimer leurs points de vues, recevoir des réponses, participer à un dialogue interactif. Que dans un débat public sur un grand équipement, et très précisément à propos d’un canal dont on a parfois une image un peu passéiste, on utilise un tel outil, symbole de modernité, me semble très significatif.

Je ne peux qu’approuver votre souci commun de permettre à tous les points de vue de s’exprimer et de vous attacher à ce que tous ceux – collectivités locales, acteurs économiques, usagers directs et indirectes, riverains et citoyens – qui sont concernés par cette nouvelle infrastructure puissent être entendus. Le temps de la concertation n’est jamais un temps perdu, il est au contraire, du temps intelligemment utilisé, autrement dit, nécessaire pour faire progresser et aboutir les projets.

Je vous souhaite donc un débat riche et fructueux.