Texte intégral
Dominique Strauss-Kahn : Mesdames, Messieurs, bonjour. Quelques mots si vous le voulez bien. Mon collègue, Monsieur Rato et moi-même venons de nous livrer à cet exercice traditionnel mais utile des rencontres bilatérales (INAUDIBLE) très, très content de voir entre les positions du Gouvernement espagnol sur différents sujets et les nôtres, il y a une grande proximité comme d’ailleurs il y a un assez grand parallélisme entre les évolutions conjoncturelles. Il vous le dira lui-même mais notre sentiment est que dans les deux pays, la croissance s’accélère, la situation de 1998 sera meilleure que celle de 1997, bref que, en même temps nous sommes en train de prendre doucement le train de la phase ascendante du cycle et évidemment cela nous réjouit plutôt.
Sur le fond, j’y reviendrai tout à l’heure si vous avez des questions, je veux laisser mon collègue s’exprimer. Mais aussi bien sur les questions européennes et notamment les problèmes de coordination des politiques économiques pour les pays ou que sur les questions d’harmonisation fiscale, nous avons des positions qui, je crois, sont extrêmement proches et qui augurent bien, me semble-t-il des discussions que nous avons à venir, à Mondorf à la fin de cette semaine et puis dans le courant du semestre avant le conseil de Luxembourg. Mais le mieux est peut-être que je le laisse s’exprimer puisque c’est lui qui est notre hôte et puis je répondrai si vous le souhaitez à des questions après.
M. Rato : Merci beaucoup, Monsieur le ministre, merci beaucoup aux personnes qui ont bien voulu venir pour cette réunion de presse. Comme l’a dit Monsieur Strauss-Kahn, cette réunion est une réunion bilatérale, normale, entre la France et l’Espagne et en termes économiques, c’est aussi une réunion normale, mais c’est une réunion utile, très utile car elle nous permet de passer en revue la situation, voir qu’elle est la situation au niveau bilatéral, cela nous permet aussi de coordonner nos opinions, de faire le point sur nos opinions, sur la politique européenne. Nous savons que nos deux pays ont un rôle à jouer. Notre rôle est je crois actif et tout à fait positif dans ce domaine.
Comme l’a dit mon collègue, il ne pouvait en être autrement. Nous avons passé en revue la situation économique de nos pays. Je joins mes paroles aux siennes. Nous sommes tous les deux, les deux pays, dans une situation de rétablissement économique tout à fait net, meilleure qu’en 1996 et je pense que l’opinion publique française, l’opinion publique espagnole peuvent recevoir un message optimiste de notre part. C’est-à-dire que la situation économique est une situation de plus grande croissance et donc de plus de possibilités de création d’emplois.
En même temps, que dans une stabilité micro-économique tout à fait remarquable, l’inflation française est basse, l’inflation espagnole est historiquement basse. Nos situations du commerce extérieur tant en France qu’en Espagne, nous montrent qu’il s’agit d’un rétablissement de longue durée, peut-être que d’autres pays en Europe d’ailleurs sont-ils dans la même situation.
D’autre part, les deux gouvernements sont dans une disposition qui permet de créer, qui réunissent des conditions qui sont intéressantes. La diminution du déficit public par exemple donne confiance aux citoyens en une croissance qui a déjà commencé dont on peut se dire qu’elle va durer.
Nous avons donc essentiellement parlé de sujets européens peut-être plus que purement bilatéraux. Notre façon de voir les choses était déjà assez semblable donc nous avons pu approfondir cette harmonie de vue et nous avons pu procéder à un échange sur les positions économiques. Il y a une proposition française qui est la création d’un comité de stabilité ou comité euro qui a fait l’objet d’analyses à plusieurs reprises de la part des ministres de l’économie et qui a le mérite en soi, qui valait la peine que cela fasse partie de nos discussions du week-end prochain et aussi des mois à venir car cela correspond tout à fait à une nécessité et savoir une coordination de politique économique des pays in, une véritable coordination non pas seulement quelque chose de formel. Et l’Espagne l’a déjà dit, cela doit se faire en respectant l’existence du comité Écofin, ce que fait le comité Écofin et en cela la France a également exprimé son accord et je pense qu’il y a donc vraiment beaucoup de positions communes entre nos deux pays et nous allons défendre l’idée de cette coordination informelle, utile et réelle en même temps.
Nous avons également parlé de fiscalité. Tout d’abord arriver à avoir un code de conduite qui garantisse la responsabilité des pays européens en ce qui concerne leurs pratiques fiscales pour ce qui est de la concurrence et du respect de la concurrence. Et nous avons également passé en revue, en détail des questions et des difficultés car ce sont là des sujets forts complexes sur la fiscalité de la TVA donc de la valeur ajoutée et tout ce qui pourrait permettre une harmonisation des impôts sur les sociétés.
Nous avons également procédé à un échange de vue sur les problèmes de l’emploi qui sont une priorité pour nos deux Gouvernements et sur le fait qu’il fallait mener à bien des politiques actives qui permettent d’encourager l’engagement de personnel, peut-être en nous rendant mieux compte de l’importance des petites et moyennes entreprises, cela se produisant dans le cadre d’une nouvelle monnaie européenne stable qui pourra donner confiance aux citoyens. Et nous devons dans le domaine de l’emploi, essayer d’encourager la démarche des citoyens dans leur recherche d’emploi. Nous espérons que les propositions que nous envisageons pour le sommet du Luxembourg seront des propositions qui seront jugées intéressantes.
L’Espagne en ce moment, crée des emplois à un rythme actif (2,7 %), une réforme en accord avec les syndicats a été adoptée il y a peu dans notre pays et nous sommes certains que l’expérience des autres pays ne peut être que très importante pour l’Espagne et nous sommes tout à fait disposés à parler plus en détail de notre propre expérience à nos collègues européens et ce, vraiment dans le meilleur intérêt de nos deux pays et de nos deux populations. Mais je suis à votre disposition Mesdames et Messieurs pour répondre à vos questions si vous le souhaitez.
Question : Je voudrais demander aux deux ministres ce qu’ils attendent du conseil Écofin de Mondorf ce week-end ?
Dominique Strauss-Kahn : Large échange de vue.
Question : Mais encore ?
Dominique Strauss-Kahn : Cela ne suffit pas ! Non, nous avons à l’ordre du jour l’ensemble des questions au programme de la présidence luxembourgeoise. C’est un Écofin informel. Cela permet donc de discuter des questions. On a évoqué…que les deux ministres (INAUDIBLE) est revenu dessus et les problèmes de coordination économique comme il le dit dans le respect de la subsidiarité, de ce que doit faire l’Écofin, de la banque centrale mais néanmoins, avancer cette coordination, avancer sur le programme fiscal qui est à la fois celui de Jean-Claude Younker pour sa présidence et celui de Mario Monti au titre de la commission, réfléchir à l’ensemble de ce que nous allons faire au sommet européen de l’emploi en fin novembre, 21 novembre à Luxembourg. Bref, mettre en place, en musique, ce qui va se passer dans les cinq mois qui viennent.
M. Rato : Le conseil informel Écofin du week-end prochain, monsieur le ministre Strauss-Kahn l’a bien dit, nous allons passer en revue les priorités que nous présente la présidence luxembourgeoise qui sont tout à fait logiques. Nous allons étudier l’évolution par rapport au sommet d’Amsterdam, en ce qui concerne la coordination des politiques économiques. Et on va aussi parler de la mise en marche de l’euro et de toutes les questions qui restent en suspens dans ce domaine. Et un des axes politiques, un des axes importants pour la présidence luxembourgeoise, c’est l’harmonisation fiscale. Donc nous allons procéder à un échange de vue dans ce domaine et nous écouterons aussi ce que va nous dire le commissaire.
Cet échange de vue d’aujourd’hui nous a permis de mieux connaître nos points de vue respectifs qui sont d’ailleurs tout à fait convergents dans ce domaine.
Question : Comme vous le savez, (INAUDIBLE) luxembourgeoise est (INAUDIBLE) sur l’idée de parler, de faire un premier tour de dossier, de fixation de taux de change à Mondorf. La France et l’Espagne seraient-elles favorables à faire un premier tour ou bien préférez-vous attendre l’année prochaine pour vous intéresser à ce dossier ?
M. Rato : En ce qui concerne le taux de change, le taux de conversion des pays in, il n’est pas prévu de discussions formelles sur ce sujet. Néanmoins, on sait que c’est un sujet qui est là et de toute façon, on ne pourra pas laisser le dossier indéfiniment fermé jusqu’à ce que l’on sache quels pays feront partie de l’euro.
Alors le taux de conversion doit en fait refléter la réalité économique des pays et de façon durable. Ce doit donc être un taux réaliste et acceptable par tous les pays. C’est vrai que dans certaines réunions, de manière informelle, il a été accepté, l’idée en a été acceptée, le principe en a été accepté. Nous en parlerons peut-être. Je ne serais pas surpris, mais ce n’est pas vraiment un sujet qui a été prévu formellement.
Dominique Strauss-Kahn : … à l’ordre du jour, nous verrons si quelqu’un veut l’évoquer. Mais le seul fait que vous posiez la question montre qu’avant même sa mise en place, l’euro pose des problèmes de coordination et donc c’est bien la raison pour laquelle il faut que, très rapidement, puisse exister dès que les pays auront été sélectionnés, je ne sais pas comment il faut dire, qu’il puisse exister ce fameux conseil de l’euro auquel je crois de plus en plus de pays, croît, M. Rato a été clair, tout à l’heure, là-dessus. Nous avons besoin d’une enceinte informelle certes mais efficace, visible qui permette aux ministres, de l’économie et des finances de la zone euro et puis aux pays in comme on dit de se réunir et de discuter de considérations qui les concerne. Alors vous parlez, là, de problèmes de parité qui ne se poseront qu’au démarrage. Mais ensuite, il y aura de façon systématique en matière de politique budgétaire, fiscale, en matière d’orientation de change, le cas échéant, des discussions à conduire et il faut bien que le lieu existe là-dessus et peut-être cela sera un des éléments importants du conseil de Luxembourg de décembre que de mettre en place cette procédure qui, je crois, est nécessaire.
Question : Sur le renforcement du pouvoir de ce conseil de l’euro ou Écofin de l’Union monétaire en matière de politique de change, l’article 109 du traité en avez-vous parlé avec Monsieur Rato et en êtes-vous d’accord sur le fond ?
Dominique Strauss-Kahn : Par définition, on a parlé de tout et par constatation, on est d’accord sur tout. J’exagère un peu. Mais il ne s’agit pas de renforcer ni d’avoir des pouvoirs pour le Conseil de l’euro. Il s’agit d’avoir un lieu de concertation et de coordination. Les décisions formelles sur un certain nombre de sujets sont des décisions dans l’instance prévues par le traité qui est l’Écofin. Mais, la coordination des politiques doit pouvoir se mener dans ce conseil et donc par exemple à la veille d’un G7 où des questions de change peuvent être discutées, il faut que les pays euro aient une position commune et il faudra bien qu’elle soit discutée. À cette occasion-là, il ne sera sans doute pas inutile de discuter, d’avoir une opinion… de forger une opinion commune en matière de politique de change.
Question : Considérez-vous l’un et l’autre que la participation de l’Espagne à l’euro dans le premier groupe est désormais acquise ou qu’il y a encore matière à discussion ou à négociation avec d’autres pays membres ?
Dominique Strauss-Kahn : Je crois qu’il y a très peu de discussion sur ce sujet. Par définition, tant que le processus ne s’est pas déroulé formellement, personne ne peut rien dire. C’est vrai pour l’Espagne, comme pour la France comme pour l’Allemagne, comme pour d’autres. Mais au regard des réalisations de l’économie espagnole au cours de ces dernières années, il me semble que le processus de convergence prévu par le traité est parfaitement rempli, mieux que d’autres d’ailleurs, dans un certain nombre de domaines et donc de ce point de vue, l’affirmation répétée à de nombreuses reprises par le Gouvernement espagnol de faire partie dès l’origine de l’euro, me semble trouver là une réalisation très concrète. Pour ma part, je ne doute pas de ce que, en effet, il en sera ainsi.
M. Rato : En ce qui concerne la volonté politique et sociale, il y a en Espagne une presque unanimité sur l’intérêt qui est l’intérêt de l’Espagne de faire partie de l’euro le plus tôt possible et de toute façon, nous avons la volonté politique, c’est vrai, mais outre la volonté politique, nous avons la réalité économique qui vient appuyer et confirmer cette volonté politique. Bien sûr, nous sommes tout à fait partisan du respect des critères, du calendrier et nous pensons que notre meilleure contribution, enfin du point de vue espagnol, c’est la transformation de notre économie en une économie stable, une économie qui permet d’augmenter la croissance et l’emploi.
Question : Monsieur Rato, vous avez parlé de l’augmentation des postes de travail et les chiffres sur le chômage sont positifs en ce qui concerne l’Espagne, ce sont des chiffres récents. Pourriez-vous nous en dire un petit peu plus ? Et d’autre part, pourrait-on nous en dire un peu plus sur le plan de création d’emplois du Gouvernement français ?
M. Rato : En ce qui concerne les chiffres récemment publiés en Espagne, ce sont des résultats tout à fait positifs et il y avait donc les prévisions du Gouvernement. En 1997, on devait créer 335 000 ou 345 000 emplois nets, c’est un chiffre très important. Ce qui est important c’est que cela se poursuive. Cela n’aurait aucun sens que cela ne concerne qu’une année. Les bases de croissance stables dont nous avons parlé Monsieur Strauss-Kahn et moi, peu d’inflation, stabilité, cela nous permet de dire que cette relance, ce rétablissement, peuvent être durables, ce qui doit nous permettre que nos petites et moyennes entreprises soient plus compétitives et cela doit nous permettre aussi d’avoir de bons contacts avec les chefs d’entreprise et avec les syndicats et donc nous permettre des discussions et des résultats qui nous permettent les décisions de celles du printemps dernier par exemple. Et puis ce sera peut-être aussi une situation de l’emploi qui aura plus de qualité qu’avant. Quelque chose de stable. Et je crois que de cela, nous pouvons nous féliciter.
En ce qui concerne les pays qui font des efforts comme nous en faisons, je crois que toutes les expériences valent la peine qu’on les étudie et qu’on les suive de près, voir ce que font les autres pays pour essayer de dynamiser leurs marchés, pour essayer de donner des possibilités à leurs interlocuteurs sociaux. Tout cela ne peut que se traduire par une amélioration en ce qui concerne le domaine de l’emploi et nous le suivrons avec beaucoup d’attention nous aussi. Et je pense que… il va y avoir le sommet qui nous attend mais aussi des relations bilatérales tout à fait fructueuses, des coups de téléphone, des conversations, etc., etc., qui nous permettent de nous tenir mutuellement au courant et d’avoir en fait… d’être un peu à l’affût un peu de tout ce qui peut se faire. Car, vous savez sur un sujet si grave et si important, tout gouvernant un peu sage, un peu censé cherche à ce que soit créé des emplois avec stabilité. Donc on ne peut que prêter attention aux expériences d’autrui.
Il y a une question dans la salle mais sans micro malheureusement.
Question : Avez-vous parlé d’éventuelles modifications du système (INAUDIBLE) toujours plus ou moins en l’air la question de savoir si on passera un jour à la (INAUDIBLE) ?
Dominique Strauss-Kahn : Nous avons évoqué ces questions-là avec cette réserve que le programme fiscal du semestre concerne la fiscalité des entreprises et l’égalisation de la concurrence en matière de fiscalité des entreprises dans les différents pays et la fiscalité de l’épargne. Et a priori, le paquet fiscal en cours, ne concerne pas la TVA. Néanmoins, nous avons abordé la question de la TVA et notamment le problème de la fraude à la TVA intracommunautaire sur lequel nous sommes d’accord pour dire qu’il y a un problème. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a un problème. Pour autant, la solution parfois avancée de la taxation du pays d’origine ne paraît pas obligatoirement la seule bonne solution et donc il va sans doute falloir que, parallèlement, au paquet en cours qui débute sur la fiscalité des entreprises, ses plus-values, etc., les risques de délocalisation d’une part et la fiscalité de l’épargne d’autre part, que la réflexion se poursuive sur l’amélioration de la mécanique TVA.
On n’en a pas parlé énormément, mais on a effectivement évoqué cette question comme d’ailleurs, finalement, c’est le cas dans la plupart des réunions bilatérales puisqu’on s’aperçoit que ce problème existe finalement dans tous les pays de l’Union.
M. Rato : Rien à ajouter, je suis tout à fait d’accord.
Question : … que la France aurait demandé à Bruxelles une modification de la liste des produits qui peuvent bénéficier d’un taux de TVA réduit ?
Dominique Strauss-Kahn : Je ne sais pas comment il faut répondre à cette question parce que si je vous réponds oui, je vous mens, mais si je vous réponds non, je vous désinforme. En clair, nous allons demander cela. Ça n’est pas encore fait, mais nous allons effectivement le faire.
Question : Peut-on savoir quelle est la catégorie de produits qui vous pose problème ?
Dominique Strauss-Kahn : Vous n’aviez droit qu’à une seule question sur ce sujet.
Bon rien d’autre. Très bien, merci de vous être dérangés. Merci.