Texte intégral
Monsieur le ministre, président du conseil général de la Mayenne,
Mesdames et messieurs les élus,
Madame le préfet,
Mesdames et messieurs les présidents des organisations professionnelles et syndicales agricoles,
Mesdames, messieurs, chers amis,
J’ai au moins trois raisons de me réjouir de me trouver ici, à Saint-Loup-du-Gast, parmi vous, à l’occasion du 10e Salon des fourrages et des initiatives rurales, le 10e Safir.
La première tient à la qualité reconnue des hommes et des femmes qui constituent ces réseaux originaux et dynamiques que sont la CEDAG, les CUMA et Entraid’Ouest.
Les CUMA représentent à mes yeux une forme de coopération proche du terrain à la fois efficace sur le plan économique et socialement pertinente. Efficace notamment dans la recherche de la réduction des charges d’exploitations dans laquelle l’agriculture est engagée.
Entre 1991 et 1993, on a pu constater que les investissements des agriculteurs ont fortement diminué. Mais cette période d’attente a eu un effet positif sur la réduction des charges des exploitations. Et les CUMA y ont contribué fortement.
L’utilisation collective des matériels permet de plus aux exploitants d’avoir accès à des machines performantes qui ne pourraient pas être acquises individuellement. Souvent aussi, les contraintes de qualité imposent des travaux de précision à l’aide de machines perfectionnées conduites par des techniciens qualifiés. Là encore, l’économie d’échelle et le savoir-faire apportés par les CUMA constituent un atout considérable pour les exploitants.
La modération des acquisitions individuelles de matériels, qui s’accompagne d’un développement des achats en commun, montre que les exploitants ont perçu les enjeux de la compétitivité et de la qualité.
Les aides publiques à la modernisation dans le cadre des plans d’amélioration matérielle – les PAM – apparaissent donc être bien adaptées.
Pertinentes, les CUMA le sont dans la mise en œuvre d’une coopération de terrain qui concourt à la construction et au renforcement de la cohésion sociale.
Plus de 13 000 CUMA regroupent quelques 230 000 adhérents. Un grand nombre se limite à une dizaine d’adhérents. Peu d’entre elles ont plus de 50 adhérents. C’est dire si les CUMA restent des structures de dimension proche de celle des exploitations agricoles elles-mêmes. Leur dynamisme se traduit par des créations nouvelles régulières : 40 % de progression en moins de dix ans.
Tant pour l’insertion des jeunes agriculteurs qui s’installent que pour la participation au développement local, les CUMA sont des partenaires importants pour les élus locaux et l’ensemble des pouvoirs publics.
Pour l’expérimentation des nouvelles méthodes prenant en compte les contraintes environnementales, je tiens à saluer ici l’intérêt des réponses apportées par les CUMA aux nouvelles questions qui se posent à notre agriculture.
Je sais qu’un certain nombre de dossiers nous attendent en ce qui concerne notamment les travaux effectués par les CUMA pour les collectivités locales, la fiscalité des groupements d’employeurs comprenant une CUMA ou encore le financement pour lequel vous demandez une réorientation des prêts bonifiés agricoles en faveur des investissements collectifs. J’ai pris bonne note de vos attentes. Ces dossiers sont déjà largement instruits, mais nécessitent encore une concertation interministérielle qu’il faut faire aboutir.
Vous savez mon attachement au mouvement des CUMA et il m’importe de les confronter dans leur développement. C’est pourquoi, comme je l’ai fait auprès du président de la Fédération nationale lorsque je l’ai reçu, je tiens à vous redire le prix que j’attache à faire aboutir les dossiers et notamment celui du financement qui vous tient particulièrement à cœur.
Ceci sera pris en compte dans les arbitrages que nous aurons à rendre sur la répartition des enveloppes de prêts bonifiés.
La deuxième raison que j’ai de me plaire à vous rencontrer tient au premier terme de votre intitulé « Salon des fourrages ».
On ne peut pas aborder le salon des fourrages sans penser particulièrement à la politique d’élevage. Les systèmes fourragers, et notamment ceux qui contribuent le mieux à l’entretien et à la gestion de notre territoire, doivent être soutenus. Je dirai même que le rééquilibrage des aides devrait s’opérer, en premier lieu, en direction de ces surfaces indispensables à notre espace rural. C’est la raison pour laquelle j’estime nécessaire de proroger le dispositif de prime à l’herbe.
C’est aussi dans cette perspective que nous avons d’ores et déjà réagi à ce que l’on dénomme le « paquet SANTER », mais il nous faut – ensemble – préparer un argumentaire construit et cohérent en fonction de ce que nous voulons.
Des consultations vont être mises en œuvre à cet effet. Nous devons être convaincus que nous avons tout à gagner, à valoriser l’aspect gestion de l’environnement dans une réforme de la PAC. Tous les autres pays, même ceux qui viennent d’entrer récemment dans l’Union européenne, mobilisent pleinement ce « dispositif agri-environnement ». Nous devons, nous aussi, rééquilibrer nos actions dans ce sens afin de mieux répondre à la fonction d’occupation et de gestion du territoire.
Il nous faut – c’est clair – privilégier une approche territoriale de la politique agricole si nous ne voulons pas assister, dans les années qui viennent, à la poursuite de processus inacceptables de concentration et de délocalisation des productions.
C’est la raison pour laquelle j’ai déjà eu l’occasion d’émettre une appréciation critique à l’égard des propositions de la commission en matière de lait et de viande bovine :
- pour le lait, le régime de quotas doit être préservé mais pourquoi baisser les prix ? D’autres éléments de souplesse méritent d’être étudiés ;
- pour la viande bovine, la dimension d’aménagement du territoire, liée à cette production, doit être mieux prise en compte et la proposition actuelle est manifestement déséquilibrée.
Je regrette que le projet de réforme revienne à appliquer à la filière laitière un schéma de baisse des prix compensée par l’instauration d’une prime à la vache laitière, alors que des propositions alternatives de gestion des quotas laitiers ont été élaborées. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces options mériteraient au minimum d’être soumises à l’examen des ministres de l’agriculture.
Par ailleurs, ce projet fait apparaître d’importants déséquilibres dans les aides compensatoires prévues pour les différents secteurs de production, et je pense en particulier à l’élevage bovin extensif, pourtant si nécessaire à la gestion de l’espace, à l’occupation du territoire et à la vitalité de nos zones rurales.
J’aborderai donc ces négociations avec le souci de tout mettre en œuvre pour assurer l’équité et l’équilibre des aides aux différents secteurs et aux différentes régions, et aussi de prendre en compte les préoccupations de la société concernant l’emploi, le développement durable et l’occupation de l’espace.
Pour la réalisation de ces objectifs, l’élevage joue un rôle déterminant et sa défense sera donc au cœur de la négociation que je mènerai dans les mois qui viennent à Bruxelles.
Troisième raison de vous saluer, c’est précisément l’importance que vous accordez au développement de l’espace rural dans son ensemble et aux initiatives à prendre pour y parvenir.
La politique de développement rural est une composante de la politique d’aménagement et de développement du territoire.
À ce titre, elle a pour but d’assurer, à chaque citoyen et à chaque entrepreneur, l’égalité des chances sur l’ensemble du territoire rural.
Cinq objectifs majeurs peuvent être assignés en la matière :
- maintenir l’activité agricole et forestière ;
- améliorer l’accessibilité ou faire reculer l’enclavement ;
- assurer une présence des services publics ;
- gérer l’espace ;
- créer de nouvelles activités économiques.
Il est clair que la population rurale a profondément évolué, que les actifs agricoles ont diminué dans le milieu rural au profit au profit des salariés et des retraités. Il n’en demeure pas moins vrai que les activités agricoles et forestières représentent toujours la première source d’emplois directs et indirects dans le milieu rural et influent donc très fortement sur la démographie et l’économie des régions rurales.
La question de la répartition des activités agricoles est déterminante vis-à-vis d’une occupation harmonieuse et équilibrée du territoire à laquelle je suis particulièrement attaché. Il s’agit de retrouver ou d’inventer des systèmes de production conciliant productivité et effets d’aménagement. Allons plus loin, il s’agit de mettre la gestion du territoire au cœur de la construction de la politique agricole.
Sur ce point, l’expérience des plans de développement durable nous apporte des propositions et des solutions concrètes, imaginées par les agriculteurs eux-mêmes et généralisables dans un certain nombre d’exploitations agricoles de diverses régions françaises.
L’objectif d’amélioration de l’accessibilité vise à un désenclavement matériel de toute habitation ou entreprise légalement installée sur le territoire. À ce titre, tout citoyen, tout entrepreneur, agricole ou non, est en droit de bénéficier de quatre facilités : un accès permanent aux infrastructures routières et de transport, une desserte en eau, en électricité et en moyen de télécommunication.
Ces quatre facilités conditionnent au départ une partie de la qualité de vie en milieu rural et une partie de la capacité de développement du monde rural.
La nécessité de maintenir des services publics de qualité pour assurer le développement économique et social des régions rurales n’est plus à démontrer. Dans ce domaine, il convient de proposer une démarche pragmatique, adaptée à chaque situation et qui soit à l’écoute à la fois des besoins et des possibilités locales. C’est du décloisonnement des structures que peut venir une bonne partie des réponses, ainsi que de la polyvalence des activités.
Les exemples de réussites sont déjà nombreux, mais force est de reconnaître que les obstacles institutionnels ou de principe découragent bien souvent les promoteurs de tels projets. J’entends que les services déconcentrés « de proximité » de mon ministère (DDAF et établissements d’enseignement agricole) s’impliquent dans de telles démarches.
S’agissant de l’espace, on a souvent dit qu’autrefois les agriculteurs géraient gratuitement l’espace rural et que maintenant, il convenait de les rémunérer pour le faire.
Les agriculteurs ont effectivement toujours géré l’espace dès lors qu’ils y trouvaient leur compte : l’entretien des haies du bocage leur constituaient le bois de chauffage, les bosquets dans les pâtures procuraient des abris nécessaires aux animaux tandis que les fréquents déplacements d’une parcelle à l’autre les conduisaient à entretenir des petits chemins ruraux. On pourrait multiplier les exemples. Mais avec les changements des conditions de vie et d’exploitation, les agriculteurs n’ont plus vu la nécessité ou la possibilité pour eux d’entretenir certaines parties de l’espace rural.
Il n’en demeure pas moins vrai que c’est sur les agriculteurs et notamment les éleveurs qu’il faut s’appuyer pour gérer l’espace et qu’ils le feront s’ils y trouvent leur compte, c’est-à-dire, s’ils y trouvent un intérêt direct ou indirect.
Le fonds de gestion de l’espace rural, qui est venu compléter la politique nationale et communautaire dans ce domaine dans un ensemble de mesures dites « agri-environnementales », participe de cette approche. J’ai fait de la sauvegarde de ce fonds de gestion de l’espace rural, une de mes priorités budgétaires pour 1998. Je crois, en effet, que nous disposons là d’un outil adéquat pour résoudre les problèmes que je viens d’évoquer. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu à doter dans mon projet de budget pour 1998, ce fonds qui était en passe de disparaître.
Un autre aspect de la gestion de l’espace est celui de la lutte contre les pollutions d’origine agricole. Dans ce domaine, en plein accord avec les représentants du monde agricole, des actions significatives ont été engagées. L’effort conjoint des agriculteurs, des collectivités territoriales, des agences de l’eau et du ministère de l’Agriculture et de la pêche doit être poursuivi, de façon à reconquérir la qualité des eaux, des sols et des paysages. Sur ce dossier, je travaille en étroite collaboration avec ma collègue Dominique Voynet.
Vaste programme, certes… Mais, la demande de nos citoyens en matière de qualité des espaces ruraux est très forte et la réponse à cette demande fait partie intégrante de la politique agricole que je conduis.
La gestion de l’espace va de pair avec une autre grande préoccupation : la création d’emplois.
Une partie significative de la création de nouvelles activités peut s’appuyer sur l’économie agricole par le développement des industries agro-alimentaires, par la valorisation des terroirs et des savoir-faire locaux et par la recherche systématique de produits de qualité.
Le développement du tourisme en milieu rural et plus généralement d’activités d’accueil, qui rappelons-le, sont tributaires de la gestion de l’espace, est une orientation à poursuivre aussi bien pour créer des revenus supplémentaires pour les agriculteurs que pour créer des emplois nouveaux.
Enfin, le développement d’activités nouvelles passe par la diversification des activités économiques de base et par l’adoption de nouvelles technologies d’information et de communication. Comme vous le savez, l’emploi est au cœur de l’action gouvernementale. Le monde agricole et le monde rural sont des gisements possibles de créations d’emplois à condition que tous les partenaires concernés se concertent, saisissent les projets qui émergent, et enfin élaborent des propositions.
Les CUMA sont un relais attendu dans cette politique de création d’emplois. Elles sont bien placées pour saisir de nouvelles demandes et y répondre.
Que ce soit dans le domaine des services aux personnes, de la gestion de l’espace, du tourisme, des loisirs, de l’enseignement, de l’animation, de la sauvegarde du patrimoine, de la communication, il nous faut comprendre les potentialités de développement et les saisir.
J’ai voulu vous dire ma préoccupation constante de parvenir à un équilibre harmonieux entre les exigences de la PAC et les enjeux d’une gestion de l’espace et, plus largement, d’un développement rural, appropriés à la diversité des territoires français.
J’ai confiance dans la capacité des agriculteurs, des élus, des associations, de tous les citoyens, à mobiliser le fabuleux potentiel d’initiative qui est le leur, afin de faire de notre pays un exemple au moment où les contours de l’Europe agricole et rurale de demain s’esquissent.
Enfin, je voudrais vous féliciter et vous remercier d’avoir su donner à votre salon un caractère profondément ancré dans la réalité locale : ce salon, organisé ici à Saint-Loup-du-Gast, est inscrit dans cette commune et son environnement.
Mais, en même temps, par la venue de nombreux invités chinois, uruguayens, camerounais, américains… et d’autres pays encore, ainsi que par les nombreux stands organisés autour du développement et de la coopération internationale, il met en valeur les dimensions de solidarités locales et internationales que l’agriculture et le monde rural peuvent porter quand ils le veulent.
Vous donnez un élan à cette exigence de débat international et une illustration à notre quête de solidarité : vous êtes l’expression d’une citoyenneté audacieuse et généreuse.