Interview de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale, à TF1 le 28 février 1999, sur la préparation des élections européennes par la droite, sur le procès du sang contaminé et sur la réforme de l'enseignement.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Public - Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

Michel FIELD
Bonsoir à toutes, bonsoir à tous, merci de nous rejoindre sur le plateau de « Public ». Alain MADELIN, merci d’être avec nous. Je reçois en effet le président de Démocratie Libérale et après avoir feuilleté avec lui les grandes pages de l’actualité dans un instant, nous parlerons de la future campagne européenne, de l’état divisé dans lequel l’opposition aborde cette campagne, je vue le dire sans vous offenser…

Alain MADELIN
Bonsoir Michel FIELD.

Michel FIELD
Bonsoir. On parlera de ce qui fâche après, c’est ça l’idée ? Et évidemment du programme sur lequel vous avez envie de vous battre pendant cette campagne électorale. Juste un mot. C’est enthousiasmant pour les leaders politique, les élections européennes ? Parce qu’on a l’impression que toutes les têtes de liste y vont un petit peu à reculons si j’ose dire.

Alain MADELIN
Pas moi.

Michel FIELD
Mais parce que vous n’êtes pas tête de liste peut-être.

Alain MADELIN
Non, je fais équipe avec Philippe SEGUIN mais je suis passionnément européen depuis longtemps et j’estime que c’est une occasion de dire un certain nombre de choses, de mettre en garde et de faire avancer l’Europe mais on va en parler je suppose.

Michel FIELD
Election de politique intérieure quand même aussi ?

Alain MADELIN
Les deux. C’est à la fois un enjeu européen — j’espère pouvoir dire lequel tout à l’heure — et c’est en même temps un enjeu de politique intérieure. Si je me suis lancé dans cette bagarre avec Philippe SEGUIN, c’est bien pour viser la première place.

Michel FIELD
Dans un instant, après la première page de pub, l’actualité en images.

PAUSE PUBLICITAIRE

Michel FIELD
Retour sur le plateau de « Public ». Alain MADELIN, le président de Démocratie Libérale, est mon invité. Julie CLEO nous a préparé une synthèse de l’actualité de la semaine en images.

AGENDA DE LA SEMAINE

Michel FIELD
On ne peut hélas pas féliciter Amélie pour sa victoire puisqu’elle a été battue tout à l’heure par Serena WILLIAMS dans un match, ne ne sais pas si vous l’avez regardé, absolument génial…

Alain MADELIN
Je l’ai regardé, belle remontée, très beau match.

Michel FIELD
Et Amélie MAURESMO sera l’invité de Claire CHAZAL dans le vingt heures, après, donc elle parlera de ce match mais il y a vraiment… vous y êtes sensible à cette nouvelle génération ?

Alain MADELIN
Elle a donné un beau spectacle, une belle remontée, à deux doigts, je la voyais gagner, mais ce sera pour la prochaine fois.

Michel FIELD
Bon, on va parler de choses hélas moins réjouissantes et moins légères il faut bien le dire. On va commercer peut-être par la fin du procès du sans contaminé. La Cour de justice de la République a subi de grosses critiques. J’avais bien envie de vous entendre parler à la fois de ce procès et puis évidemment des problèmes juridiques et politiques qu’il pose.

Alain MADELIN
Mon métier… je suis avocat de profession et ceci m’a enseigné la prudence quand on ne connaît pas tout un dossier, je ne voudrais pas exprimer ici des certitudes. Je pense néanmoins que ça n’a pas été un bon procès d’une part parce qu’on avait séparé les ministres et les collaborateurs — il y aura un autre procès pour les collaborateurs — et deuxièmement parce que les victimes n’ont pas eu accès et n’ont pas été défendues. Néanmoins, ça a été un procès édifiant puisque ça a été le procès de l’Etat, du mauvais fonctionnement de l’Etat. Je dirais qu’il y a là le concentré de tout ce que je dénonce depuis des années. Il y a le monopole, il y a la centralisation étatique, il y a la technocratie, il y a même le politiquement correct, on ne veut pas désigner tel ou tel groupe parce que ça serait désigner une minorité. Bref, il y a des leçons a tirer sur le mauvais fonctionnement de l’Etat et ce qui a été dit dans ce procès est tout à fait accablant. Mais ce qui m’a choqué, c’est le procès que l’on a fait au procès, avant même que le procès s’ouvre. Toute une série de personnalités éminentes appartenant à la noblesse d’Etat, à la Nomenclatura d’Etat, se sont précipités dans les journaux, les télévisions pour dire : il n’y a pas lieu de faire de procès ; la politique… il ne saurait y avoir de responsabilité pénale des hommes politiques. Les fautes, elles doivent être intentionnelles. Si elles ne sont pas intentionnelles, eh bien il n’y a pas de responsabilité du politique. Et là je m’interroge parce que c’est vraiment deux poids deux mesures. Vous en tant qu’automobiliste, le petit artisan qui fait un chantier, est responsable de ses fautes pénalement, pénalement, même s’il n’a pas eu l’intention de provoquer un accident ou de donner la mort bien évidemment. Et alors je suis inquiet de cette dérive deux poids deux mesures. J’ai le sentiment que dans ce procès… bien sûr tout le monde bénéficie de la présomption d’innocence, on verra ce qu’il en sera à l’arrivée. Il y avait bien évidemment le fait de savoir : est-ce que les ministres ont pris les bonnes décisions à temps dans de bonnes conditions, soit. Mais il y avait aussi deux autres questions qui n’ont pas été posées, en tout cas je n’ai pas vu la réponse. Pourquoi a-t-on continué à distribuer pendant quelques mois un sang que l’on savait contaminé ? Et ceux qui ont pris cette décision, est-ce qu’ils auraient accepté, eux, s’ils avaient eu un accident, de se faire transfuser ce sang-là ? Certainement pas. Et la deuxième question encore plus angoissante : pourquoi n’a-t-on pas rappeler ceux qui avaient été victimes d’une transfusion ? Imaginez quelqu’un a eu une transfusion, il ne l’a pas très bien su, à la suite d’un accident, c’était un lot de sang dont on présume qu’il était contaminé, on ne le prévient pas et il donne la mort autour de lui. Et on dirait qu’au bout du compte, c’est la faute à pas de chance, il n’y a pas de responsable, il n’t a pas de coupable ?! Je crois que s’il y avait un tel déni de justice au bout du compte… alors ce n’est pas le problème seulement de la responsabilité des ministres, c’est le problème de la responsabilité de l’administration avant tout, c’est le problème aussi de la responsabilité du corps médical qui a été pour une grande part irresponsable dans cette affaire. Mais au bout du compte, si on disait : c’est la faute à pas de chance, je crois qu’il y aurait un grand sentiment de déni de justice dans cette affaire. Vous ne pouvez pas demander la zéro tolérance dans les banlieues et donner le sentiment de pratiquer la maxi tolérance au sommet.

Michel FIELD
Mais ce mélange d’un tribunal formé de magistrats et de politiques, est-ce que vous seriez partisan de reproduire cette expérience et que la Cour de justice de la République…

Alain MADELIN
Non, il y a sûrement des améliorations à apporter. Mais si vous voulez, je crois que dans cette fin de siècle… en réalité, ce procès est un des éléments du grand match qui est en train d’opposer le droit et les politiques. Tout au long du 20e siècle, on a dit les politiques sont supérieurs au droit, les politiques font le droit. Et ça a été même la dérive du totalitarisme politique qui se croyait tous les pouvoirs ; et les libéraux, eux, ont toujours dit : mais au-dessus de la politique, il y a le droit, il y a le pouvoir des juges. Et on voit bien qu’aujourd’hui, on a du mal nous encore en France, à admettre cette idée qu’il existe un droit supérieur aux politiques et que le pouvoir judiciaire doit être bien séparé du politique et même dans certains cas supérieur au pouvoir politique.

Michel FIELD
Donc vous n’êtes pas de ceux qui s’inquiètent de la dérive et de la pénalisation de la vie politique ?

Alain MADELIN
Non, parce que… j’ai entendu l’argument qui dit : écoutez, regardez, il y a des accidents, il y a eu deux mille accidents depuis je ne sais pas combien de temps à des passages à niveau, donc les hommes politiques seraient responsables. Ce n’est pas l’occasion ; on ne dit pas que les hommes politiques sont responsables parce qu’ils n’ont pas changé tous les passages à niveau. Mais si un homme politique à un moment donné, voit arriver un train ; la barrière n’est pas fermé, il a le pouvoir de faire baisser la barrière, eh bien à ce moment-là, il est responsable. Donc je crois qu’on ne saurait avoir un pays, dans une démocratie moderne, une carte d’intouchable. Et les hommes politiques doivent être responsables. La responsabilité d’abord politique ; beaucoup de gouvernements ou d’hommes politiques, lorsqu’ils sont touchés par des affaires aussi graves à d’autres époques, cela aurait provoqué sans doute des démissions du gouvernement mais aussi dans certains cas une responsabilité judiciaire. Il serait bon qu’au-dessus ou à côté du pouvoir politique, on accepte enfin l’idée que dans un pays comme le nôtre, il puisse y avoir un pouvoir judiciaire. Tout ceci, c’est balbutiant et la Cour de justice de la République n’est sans doute pas encore une bonne instance mais je crois que ça va dans le bon sens.

Michel FIELD
Alors ne quittons pas la question du droit avec quelque chose qui a fait beaucoup moins de bruit mais qui est assez intéressant des nouveaux problèmes qui se posent à la justice : l’affaire ALTER (thon) — c’est le nom d’un hébergeur de site sur le web, sur internet, qui a hébergé de manière anonyme un site avec des photos dénudés d’un top model et il y a eu la condamnation en appel à plus de 400 000 francs de dommage et provisions. Ça pose un nouveau problème, c’est-à-dire est-ce que la technique qui permet d’héberger des sites sur internet, est-ce qu’on est simplement un intervenant technique quand on offre comme ça la possibilité à des gens de s’exprimer sur le web ; ou est-ce qu’on est tenu à être comme un directeur de publication à ce moment-là responsable de tout ce qui se passe sur le site ? Je vous pose la question parce qu’il y a longtemps que vous avez… vous êtes assez actif à Démocratie Libérale sur la question de l’internet…

Alain MADELIN
Oui, on s’intéresse beaucoup à internet…

Michel FIELD
Vous savez ce qui vous pend au nez si votre site héberge à un moment donné les photos nues d’Estelle HALLYDAY…

Alain MADELIN
Ce qui s’est passé dans cette affaire illustre bien la nécessité… enfin c’est comme ça qu’on ressent les choses, de défendre toujours à toutes les époques et avec les nouvelles technologies la liberté d’expression. Je me suis battu il y a longtemps pour les radios libres ; je me suis battu il y a longtemps pour la liberté de la presse, pour la fin du monopole d’Etat sur la télévision. Aujourd’hui, la technologie nous apporte internet et on continue à appliquer de vieilles lois à internet. Heureusement, il y a une directive européenne qui va dans le bon sens et qui va nous dire tout simplement qu’il n’y a pas plus de responsabilité de la personne qui héberge des sites qu’il n’y a de responsabilité du facteur lorsqu’il vous apporte un journal chez vous. Si le journal contient une diffamation, ce n’est pas le facteur qui est responsable. Je crois que c’est une affaire intéressante parce que ça montre que l’outil internet… il y a une génération formidable aujourd’hui qui se lance sur internet pas pour de l’argent… en l’occurrence, il y a 47 000 sites qui sont hébergés gratuitement, tout simplement pour le plaisir de la liberté de communication. C’est la raison pour laquelle avec mes amis d’ailleurs, sur cette question très particulière, j’en profite pour vous l’annoncer, nous avons déposé une proposition de loi sans attendre la directive communautaire pour faire en sorte que bien évidemment il n’y ait pas la responsabilité de celui qui fournit le site, il y a la responsabilité personnelle de celui qui fait une diffamation ou porte atteinte au droit des personnes sur son site à lui, mais il n’y a pas de responsabilité de l’hébergeur, ceci me paraît aller dans le bon sens.

Michel FIELD
Cette semaine, on a eu publication des chiffres INSEE par le Gouvernement sur la croissance en 98, 3,2, meilleure performance depuis dix ans, baisse de 4 000 chômeurs en janvier après les 41 000 du mois de décembre. Le Gouvernement se félicite de ces chiffres. Est-ce que vous lui accordez au moins d’avoir réussi ça ou pas ?

Alain MADELIN
Ecoutez, d’abord bravo les entreprises et bravo les entrepreneurs parce que ce sont d’abord eux qui créent les emplois.

Michel FIELD
Donc quand le chômage baisse, c’est les entrepreneurs et quand il monte, c’est le Gouvernement ?

Alain MADELIN
Ecoutez, c’est essentiellement le résultat d’un phénomène de… partout dans le monde, il y a une nouvelle croissance qui est à l’œuvre, qui est portée par ces nouvelles technologies. Alors ce n’est plus le même travail, ce n’est plus la même façon d’organiser le travail mais partout dans le monde, il y a une nouvelle croissance. Est-ce que nous avons notre part de cette nouvelle croissance ? On a longtemps été frustrés dans notre part parce que la croissance était étouffée par des taux d’intérêt trop élevés. Le jour où les taux d’intérêt ont baissé, eh bien ça y est, les entrepreneurs se sont retrouvés oxygénés et apportent leur contribution à la création d’emplois. C’est le gouvernement socialiste qui bénéficie de cela, tant mieux pour lui, mais ceci me rappelle…

Michel FIELD
Je me permets juste de vous dire que s’il n’y avait pas eu la dissolution décidée par votre camp, vous auriez pu en bénéficier vous-mêmes.

Alain MADELIN
C’eût été un autre gouvernement, dommage.

Michel FIELD
Vous avez des regrets quand vous voyez ça ?

Alain MADELIN
Quelques-uns, oui, bien sûr. Mais le problème, c’est de savoir qu’est-ce que l’on fait de cette croissance qui revient. Et là, ça me fait penser vraiment, le gouvernement JOSPIN, au gouvernement ROCARD, car le gouvernement ROCARD en 88-89, avait bénéficié d’une formidable vague de croissance — 4 % de croissance, plus qu’aujourd’hui ! 800 000 créations d’emplois en deux ans, plus qu’aujourd’hui ! — qu’a-t-on fait de cette croissance ? Et c’est là où je constate hélas que pendant la croissance, les réformes restent en panne alors que c’est vraiment le meilleur moment pour faire les réformes qui depuis si longtemps sont en panne dans notre pays.

Michel FIELD
Quel type de réformes prioritairement ?

Alain MADELIN
L’éducation, l’Etat, réduire le poids de l’Etat, réduire la dépense publique, autonomiser notre système de santé, voilà trois grandes réformes, trois grands systèmes étatiques bloqués, auxquelles il faut s’attacher de toute urgence. Les retraites, bien évidemment, les retraites !

Michel FIELD
On va parler dans un instant des retraites, mais l’éducation… Claude ALLEGRE était mon invité la semaine dernière. Vous savez à quel point il subit des critiques y compris de la base électorale de son propre camp, qu’est-ce que vous en pensez, vous qui avez quand même aussi, peu de temps, c’est vrai, mais à la tête d’une grosse administration que vous vouliez réformer ?

Alain MADELIN
Ecoutez, moi je trouve que ce que dit Claude ALLEGRE n’est pas toujours faux et son langage est même parfois sympathique mais il a du mal à passer de la parole aux actes. Et là j’ai le sentiment que monsieur JOSPIN a sifflé la fin de la récréation et que c’est le retour à la case départ et que le système éducatif va à nouveau être figé. Claude ALLEGRE a commis des erreurs. D’une part, il a démobilisé les enseignants les plus entreprenants ; et d’autre part, il a mobilisé tous les corporatismes syndicaux de l’éducation nationale et Dieu sait s’il y en a, contre lui. Et aujourd’hui, je vois hélas toute réforme enlisée à l’éducation nationale. C’est dommage parce que ça bouge partout dans le monde, ça bouge partout en Europe.

Michel FIELD
Qu’est-ce que vous feriez à sa place si vous aviez… sans jouer au coup de baguette magique, mais si vous aviez son poste, quelles premières mesures vous prendriez pour donner un petit peu d’air à ce système que vous dites asphyxié ?

Alain MADELIN
J’essaierais paradoxalement de bien associer les enseignants à la réforme. Les enseignants font un métier de plus en plus difficile. Et les enseignants, ils se rendent compte que le système est injuste et quand on est enseignant, on n’aime pas les injustices de ce système. Alors comment réformer le système pour une meilleure égalité des chances, pour donner une plus grande justice ? Et là moi j’ai une solution… une piste de solution, très simple, mais qui est à l’œuvre en Grande-Bretagne : le choix de la confiance entre les directeurs d’établissements et les enseignants ; l’autonomie des établissements. Des obligations de résultats, oui, mais une très grande liberté des moyens, pour recruter les professeurs, pour organiser son budget, pour organiser son emploi du temps. Partout où l’on fait ce choix de la confiance, ça marche. On va bientôt faire une campagne sur l’Europe, moi je souhaite que cette campagne sur l’Europe, ce soit une formidable occasion de s’aérer. La France, elle sent un peu le moisi, on sent un peu le renfermé…

Michel FIELD
Vous parlez comme Philippe SOLLERS, c’est étonnant…

Alain MADELIN
On a besoin d’ouvrir un peu les fenêtres et les portes et de regarder ce qui se passe ailleurs. Alors moi je voudrais qu’on essaie de reprendre ce qu’il y a de meilleur en Europe et qu’éventuellement les Européens, ailleurs, prennent ce qui marche bien en France, mais prendre ce qu’il y a de meilleur. Or dans le système éducatif, les Pays-Bas font des chose intelligentes : financement proportionnel des écoles ; la Grande-Bretagne mobilise — Tony BLAIR, pas Margaret THATCHER — Tony BLAIR mobilise les entreprises dans les zones d’éducation prioritaires pour donner plus de chances aux gamins qui sont les relégués du système éducatif ; l’Espagne qui a profondément décentralisé son système d’éducation nationale ; l’Italie, qui crée l’autonomie pour les établissements. Bref, il y a des leçons à prendre chez les autres. Depuis vingt ans que l’on fait des rapports sur l’éducation nationale, à chaque fois, on dit : liberté, autonomie, évaluation. Eh bien il faudra un jour passer à l’acte dans ce pays, mais avec les enseignants, pas contre eux.

Michel FIELD
Mais le problème est insoluble puisque leurs représentants, en tous cas les principaux syndicats des enseignants, s’opposent à ce type de réforme.

Alain MADELIN
Mais peut-être parce qu’on s’y est mal pris. Je vais prendre un exemple : nous avons des enseignants qui en France ne sont pas très bien payés par rapport à leurs capacités ; ils seraient sans doute un peu plus payés à même niveau, dans le privé. Mais dans le même temps, ils travaillent moins à la semaine et à l’année. Alors le problème, ce n’est pas de rajouter toujours des enseignants en plus, le problème, c’est de se dire : est-ce que les mêmes enseignants, s’ils sont volontaires, ne pourraient pas travailler un peu plus et gagner un peu plus ? Ça s’appelle les heures supplémentaires. Qu’est-ce que fait Claude ALLEGRE ? Il supprime les heures supplémentaires. Voilà une politique profondément démotivante. Je crois qu’il s’est trompé de moyens même si sur l’objectif sans doute a-t-il conscience que c’est par l’autonomie, la liberté et la responsabilité qu’on pourra véritablement réformer notre système éducatif.

Michel FIELD
Alors on a eu vent du rapport du commissaire au plan Jean-Michel CHARPIN, sur la réforme des retraites. Ce rapport sera rendu totalement public d’ici un mois, mais on connait déjà la recommandation d’allonger à 42 ans et demi la durée de cotisations nécessaires pour avoir une retraite à taux plein. Levée de boucliers des forces syndicales devant cette proposition et ne même temps, chacun sait que le système des retraites aujourd’hui, c’est l’un des grands enjeux du Gouvernement et de quelque gouvernement que ce soit.

Alain MADELIN
De quelque gouvernement que ce soit, cela fait longtemps, à l’exception de la réforme BALLADUR, que l’on pratique dans ce pays, la politique de l’autruche sur les retraites. Et lorsque, après les années 80, le gouvernement socialiste a baissé l’âge de la retraite de 65 ans à 60 ans, voici qu’un autre gouvernement socialiste, ou en tout cas le plan qui en dépend, vous explique qu’il faut augmenter l’âge de la retraite de 5 ans, très exactement la durée de l’abaissement. L’erreur, ce n’était peut-être pas tant l’abaissement de l’âge de la retraite que le principe même de la retraite couperet. Dans l’actualité, vous avez… on n’en a pas parlé mais vous avez Jean-Loup CHRETIEN, notre cosmonaute, qui part aux Etats-Unis, parce que soixante ans, limite d’âge. Il dit : mais aux Etats-Unis, on peut être cosmonaute jusqu’à 77 ans, regardez John GLENN ! Vous avez le professeur Luc MONTAGNIER, le co-découvreur du virus du sida : soixante ans, plus bon pour la recherche en France, comme si on ne pouvait pas découvrir après soixante ans ! Allez hop, lui aussi, il part aux Etats-Unis. Donc les socialistes ont fait une monstrueuse erreur avec cette retraite couperet à soixante ans. Il faut revenir sur cette retraite couperet. Il faut enfin dans ce pays faire des fonds de pension. Or les fonds de pension, ce n’est pas la panacée. Moi j’avais proposé les fonds de pension dans les années 80 au moment où on nationalisait… je disais il faudrait peut-être donner toutes les privatisations pour faire des fonds de pension. Si on avait cela à ce moment, eh bien nous n’aurions pas l’angoissant problème des retraites qui va se poser à partir de 2015. Si on laissait faire les choses, il faudrait sans doute multiplier l’impôt sur le revenu par trois ou quatre, en 2040, multiplier la TVA par deux en 2040 pour payer les retraites. Ceci pour dire que c’est une formidable bombe à retardement. Alors il y a bien sûr l’allongement sans doute de la durée de cotisations, réformer un peu aussi les retraites des fonctionnaires et un certain nombre de statuts avec prudence bien évidemment. Il y a aussi le fait de faire enfin les fonds de pension dans ce pays ; et puis avoir une politique de croissance et une politique démographique parce que c’est comme ça, personne ne parle de la politique démographique dans ce pays, il faudra bien un jour qu’on ouvre le dossier. Si nous continuons avec cette démographie-là, eh bien quels que soient les efforts qui sont faits par les uns et par les autres, nous serons un pays où le problème des retraites explosera.

Michel FIELD
Mais l’idée de la retraite par capitalisation, elle semble avancer même dans les secteurs qui y étaient très réticents.

Alain MADELIN
Oui, Michel FIELD. Mais pour qu’une retraite par capitalisation soit efficace, il faut trente ans au bas mot. C’est-à-dire que si on commence maintenant, c’est bon pour 2030 et 2040, malheureusement le problème, il se pose en 2005-2010. Donc on a vingt ans de retard à l’allumage par rapport à cela. Et je crois que c’est quand même une grande illusion collective. On savait que ce problème venait. Le rapport de la commission du plan, il fait suite à X rapports qui tous allaient dans le même sens. Donc je crois qu’il y a eu une grande impréparation, encore une fois à l’exception du gouvernement BALLADUR, de cette question des retraites.

Michel FIELD
On va se quitter un instant pour une pause publicitaire et puis on reprendra l’émission sur la campagne européenne avec les appels des auditeurs par Minitel, par internet, par téléphone. Ils vous ont posé un certain nombre de questions. On en a retenu… celles qui étaient le plus expressives et on en parle dans un instant. A tout de suite.

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Michel FIELD
Retour sur le plateau de « Public » dont Alain MADELIN, le président de Démocratie Libérale, est l’invité. Jérôme PAOLI s’est penché sur votre cas en se demandant si vous n’étiez pas devenu un libéral gaulliste. Un petit sujet du parcours de Démocratie Libérale ces derniers mois.

JOURNALISTE
Alain MADELIN, défenseur inconditionnel de l’union de l’opposition, dans la plupart de ses discours, cela ne fait aucun doute. Mais dans les actes, le président de Démocratie Libérale ne semble motivé que par un seul objectif : imposer son parti comme une force incontournable de l’opposition. Une stratégie qui a pris toute sa dimension en avril dernier. Quelques semaines après l’élection de cinq présidents de région UDF avec les voix du Front national, Alain MADELIN profite de la crise au sein de la confédération pour annoncer la transformation de son mouvement en parti indépendant.

Alain MADELIN (19/04/98)
S’il s’agit de reconstituer une nouvelle UDF au centre face à un vieux RPR pour reprendre les rivalités d’hier, ce n’est pas une marche avant ça, c’est une marche arrière. C’est construire une formidable machine à perdre. Tout le monde comprend qu’il faut faire autre chose.

JOURNALISTE
Ratifiée par un vote des militants le 16 mai dernier, cette décision est immédiatement suivie par la constitution d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Désormais parti autonome au sein de l’alliance, Démocratie Libérale tente alors de rassembler autour de ses idées. Mais très vite, son ouverture dérive. En août dernier, il intègre dans ses rangs Jacques BLANC, élu président de la région Languedoc-Roussillon avec les voix du FN. Une décision qui provoque la colère de Gille de ROBIEN. Impassible, Alain MADELIN poursuit son objectif. Profitant de la crise entre François BAYROU et Philippe SEGUIN, il n’hésite pas à poser ses conditions.

Alain MADELIN (31/01/99)
Que l’on sache bien que nous, les libéraux, alors nous ne nous tromperons pas d’enjeu, nous ne nous tromperons pas d’adversaire, nous ne nous tromperons pas d’alliance et si un partenaire devait nous manquer, nous serons alors, nous les libéraux, deux fois plus actifs dans la campagne.

JOURNALISTE
28 février 99, après la décision de l’UDF de partir seule en campagne, Alain MADELIN se retrouve numéro deux derrière Philippe SEGUIN sur la liste de l’alliance pour les Européennes. Une position qu’il avait déjà connue lors des législatives de 97 et qui ne lui avait pas franchement porté chance.

Michel FIELD
C’est vrai qu’on ne peut pas dire que le ticket SEGUIN-MADELIN entre les deux tours des législatives…

Alain MADELIN
Il y a quand même une différence, à l’époque, on avait quatre jours, là on a quatre mois.

Michel FIELD
Mais enfin on ne peut pas dire que ça ait laissé un souvenir formidable.

Alain MADELIN
Ecoutez, moi j’ai envie de faire campagne. Nous avons fait un choix — cela a été dit dans ce reportage — qui est le choix de l’union. Dès lors que la question de la réorganisation de l’opposition s’est posée au lendemain des élections régionales, on s’est dit : qu’est-ce qu’on fait ? Et plutôt que de faire, c’est vrai, la vieille rivalité RPR-UDF, la reconstituer vingt ans après, on s’est dit on va essayer de faire du neuf.

Michel FIELD
Avec ce parti que vous appelez le vieux RPR ou il a rajeuni depuis ?

Alain MADELIN
A partir des trois convictions : le courant gaulliste, le courant centriste et le courant libéral mais avec une très forte union entre les trois. Et il m’apparaissait évident que nous devrions aller ensemble, unis, aux élections européennes. En tout cas dans l’opposition, les libéraux, Démocratie Libérale, nous représentons le courant libéral moderne et sans doute la plus jeune des formations politiques de ce pays. Nous avons déjà 80 parlementaires, nous sommes profondément implantés dans la France entière, le président des présidents de région est un des nôtres, Jean-Pierre RAFFARIN, le président des conseils généraux est un des nôtres, Jean PUECH, le président du mouvement national des élus locaux est un des nôtres, Philippe VASSEUR, et sur les six élections partielles qui ont eu lieu, il y en a eu deux où on a gagné contre la gauche, un de nos amis Franck GARCIN, dans le Nord et de FLEYSSEL (thon) dans le Sud à côté de Marseille, même s’il a été volé de sa victoire à la suite d’une fraude massive du Parti communiste. Mais cette victoire va lui être rendue dans quelques semaines. Donc vous voyez, nous avons des gens qui se comportent très bien sur le terrain et nous représentons, je crois, le courant libéral moderne, les idées pour vivre avec son temps. Si vous regardez ce qui s’est passé depuis dix ou vingt ans, quelles sont les idées qui se sont installées dans le paysage politique ? Eh bien ce sont les nôtres ! Et puis si vous regardez un petit peu ce qui va ses passer au 21e siècle, on va quand même sortir de l’étatisme et du dirigisme et je crois que les grandes idées modernes, ce sont les idées libérales. Alors avec tout ça, vous voyez, on est bien dans notre peau et je me sens parfaitement à l’aise pour être coéquipier, partenaire de Philippe SEGUIN dans cette campagne européenne.

Michel FIELD
Il y a pourtant des réticences de la part de vos propres électeurs. En témoigne un coup de fil qu’on a sélectionné parce que beaucoup d’appels convergeaient dans ce sens.

AUDITRICE
Je voudrais poser la question à Monsieur MADELIN : pourquoi s’est-il acoquiné avec Monsieur SEGUIN qui est contre l’Europe ? Nous avions l’intention de voter pour MADELIN mais certainement pas pour SEGUIN. Au revoir !

Michel FIELD
Elle est charmante cette dame. Elle vous envoie une vacherie mais elle est charmante et polie.

Alain MADELIN
Pourquoi souhaiter faire l’Europe ? Je suis passionnément Européen…

Michel FIELD
Vous, personne n’en doute, mais Philippe SEGUIN, c’est un petit peu plus difficile à décrypter quand même.

Alain MADELIN
Mais je vais y venir. Souhaiter faire l’Europe, c’est souhaiter convertir et rassembler. Moi j’ai toujours souhaité l’union de l’opposition aux élections européennes. En 84, en 89, en 94 et aussi cette fois-ci en 1999. Alors qu’est-ce qui se passe ? On n’est pas en 1992 à la veille de Maastricht ! Depuis il s’est passé bien des choses. Nous avons fait une campagne ensemble en 1994, c’était Dominique BAUDIS qui tirait la liste. Et on était tous derrière, Philippe SEGUIN y compris. Il y a eu deux gouvernements BALLADUR et le gouvernement JUPPE dans lesquels tout le monde, UDF, libéraux, centristes, RPR ont gouverné ensemble sur l’Europe. S’il y avait des divergences, pourquoi ne pas l’avoir dit alors. Et s’il n’y avait pas de divergence, pourquoi le faire croire aujourd’hui ? Je crois que tout le monde à peu près dans l’opposition se retrouve sur la même ligne. D’ailleurs à quelques exceptions près, nous avons tous voté ou nous allons tous voter le traité d’Amsterdam. Le traité d’Amsterdam nous rassemble, Maastricht nous avait divisé. Donc la situation, elle a profondément changé. Et je ne vois vraiment aucune raison d’aller diviser, d’autant que tout le monde peu ou prou, pour faire simple, se reconnaîtra sur la ligne de politique européenne suivie par le Président de la République, Jacques CHIRAC. Donc il n’y a pas d’enjeu européen fort. D’ailleurs, cette élection, a quoi revient-elle ? Elle revient à envoyer des députés siéger à Strasbourg. On ne va pas décider des institutions européennes. S’il s’agit de décider les institutions européennes, c’est aux législatives qu’il faut présenter des candidats, pas aux élections européennes. Et par rapport à cet enjeu européen, je crois que nous devrions être tous unis, d’autant que si vous me permettez de dire un mot…

Michel FIELD
Vous ne l’êtes pas… Je voulais juste vous le rappeler…

Alain MADELIN
Ecoutez, on va tout faire… je ferai tout ce qui est en mon pouvoir encore dans les semaines qui viennent pour essayer de faire l’union de l’opposition.

Michel FIELD
C’est un peu mal barré. On assiste à un échange de correspondance un peu vachard entre Philippe SEGUIN, François BAYROU et tout mais visiblement, vous n’allez même pas réussir à vous mettre tous autour de la table la semaine prochaine.

Alain MADELIN
Ecoutez, le président Valéry GIRCARD d’ESTAING, fondateur de l’UDF, pour lequel j’ai fait campagne lorsqu’il était tête de liste en 1989 et on était unis, Nicolas SARKOZY et moi-même, nous dirigions sa campagne. Il y avait d’ailleurs à l’époque une liste centriste dissidente autonome qui ne nous a pas empêchés d’arriver en tête par rapport aux socialistes. Ceci reste l’objectif aujourd’hui. Donc le président Valéry GISCARD d’ESTAING a dit : mais c’est absurde, cette division ; il a raison. Il prend acte du fait que Philippe SEGUIN y est prêt. Eh bien la réunion, elle est programmée, je crois mardi, réunissons-nous, décidons ensemble, votons et s’il le faut, faisons voter l’ensemble des parlementaires, ça sera démocratique pour une fois.

Michel FIELD
Mais vous savez bien que ce que dit François BAYROU, c’est qu’il n’a pas voulu se plier au RPR qui a décidé seul de la tête de liste. Visiblement, vous vous n’avez pas ce genre de scrupule.

Alain MADELIN
Ecoutez, s’il y avait des différences…

Michel FIELD
Ça ne vous a pas choqué, c’est ça que je veux dire…

Alain MADELIN
S’il y avait des différences sur le plan des idées, je peux comprendre que l’on fasse une liste séparée. Mais en l’occurrence, il s’agit seulement d’une question de personnes, d’ambitions personnelles ou d’ambitions partisanes. Je ne comprends pas que l’on joue la division. Je m’arrête là. Moi je jouerai jusqu’au bout l’union. Et dans tous les pays, vous avez face aux socialistes et aux sociaux-démocrates, une grande liste d’union. Eh bien cette liste, elle sera faite du RPR et de Démocratie Libérale, de Philippe SEGUIN et de moi-même. Jusqu’au bout, on essaiera de convaincre les centristes de revenir avec nous. Mardi, il y aura peut-être la réunion de la dernière chance pour cela. Et puis à défaut, je concourrai pour essayer d’avoir la première place face au Parti socialiste même si c’est difficile, ceci reste l’objectif car je suis persuadé que beaucoup de Français qui font confiance à l’opposition, auront le réflexe de ce vote utile. Il n’y a pas de différence aujourd’hui entre l’enjeu de politique nationale et l’enjeu de politique européenne. Il n’y a pas de problème d’institutions. Une politique de sécurité commune, extérieure, intérieure, une réforme des institutions de façon à favoriser le plus tôt possible l’élargissement de l’Europe, un meilleur contrôle des institutions européennes, on est à peu près tous d’accord sur ce point. L’enjeu de cette élection européenne, c’est le risque de voir ce qu’on appelle l’Europe rose, c’est-à-dire les socialiste et les sociaux-démocrates en Europe détenir à la fois une position dominante au Parlement européen, le Conseil européen et la Commission de Bruxelles. A ce moment-là, si ces trois pouvoirs étaient réunis dans les mêmes mains, je crains le risque d’une dérive de la construction européenne vers une Europe dont je ne veux pas dans les prochaines années. C’est un enjeu grave. Moi je veux une Europe unie, forte, mais je ne veux pas un super Etat, avec une super bureaucratie, avec de super règlements, avec de super impôts. Souvenez-vous, il y a quelque temps, Monsieur DELORS disait : bientôt 80 % des lois applicables aux Français seront décidées à Bruxelles. Je n’en veux pas de ça ! 20 % d’accord mais pas 80 %, ce n’est pas possible. Et je vois aujourd’hui les socialistes faire campagne pour un impôt européen. Eh bien moi je veux faire de ce thème de l’impôt européen, le thème majeur de la campagne des élections européennes. Est-ce que vous êtes pour ou contre cet impôt européen ? Oh bien sûr, au début, ils nous diront : mais cet impôt européen, c’est pour l’écologie ! Et puis ce sera à la place… et puis petit à petit, ce sera un impôt qui s’ajoutera et nous prendrons le risque d’une dérive vers une Europe super Etat, super bureaucratie, super impôt. Voilà le véritablement enjeu de la campagne.

Michel FIELD
Un autre appel tout de suite.

AUDITEUR
Bonsoir. Monsieur MADELIN, vous êtes second sur la liste européenne RPR-DL conduite par Philippe SEGUIN. Dans le cas où l’UDF de François BAYROU ferait liste commune avec vous, seriez-vous prêt à lui céder votre place pour passer en troisième position ? Je vous remercie.

Michel FIELD
Il y a des questions très intelligentes des téléspectateurs.

Alain MADELIN
La réponse, elle est claire, bien volontiers ; et même d’ailleurs céder ma place sur la liste, je ferais campagne pour la liste même si je n’étais pas sur la liste…

Michel FIELD
Quelle abnégation !

Alain MADELIN
Je suis prêt à tout pour faire avancer cette union. Et s’il le faut, eh bien je serais le coéquipier, le partenaire de Philippe SEGUIN dans cette affaire. Il ne faut pas se tromper d’adversaire…

Michel FIELD
Non, mais faisons un peu de politique prospective. Si l’union n’a pas lieu, ce qui est quand même, vous l’accorderez, l’hypothèse la plus probable dans l’état actuel des choses, est-ce que ça ne compromet pas beaucoup de choses pour les échéances électorales à venir quant à l’union de l’opposition ?

Alain MADELIN
Non, parce que je resterai toujours pour ma part sur cette ligne de l’union.

Michel FIELD
Oui, mais si vous êtes tout seul à dire l’union, l’union et qu’elle ne se fait pas…

Alain MADELIN
Attendez, au lendemain des élections européennes, quoi qu’il arrive, j’essaierai de contribuer à la reconstruction de l’union. J’ai cité 1989 tout à l’heure, il y avait une liste centriste dissidente conduite par Simone VEIL contre Valéry GISCARD d’ESTAING à l’époque, eh bien à cette époque-là, on avait gagné… mais au lendemain de cette division, j’étais le premier à souhaiter la réconciliation et à agir en ce sens, donc j’agirai toujours pour la réconciliation et pour l’union. Simplement je ne veux pas me tromper d’adversaire. Il y a des dissidences dans l’opposition, il y a PASQUA, peut-être VILLIERS, peut-être MILLON, BAYROU, eh bien ce qui est important, c’est qu’à côté, il y ait pour les électeurs de l’opposition une grande liste sur le grand enjeu européen que j’ai évoqué il y a un instant et qu’il y ait en quelque sorte le vote sérieux, raisonnable, utile et je crois que la liste RPR-Démocratie Libérale Philippe SEGUIN-Alain MADELIN, incarne ce vote sérieux et utile. C’est la liste qui préparera le mieux l’alternance après les élections européennes.

Michel FIELD
Mais sur le fond des choses, le libéral que vous êtes n’est-il pas plus proche finalement des centristes de François BAYROU que du RPR ou alors est-ce que vous voyez une libéralisation croissante du RPR, est-ce que vous la souhaitez, est-ce que vous essayez d’insuffler le virus du libéralisme dans ce vieux RPR dont vous parliez il y a quelques mois sur ce plateau ?

Alain MADELIN
Il y a deux choses : si vous interrogez l’ensemble des électeurs de l’opposition : est-ce que vous voulez une Europe libérale ou une Europe socialiste ? Europe libérale, pour les Français, même pas seulement pour les électeurs de l’opposition. Est-ce que vous voulez une politique gouvernementale libérale ou une politique socialiste ? Libérale. C’est la bonne direction.

Michel FIELD
Vous avez interrogé Philippe SEGUIN dans votre sondage ?

Alain MADELIN
Si je regarde ce qui se passe à l’intérieur des électeurs de l’opposition et du RPR, mais bien sûr ce sont les idées libérales qui gagnent du terrain ! Et l’Europe, on ne vas pas refaire le débat LECANUET-DE GAULLE ! Enfin, écoutez, depuis ça a changé quand même !

Michel FIELD
Ça avait du charme.

Alain MADELIN
Oui, mais ça a changé ! Je crois que sur l’Europe aujourd’hui, tout le monde se retrouve peu ou prou sur la ligne de politique européenne définie et suivie par le Président de la République Jacques CHIRAC. Donc il n’y a pas aujourd’hui de différence qui justifie une division. Voilà. Je le dis pour celles et ceux qui sont tentés par cette division… c’est le poison de la proportionnelle, et faire des petites listes. Eh bien à côté des petites listes, il y aura notre liste, sérieuse, une liste de rassemblement ouverte aussi largement que possible, à parité avec le RPR, pour essayer de concourir pour la première place et de battre les socialistes.

Michel FIELD
On a beaucoup parlé de votre aile gauche si j’ose dire, parlons un petit peu de votre aile droite avec un nouvel appel d’auditeur.

AUDITEUR
Monsieur, je voudrais vous demander : comment pouvez-vous prétendre refuser toute collusion avec l’extrême droite alors que vous accueillez à bras ouverts les gens qui pratiquent l’alliance avec le Front national, je pense à Monsieur Jacques BLANC, je pense à votre tentative en Rhône-Alpes récemment ?

Michel FIELD
Bonne question, bonne question que d’ailleurs je pourrais compléter : c’est vrai que l’un des principes fondateurs de l’Alliance, c’était une attitude intransigeante vis-à-vis du Front national. On ne peut pas dire que cette intransigeance saute aux yeux quand on voit…

Alain MADELIN
Pourquoi ?

Michel FIELD
Ne serait-ce que l’accueil que vous faites à Jacques BLANC qui gère sa région avec le Front national et ouvertement et avec une grande liberté d’esprit, il le dit lui-même. Il n’y a qu’à Paris qu’on essaie de minorer ça mais dès qu’on va dans le Sud, on le sait bien.

Alain MADELIN
Je ne le crois pas…

Michel FIELD
Eh bien vous êtes le seul…

Alain MADELIN
Non, je ne crois pas…

Michel FIELD
Si je vous assure. Vous me dites dans les yeux que Jacques BLANC ne dirige pas sa région avec le soutien du Front national ?

Alain MADELIN
Est-ce que Monsieur Jacques BLANC aujourd’hui applique une politique qui est peu ou prou influencée par le Front national ?

Michel FIELD
On dirait les arguties de Charles MILLON à cette même table il y a quelques mois.

Alain MADELIN
Mais non ! Je suis d’autant plus à l’aise que j’ai dit autant à Charles MILLON qu’à Jacques BLANC qu’ils faisaient une erreur. Une erreur… et j’ai toujours dit à Charles MILLON qu’à mon avis son aventure n’était pas viable. Ce n’était pas une raison a mes yeux suffisante pour aller hurler avec les loups, une sorte de curée médiatique contre les uns et les autres. J’ai condamné l’erreur et j’en reste là.

Michel FIELD
Vous condamnez l’erreur mais vous réintégrez le coupable…

Alain MADELIN
Je ne me sens pas obligé d’exclure les gens d’autant qu’il y a beaucoup d’hypocrisie des uns et des autres y compris de ceux qui veulent nous donner des leçons dans cette affaire, qui participent — c’est peut-être moins visible — mais qui participent par responsables politiques interposés, aux mêmes exécutifs. J’ai passé l’âge qu’on me donne des leçons sur cette affaire, d’autant que sur le Front national, je me sens parfaitement à l’aise Michel FIELD, y a-t-il une thèse du Front national que vous voyez quelque peu acclimatée au sein de Démocratie Libérale ? Est-ce que ce n’est pas nous, les libéraux, qui combattons le plus les thèses du Front national ? Sur la préférence nationale, sur bien d’autres sujets. Est-ce que le Front national ne dit pas que son véritable adversaire, c’est les libéraux.

Michel FIELD
Oui, mais je vois un président de région Démocratie Libérale qui fait alliance avec ce parti.

Alain MADELIN
Mais moi je suis parfaitement à l’aise sur le fond. Comme j’en ai assez de cet épouvantail du Front national… je crois même d’ailleurs que chaque fois que l’on a fait de telles croisades contre le Front national, on l’a soudé alors que nous voyons bien aujourd’hui que c’est une formation profondément hétérogène qui n’avait que vocation à éclater… son éclatement me réjouit. Je ne vais pas faire la course derrière les électeurs et les électrices du Front national, qu’ils restent où ils sont et si certains, déçus un jour, peuvent trouver des raisons d’espérer dans une opposition réunie, tant mieux, mais ne comptez pas sur nous pour acclimater en quoi que ce soit les thèses du Front national les plus pernicieuses que nous avons toujours combattues et nous avons me semble-t-il, toujours été à la pointe de ce combat… alors pas de leçon.

Michel FIELD
Non, mais sans leçon, je ne sais pas, est-ce que vous usez de votre influence auprès de Jacques BLANC pour qu’éventuellement il change de stratégie dans sa région ?

Alain MADELIN
Ecoutez, s’agissant de Charles MILLON quand la question s’est posée, vous l’avez vu, nous avons souhaité faire élire quelqu’un sans compromission…

Michel FIELD
Vous avez des troubles d’oreilles, je n’ai pas dit Charles MILLON, là, j’ai dit Jacques BLACN…

Alain MADELIN
Quand la question s’est posée pour Charles MILLON…

Michel FIELD
Mais je vous demande actuellement pour Jacques BLANC…

Alain MADELIN
Quand la question s’est posée pour Charles MILLON, nous avons souhaité revenir à une situation qui permettait de faire élire quelqu’un sans besoin des voix de gauche et d’extrême gauche et sans besoin des voix d’extrême droite. Notre solution n’a pas été acceptée, dommage. Quant à Jacques BLANC, si demain vous me dites qu’il est en quoi que ce soit influencé par les thèses du Front national que nous combattons au niveau national, eh bien à ce moment-là, ça posera un problème.

Michel FIELD
L’affaire Rhône-Alpes, elle a été un petit peu décisive dans l’éclatement de la famille libérale d’avec les centriste.

Alain MADELIN
On ne va pas pleurer sur le lait renversé. Je le regrette. Je regrette cette alliance contre nature, mais comme avant il y avait aussi une alliance contre nature, allez ! Le passé, c’est le passé. Encore une fois, Michel FIELD, dans cette affaire, je ne veux pas me tromper d’adversaire. Je ne veux pas envoyer des flèches à PASQUA, à François BAYROU, à tel ou tel, je veux garder mes flèches pour le Parti socialiste et j’espère pouvoir contribuer demain aussi à la réunion de l’ensemble de l’opposition.

Michel FIELD
Alors une dernier question qui concerne Redon plus précisément.

AUDITEUR
Je suis Jean-René MARTIN, ancien premier adjoint de Redon, conseiller régional de Bretagne. Monsieur MADELIN, depuis 21 ans maintenant, vous êtes élu dans la circonscription de Redon sur des promesses qui relèvent toujours de l’intervention de l’Etat et de la puissance publique. Vous savez parfaitement que vos électeurs ne sont pas favorables ni à la privatisation de la Sécurité sociale ni à la libéralisation totale des marchés agricoles. Alors Monsieur MADELIN, au nom de qui parlez-vous et agissez-vous puisque cela n’est pas au mon de vos électeurs ?

Michel FIELD
C’est un appel qui fait écho à un article qui vous était consacré dans LIBERATION cette semaine où on voyait en effet que le libéral au niveau national, Alain MADELIN, semblait s’accommoder de beaucoup des pesanteurs de l’étatisme quand il s’agit de sa ville.

Alain MADELIN
Le libéral Alain MADELIN dans sa circonscription à Redon, contribue à créer des emplois avec des entrepreneurs grands, moyens et petits. Le libéral Alain MADELIN contribue à l’union de l’ensemble des communes dans une communauté de communes, qui fait baisser la taxe professionnelle pour créer des emplois car la première des sécurités sociales à mes yeux, c’est l’emploi.Le libéral Alain MADELIN dans le domaine de l’agriculture, il ne faut pas se tromper, dans le domaine de l’agriculture aujourd’hui, ou nous avons une agriculture d’entrepreneurs et vraiment les agriculteurs sont vraiment de plus en plus de formidables entrepreneurs, ils maîtrisent l’informatique, ils maîtrisent la génétique, il ont une formation avancée, ils travaillent 58 heures par semaine, pas 35 heures, 58 heures par semaine ! Je veux une économie d’entreprise et de marché pour l’agriculture et pas l’économie administrée que l’on nous prépare à Bruxelles, qu’on a eu raison de refuser là d’ailleurs et que les socialistes ont essayé de préparer au travers de la loi d’orientation agricole.

Michel FIELD
Vous savez bien qu’il y a tout un pan de l’agriculture française qui ne vit que par et grâce aux subventions européennes.

Alain MADELIN
Bien sûr. Mais je préfère d’une certaine façon des subventions dégressives pour revenir vers le marché que de considérer les agriculteurs comme des demi-fonctionnaires chargés d’entretenir le paysage avec des subventions d’Etat nationales. Moi, tout ce qui rapproche le producteur de son marché et du client, c’est une bonne chose. A l’heure actuel, c’est un système absurde ! On va en sortir quand même, on finit par en sortir. Mais on ne cherche pas à produire ce qui est bon, on ne cherche pas à produire ce qui est utile : on cherche à produire là où il y a les primes les plus avantageuses et le drame de la réforme qui nous était proposée en ce moment par la présidence socialiste allemande de l’Europe, c’est une réforme qui était encore plus de dépenses publiques pour l’agriculture et une agriculture encore plus administrée. Donc en défendant la liberté de l’agriculteur au niveau national, je crois bien représenter une circonscription qui compte un nombre important d’agriculteurs. Et d’ailleurs si le Français veulent se rendre compte de ce que c’est que cet agriculteur moderne et dynamique, un seul bon conseil : allez tous au salon de l’agriculture.

Michel FIELD
Qui ouvre ses portes, Porte de Versailles à Paris. Dernière question : vous avez parlé tout à l’heure de la consonante entre la liste RPR-Démocratie Libérale et la politique européenne du Président de la République, est-ce que vous vous attendez d’une façon ou d’une autre, à ce que le Président de la République donne son onction à votre liste ?

Alain MADELIN
Non, je vous assure que nous n’avons pas l’intention de demander au Président de la République d’être…

Michel FIELD
Le parrain…

Alain MADELIN
Le président du comité de soutien de notre liste.

Michel FIELD
Pourquoi ? Vous avez trop peur du résultat ?

Alain MADELIN
Non, mais parce que ce n’est pas son rôle. Le Président de la République, il a souhaité que sa politique soit défendue, nous la défendons ; il a souhaité l’union la plus totale de l’opposition — elle n’est pas aussi large que nous le souhaitons — nous représentons cette union, donc nous avons le sentiment d’être assez proches de ce que souhaitait le Président de la République, mais laissons le président de la République à sa fonction.

Michel FIELD
Est-ce que vous avez le sentiment qu’aujourd’hui, l’agitateur d’idées libérales que vous êtes depuis un moment, est en passe de concrétiser son idéal ou de faire passe une grande part de son idéologie dans… je ne sais pas, je pense au RPR par exemple, dans les rouages de son principal allié ?

Alain MADELIN
Ecoutez, j’ai le sentiment que c’est une évolution de tout le monde y compris à gauche. Ce sont les grandes idées modernes pour vivre avec son temps. Le 20e siècle a été le siècle des bureaux, des usines, des hommes et des femmes rangés comme des robots. Le 21e siècle, à l’ère d’internet, on va regarder vers les idées libérales, c’est-à-dire celles qui remettent l’homme au cœur de la société. Vivez avec votre temps, vivez les idées libérales et c’est un message qui bien évidemment, heureusement, dépasse notre seule formation Démocratie Libérale.

Michel FIELD
Alain MADELIN, je vous remercie.