Interview de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, à RTL, le 17 juin 1999, sur la suspension de la vente des boîtes de Coca-Cola de l'usine de Dunkerque.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Vous avez fait retirer des rayons 50 millions de boîtes sorties de l'usine de Dunkerque. Regrettez-vous cette décision ?

M. Lebranchu : « Non. En fait ce n'est pas tout à fait 50 millions de boîtes, semble-t-il, mais là n'est pas la question. Nous avions une communication toutes les demi heures pratiquement avec cette entreprise qui a trouvé à l'extérieur des boîtes de Coca-Cola incriminées – donc des trois premières lettres que nous avions diffusées – du para-chlorocrésol, un produit globalement qui sent le phénol, à l'extérieur des boîtes et à l'intérieur du vernis des boîtes en question. Pourquoi est-ce qu'il y a ce produit ? L'entreprise ne peut pas répondre et d'ailleurs elle s’active aussi pour chercher les causes, parce que c'est vrai cela l'handicape largement autant que tout en chacun. Donc, à partir du moment où on trouve ce produit, même si je reste persuadée que c'est un danger extrêmement minime pour les consommateurs, nous ne pouvons pas, nous prendre le moindre risque et nous sommes obligés de prévenir les consommateurs que les boîtes qui sont sorties de l'usine étaient correctes, puisqu'on n'a rien trouvé sur les boîtes sortant de l'usine. En revanche, les boîtes qui ont été transportées via la Belgique ont pu être contaminées par ce fameux produit qu'on a déjà trouvé. A partir de ce moment là, c'est vrai que cela fait beaucoup de boîtes, qu'il faut les consigner jusqu'à ce qu'on ait l'explication, et jusqu'à surtout qu'on ait arrêté les produits qui ont été transportés via la Belgique.

Grâce au travail qui est fait maintenant depuis 48 heures avec les deux entreprises, Coca-Cola Belgique et Coca-Cola France, nous allons, un à un – même si c'est extrêmement difficile – tout vérifier, tous les lots qui sont partis, comment ils sont partis, comment ils ont été transportés, où ils sont allés, comment ils ont été distribués, ce qui nous permettra, une fois que nous les aurons tous repérés – les lots en question contaminés au para-chlorocrésol à l'extérieur des boîtes – de les arrêter et puis, à ce moment là de remettre en rayon les autres. C'est cela notre souci. Nous avons un vrai problème dans ce genre de crise, parce qu'on ne peut pas imaginer des intoxications graves avec ce produit autour de la boîte, puisqu'en plus ça sent mauvais. Des gens ne boivent pas, etc. Et pourtant, effectivement, ce que j'ai entendu tout à l'heure – votre information est intéressante – on a des tas de gens qui se sentent malades aussitôt qu'ils ont même approché une boîte de Coca-Cola. Donc notre problème c'est : comment on peut gérer une crise très bien – sans faire courir le moindre risque aux consommateurs – et en évitant une psychose ? C'est cela la grande difficulté. En revanche, je tiens à dire quand même pour les consommateurs, que c'est sûr qu'il y a eu trois crises, là, en peu de temps. Mais nous sommes à la 159ème alerte européenne depuis le 1er janvier 1999. Souvent, c'est très circonscrit : c'est un département, c'est un magasin, etc. C'est très circonscrit, on en parle peu. »

Q - Alerte dans le domaine de l'alimentation ?

M. Lebranchu : « Il y a eu 159 alertes européennes dans le domaine de l'alimentation des hommes. Pas des animaux. Et il y a eu 40 alertes qui ont concerné des produits qui pouvaient être distribués sur le territoire français. A chaque fois que nous pouvons arrêter des produits suffisamment vite, nous n'avons même pas besoin de communiqué puisque le retrait est fait, l'arrêté publié au Journal Officiel et cela ne fait pas du bruit. Mais ce que les consommateurs doivent savoir, c'est que surtout si ça touche un produit de grande masse, comme le Cola-Coca, maintenant, comme aussi les poulets, récemment, effectivement, il y a beaucoup de médiatisation parce qu'on n'a pas le choix. Sauf à dire qu'on ne prévient pas à chaque cas les consommateurs individuellement. On n'a pas le choix. »

Q - Et la médiatisation sert aussi à avoir la vérité ?

M. Lebranchu : « Voilà. Et on n'est pas à l'abri, dans une chaîne de ce type, effectivement d'une certaine forme de psychose. En revanche, ce que je voudrais dire aussi, si vous me le permettez, c'est que les consommateurs doivent être rassurés. Ça veut dire que nous, nous regardons tout, que ce soit l'aliment de l'agriculteur, des transformateurs, d'industries agro-alimentaires, de l'industriel. Nous regardons tout et, forcément, comme nous disons tout à chaque fois, je pense que le résultat de tout cela, c'est qu'au moins ils peuvent manger en toute tranquillité. S'il y a quelque chose, on préviendra. »

Q - Eh bien, il faut tout dire. Ecoutons ensemble le directeur de la communication de Coca-Cola qui vient de réagir il y a quelques minutes.

C. De Salaberry [directeur de la communication de Coca-Cola] : « Je pense que le produit, que ce soit d'ailleurs en Belgique ou en France, le produit lui-même n'est pas incriminé, c'est-à-dire qu'on peut consommer du Coca-Cola en France sans normalement aucun danger. La précaution qui a été prise par le ministère et, là-dessus, bien entendu nous respectons cette décision, c'est ce risque infime, excessivement petit, qu'un lot ou qu'une boîte ait été vendue en Belgique, ou plutôt qu'elle ait été livrée en Belgique et qu'elle soit revenue en France par un système que nous maîtrisons moins bien, puisqu'une fois qu'une boîte est en Belgique, eh bien, par la simple libre circulation entre les pays européens, une boîte peut revenir. »

Q - Voici les explications de Coca-Cola.

M. Lebranchu : « Il a exactement expliqué la raison de notre décision. »

Q - Deux questions très courtes : des analyses sont faites ; avez-vous les résultats ?

M. Lebranchu : « Non. Ce soir, nous espérons avoir les premiers résultats. Nous n'avons pour l'instant que les résultats sur, vous savez, des approches – c'est exactement difficile à expliquer – mais nous avons déjà des premiers tests qui montrent qu'effectivement il y a eu un produit à l'extérieur en quantité infime. »

Q - C'est une information : il y a eu un produit en quantité infime qui aurait pu intoxiquer les consommateurs ?

M. Lebranchu : « Voilà. Ceci étant, on n'en a pas trouvé dans le produit, à l'intérieur de la boîte. Et c'est l'entreprise elle-même d'ailleurs qui a trouvé des produits de traitement fongicides vraisemblablement qui ont été trouvés sur les palettes. C'est l'entreprise elle-même qui nous l'a confirmé. Nous, nous faisons des analyses beaucoup plus précises parce qu'on ne peut pas se permettre, nous, de donner une information de ce type sans l'avoir hyper vérifiée. Donc, on espère l'avoir pour la fin de semaine. »

Q - Dernière question : quand lèverez-vous la suspension de vendre ?

M. Lebranchu : « Aussitôt que nous aurons trouvé les lots qui sont revenus de Belgique. Si nous avons arrêté la consommation de façon importante, c'est parce que nous avons trouvé des lots qui avaient été classés dans ce qui était retiré et vendu en Belgique. Nous les avons retrouvés dans des distributeurs à Paris, et tant que nous n'aurons pas récupéré tous ces lots, nous serons obligés de laisser ce doute planer sur l'ensemble des canettes. »

Q - On a ces lots dans les distributeurs à RTL d'ailleurs.

M. Lebranchu : « En plus, franchement. Aussitôt que nous aurons repéré tous les lots, que nous aurons pu identifier et dit aux gens : ces lots là, il vaut mieux ne pas les prendre, pour l'instant, vous les consignez, je ne dis pas que vous les jetez, je dis : vous les consignez, on pourra libérer complètement la consommation. Nous avons déjà fait cela d'ailleurs pour l'usine de Marseille qui, elle, n'est absolument pas concernée. Donc, tous les lots qui commencent par M sont libres. »