Déclaration de M. Émile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de la décentralisation, sur la politique de délocalisation d’organismes publics, le dispositif d'accompagnement social, et l'impact des délocalisations sur le développement local, Paris le 23 septembre 1997.

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Intervenant(s) : 
  • Émile Zuccarelli - ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de la décentralisation

Circonstance : Débat sur la mise en oeuvre des délocalisations publiques et leur impact sur le développement local, au Conseil Economique et Social, le 23 septembre 1997

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil économique et social,

Je tiens tout d’abord à vivement vous remercier d’avoir bien voulu m’inviter à prendre part à cette séance. J’interviens aujourd’hui pour la seconde fois devant vous et j’en suis particulièrement honoré.

Dans mes activités précédentes, tant parlementaires que gouvernementales, j’ai souvent eu à connaître des travaux du Conseil économique et social. J’ai pu, alors, apprécier la qualité de ses recherches, la rigueur de ses analyses et l’intérêt de ses propositions.

Dans les fonctions qui sont aujourd’hui les miennes, j’entends tirer le plus grand profit de vos débats et je serai toujours, avec mes collaborateurs, à la disposition de votre assemblée et prêt à participer à ses travaux chaque fois qu’elle le jugera utile.

Comme l’indique la dénomination de mon département ministériel, il m’incombe de préparer et de mettre en œuvre la politique du Gouvernement en ce qui concerne la fonction publique, la réforme de l’État et la décentralisation. La politique des délocalisations publiques présente la particularité d’être au carrefour de ces différentes préoccupations.

Sa mise en œuvre intéresse, en effet, au premier chef la fonction publique ; elle n’est pas sans lien avec la réforme de l’État et, d’une certaine façon, elle accompagne le mouvement de décentralisation qui, depuis quinze ans, a conforté le dynamisme de notre tissu local.

Les délocalisations publiques ont, nous le savons, fait couler beaucoup d’encre au cours de ces dernières années ; des échanges particulièrement animés ont vu partisans et détracteurs de cette politique opposer leurs arguments sur un ton souvent passionnel.

Par les controverses qu’ils ont suscitées, plusieurs dossiers difficiles, très médiatisés car symboliques, ont eu pour effet d’occulter très largement les nombreux transferts d’activités publiques de Paris vers la province qui se sont déroulés dans une parfaite sérénité. L’arbre a pu ainsi parfois cacher la forêt…

En prenant la décision d’inscrire à l’ordre du jour de ses travaux ce sujet sensible, le Conseil économique et social a permis que s’ouvre un débat public laissant de côté polémiques et idées reçues, sur la mise en œuvre des délocalisations publiques et leur impact sur le développement local.

Le Gouvernement ne peut que s’en féliciter et, en son nom, je tiens à en remercier très vivement votre assemblée.

Je souhaiterais rendre hommage à la grande qualité du travail accompli par votre rapporteur Monsieur Alain Fouche qui a abordé ce dossier avec l’objectivité, la rigueur et l’esprit critique constructif qu’exige l’approche d’une telle politique.

Le projet d’avis qu’il vous a présenté, il y a un instant, a su dépasser les a priori, positifs ou négatifs, pour aller au fond des choses. C’est toute la politique des délocalisations publiques, avec ses acquis et ses insuffisances sur lesquels je reviendrai tout à l’heure, qui est passée au crible d’une analyse particulièrement pertinente.

Vous me permettrez également de saluer la qualité du débat qui a suivi l’intervention de Monsieur Fouche ; j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les points de vue très divers qui se sont exprimés ; les différents orateurs qui se sont succédés ont, chacun à leur manière, contribué à éclairer les enjeux qui sous-tendent les délocalisations publiques. J’ai pris bonne note des préoccupations qui ont été formulées et je vais m’efforcer d’y apporter une réponse, tout en vous faisant part des orientations essentielles que le Gouvernement souhaite imprimer à cette politique pour les prochaines années.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, que l’on soit bien clair sur ce que l’on doit entendre par « délocalisations publiques ».

Je fais mienne la définition qu’en a donnée tout à l’heure Monsieur Gualezzi, citant un article écrit par le préfet Kalfon. J’insiste sur un point : même si elles peuvent aboutir à un même résultat – le transfert d’emplois publics – les délocalisations publiques doivent être bien distinguées des actions de déconcentration administrative : dans le premier cas, la fonction reste exercée par un seul organisme, la structure délocalisée, tandis que, dans le second, cette fonction est transférée aux services territoriaux de l’État, présents dans l’ensemble des départements et des régions.

Cette précision étant apportée, je souhaiterais appeler votre attention sur le fait que la politique des délocalisations publiques est le fruit d’une action continue de l’État menée depuis maintenant plus de quarante ans.

Ainsi que votre rapporteur l’a rappelé, la nécessité de cette politique apparaît dès les années 50, alors que déjà les gouvernements de l’époque, notamment ceux dirigés par Pierre Mendès-France et Edgar Faure, sont animés du souci d’enrayer l’hypertrophie croissante de la région parisienne et de permettre un développement équilibré de l’ensemble du territoire.

Nous sommes alors à l’époque où l’ouvrage de Jean Gravier « Paris et le désert français » connaît un grand retentissement. Peu à peu les instruments d’une politique volontariste d’aménagement du territoire se mettent en place. Une réflexion approfondie est alors initiée sur la mise en œuvre d’une politique de délocalisation d’organismes publics de l’Île-de-France vers la province.

Les premières de ces délocalisations interviennent au début des années 1960 ; le mouvement, auquel la DATAR va consacrer une grande part de son énergie, s’amplifie au cours des années 70. Après un ralentissement dans les années 80, il est relancé à l’initiative du gouvernement de Michel Rocard avant de connaître une très sensible accélération à la fin de 1991 sous l’égide de Madame Édith Cresson, alors Premier ministre. Un objectif de 30 000 emplois publics à transférer en province à l’horizon de l’an 2000 est alors affiché et un premier programme de 15 000 transferts d’emplois est arrêté par 3 CIAT successifs.

Avec un certain nombre d’inflexions, la politique des délocalisations publiques a traversé les différentes alternances politiques et a été poursuivie par tous les gouvernements qui se sont succédés depuis. Au fil des différents CIAT, plusieurs nouveaux programmes de délocalisation ont été décidés.

Parallèlement, tout au long des cinq dernières années, un certain nombre de moyens ont été mis au service de cette politique afin de favoriser sa mise en œuvre :
    - un dispositif d’accompagnement social a été institué, reposant sur diverses mesures destinées, d’une part à favoriser la mobilité des personnes volontaires pour suivre les organismes délocalisés, d’autre part à faciliter le reclassement des agents qui font le choix inverse ;
    - un fonds interministériel des délocalisations publiques, doté par le budget de l’État, permet d’amorcer ou d’aider le montage financier des opérations ;
    - il incombe à la mission des délocalisations publiques, placée auprès de mon département ministériel, d’être, en quelque sorte, le chef d’orchestre de cette politique, en liaison étroite avec d’autres services de l’État (la DATAR, le commissariat à la réforme de l’État, le cas échéant la délégation aux restructurations de défense, et bien sûr les ministères concernés) et le comité de décentralisation.

Votre rapporteur a bien décrit ces dispositifs ; je ne m’étendrai donc pas sur ce point, si ce n’est pour souligner qu’une bonne articulation s’est instaurée entre les missions complémentaires, et non pas concurrentes, des différents acteurs de cette politique.

L’état des lieux étant dressé, quel bilan des délocalisations publiques peut-on établir à la date d’aujourd’hui ?

Le projet d’avis soumis à votre assemblée témoigne des précautions qu’il convient de prendre pour juger des résultats de la mise en œuvre des délocalisations publiques. Certains aspects sont quantifiables, d’autres ne le sont pas et requièrent une approche qualitative parfois malaisée.

Surtout, n’oublions pas que d’un organisme à l’autre, les réalités sont très différentes et que l’on doit se garder, à partir de cas d’espèce, de tirer des conclusions générales.

Un certain nombre d’enseignements peuvent toutefois être dégagés de l’expérience accumulée depuis que cette politique a été initiée.

À l’actif de celle-ci, je tiens tout d’abord à souligner qu’elle n’est pas restée une vaine incantation, appelée à rester lettre morte dans ses effets pratiques : à ce jour, la délocalisation de 26 200 emplois publics a été actée en CIAT ; pour 16 960 d’entre eux, soit 65 %, le transfert est réalisé ou en cours.

Second point positif : les organismes délocalisés après une période de transition et d’adaptation ont bien trouvé leur place dans leur nouvel environnement et accomplissent leur mission dans de bonnes conditions d’efficacité ; leur professionnalisme a été préservé à chaque fois.

Troisième point positif sur lequel j’insisterai particulièrement : les agents qui ont fait le choix de la délocalisation, dans leur grande majorité, ne le regrettent pas. Beaucoup d’entre eux soulignent l’amélioration de leurs conditions de travail (locaux plus spacieux et mieux équipés, gains de productivité…) et la meilleure qualité de vie dont ils bénéficient ; je pense notamment aux conditions de logement et au raccourcissement des temps de trajet quotidien entre leur domicile et leur lieu de travail. Dans le même temps, le reclassement des personnels qui n’ont pas suivi les organismes délocalisés s’est globalement effectué de façon satisfaisante.

Il a été facilité par le recours fréquent à la mise à disposition remboursée qui permet à un établissement de reclasser en région parisienne, avec leur accord, des agents non volontaires pour le départ en province, auprès d’un autre organisme ou d’une administration. En contrepartie, l’organisme d’accueil rembourse le montant du coût d’emploi de l’agent.

Ce système présente un double avantage tant pour l’agent que pour l’organisme d’accueil. Pour l’agent, il permet de ne pas rompre le lien juridique avec l’organisme d’origine qui demeure l’employeur, rémunérant l’agent et gérant sa carrière. Il y a donc continuité de la carrière, et notamment des possibilités d’avancement. Enfin, l’agent évite une décision à caractère irréversible et peut choisir de revenir au sein de l’organisme d’origine.

Pour l’organisme d’accueil, la mise à disposition remboursée présente l’intérêt d’une solution souple en matière de gestion de personnel, dans des conditions clairement définies par une convention cadre entre les deux organismes.

En outre, à titre exceptionnel, des possibilités d’emplois en surnombre et des « dégels » d’emplois ont été autorisés par la direction du budget pour permettre le reclassement des agents non volontaires ainsi que celui des agents publics conjoints d’agents délocalisés. Je souhaite vivement que le recours à de tels dispositifs reste possible quand il est indispensable.

J’en viens à l’impact global des délocalisations sur le développement local : il est incontestable, même s’il n’est pas toujours facile à appréhender car multiforme par nature comme l’a bien expliqué Monsieur Fouche.

Les incidences favorables des délocalisations sur le secteur du BTP et les secteurs de sous-traitance sont relativement aisées à identifier, ainsi que, dans une moindre mesure, les « effets de revenus » et leurs retombées sur la consommation et l’activité économique locales ; il est, en revanche, plus délicat d’apprécier l’effet d’image de marque pour les collectivités concernées. Le nombre de collectivités territoriales candidates pour accueillir les organismes délocalisés laisse penser que l’apport à l’économie locale, le gain de notoriété et l’effet d’entraînement attendus sont importants et rarement démentis par les faits.

S’agissant de l’impact sur l’emploi local, le rapporteur a montré avec pertinence les retombées positives des délocalisations pour les sites d’accueil même si celles-ci peuvent être atténuées par les effets secondaires qu’il a relevés mais qui ne remettent cependant pas en cause l’existence d’un solde largement positif.

Des études menées par l’INSEE et de l’analyse de plusieurs délocalisations achevées, il ressort que l’activité marchande transférée est de l’ordre d’un million de francs, par emploi sur cinq ans ; pour trois emplois délocalisés, deux, sont induits sur place. Ces résultats sont bien sûr à prendre avec prudence, les travaux qui y ont conduit ne pouvant prétendre à l’exhaustivité. Mais je crois qu’ils reflètent bien l’intérêt des délocalisations pour le développement local.

Tous ces éléments positifs ne sauraient nous faire perdre de vue que des faiblesses sont apparues dans la mise en œuvre de la politique des délocalisations publiques.

Tant votre rapporteur que les orateurs qui ont pris part au débat, ont mis le doigt sur un certain nombre de dysfonctionnements qu’il nous faudra traiter pour garantir la pleine réussite de la politique des délocalisations publiques.

1. Une première série de problèmes concerne l’accompagnement social.

L’emploi des conjoints constitue – comme cela a été relevé au cours de votre débat – l’un des principaux obstacles auxquels sont confrontées les délocalisations. Trop nombreux sont les fonctionnaires qui ne peuvent obtenir leur mutation pour la nouvelle résidence de leur conjoint dont l’emploi a été délocalisé. Et ce, alors que les conjoints peuvent bénéficier du droit de priorité prévu par les articles 60 et 62 du statut général de la fonction publique en faveur des rapprochements de conjoints.

J’ai demandé à la mission des délocalisations publiques de réfléchir, avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique, aux moyens à mettre en œuvre pour parvenir à une meilleure application effective de ce droit de priorité.

De même, la mobilité des fonctionnaires se heurte actuellement à un certain nombre de pesanteurs et d’obstacles qui compliquent les délocalisations. J’en ai parfaitement conscience et c’est la raison pour laquelle j’ai, peu après ma prise de fonctions, demandé d’accélérer la mise en place du congé formation-mobilité. Le décret correspondant sera très prochainement publié. Il s’agit d’une première avancée, mais je suis d’accord avec différents intervenants pour penser qu’il nous faudra aller plus loin.

Je suis également tout à fait favorable au lancement d’une véritable bourse interministérielle des emplois qui me paraît être une bonne réponse au problème posé et j’ai demandé à la direction générale de l’administration et de la fonction publique de me faire rapidement des propositions en ce sens, en liaison avec la mission des délocalisations publiques. Ainsi, comme le souhaite votre projet d’avis, les fonctionnaires pourraient connaître plus facilement les organismes et les sites où ils seront susceptibles de poursuivre leur carrière tout en faisant parallèlement valoir leurs propres aspirations.

J’ajoute qu’il m’apparaît indispensable de promouvoir la mobilité entre les différentes fonctions publiques, qui est aujourd’hui insuffisante.

Il convient d’évoquer, en troisième lieu, la disparité de traitement, au regard de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales, des dispositifs d’indemnisation dont bénéficient les agents délocalisés. Je ne rentrerai pas dans le détail, faute de temps mais je puis, vous indiquer que j’ai demandé au président de la mission des délocalisations publiques de se rapprocher des administrations concernées pour remédier aux anomalies que nous constatons actuellement.

De même, je souhaite que soit rapidement étudiée une meilleure prise en compte de la dimension familiale dans les régimes d’indemnisation car, là encore, des différences existant actuellement d’une indemnité à l’autre ne sont pas justifiées.

Enfin, il y a incontestablement un effort important à faire s’agissant de la lisibilité d’ensemble et de la cohérence des dispositifs d’accompagnement social ; la « stratification » des dispositifs, leur opacité croissante rendent indispensable une refonte globale, objectif de moyen terme auquel la mission des délocalisations publiques va s’atteler.

2. Un second type d’insuffisances de la politique des délocalisations publiques a été identifié par votre assemblée : l’insuffisance de l’évaluation des opérations aujourd’hui achevées et les incertitudes qui en découlent quant au coût financier d’un emploi délocalisé.

Le montant moyen d’un million de francs, qui a été avancé m’apparaît tout à fait excessif. La situation est, en fait, très différente d’un organisme à l’autre selon son activité : on peut effectivement atteindre le million de francs par emploi délocalisé pour un emploi de recherche compte tenu des équipements lourds qui l’accompagnent, contre cent mille francs, voire moins, pour un emploi administratif « classique ». Je crois que l’estimation à quatre cent mille francs du coût moyen d’un emploi délocalisé ne doit pas être très éloignée de la réalité, si l’on a bien présent à l’esprit que ce chiffre comprend à la fois des dépenses d’investissement immobilier et l’octroi d’indemnités d’accompagnement social.

En tout état de cause, et cela permettra d’y voir plus clair comme le souhaite votre assemblée, une évaluation de la politique des délocalisations publiques s’impose.

En ce qui concerne le coût des délocalisations, une première étude a été réalisée par un cabinet indépendant sur trois organismes (CERTU : Centre d’étude sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques ; CNED : Centre national d’enseignement à distance ; VNF : Voies navigables de France). Une évaluation systématique du coût des délocalisations sera très prochainement lancée par la mission des délocalisations publiques, en coopération avec le ministère de l’économie et des finances. Des expertises indépendantes sont d’ores-et-déjà engagées ou vont être menées dans les domaines suivants : impact des délocalisations sur le développement local, efficacité de l’accompagnement social, retombées des délocalisations sur les organismes transférés.

Enfin j’ai souhaité que soit menée à bien par nos ambassades une expertise des politiques conduites en ce domaine par différents États de l’Union européenne afin de disposer d’éléments de comparaison.

J’attends de la mise en place des dispositifs d’évaluation de la politique des délocalisations publiques des réponses aux interrogations dont votre assemblée s’est fait l’écho. Je veillerai à ce que le Conseil économique et social soit tenu informé du résultat de ces investigations afin d’alimenter votre réflexion.

3. Un troisième type d’insuffisances a retenu l’attention de votre assemblée : le déficit de concertation qui a pu caractériser certaines délocalisations. J’ai entendu les observations formulées à cet égard par le rapporteur et différents intervenants ; ce sujet est pour moi essentiel, j’y reviendrai.

Comme vous l’aurez noté, il n’est pas dans mes intentions de faire abstraction, dans la gestion de ce dossier, des dysfonctionnements qui ont été relevés dans la mise en œuvre des délocalisations. Mais je rejoins votre rapporteur lorsqu’il écrit – je cite – que « la pertinence de principe de la politique des délocalisations n’est pas en cause ».

La politique des délocalisations publiques sera poursuivie. Vous comprendrez cependant aisément que, en charge de ce dossier depuis un peu plus de trois mois, je me réserve un droit d’inventaire des orientations prises lors du dernier CIADT d’Auch à la veille des élections législatives.

Poursuivre la politique des délocalisations publiques ne signifie pas qu’à la lumière du bilan d’étape, il ne faille la reformuler sur certains points.

Cette politique doit reposer sur un certain nombre de fondements clairement établis et sur une méthodologie adaptée.

Le Gouvernement entend appliquer plusieurs principes essentiels prenant en compte le fait que la politique des délocalisations publiques est à la croisée de l’aménagement du territoire et de la réforme de l’État.

1. En premier lieu, la politique des délocalisations publiques doit s’articuler étroitement avec la politique nationale d’aménagement du territoire : je suis convaincu qu’elle contribue et peut encore davantage contribuer à la dynamisation du tissu économique régional par ses effets induits sur le développement local. Aussi le Gouvernement veillera à ce que le choix des sites d’accueil d’activités publiques délocalisées s’effectue en parfaite cohérence avec le schéma national d’aménagement et de développement du territoire.

La vigilance s’impose également quant au risque de reproduction à l’échelle intra-régionale des déséquilibres qui existent entre Paris et la province : si, pour de nombreux organismes délocalisables, le choix d’une métropole régionale bien desservie par les transports s’impose, le desserrement d’autres activités publiques, actuellement implantées dans les grandes villes, vers les villes petites et moyennes est souhaitable.

C’est ce qu’il est convenu d’appeler les « délocalisations en cascade » que le projet d’avis appelle de ses vœux : j’y vois un instrument essentiel du maillage du territoire, dont la nécessité est aujourd’hui reconnue par tous.

2. La politique des délocalisations publiques doit également être en cohérence avec la réforme de l’État et participer de la volonté du Gouvernement de dynamiser et moderniser la gestion publique.

Même si j’entends bien me garder de tout a priori selon lequel tout organisme installé en région parisienne serait délocalisable, je suis convaincu que, pour beaucoup de services ou d’établissements, la délocalisation constitue une opportunité de développement et peut leur ouvrir de nouveaux horizons, en étant notamment l’occasion d’un recours accru aux nouvelles technologies et d’une redéfinition de leurs missions afin de mieux répondre aux aspirations des usagers.

J’ai bien entendu l’inquiétude exprimée par Roland Gaillard : il n’est pas dans mon intention de réserver aux délocalisations une part trop importante de l’effort consenti par l’État pour l’amélioration des conditions de travail de ses agents, tandis que les administrations et organismes amenés à demeurer à Paris bénéficieraient de la portion congrue. L’effort de modernisation doit concerner l’ensemble des services de l’État, quelle que soit leur implantation.

3. Enfin, la poursuite des délocalisations publiques doit s’accompagner de la réaffirmation du principe intangible du respect du volontariat des agents et de la mise en œuvre d’un dispositif d’accompagnement social efficace.

Ces principes étant posés, la politique des délocalisations, pour être comprise et acceptée, doit impérativement reposer, dans sa mise en œuvre, sur une méthode adaptée.

1. Pour réussir pleinement ses objectifs, la politique des délocalisations ne doit pas être menée « à la hussarde », mais reposer sur le dialogue avec l’ensemble des partenaires, tout particulièrement les responsables des organismes concernés et les personnels. Une concertation approfondie et intervenant suffisamment en amont avec les organisations syndicales, en particulier sur les mesures d’accompagnement social, et un effort d’explication sur les finalités de la délocalisation ainsi que sur les retombées favorables que peuvent en attendre les organismes, contribueront à dissiper les réticences éventuelles des personnels.

2. Second élément essentiel de méthode : la nécessité de définir une politique de « l’offre ». Le choix des organismes délocalisables ne peut se faire au gré des circonstances ; il doit être l’aboutissement d’un travail préparatoire piloté par les ministères concernés et fondé, si nécessaire, sur une expertise indépendante des atouts et des handicaps que la délocalisation comporte pour chaque organisme.

3. La même rigueur s’impose pour le choix des collectivités d’accueil, qui doit être le fruit d’une démarche de dialogue avec les élus locaux : comme le souligne le projet d’avis soumis à votre assemblée, la participation des collectivités locales au montage financier et immobilier de l’opération doit désormais être une condition indispensable de la réalisation des délocalisations publiques et s’inscrire dans le cadre d’une convention de localisation.

Il est indispensable, en outre de faire prévaloir une rationalité des implantations et, à ce titre, de privilégier la recherche de synergies. À cette fin, la constitution, ou le renforcement, de pôles de compétences publiques devra être poursuivi (exemples : pôles transports et sécurité à Lyon, aéronautique et espace à Toulouse, affaires étrangères à Nantes, sciences de l’éducation à Poitiers…). Le regroupement dans les métropoles régionales d’organismes ayant des complémentarités reconnues sera, à n’en pas douter, un atout pour notre pays dans la perspective d’un aménagement du territoire européen qui devient une réalité.

Telles sont, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, les observations et informations dont je souhaitais vous faire part à l’issue de ce débat.

Le projet d’avis qui vous a été présenté tout à l’heure conclut à la nécessité d’intégrer la politique des délocalisations publiques dans le cadre d’une « stratégie globale et cohérente de reconquête et de développement du territoire ».

J’y souscris totalement. Ce serait une grave erreur que d’isoler cette politique du contexte des déséquilibres territoriaux que connaît notre pays et qui ont justifié, au départ, sa mise en œuvre.

Ce serait une non moins grave erreur que d’agir dans la précipitation, sans tenir compte de la situation spécifique de chaque organisme et de son personnel.

Prenons le temps d’étudier, d’évaluer et de dialoguer. C’est à ce prix que la politique des délocalisations publiques tiendra ses promesses.

Je vous remercie de votre attention.