Texte intégral
P. Caloni : Est-ce que finalement, le projet de révision de la Constitution permet au RPR et à l'UDF de se rapprocher ?
M. Noir : Il y a sur le fond du dossier, cette étape nouvelle de la construction européenne, un accord très large au sein de l'opposition. Il y a des divergences tactiques, formelles, juridiques c'est vrai. C’est sur les aménagements qu'il faut apporter les précautions, les garanties à prendre pour la première étape de cette affaire Maastricht. La partie où il faut modifier nos règles constitutionnelles pour que le Traité soit acceptable. Ces divergences sont mineures par rapport à l'accord de fond, ce "oui" à Maastricht, qui me paraît être de loin le plus important pour les intérêts français.
P. Caloni : Comment jugez-vous ceux qui rejettent ce Traité, comme Séguin ou Chevènement ?
M. Noir : Il y a toujours des nostalgiques de ce que j'appelle "La Ligne Maginot". C'est une sorte de mauvais débat, en indiquant "il faut avoir peur". Or depuis quarante ans, la construction européenne a véritablement aidé la France et les autres pays à se développer, à changer les mentalités.
P. Caloni : Comment allez-vous vous positionner sur certains amendements, notamment le rôle du Parlement européen ?
M. Noir : Il est curieux que l'on découvre seulement maintenant que le Parlement pourrait jouer un rôle plus important dans le contrôle du gouvernement, lorsque celui-ci se prépare à aller négocier à Bruxelles. En Angleterre, au Danemark, il passe d'abord devant le Parlement, avant d'aller négocier sur une position de l'État national, par rapport aux autres partenaires européens. On découvre aussi que le Parlement doit jouer un rôle plus important et préalablement à une position gouvernementale. C'est bien. Je souhaiterais qu'il y ait création d'une véritable commission des affaires européennes, qui ait une capacité à faire ce travail préalable du Parlement français. D'une façon générale, je souhaiterais que le Parlement français travaille bien mieux qu'il ne le fait aujourd'hui. Travailler 75 heures par semaine sur six mois de l'année, c'est certainement moins efficace que de travailler 40 heures par semaine seulement et sur dix mois, comme le font la plupart des grands parlements européens.
P. Caloni : Le vote des étrangers européens aux élections locales, vous êtes contre ou d'accord ?
M. Noir : La position doit être favorable à l'idée qu'un Italien, un Allemand, un Anglais qui habite Lyon depuis au moins cinq ans, la durée du séjour qui démontre une intention de s'y installer définitivement, qui vit ici depuis des années, qui vote aux élections professionnelles dans son entreprise, aux élections des parents d'élèves, dont les enfants vont à l'école ici, il n'est donc pas choquant que demain, habitant cette ville ou une autre, il puisse voter pour les élections municipales. Le Traité dit bien qu'il y aura des restrictions en matière d'éligibilité, des restrictions pour les maires. Il n'y aura pas un maire de Lyon ou Strasbourg italien ou allemand ; mais sur le plan du principe du vote, je trouve que c'est normal. Il ne s'agit pas demain de faire voter les Maghrébins pour faire pièce à cet argument que le Front national essaye implicitement de faire apparaître comme risque dramatique pour la France. Il s'agit de faire voter des gens qui pour la plupart votent déjà.
P. Caloni : Le gouvernement affirme sa détermination contre le chômage de longue durée, vous approuvez, vous y croyez ?
M. Noir : Ça fait partie de tous ces placebos et de toute cette politique qui, en matière économique et sociale, n'est pas bonne. On peut être critique sur la politique économique et sociale conduite par le gouvernement.
P. Caloni : Y compris par ce nouveau gouvernement ?
M. Noir : Oui, car on ne voit pas du tout se dessiner d'infléchissements de la politique de la part de P. Bérégovoy. Il était le grand argentier avant, donc il n'y a pas de raison que ça change. Il y a deux points qui sont manifestes : en matière d'emploi, c'est un échec et un échec douloureux pour tout le monde et qui s'accentue. Les chiffres hélas, nous rapprochent de ces trois millions de chômeurs. Ensuite, en matière de gestion et de finances publiques, c'est vraiment le cheminement vers l'endettement de plus en plus fort et donc une marge de manœuvre de moins en moins grande pour le gouvernement français. Quand on songe que nous allons utiliser des recettes de privatisations de ce qu'on vend définitivement, pour faire les fins de mois en matière de lutte contre le chômage, que cet argent une fois dépensé ne sera plus disponible, c'est dire vraiment combien nous marchons sur la tête en matière de gestion économique.
P. Caloni : Pour vous, la lutte contre le chômage ne mérite pas certaines privatisations et même un certain déficit budgétaire ?
M. Noir : La lutte contre le chômage ne s'alimente pas par une recette qui n'est pas une recette permanente. Alimenter le chômage par une recette de la vente d'une partie des actifs, c'est dire que demain je ne serais pas capable de financer cette lutte contre le chômage. Il y a là une grande erreur. Nous avions fait des propositions en disant : nos grandes villes ont un immense besoin d'augmentation des réseaux de transports en commun, augmentons-les. Ce sont des investissements considérables. Il faut passer de 4 milliards de francs de dépenses dans ce domaine à 10 milliards de travaux par an. Ça serait plus sain et ça donnerait du travail.