Texte intégral
J.-P. Elkabbach : Demandez-vous ce matin à tout le RPR de voter contre la révision de la Constitution ?
P. Séguin : Ceux qui ont voté en faveur de l’exception d'irrecevabilité et qui ont donc déclaré que le texte était inconstitutionnel, confirmeront leur vote, ce sera mon cas. Quant aux autres, je pense qu'ils auront à se déterminer en fonction des réponses qu'a apporté le gouvernement aux conditions qu'ils ont posées; à cet égard, le bilan est plutôt maigre. La seule concession qu'ils ont obtenue, c'est l'introduction dans la Constitution, le fait que le français soit la langue officielle de la France, ce qui ne me paraît pas une avancée très décisive. Je souhaiterais que nous puissions reconstituer l'unité de notre groupe sur cette position, même si elle est fondée sur des approches différentes. Ceux qui pensent que le traité globalement est mauvais et ceux qui pensent que le traité est amendable, mais qui constatent que les précisions qu'ils avaient demandées ne sont pas données.
J.-P. Elkabbach : Pour vous, ce traité ne s'amende pas.
P. Séguin : Il est à prendre ou à laisser. Sur ce point, je ne suis d'ailleurs pas loin d'être d'accord avec le Président de la République et le Premier ministre.
J.-P. Elkabbach : Souhaitez-vous que C. Pasqua au Sénat agisse à son tour comme vous ?
P. Séguin : De toute façon, je crois que c'est son intention. Le RPR ne sera pas seul à conduire ce combat, en particulier, sur un des grands problèmes qui n'a pas reçu solution, celui du droit de vote des étrangers.
J.-P. Elkabbach : Quelle solution attendez-vous ?
P. Séguin : La dérogation telle qu'elle est prévue dans le traité de Maastricht, à savoir que la France n'appliquera pas en matière d'élections municipales le droit de vote des étrangers.
J.-P. Elkabbach : Dans le cas d'un referendum de ratification, feriez-vous campagne en faveur du "non" ?
P. Séguin : On n'en est pas encore là. Il y a deux débats successifs : d'une part, un débat sur l'acceptation des conséquences constitutionnelles de la France de Maastricht et d'autre part un débat de ratification. En ce qui concerne la révision constitutionnelle, quelle que soit la réponse qu'on s'apprête à donner aux problèmes de ratification, il y a un certain nombre de problèmes très concrets à régler. Ces problèmes ne sont pas en voie de règlement ; il se pourrait que même s'il ne l'a pas souhaité, le Président de la République soit obligé d'organiser un référendum sur la révision constitutionnelle.
J.-P. Elkabbach : Vous avez révélé ou accéléré une crise ou un malaise au sein du RPR, et même à affaiblir le chef bien aimé J. Chirac, comment peut-il surmonter ce malaise ?
P. Séguin : Je ne suis pas d'accord avec votre diagnostic. Nous avons simplement donné l'image d'un grand mouvement politique moderne, qui sait organiser le débat en son sein et reconnaître la diversité des opinions. Je suis beaucoup plus fier du RPR dans ces circonstances, que d'autres pourraient l'être du PS qui à l'inverse a interdit de parole J.-P. Chevènement. Le RPR a bien servi le débat démocratique. Rien ne m'a fait autant plaisir que de lire et d'entendre que nous avions contribué à rendre sa dignité à l'institution parlementaire et peut-être même au débat politique.
J.-P. Elkabbach : Comment J. Chirac peut-il reprendre en main son mouvement ?
P. Séguin : Je ne pense pas qu'il ait à reprendre en main son mouvement. Il a à fédérer les opinions des uns et des autres et parce qu'il est candidat à l'élection présidentielle, tenter de fédérer les opinions des uns et des autres au sein de l'opposition.
J.-P. Elkabbach : P. Bérégovoy a dit à l'HDV qu'être contre Maastricht, c'est être anti-Européen.
P. Séguin : Je regrette que trop souvent le débat s'égare sur le terrain de la polémique ou le terrain de l'incantation. Cet argument de M. Bérégovoy est aux limites de l'argument mensonger. Je crains que ce soit mentir que d'annoncer la dislocation de l'Europe en cas de non ratification de Maastricht. Pratiquement, si Maastricht n'est pas ratifié, dès le premier janvier, nous mettrons comme prévu en œuvre l'ensemble du contenu de l'Acte Unique et les chefs d'État et de gouvernement auront à remettre l'ouvrage sur le métier. L'Europe que P. Bérégovoy nous propose est une Europe ringarde ; elle ne prend pas en considération les bouleversements qui sont intervenus ces dernières années en Europe centrale et orientale.
J.-P. Elkabbach : Il y a l'annonce d'un accord sur les primaires. Un tel accord est-il crédible pour vous ?
P. Séguin : Tout ce qui va dans le sens de l'unicité de candidature est bon pour l'opposition.
J.-P. Elkabbach : En ce qui concerne le mandat du Président de la République, vous êtes pour sept ans une fois ou cinq ans renouvelable ?
P. Séguin : Je suis pour deux fois cinq ans.