Interview de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes dans "Les Européens" le 22 septembre 1997, déclaration et conférence de presse le 23, sur la préparation du sommet du Conseil de l'Europe, sur les compétences et la coopération du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne et de l'OSCE.

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Circonstance : Intervention de M. Moscovici devant la Parlement européen et devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à Strasbourg le 23 septembre 1997

Média : Les Européens

Texte intégral

Date : 22 septembre 1997
Source : Les Européens

Les Européens : Sous la présidence de M. Jacques Chirac, les 40 chefs d’État at de gouvernement du Conseil de l’Europe se réuniront à Strasbourg les 10 et 11 octobre prochains. Quelles sont vos attentes concrètes de ce Sommet, tant pour l’organisation elle-même que pour le pays hôte que vous représentez ?

Pierre Moscovici : Le deuxième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, qui aura lieu à Strasbourg les 10 et 11 octobre prochains, sera pour les 40 pays membres de cette organisation, augmentés des 4 pays actuellement candidats avec le statut d’invités spéciaux, l’occasion de tenir une « réunion de famille ». Tous les chefs d’État et de gouvernement y sont attendus et la plupart d’entre eux ont d’ores et déjà confirmé leur participation, notamment, M. Eltsine, M. Kohl, M. Prodi, M. Aznar, M. Havel. Comme vous le savez, la France en assure la présidence. Le Sommet sera donc ouvert par le Président de la République, M. Jacques Chirac, et c’est le Premier ministre, M. Lionel Jospin qui le conclura.

En même temps qu’il témoignera du rassemblement des Européens autour des valeurs de démocratie et de respect des Droits de l’Homme, le Sommet de Strasbourg marquera une étape importante dans l’évolution du Conseil de l’Europe. De même que celui de Vienne avait été le Sommet de l’élargissement, celui de Strasbourg sera celui de l’adaptation de l‘organisation strasbourgeoise au nouveau contexte européen résultant précisément de l’intégration des « nouvelles démocraties » à l’Europe. Il sera l’occasion d’esquisser une meilleure prise en compte des évolutions que connaissent nos sociétés, qu’il s’agisse des nouveaux Droits de l’Homme, – les droits sociaux notamment –, ou des nouveaux risques liés en particulier à la criminalité organisée, à la corruption, au trafic de stupéfiants. Le thème de la cohésion sociale figure aussi à l’ordre du jour. C’est une de nos préoccupations majeures et nous souhaitons qu’elle soit mieux prise en compte par tous nos partenaires. Le Conseil de l’Europe doit retrouver une « seconde jeunesse » au moment où il fêtera son demi-siècle d’existence. Ainsi, des inflexions sensibles dans ses priorités, ses méthodes et ses structures devraient être données à cette occasion. Un travail d’adaptation en profondeur sera entrepris.

Pour le pays hôte, la France, le fait que le Conseil de l’Europe, créé il y a 48 ans, tienne son deuxième Sommet à Strasbourg, dans la ville où il est né, et sous notre présidence nous conduit naturellement à souhaiter que cette manifestation soit un grand succès. Un succès pour la France, bien sûr, mais surtout un succès pour l’Europe et pour le Conseil de l’Europe dont l’image devrait sortir renforcée aux yeux des opinions publiques européennes. Ce Sommet devrait donner une impulsion nouvelle à une institution déjà ancienne, enracinée dans une certaine tradition (celle des Droits de l’Homme), pour qu’elle affronte – avec l’aide des démocraties modernes – les « nouveaux défis » du XXIe siècle.

Les Européens : Croyez-vous que le Conseil de l’Europe est suffisamment présent dans l‘esprit des dirigeants politiques, lorsqu’ils prennent des décisions concernant la construction européenne ? Ces dirigeants ont-ils le « réflexe Conseil de l’Europe » comme ils l'ont de plus en plus pour d’autres organisations.

Pierre Moscovici : Oui, sans nul doute, ce réflexe « Conseil de l’Europe » est présent dans tous les esprits des dirigeants de l’Union européenne. Le Conseil de l’Europe est une institution ancienne, qui a fait ses preuves et qui poursuit des objectifs précis au service de la paix, de la stabilité du continent et de la démocratie.

Elle a joué parfaitement son rôle, notamment en ouvrant très rapidement ses portes aux pays d’Europe centrale et orientale, confortant ainsi la mise en place de nouvelles démocraties. Et c’est bien là, le domaine d’excellence du Conseil de l’Europe : la démocratie et son corollaire, les Droits de l’Homme.

À cet égard, pour les pays qui ont vocation à entrer un jour dans l’Union européenne, le Conseil de l’Europe a joué un rôle de préparation à l’adhésion puisque le respect des principes démocratiques et des Droits de l’Homme est un des critères sur la base desquels le Conseil de l’Union européenne établira le calendrier des futurs élargissements. Dans ce domaine, les deux institutions fonctionnent de manière étroitement coordonnée, le Conseil de l’Europe mettant en œuvre des programmes sur financement communautaire.

Les Européens : La France a proposé la tenue d’une « Conférence européenne » destinée à permettre la gestion collective des relations entre l’Union européenne et les pays candidats à l’élargissement. Ne pourrait-on pas utiliser à cette fin le Conseil de l’Europe qui, par ses travaux, prépare déjà ces pays à leur adhésion à l‘Union ?

Pierre Moscovici : Non, je ne pense pas. Le Conseil de l’Europe est une institution ancienne qui a été créée dans un but précis ; il doit poursuivre sa tâche, en se concentrant sur ses domaines d’excellence et ceci avec l’ensemble de ses 40 membres.

Dans cet esprit, le Conseil de l’Europe doit poursuivre le travail entrepris avec l’élaboration de conventions et la définition de mécanismes de suivi.

La Conférence européenne répond quant à elle à un objectif bien particulier, temporaire et clairement délimité. Son champ géographique est plus restreint que celui du Conseil de l’Europe, et sa finalité sera opérationnelle. Elle ne doit couvrir que l’Union et les États candidats à l’adhésion et se concentrer sur la préparation à l’adhésion. Elle n’a donc pas vocation à devenir une organisation structurée et ne saurait faire, d’ailleurs, la moindre concurrence au Conseil de l’Europe.

Les Européens : Quelles mesures concrètes proposez-vous pour renforcer la collaboration entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe ? Estimez-vous que les deux constitutions pourraient développer ensemble un vaste programme d’assistance aux pays d’Europe centrale et orientale ?

Pierre Moscovici : La 10e réunion quadripartite Conseil de l’Europe/Union européenne qui s’est tenue le 15 septembre a démontré la volonté de chacune des deux institutions de poursuivre et approfondir leur coopération.

Un certain nombre de programmes conjoints dont la Russie, !’Ukraine, les Pays baltes, la Moldavie et l’Albanie sont les principaux pays bénéficiaires existent déjà et sont dotés d’une contribution communautaire non négligeable évaluée à 10 mécus.

La question d’une plus grande coordination entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne dans les situations de tension a également été abordée. L’étroite coopération qui s’est instaurée entre eux sur le dossier de Belarus a une valeur d’exemple.

La possibilité d’une contribution de l’Union européenne à la mise en œuvre du plan d’action du deuxième Sommet des chefs d’État et de gouvernement en ce qui concerne les aspects sociaux, la protection des jeunes contre la toxicomanie et l’aide à la démocratisation a aussi été explorée.

Un effort devra être fait pour alléger les procédures d’élaboration et de gestion des programmes conjoints. Au niveau technique, la coopération gagnerait à être mieux institutionnalisée pour éviter les pertes en ligne et les doubles-emplois.

Les Européens : Quelle est à votre avis la mission du Conseil de l’Europe par rapport à celle de l’OSCE ? La France soutient-elle le concept selon lequel l’OSCE est responsable de la prévention des conflits alors que le Conseil est la structure politique de coopération de tous les pays du continent européen, comme I’a affirmé le Sommet de Vienne ?

Pierre Moscovici : Le fait que la prévention des conflits soit une dimension essentielle de l‘action de l’OSCE ne signifie pas que cette organisation doive être l’unique acteur en matière de diplomatie préventive. Le Conseil de l’Europe, par l’action de long terme qu’il mène en faveur de la promotion des Droits de l’Homme et de l’État de droit dans les nouvelles démocraties, joue de ce fait également un rôle dans ce domaine. La seule garantie réelle d’une absence de conflits est la démocratisation des États et l’enracinement d’une culture démocratique dans les esprits. La contribution du Conseil de l’Europe à la prévention des conflits est donc fondamentale, même si elle ne s’exprime pas de façon directe et toujours visible. Son expertise juridique et constitutionnelle, ses programmes d’assistance à la démocratisation et aux institutions chargées des Droits de l’Homme, ses actions de formation et de mise à niveau des systèmes judiciaires et administratifs constituent des instruments irremplaçables et appréciés des pays bénéficiaires. En même temps, le Conseil de l’Europe est une enceinte spécifiquement européenne, tout en étant ouverte à des observateurs non européens, et une structure de dialogue politique unique pour la coopération intergouvernementale entre tous les États du continent. II y a donc tout lieu d’encourager une coopération étroite entre I’OSCE et le Conseil de l’Europe dans les actions liées à ce qu’il est convenu de regrouper sous le vocable de « stabilité démocratique du continent ». Des progrès très sensibles ont été faits ces trois dernières années, et nous avons des raisons de penser que ce mouvement ira en s’accentuant. C’est en tous cas la voie que nous privilégions.

Les Européens : L’Assemblée parlementaire est de plus en plus présente sur le terrain dans les pays d’Europe centrale et orientale (observation d’élections, suivi des engagements, activités de coopération parlementaire...). Ses nombreuses initiatives dans la recherche d’une solution à la crise en Albanie en sont un exemple. Soutenez-vous cette démarche qui conjugue le débat parlementaire à Strasbourg avec l’aide concrète sur le terrain ?

Pierre Moscovici : Avec le Comité des ministres, la France soutient les initiatives de I’APCE visant à conjuguer les débats parlementaires avec une action sur le terrain, en particulier lors d’une crise comme celle qu’il a secoué l’Albanie. En effet, il importe que l’Assemblée s’informe directement de l’évolution de la situation, qu’elle coopère étroitement avec les autres organisations internationales présentes et que, en assurant la visibilité politique locale et l’institution de Strasbourg, elle mène un dialogue constructif avec les autorités concernées et les parlementaires nationaux pour assurer le respect des normes d’appartenance au Conseil de l’Europe. L’échange d’informations avec le Comité des ministres et, sur place, avec les ambassades, constitue également l’expression de l’appui des États aux activités de l’Assemblée dans ce domaine.


Date : 23 septembre 1997
Source : Conférence de presse

Mesdames et Messieurs,

Dans quelques minutes, en qualité de représentant de la présidence française du Conseil de l’Europe, je vais m’adresser à l’Assemblée parlementaire de ce Conseil. J’ai eu l’occasion, au début de ce mois, de rencontrer sa présidente, Mme Leni Fischer, ainsi que de participer à une réunion de sa Commission des affaires politiques ou encore au Comité préparatoire du sommet des 10 et 11 octobre prochains. Mais, c’est la première fois, compte tenu des circonstances un peu exceptionnelles – le changement de gouvernement en France – que j’engagerai le débat avec l’Assemblée parlementaire. Je le dis de façon un peu solennelle parce que pour tout responsable politique et particulièrement français – puisqu’après tout, la France est le pays-hôte de l’organisation – c’est un moment très spécial. L’Assemblée parlementaire, on l’oublie trop souvent, est la plus ancienne des institutions démocratiques européennes. Et elle a été capable de se transformer à un moment crucial pour l’Europe, en une enceinte démocratique à l’échelle du continent tout entier. Je tiens à le rappeler, elle est la seule à conserver ce caractère de rassemblement du continent tout entier.

C’est d’ailleurs l‘adaptation à cette transformation de l‘ensemble de l’organisation qui a justifié le soutien de la France à la proposition de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de tenir un deuxième Sommet des chefs d’État et de gouvernement. Ce deuxième Sommet, qui aura lieu les 10 et 11 octobre, est ainsi un événement important. Ce sera la première fois, à ce niveau – celui des chefs d’État et de gouvernement – que les 40 pays membres du Conseil de l’Europe auront l’occasion de tenir une sorte de « réunion de famille » qui témoignera du rassemblement des Européens – de tous les Européens – autour des valeurs de démocratie et de respect des Droits de l’Homme. Tous les chefs d’État et de gouvernement au jour où je vous parle sont attendus à Strasbourg. La plupart d’entre eux ont déjà confirmé leur participation, notamment M. Eltsine, M. Kohl, M. Prodi, M. Aznar, M. Havel et probablement le Premier ministre, Tony Blair.

Comme vous le savez, la France assure la présidence de ce Conseil de l’Europe pendant ce semestre. Le Sommet sera donc ouvert par le Président de la République, Jacques Chirac, et c’est le Premier ministre, Lionel Jospin qui le conclura.

Le Sommet de Strasbourg marquera une étape importante dans l’évolution du Conseil de l’Europe. Celui de Vienne, le premier Sommet, avait été le sommet de l’élargissement. Celui de Strasbourg sera celui de l‘adaptation de l’organisation strasbourgeoise au nouveau contexte européen qui résulte précisément de l’intégration des nouvelles démocraties à l’Europe.

J’ai la conviction que ce Sommet sera l’occasion d’esquisser une meilleure prise en compte des évolutions que connaissent nos sociétés, qu’il s’agisse des nouveaux Droits de l’Homme et cela, c’est la mission traditionnelle du Conseil de l’Europe – je pense, pour ce qui concerne les nouveaux Droits de l’Homme, aux droits sociaux notamment –, qu’il s’agisse aussi des nouveaux risques liés, en particulier, à la criminalité organisée, à la corruption, ou encore au trafic de stupéfiants. J’y insiste beaucoup, le thème de la cohésion sociale figure aussi à l’ordre du jour de nos travaux, c’est une de nos préoccupations majeures. Nous souhaitons qu’elle soit mieux prise en compte par tous nos partenaires. Nous voudrions en tant que présidence française, que ce Sommet se concentre sur ces questions, et non pas qu’il s’éparpille purée que ce sont des questions concrètes qui intéressent l’ensemble des délégations, qui sont de nature à répondre aussi à l‘ensemble des citoyens de toute l’Europe.

Nous visons donc des résultats pratiques au cours de ce Sommet et c’est la raison pour laquelle, durant cette réunion des 10 et 11 octobre, nous adopterons un plan d’action sur lequel les États s’engageront et qui devra être mis en œuvre dans les années qui viennent. Je crois que c’est la seule façon pour que les peuples se sentent concernés et que le Conseil de l’Europe, qui a parfois la sensation injuste de ne pas trouver sa place parmi le concert des institutions européennes qui se multiplient, retrouve une « seconde jeunesse », ce qui, après tout, est tout à fait possible quand on a 50 ans – j’allais dire seulement 50 ans.

Pour le pays-hôte, la France, le fait que le Conseil de l’Europe, qui a été cité il y a 48 ans, tienne son deuxième sommet à Strasbourg, justement dans la ville où il est né, dans la ville où il a son siège, et sous notre présidence, tout cela n’étant peut-être pas au complètement au hasard, nous conduit naturellement à souhaiter que cette manifestation soit un succès – et un très grand succès. J’ai la conviction que ce sera un succès pour la France, bien sûr, mais aussi un succès pour l’Europe, un grand succès pour le Conseil de l’Europe, dont l’autorité, je n’en ai pas de doute, sera renforcée aux yeux des opinions publiques européennes.

Question : Monsieur le ministre, je voudrais savoir l’attitude de la France vis-à-vis de la convention-cadre sur les minorités. Je vous pose cette question parce que la Bulgarie se trouve parmi les pays comme la France qui n’ont pas encore signe cette convention.

Réponse : C’est une attitude, je ne vous le cache pas, réservée parce que la notion de minorité nous posé un certain nombre de problèmes juridiques. C’est une notion qui est étrangère à nos principes juridiques fondamentaux. En France aux droits collectifs et spécifiques en faveur des minorités, nous opposons les libertés garanties à tout citoyen. Et au concept d’autonomie territoriale, nous préférons la notion de décentralisation. Cela est lié au fait que chez nous, la République est une, laïque et indivisible. Et cela fait que nous ne sommes pas familiers avec ce concept de minorité. De plus, j’ajoute que la convention-cadre contient des dispositions inconciliables avec notre Constitution. J’ai mentionné le caractère indivisible de la République, je mentionne aussi le fait que c’est une notion récente, c’est une réforme récente, la langue de la République est le français, donc uniquement le français. Ceci fait que le Conseil d’État, qui est chez nous le juge administratif suprême, a émis un avis négatif le 6 juillet 1995. Et nous ne sommes donc pas en mesure tout simplement, compte-tenu de ce qu’est notre Constitution, de signer la Convention.

Mais nous convenons cependant de l’intérêt de ce document, d’ailleurs nous y avons contribué activement, nous convenons de son intérêt dans les pays dans lesquels ces problèmes se posent avec acuité, les problèmes de minorités nationales ; ce qui n’est pas le cas de la France.

Pour ce qui concerne la signature et la ratification de la Charte des langues régionales ou minoritaires, nous avons cherché une solution d’ordre juridique et constitutionnel car là, il n’y avait pas d’obstacle de principe politique. Mais nous ne l’avons pas trouvée au jour où je vous parle puisque cela exigerait encore une modification de notre Constitution. Je rappelle ce que j’ai dit sur le fait que, pour nous, la langue de la République est le français, c’est une réforme constitutionnelle qui a été prise il y a peu de temps, il y a, je crois, deux ans. Les modalités de réforme constitutionnelle en France sont très difficiles, elles exigent la réunion du Congrès, c’est-à-dire les deux assemblées réunies, le vote à la majorité qualifiée.

Question : Monsieur le ministre, vous avez invité - la France a invité - au Sommet les chefs de gouvernement et les chefs d’État des 40 pays membres du Conseil de l’Europe. Elle a invité aussi des invités spéciaux, comme l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, mais il y a encore quelques pays européens et nous ne savons pas si la France les a invités, comme par exemple le Bélarus, M. Lukachenko. Et si ce n’est pas le cas, pouvez-vous nous donner les raisons de non invitation de M. Lukachenko ?

Réponse : La situation est bien connue et elle ne présente pas de caractère définitif mais il faut l’analyser au moment où nous parlons. Le Conseil de l’Europe a suspendu le statut d’invité spécial du Bélarus, compte tenu de la situation qui règne dans ce pays. Les contacts menés conjointement par l‘Union et le Conseil de l’Europe au sein d’un groupe se poursuivent mais là, je parle en tant que ministre ayant participé au Conseil affaires générales de l‘Union européenne la semaine dernière, ils ne paraissent pas avoir connu à ce jour un grand succès. Et voilà la raison pour laquelle, très probablement, le Bélarus sera le seul pays qui ne sera pas représenté ici, on peut le regretter, mais c’est dû à la situation qui y préside. J’ajoute une chose, c’est qu’il faut poser les problèmes correctement. Je ne vous reproche pas de ne pas le faire. Ce n’est pas la France qui invite, ce n’est pas la France seule qui invite. C’est le Conseil de l’Europe et la liste des invites a été arrêtée à 40. II y a donc un consensus large pour que cette situation soit traitée de la sorte.

Question : Et la Yougoslavie ?

Réponse : La situation est un peu différente. II y a certains pays de l’ex-Yougoslavie qui sont adhérents, d’autres qui sont sur le point d’adhérer et dont les candidatures sont examinées avec bienveillance, cela n’a pas exactement le même sens, ne le cachons pas.

Question : Monsieur le ministre, vous venez de parler de l’adaptation de l’institution. Alors, est-ce que dans le cadre du Sommet, on peut penser qu’il y aura également des propositions ou des réflexions françaises en matière de budget concernant justement l’institution ?

Réponse : C’est difficile pour tout le monde en ce moment. Alors quand je parle d’adaptation, ce n’est pas non plus un vocabulaire utilisé tout à fait par hasard. L’adaptation aux contraintes budgétaires dans une période ou l’augmentation des budgets publics n’est pas à l’ordre du jour fait partie de l’adaptation que j’évoquais. Vous aurez compris que très vraisemblablement il n’y aurait pas d’expansion très forte du budget du Conseil de l’Europe, mais on peut faire beaucoup de choses avec le budget actuel, on peut faire mieux. Et quand je parlais d’adaptation, c’est se recentrer sur ses missions et pour moi la mission essentielle du Conseil de l’Europe, pour moi en tant que ministre, c’est d’abord l’aide aux nouvelles démocraties. C’est dans le savoir-faire démocratique qu’il y a là quelque chose d’irremplaçable, c’est ce qu’il faut développer et non pas chercher à étendre à peu près toutes les missions de Conseil de l’Europe dans un contexte où il y a effectivement de plus en plus d’institutions où on est amené à parler d’Europe, y compris avec des pays qui viennent de l’Europe centrale et orientale.

Question : Monsieur le ministre, vous êtes bien placé pour pouvoir expliquer au grand public tchèque une certaine différence entre le Conseil de l’Europe et l‘Union européenne parce que le gouvernement de coalition à Prague considère le Conseil de l’Europe assez publiquement comme une organisation européenne de 2e ou de 3e classe, tandis qu’il faut consacrer tous les efforts à l’adhésion de la République tchèque à l’OTAN et à l‘Union européenne. Comment pouvez-vous expliquer qu’il pourrait être important pour la République tchèque de participer aussi aux activités du Conseil de l’Europe ?

Réponse : Je ne place pas ces institutions selon un ordre hiérarchique. Elles n’en ont pas, elles ont des missions différentes, des genres différents. L’une est consacrée, bien sûr., on le sait, à tout ce qui est économique, social au premier chef, mais maintenant aussi, aux questions de sécurité, aux questions de politique intérieure, aux questions de politique étrangère. Le Conseil de l’Europe a encore une fois un rôle irremplaçable notamment en matière de coopération intergouvernementale dans tout ce qui concerne les domaines dont nous venons de parler : la culture, les Droits de l’Homme, demain la cohésion sociale. Je signale quand même que la République tchèque est pour l’heure membre du Conseil de l’Europe, qu’elle n’est pas encore membre de l‘Union européenne, même si, on le sait, sa candidature fera sans doute partie des premières examinées. J’aurai l‘occasion de parler de tout cela en République Tchèque même puisque je m’y rendrai à la fin octobre.

Question : Tenant compte du fait que, dans la dernière réunion quadripartite à Bruxelles, vous avez porte comme d’habitude deux chapeaux, celui de président du Comité des ministres du Conseil de l’Europe et celui du ministre français de la Coopération européenne, ma question se réfère à d’autres élargissements qui sont en cours en Europe et qui ont été aussi abordés par cette réunion. Concrètement, pensez-vous que le président Chirac va soutenir la candidature roumaine à l’Union européenne ou que cet engagement va être annulé par l’idée qu’il doit y avoir une réforme des institutions communautaires, et en conséquence un élargissement ? II y a incompatibilité ou non ? Cette priorité concernant la réforme annule-t-elle aussi la présélection qui a déjà été faite par Bruxelles ?

Réponse : Vous m’amèneriez trop loin à parler de l‘ensemble de notre problématique sur l’élargissement. Je vais me concentrer sur la Roumanie. La Roumanie est un pays auquel la France est particulièrement attachée. J’y ajoute moi-même, puisque je suis d’origine roumaine, très directement. Mais cela, c’est un aspect très anecdotique. La Roumanie est un pays francophone, c’est un pays francophile, c’est un pays qui est attaché à la culture française et donc, nous soutenons vivement les efforts de la Roumanie pour pouvoir adhérer à l’Union européenne. C’est clair et nous souhaitons que cela se passe le plus vite possible. En même temps, la Roumanie s’inscrit dans une problématique générale. Quelle est cette problématique ? C’est d’abord que tous les pays candidats, je dis bien tous, les 11 plus la Turquie, doivent pouvoir être sur la même ligne de départ dans ce que nous appelons une conférence européenne. Conférence qui sera appelée à discuter de tous les sujets. Des questions du 2e et 3e piliers mais aussi des questions de 1er pilier, des questions de politique étrangère et de sécurité mais aussi des questions de politique économique et, bien entendu, la place de la Roumanie est là.

Deuxième principe, c’est que, bien sûr, il y a une différenciation. J’ai rencontré les dirigeants roumains, qu’ils soient des dirigeants, des ambassadeurs, des ministres ou, par exemple, le président du Sénat, M. Roman. Tous m’ont dit : « la Roumanie n’est pas prête à supporter le choc en premier ». Il nous faut une période d’adaptation. Nous souhaitons que cette période d’adaptation soit la plus brève possible et que la Roumanie puisse ensuite très rapidement rejoindre les premiers pays qui feront l‘objet de véritables négociations d’adhésion, dont certainement sera la République tchèque puisque c’est comme cela que le propose la Commission. Donc, il y a la conférence pour tout le monde, il y a la différenciation pour quelques pays, et puis il y a le fait que les efforts doivent pouvoir être récompensés et que ceux qui vont vite, ceux qui marchent bien, doivent pouvoir aller assez vite rejoindre le peloton des premiers pays.

Quant à notre préalable institutionnel, qu’on le comprenne bien, je le dis pour le représentant de la presse roumaine que vous êtes, mais aussi pour d’autres, cela ne signifie pas que nous sommes opposés à l’élargissement. La France est favorable à l’élargissement sans aucune ambiguïté. C’est dire que la France ne s’oppose pas à l’ouverture des négociations de l’élargissement, elle y est également favorable et elles s’ouvriront naturellement au début de l’année 1998. Mais qu’on nous prenne aussi au sérieux : nous disons que s’il n’y a pas eu réforme des institutions, il n’y aura pas de conclusion des négociations. II n’y aura pas de nouveau traité d’adhésion. Et ceci pour deux raisons. Pour une raison qui concerne les Quinze : à l’heure actuelle, l’Union ne fonctionne pas assez bien ; et pour une raison qui concerne les pays candidats eux-mêmes : ils n’ont aucun intérêt à adhérer à une Union qui n’aurait pas des mécanismes de décision qui fonctionnent et qui n’aurait pas non plus des politiques qui fonctionnent. Je n’ai pas de doute très honnêtement que nous parviendrons à cette réforme institutionnelle avant la signature du premier traité d’adhésion. Donc pas d’inquiétude particulière, et puis retenez quand même que la France n’oublie pas la Roumanie.

Question : Monsieur le ministre, j’aimerais revenir sur le Conseil de l’Europe et les Droits de l’Homme. Vous avez dit tout à l’heure que c’est un sommet qui serait une réunion de famille. Mais est-ce que cette réunion de famille sera convenue et solennelle ou est-ce qu’on va laver un peu de linge sale ? En général dans les familles, on peut laver son linge sale. Si je vous pose la question, c’est parce qu’il y a de nombreux pays membres du Conseil de l’Europe qui sont attaqués, y compris par l’Union européenne, puisque dans les avis de l‘Union européenne, la Slovaquie, la Roumanie et d’autres pays sont attaqués sur les Droits de l’Homme, le non-respect des Droits de l’Homme. II y a un pays qui est ancien du Conseil de l’Europe, la Turquie, et il y a aussi un pays qui pose beaucoup de problèmes sur le plan international, en ce qui concerne l’application des Accords de Dayton : la Croatie. Est-ce que le Sommet va s’occuper un peu de ces affaires-là où il va se contenter de faire une réunion protocolaire et convenue ?

Réponse : C’est toujours difficile de prévoir les choses avant qu’elles se déroulent. Il me semble que ces questions ne sont pas du tout écartées de l’ordre du jour. Vous avez mentionné quelques problèmes : le problème de la Croatie, celui de la Turquie que je ne mets pas sur le même plan, car il ne s’agit pas des mêmes problèmes. II est certain qu’il y aura un aspect protocolaire à ce Sommet, le protocole ayant quand même une signification. J’insiste, réunir 40 chefs d’État et de gouvernement, c’est-à-dire toute l’Europe à Strasbourg, c’est un événement sans précédent, qui marque, après la chute du Mur de Berlin, la réunion de toute l’Europe !

Mais, il y aura des débats, il y aura des entretiens bilatéraux. Ils n’ont pas de raison d’avoir lieu dans une atmosphère compassée où on ne se dit pas les choses. Par exemple, nous avons rencontré avec M. Védrine, le ministre des affaires étrangères turc, il y a une quinzaine de jours. Nous avons eu des entretiens tout à fait amicaux et francs et nous avons aussi parlé des questions des Droits de l’Homme, par rapport à la future candidature éventuelle de la Turquie à l’Union européenne et par rapport à sa vocation européenne. On peut se dire les choses entre Européens et dans les démocraties. Et c’est justement cela l’intérêt du Conseil de l’Europe, c’est d’être ce forum dans lequel on peut échanger sur ces questions. Et c’est une raison supplémentaire pour laquelle la France qui préside aujourd’hui le Comité des ministres souhaite que le Conseil se recentre sur son rôle dans le domaine de l’assistance à des démocraties et les Droits de l’Homme. Mais, quand on dit cela, cela veut dire aussi que c’est l’enceinte où ces débats peuvent, je dirais même doivent, avoir lieu évidemment. Mais je pense que vous savez aussi que quand on lave son linge sale en famille, on ne l’expose pas en public. C’est comme cela que cela se passe en famille.

Question : Est-ce que je vous ai entendu dire que la France souhaitait l’adhésion de la Turquie à l’Union ? Le Sommet prendra de nombreuses initiatives politiques. Ou allez-vous placer les efforts financiers ?

Réponse : Je répondrai à la première question parce que la seconde n’est pas définitivement acquise. Le Sommet est le 10 et le 11 octobre, ne faisons pas non plus comme si les travaux étaient achevés. Notre ambassadeur, M. Warin, qui est le délégué du gouvernement travaille d’arrache-pied pour préparer le Sommet mais toutes les questions ne sont pas encore tranchées.

Sur la Turquie, vous ne m’avez pas tout à fait bien compris. Ce que j’ai dit, c’est que nous reconnaissons la vocation européenne de la Turquie. Ce n’est pas nouveau d’ailleurs. L’Union le fait depuis le milieu des années 60, et nous souhaitons de ce fait que la Turquie participe la Conférence européenne parce que nous ne voulons pas que la Turquie se coupe de l’Europe. Nous savons très bien que la situation de ce pays est spécifique et qu’elle méritera un traitement approprié. Simplement, nous ne souhaitons pas que l’Europe se coupe de la Turquie. Ensuite, les perspectives qui viennent seront conditionnées par toute une série d’évolutions que chacun connaît.

 

Intervention devant l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe : 23 septembre 1997

Madame la présidente,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires

Les circonstances particulières liées à la mise en place du nouveau gouvernement n’ont pas permis au nouveau ministre délégué chargé des affaires européennes de venir vous présenter, au mois de juin dernier, le rapport statutaire du Comité des ministres du Conseil de l‘Europe dont la France exerce, depuis le mois de mai dernier, et pour quelques semaines encore, la présidence. Je vous prie de m’en excuser.

II est vrai que j’ai déjà eu le plaisir de rencontrer, le 1er septembre à Paris, certains d’entre vous, membres de la Commission des questions politiques et du groupe ad hoc du bureau chargé de la préparation du Sommet, pour un premier échange de vues. Mais, aujourd’hui, c’est devant vous tous, qui représente la seule Assemblée parlementaire réunissant les délégués de l’ensemble des parlements démocratiques du continent, que j’ai l’honneur de me présenter. Je vous remercie de l’occasion qui m’est offerte d’avoir avec vous cet échange.

1. Si vous en êtes d’accord, je voudrais tout d’abord vous exposer dans les grandes lignes, les activités du Comité des ministres et de leurs délégués, (MM. les ambassadeurs, que je salue ici très cordialement), au cours des trois derniers mois :

Un rapport écrit est à votre disposition, mais je voudrais, pour ma part, mettre l‘accent, dans les activités du programme intergouvernemental, sur la tenue de deux conférences ministérielles :
    - celle des ministres de la justice (10-11 juin à Prague), avec la participation de ma collègue Mme Guigou ;
    - et celle des ministres de l‘Éducation (22-24 juin A Kristiansand), qui a permis au Conseil de jouer son rôle de lieu de rencontre et d’échanges pan-européens sur tous les problèmes de l’éducation.

La 4e session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux où siègent vos collègues représentant les collectivités territoriales, s’est tenue au début de juin et a débattu de questions importantes, comme celle de la Charte de l’autonomie régionale.

De manière générale, le Conseil de l‘Europe n’a rien perdu de son dynamisme pour élaborer de nouvelles normes juridiques : après la signature de la Convention d’Oviedo sur la bioéthique ce printemps, un protocole additionnel relatif à l’interdiction du clonage des titres humains est en cours de négociation et nous attendons votre avis, cette semaine, sur ce sujet. D’autres conventions sont en voie de finalisation, sur des thèmes aussi variés que la protection de l’environnement par le droit pénal, la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins scientifiques ou le transfèrement des personnes condamnées : ce sont là des thèmes auxquels l‘opinion est sensible et qui prouvent que l’Europe des citoyens se construit ici aussi.

2. Ces développements conduisent tout naturellement à vous parler des relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Je sais que votre Assemblée, et en particulier les délégués des pays candidats à l’Union, y portent une attention particulière.

Je note d’ailleurs d’intéressantes propositions de votre Assemblée pour un renforcement de ces liens, par exemple, en ce qui concerne la protection des minorités, la référence à certains textes du Conseil de l’Europe dans les traités d’association entre l’Union et les États candidats. Je ne peux que vous inciter pour votre part, à resserrer également vos contacts avec le Parlement européen, qui siègera encore pendant quelques temps dans cet hémicycle, pour contribuer à renforcer cette coopération.

S’agissant du Comité des ministres, depuis la relance des réunions « quadripartites » au cours de la présidence française de l’Union européenne et la conclusion de l’échange de lettres de novembre 1996 entre le secrétariat et la Commission, d’importants progrès ont été enregistrés. Ainsi, lors de la 10e réunion quadripartite, qui s’est tenue le 15 septembre dernier à Bruxelles, en présence de mon collègue et ami luxembourgeois Jacques Poos, président du Conseil de l’Union européenne, du commissaire Hans Van den Broek et du secrétaire général Daniel Tarschys, j’ai évoqué plusieurs questions mettant en jeu les relations entre les deux organisations et qui mériteraient, à mon sens, de faire l‘objet d’une concertation plus approfondie.

a) Le renforcement de l’action dans le domaine social, qu’il s’agisse de la ratification de la Charte sociale ou du développement du rôle du Fonds de développement social du Conseil de l’Europe.

b) La consolidation de la démocratie, la protection des Droits de l’Homme et la primauté du droit dans la Fédération de Russie, en Ukraine et dans les nouveaux États indépendants, membres ou candidats à l’adhésion au Conseil de l’Europe ;

c) La lutte contre la xénophobie et l’intolérance, par l’instauration d’une coordination étroite entre l’Observatoire européen de Vienne et la Commission contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe ;

d) la coordination en cas de crise, qu’il s’agisse :
    - de l’Albanie, où le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et d’autres acteurs doivent continuer, dans le cadre de la coordination interinstitutionnelle que la communauté internationale a confiée à I’OSCE, à conjuguer leurs efforts pour restaurer la stabilité de ce pays et la confiance de ses habitants ;
    - du Bélarus, dont vous avez suspendu le statut d’invité spécial, mais où se poursuivent les contacts menés conjointement par l’Union et le Conseil de l’Europe au sein d’un « groupe tripartite » ;
    - de la Bosnie-Herzégovine, dont vous venez d’observer les élections municipales, avec le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux d’Europe (CPLRE) et d’autres experts, alors que le Conseil de l’Europe et l‘Union européenne poursuivent sans relâche leurs efforts pour encourager les forces de paix contre les mouvements nationalistes, en contribuant au bon fonctionnement des institutions et à la reconstruction économique et civique ; c’est la raison pour laquelle le Comité des ministres vient de désigner un nouveau juge à la Chambre des Droits de l’Homme. Je voudrais vous rappeler, à cet égard, que la France a posé sa candidature pour prendre la présidence de cette chambre et vous annoncer qu’elle a décidé de verser une contribution volontaire de 600 000 F pour permettre à la chambre de faire face ses dépenses de fonctionnement.

e) Enfin, nous avons souligné l’importance, y compris à la lumière du futur traité d’Amsterdam, du Sommet des chefs d’État et de gouvernement et du Plan d’action qui devrait être adopté à cette occasion. La France souhaite une large contribution de l’Union (et en particulier de la Commission, que nous appelons à faire preuve d’esprit d’ouverture à cet égard) à la mise en œuvre de ce plan, notamment en ce qui concerne ses aspects sociaux, la protection des jeunes contre la toxicomanie, et l‘aide à la démocratisation.

En d’autres termes, les liens entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne doivent être ceux d’une complémentarité saine et efficace et non des liens de concurrence qui seraient stériles et dénués de sens.

3. Le Sommet des chefs d’État et de gouvernement, qui se tiendra les 10 et 11 octobre dans cette salle même, sera l‘occasion pour votre Assemblée et tout particulièrement pour votre présidente, Mme Fischer, qui en a été l’initiatrice, de recueillir le fruit de votre travail de préparation et de propositions, auxquels MM. Martinez et Seitlinger ont apporté une contribution qui mérite d’être soulignée.

Cette « réunion de famille » devrait permettre l’adoption d’un plan d’action dont je voudrais dire quelques mots, car le Comité des ministres compte sur votre soutien – à Strasbourg et dans vos capitales (comme le demande un rapport sur le partenariat entre parlements nationaux et votre Assemblée que vous examinerez dans quelques jours) – pour sa mise en œuvre dans les années qui viennent.

De ce Plan d’action, je ne rappellerai que les grandes lignes, pour me féliciter qu’elles coïncident avec vos préoccupations :

a) Démocratie et Droits de l’Homme.

Le respect des engagements pris dans ce domaine requiert une vigilance constante du Comité des ministres, comme de votre part, et un dialogue constructif entre nous et les États concernés : l’adoption hier de deux recommandations sur la Lituanie et la République tchèque nous en donnera l’occasion.

b) Cohésion sociale.

Le Conseil de l’Europe devra renforcer son action dans ce domaine pour éviter que la « fracture sociale » qui frappe nos sociétés ne devienne une menace pour la démocratie, et pour veiller à ce qu’à la division idéologique de l’Europe ne succède pas une frontière économique et sociale – que nos États soient membres ou non de l’Union européenne.

c) Sécurité des citoyens.

Je me félicite de l‘inscription à votre programme de travail de la lutte contre le terrorisme, comme de la manifestation constante de votre préoccupation devant les multiples menaces qui pèsent sur l’enfance et la jeunesse, qu’il s’agisse de questions d’abus sexuels ou du traitement de la violence dans les médias, par exemple.

d) Valeurs démocratiques et diversité culturelle.

Là aussi, votre Assemblée fait diligence avec le débat que vous allez consacrer à l’éducation aux Droits de l’Homme, c’est-à-dire à la citoyenneté moderne – cela implique aussi la maîtrise des nouvelles technologies de l’information, dans le respect des droits d’autrui.

Bref, nous attendons de ce Sommet qu’il soit le Sommet de l’adaptation du Conseil de l’Europe au nouveau contexte européen qui doit être celui de la démocratie.

Je n’ai pas eu la prétention d’être exhaustif, mais j’ai voulu vous montrer combien nous sommes, dans la préparation du Sommet, attentifs à vos préoccupations et à vos travaux.

Mesdames et Messieurs,

Le Comité des ministres est pleinement conscient des conséquences, y compris administratives et budgétaires de l’élargissement du Conseil de l’Europe, pour l‘Assemblée parlementaire comme pour l‘ensemble de l’Organisation dans la perspective de son Cinquantenaire (en 1999).

Le Plan d’action appelle à entreprendre, d’ici le Cinquantenaire de l’Organisation, dans deux ans, un réexamen approfondi de ses méthodes et de ses structures afin de mieux adapter notre Organisation à ses nouvelles tâches. Je suis persuadé qu’avec votre aide nous pourrons le mettre rapidement en œuvre, dans un souci de réalisme et d’ambition pour notre Conseil : par-delà les divergences bien naturelles, nous devons nous mobiliser avec ardeur dans ce but. Et je suis confiant qu’avec la future présidence allemande, qui prendra le relais le 6 novembre, nous obtiendrons d’excellents résultats dans cette voie.

Madame la présidente, Monsieur le secrétaire général, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, au terme de cette présentation des travaux du Comité des ministres, laissez-moi vous redire ma vive satisfaction d’être parmi vous, et ma disponibilité pour répondre à vos questions.