Texte intégral
Je me réjouis d'être parmi vous et de pouvoir une nouvelle fois rencontrer les hauts fonctionnaires de la police nationale, qu'ils soient en activité ou à la retraite.
Je sais que votre association assure la continuité entre les générations. Une continuité qui s'appuie sur le sens de l'État, la tradition du service public à son plus haut niveau, et sur l'amour de votre métier, celui de policier.
J'ai déjà rencontré vos représentants le 6 octobre dernier et ils ont eu l'occasion de m'exposer les questions qui vous préoccupent.
Par vos carrières respectives vous êtes particulièrement sensibilisés aux problèmes de sécurité, vous savez les attentes des Français en cette matière.
Vous savez que leur espoir est fort, leurs exigences pressantes et légitimes.
Comme moi, vous êtes convaincu que la sûreté est le fondement même du pacte qui fonde la République.
Vos fonctions vous ont permis de comprendre, mieux que quiconque, à quel point la sûreté est pour la République le socle nécessaire à l'exercice de toutes les libertés.
C'est le premier droit du citoyen.
C'est la mission première de l’État.
Mais votre expérience vous a appris aussi que la police seule ne pouvait faire face à la délinquance. C'est pourquoi l'action que j'entends conduire au ministère de l'intérieur ne sera pas isolé, mais, conformément aux objectifs définis par le Premier ministre, elle s'exercera en liaison avec les autres ministères concernés, tels que le ministère de la justice, l'éducation nationale et d'autres partenaires loin habituels.
Il faut en effet impliquer en amont, tous ceux qui participent à l'éducation de la jeunesse, en particulier les parents, et l'école qui doit redevenir le creuset social, le lieu d'apprentissage de la citoyenneté.
Il est nécessaire d'améliorer la capacité de la police à répondre aux demandes de nos concitoyens, et à combattre plus efficacement la délinquance mais il est tout autant indispensable aussi de rendre plus efficace la chaîne pénale et d'assurer la cohérence entre l'action de la police et celle de la justice.
Ces trois impératifs pour une politique de sécurité efficace seront évoqués au colloque de Villepinte « Des villes sûres pour des citoyens libres » dans trois ateliers qui reprennent ces différents thèmes :
- « qui parle de la citoyenneté aujourd'hui ? » ;
- « quelle politique de sécurité de proximité aujourd'hui ? » ;
- « la sûreté : un défi commun pour la police et la justice ».
La sécurité ou la sûreté - concept qui a ma préférence -, s’inscrit au cœur des préoccupations présentes et à venir de nos démocraties.
C'est pourquoi je souhaite que ce colloque soit un moment fort de la présentation et de l'explication de notre politique de sécurité.
Dans les semaines qui viennent, vous le savez, nous allons mettre en œuvre trois démarches majeures :
- la première concerne les contrats locaux de sécurité.
Vous percevez tout l'intérêt d'une formalisation au niveau local des objectifs fixés et des moyens mis en œuvre pour les réaliser, tant par le concours des services de l'État que celui des collectivités locales et des partenaires sociaux.
Les contrats locaux seront un outil privilégié de la prise en compte, au plus près, des réalités du terrain.
- la seconde s’inscrit dans le cadre plus général des créations d'emploi pour les jeunes, qui se traduit pour le ministère de l'intérieur par le recrutement d'adjoints de sécurité et d'agents locaux de médiation.
Ce recrutement va permettre de mettre en place une véritable police de proximité qui va améliorer la qualité du service public que nous devons à nos concitoyens.
Les adjoints de sécurité, au nombre de 20 000 donc 8 250 d'ici la fin de l'année 1998 vont constituer un renfort substantiel pour les services de police, une bouffée d'oxygène qui va permettre, à la foi de créer le « chaînon manquant » entre la police et la population et de répondre à des besoins non satisfaits, en particulier dans le domaine de la prévention et de la lutte contre les « incivilités » que les services de police ont tant de mal à mener.
Ils seront placés auprès des fonctionnaires actifs de la police nationale pour accomplir, sous leur autorité des missions de police, accueil, îlotage etc.
Ils seront dotés d'un uniforme et pourront être armés si leurs missions le justifie.
La mission des agents locaux de médiation, au nombre de 15 000, contribuera à prévenir les tensions dans les lieux les plus sensibles, quartiers, cités ou réseaux de transports en commun par une action exercée en amont de celle des forces de police en faisant appel essentiellement à la médiation, à l'écoute et au dialogue.
Ils seront employés par les collectivités locales, mais pourront l’être aussi par les concessionnaires de transports publics, les offices HLM, les organismes consulaires, les associations sportives et culturelles ou tout autre organisme chargé d'une mission de service public.
- le troisième volet de cette démarche, réside dans la réorientation résolue des modes d'intervention de la police et de la gendarmerie nationales vers la police de proximité.
Le recrutement des adjoints de sécurité en sera l'un des moyens privilégiés mais la réussite de cette action passe aussi par l'amélioration des relations de la police et de la population. Il faut renforcer la confiance de nos concitoyens, par une présence visible, un meilleur accueil, et une efficacité accrue dans le combat de tous les jours contre la petite et moyenne délinquance ; celle qui génère ce « fameux » sentiment d'insécurité qui rend parfois sceptique les Français sur la capacité réelle de l'État à répondre à ses attentes.
Sous l'autorité du préfet de police et dans le cadre d'une démarche concrète, une réforme de l'organisation et du fonctionnement des services de la préfecture de police est ainsi en cours à Paris.
En province, la mise en place du traitement des « petites » affaires judiciaires sera poursuivie et renforcée. Je veillerai aussi au développement de la police technique de proximité qui est un élément indispensable pour lutter plus efficacement contre la petite et moyenne délinquance.
La réussite de cette politique passe par une réelle détermination des fonctionnaires et en particulier de la hiérarchie. Je souhaite pouvoir compter sur votre engagement personnel et sur celui de vos collaborateurs pour donner l'impulsion nécessaire.
Nous devons aussi avoir la confiance des Français et si comme je l'ai dit, elle est liée à la capacité de la police à résoudre les problèmes de sécurité, elle est aussi attachée au comportement irréprochable de ceux qui ont en charge leur sécurité.
Afin de répondre à ces exigences, un projet de loi créant une instance nationale compétente, non seulement à l'égard de la police, mais de tous les services ayant un rôle en matière de sécurité, est en cours de préparation.
J'ai confié à Jacques Genthial, qui est l'un des vôtres, la tâche de me faire des propositions dans ce domaine.
Cette politique ne pourrait en effet aboutir si la hiérarchie qui a en charge la conception et la direction des services n'était pas totalement impliquée dans la démarche engagée.
Les hauts fonctionnaires que vous êtes ont une lourde responsabilité dans la conduite de ces actions.
Je sais pouvoir compter sur vous, actifs et retraités, pour mener ce noble combat et gagner ensemble.
Il me paraît légitime, qu'en contrepartie de votre engagement, en regard de vos responsabilités les propositions faites par votre association soient étudiées.
Lors de notre entrevue vous m'avez fait part Monsieur le Président, des propositions que vous formulez et de nature à améliorer le statut des hauts fonctionnaires de la police nationale.
Vous êtes, m’avez-vous dit, régulièrement préoccupé par le caractère précaire des emplois occupés par ceux auxquels le gouvernement confie des fonctions de directeurs et de chefs de service centraux de police.
Chacun comprend que pour conduire avec efficacité la politique pour laquelle il est mandaté, le gouvernement doit pouvoir désigner les hommes qu'il estime les plus à même de remplir les objectifs qu'il a fixés.
Ce choix doit être celui de la compétence et de la loyauté aux institutions républicaines.
De même, il paraît juste qu’un haut fonctionnaire qui a été en charge de responsabilités importantes, puisse conserver un statut et une rémunération qui ne mette pas en cause son avenir professionnel et sa vie personnelle.
Je veillerai, soyez-en assuré, à ce que votre situation évolue dans ce sens.
Il paraît, aussi, logique que la bonification d'ancienneté accordée à tous les policiers en raison des servitudes de leur métier ne soit pas supprimée aux hauts fonctionnaires lorsqu'ils accèdent aux emplois de direction.
Il s'agit là, en effet d'une conséquence paradoxale en cas de promotion, qui constitue une singularité au sein de la fonction publique.
J'en suis conscient et je puis vous assurer que je suis déterminé à résoudre ce problème, à la fois parce qu'il s'agit d'une question sensible pour les intéressés et qu'elle constitue un handicap dans la gestion du corps des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale.
Dans le même esprit, la possibilité d'accès des hauts fonctionnaires de police à la fonction préfectorale doit être maintenue. J'ai d'ailleurs constaté, depuis mon arrivée, que les préfets issus de vos rangs étaient parfaitement dignes des missions importantes qui leur sont confiées.
Dans ces domaines, je veillerai donc à ce que des réponses concrètes soient apportées à votre attente.
Telles sont Messieurs les réflexions dont je souhaitais vous faire part.
Conclusion :
La République est fondée sur la liberté, mais ce n'est pas et ne doit pas être un régime de faiblesse.
Vous êtes des observateurs et des acteurs privilégiés de cette société qui souffre d'abord et surtout d'une grande confusion des esprits. Nous devons chacun à notre place contribuer à donner du sens et des repères.
La République est un régime qui se veut éclairé, et qui doit l’être par un rappel constant aux principes, aux codes de vie en commun que l'éducation civique doit apprendre dès le plus jeune âge.
Vous êtes au cœur de ces choses, vous appliquez la loi, avec doigté, avec art, votre métier est un art, pas seulement une science, ce qui fait d'ailleurs sa difficulté, mais aussi tout son intérêt.
Votre association est un lieu riche de rencontres et de débats où se mêlent vos expériences respectives, où se transmettent et se perpétuent aussi vos traditions républicaines.
Je vous remercie, Monsieur le président, pour votre accueil et pour la manière dont vous avez, pendant de nombreuses années, veillé sur cette association dont je crois vous avez souhaité confier les rênes à un plus jeune.
Vous avez conduit votre tâche avec discernement et humanité. Je souhaite que cette association reste avec votre successeur un lieu privilégié où le service de la République demeure le ciment entre les hommes qui la composent.
Tirer les leçons du passé pour mieux préparer l'avenir, ce sont je crois les deux axes majeurs qui doivent mener notre réflexion, et c'est pour ma part toujours avec la plus grande attention que j'accueillerai vos suggestions.