Interview de M. Georges Jollès, vice président du MEDEF et président de la commission sociale du MEDEF, dans "Les Echos" du 27 avril 1999, sur le projet de couverture maladie universelle (CMU), notamment la réforme des cotisations sociales patronales, l'amélioration du système de soins et la réduction des prélèvements des organismes d'assurance complémentaires.

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Média : Energies News - Les Echos - Les Echos

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Q - Pourquoi le Medef est-il hostile au projet de loi de couverture maladie universelle ?

Nous en partageons la finalité, qui est de faciliter l'accès aux soins de tous, en particulier des plus démunis. Il y a là-dessus un consensus. Mais si, dans notre pays, il y a autant de personnes qui ne peuvent pas se soigner, c'est parce que nous avons le système de santé le plus coûteux d'Europe, et l'un de ceux qui rembourse le plus mal. Les coûts élevés de notre protection sociale sont à l'origine du niveau des prélèvements obligatoires, et de leur corollaire, le chômage. Pour le Medef, il faut améliorer le fonctionnement du système de soins pour réduire les prélèvements, mieux rembourser, et, partant, combattre les exclusions. C'est ce traitement structurel de l'exclusion que nous préférons.

Q - Mais avec la CMU, il n'est pas question d'augmenter les prélèvements…

Ce sera pourtant le cas, puisque, inévitablement, les assureurs complémentaires vont devoir augmenter les primes des entreprises et des particuliers (NDLR : pour compenser le surcoût de la couverture gratuite des démunis). Le Gouvernement aurait dû gager le financement de la CMU sur des économies dans l'assurance maladie. Je rappelle que la Caisse nationale d'assurance maladie a un plan permettant d'envisager jusqu'à 62 milliards de francs d'économies par an. Nous ne récusons pas la couverture universelle mais nous préconisons d'y parvenir par d'autres moyens.

Q - Les organismes obligatoires et complémentaires se sont entendus pour que les caisses maladie n'aient pas à gérer la couverture complémentaire gratuite des démunis : pouvez-vous aller contre la volonté du législateur ?

Nous aurions préféré que la loi tienne compte de notre accord, d'autant que c'est la première fois qu'organismes de base et assurances complémentaires s'entendent sur la question du système de soins. Je souhaite que le Gouvernement ne fasse pas obstacle à l'application des termes de notre protocole.

Q - Vos récentes propositions de réforme des retraites ont été prises pour de la provocation : ne regrettez-vous pas d'avoir été aussi loin ?

Nous avions deux devoirs. Un devoir de transparence envers les salariés, auxquels il faut expliquer que plus tôt les réformes interviendront, plus elles seront progressives est indolores. Et plus elles permettront aux jeunes générations de préparer les échéances en adhérant à un fonds de pension. Nous avions aussi le devoir d'alerter les entreprises sur les conséquences de la rupture démographique de 2005 : elles devront s'organiser pour garder les salariés en activité après 60 ans.

Q - Mais proposer 45 ans de cotisation, c'est très provocateur. Comme le dit Marc Blondel, ne dédouanez-vous par Jean-Michel Charpin (dans son rapport, le commissaire du Plan préconise 42,5 ans) ?

Nous partons des mêmes constats que le commissaire du Plan mais nous sommes allés au bout de l'analyse, tandis que lui s'est arrêté en chemin.
Nos évaluations montrent que, pour équilibrer le système, il faudrait parvenir à un âge de la retraite d'un peu plus de 66,5 ans dans vingt-cinq ans. Est-ce si démesuré, lorsque, parallèlement, l'espérance de vie augmente et l'âge d'entrée dans la vie active recule ?

Q - Le Gouvernement a rouvert le dossier des cotisations sociales patronales : quelle réforme le Medef défendra-t-il ?

Je ne peux, aujourd'hui, m'exprimer que comme président de l'Union des industries textiles. Mais j'estime que le Medef devrait faire sienne la revendication des entreprises de main-d'oeuvre d'un allégement des charges patronales sur les bas salaires. Celui-ci doit à la fois gommer le surcoût des 35 heures et améliorer l'employabilité des salariés. Comment le financer ? Il n'appartient pas au Medef de proposer un nouvel impôt (NDLR : sur la valeur ajoutée), mais cela ne doit pas non plus le conduire à rejeter un allégement des charges que proposerait le Gouvernement ; je serai très ferme sur ce point.