Texte intégral
RTL : Les Français se disent favorables à un référendum sur la nationalité, selon un sondage publié par Le Figaro et demandé par l’UDF. Vous vous y êtes opposé. Pour quelles raisons ?
François Hollande : Lorsqu’il y a eu une modification du Code de la nationalité en 1993 et lorsqu’il y a eu les lois Pasqua, il n’y a pas eu de référendum. Je suis assez surpris de l’argument de l’opposition aujourd’hui. Pourquoi faudrait-il un référendum aujourd’hui, et il n’en a pas fallu hier ? Pourquoi lorsqu’on va dans le sens de rompre avec nos principes républicains, ceux qui sont établis depuis un siècle, le référendum n’est pas utile, et quand on revient à ces principes, ceux qui existaient avant 1993, il en faudrait un ? Je sais bien : les Français, quand on les interroge, et c’est tout à fait normal, on leur dit « Est-ce que vous voudriez être consultés ? », ils veulent toujours être consultés. Mais s’il y a un Parlement, c’est aussi pour qu’il prenne ses responsabilités. Il les a prises, au moins à l’Assemblée nationale.
RTL : Donc, vous êtes hostile au référendum. Que pensez-vous néanmoins du fait qu’à propos des enfants nés en France, de parents de nationalité étrangère, seulement 19 % estiment que ces enfants doivent automatiquement être reconnus comme Français ?
François Hollande : Quelle était la situation depuis 1870-1872 en France ? Jusqu’en 1993, c’était que tous les enfants d’étrangers nés en France et qui avaient séjourné plusieurs années accédaient à la nationalité française lors de leur majorité civile, hier 21 ans, aujourd’hui 18 ans. La loi dite Méhaignerie est revenue sur ce principe et a exigé une manifestation de volonté. On s’est aperçu que, d’abord, des parents faisaient pression sur leurs enfants pour qu’ils n’acceptent pas la nationalité française ; et, d’autre part, qu’il y avait des oublis de la part de certains enfants devenus majeurs qui ne pouvaient pas accéder à la nationalité française. Et donc que c’était regrettable par rapport à un processus d’intégration. On en revient aux principes, qui ont toujours valu dans notre République, de l’automaticité lors de la majorité civile. Mais néanmoins, et pour tenir compte de l’évolution d’un certain nombre de comportements, on prévoit une manifestation de volonté pour ceux qui voudraient rentrer plus tôt dans la nationalité française, dès l’âge de 13 ans, avec l’accord des parents. Car il faut penser qu’il y a nécessité de l’automaticité, mais toujours reconnaissance d’une manifestation de volonté. J’ajoute d’ailleurs que pour ceux qui ne voudraient pas être français, ils ont toujours la possibilité à 18 ans de récuser la nationalité française, donc de marquer leur volonté de ne pas être français.
RTL : C’est le vote actuellement. La majorité plurielle, je pense aux Verts, ne votera pas le projet sur la nationalité, à l’exception d’un.
François Hollande : Oui. La droite s’oppose à ce texte parce qu’elle le trouve trop libéral, alors qu’il est finalement conforme à nos principes qui sont repris par une loi de 1973, qui était pourtant une loi votée à l’époque par la droite ; une partie de la gauche plurielle trouve que ce texte ne prend pas en compte le droit du sol intégral. C’est parce que le Gouvernement justement a souhaité une ligne d’équilibre. Alors, on ne peut pas satisfaire et les uns et les autres. Je crois qu’on doit légiférer pour l’avenir et essayer de stabiliser notre droit à la nationalité. Mais je pense que la majorité sera suffisamment forte – je vais en tout cas la renforcer tout à l’heure en me déplaçant pour voter – afin que ce texte soit adopté par l’Assemblée nationale.
RTL : Cette semaine, le débat sur la nationalité a été plutôt agité. Ne craignez-vous pas que, dans les jours qui viennent, à partir de jeudi, le débat sur l’immigration se déroule dans une atmosphère aussi passionnée, parce que là, maintenant, c’est 800 amendements qui ont été déposés ?
François Hollande : Je ne souhaite pas qu’il y ait cette atmosphère plus que passionnée, quelquefois délétère. Il est normal que l’opposition s’oppose ; il est normal qu’elle veuille corriger des textes qui ne lui plaisent pas. Il n’est pas normal en revanche qu’elle multiplie les obstructions, les amendements qui n’ont aucun sens et qui sont là uniquement pour retarder un processus. Je pense que les Français sont suffisamment lucides sur les textes des uns, les positions des autres, pour qu’on n’ait pas finalement à l’Assemblée nationale ou au Sénat ces manœuvres-là.
RTL : C’est une tactique que vous avez pratiquée aussi !
François Hollande : C’est une tactique qu’on a pu pratiquer, mais je pense que c’est des sujets qui méritent mieux que ce type d’obstruction. Néanmoins, vous avez vu, ça n’a pas empêché le texte sur la nationalité d’être voté dans les délais prévus. Je suppose que, pour le projet de loi Chevènement, il en sera de même. Il faudrait quand même que les Français puissent être informés réellement sur ce qui se passe à l’Assemblée nationale, et pas simplement sur les obstructions ou les manœuvres ou sur les opérations de retardement.
RTL : L’opposition a récusé les mises en garde de Lionel Jospin sur le Front national. François Bayrou, par exemple, estime que la majorité est le fruit douteux des triangulaires imposées par le Front national.
François Hollande : Nous n’avons jamais fait le compte des voix du Front national qui allaient sur la droite ou sur la gauche parce que c’est impossible à faire. Aujourd’hui, il y a des députés à l’Assemblée nationale qui ont été élus au deuxième tour sans qu’il y ait présence du candidat du Front national du premier tour. Qui peut dire où sont allées ces voix ? Et si ou devait dire que ces voix-là ne devraient aller nulle part, comment le faire ? Comment tenir compte des urnes en récusant ceux qui s’y présenteraient ? Donc c’est un argument absurde et qui ne mérite pas d’être tenu. Moi je pense que chacun doit prendre sa responsabilité par rapport à la lutte contre le Front national. Le Gouvernement le fait en luttant contre les causes du chômage et contre l’insécurité. La majorité doit le faire aussi en évitant d’utiliser les thèmes classiques de l’immigration pour essayer de mieux enfoncer des coins entre la droite et l’extrême droite. Et nous ne l’avons pas fait, car ce sont des textes d’équilibre. Mais la droite, l’opposition, doit également être exemplaire. Et chaque fois qu’un responsable de droite – j’ai entendu M. Balladur le faire ces derniers jours – dit qu’il ne voudra sceller des alliances avec la droite pour garder des conseils régionaux, moi je dis : parfait. Je pense que c’est cet argument-là qui doit être utilisé. Et tant que la droite sera dans l’ambiguïté, à mon avis, elle perdra de tous les côtés. Mais chaque fois qu’elle sera dans la clarté, eh bien, nous ne lui ferons aucun procès.
RTL : Lorsque Ernest-Antoine Seillière sera élu – s’il l’est comme c’est très probable – président du CNPF, comment est-ce qu’il pourra s’entendre avec le Gouvernement ?
François Hollande : Dès lors qu’il restera dans le registre d’un président du CNPF. C’est-à-dire défendant le patronat. En comprenant que le patronat ce n’est pas forcément toutes les entreprises. Il y a d’abord des représentations de petites et moyennes entreprises. Et puis, d’autre part, les entreprises c’est aussi les salariés. Chaque fois que le responsable du patronat sera dans son registre, il sera utile à la négociation. Chaque fois qu’il voudra sortir de l’épure et tenir des discours politiques parlant de déstabilisation ou de harcèlement, je crois qu’il sera sévèrement jugé par les Français, et surtout peu utile par rapport à la vocation qui est la sienne. Alors, M. Seillière était en campagne électorale. Je sais ce que c’est : on peut quelquefois se livrer à des excès – ce n’est jamais recommandé. Et quand il sera vraiment président du CNPF, qu’il devienne le président avec lequel on peut dialoguer, et pas le président qui veuille renverser, déstabiliser. Parce que je ne crois pas que ce soit tout à fait utile en démocratie.
RTL : Vous êtes à la tête maintenant du PS. Il y a peut-être un cas Strauss-Kahn qui va se poser à propos du cumul des mandats. Est-ce que M. Strauss-Kahn devra choisir : être ministre ou candidat de la gauche à la présidence d’Île-de-France ?
François Hollande : D’abord je pense que c’est bon que des ministres soient candidats aux élections. Ils le seront – un certain nombre, en tout cas, d’entre eux – au moment des élections régionales, voire cantonales. Mais je ne crois pas qu’il sera possible, parce que nous ne l’avons jamais voulu ainsi – en tout cas Lionel Jospin – de cumuler une fonction de présidence d’un exécutif régional et d’une fonction ministérielle. Dominique Strauss-Kahn, comme d’autres, le savent, et je pense que nous n’aurons pas à nous poser ce type de dilemme. C’est-à-dire que nous aurons des candidats qui pourront, lorsque la présidence nous reviendra, occuper cette présidence, ce qui n’empêchera pas Dominique Strauss-Kahn de mener campagne dans le Val-d’Oise. Car je crois que ce sera bien pour la gauche.