Interview de M. Christian Sautter, secrétaire d'État au budget, dans "La Tribune" le 30 juillet 1999, sur la volonté gouvernementale de restructurer le réseau du Trésor public pour une meilleure efficacité.

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Média : La Tribune

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« La Tribune ». - Vous venez de terminer une série de rencontres en province avec les agents du fisc sur la réforme de Bercy, ou plus exactement du système de collecte des impôts. Quel bilan en tirez-vous ?

Christian Sautter. - Le sentiment prévaut au sein du personnel que la réforme est inévitable. Il en résulte bien sûr une appréhension, compréhensible compte tenu des grands changements à opérer. Mais les agents ont aussi conscience que le métier va devenir plus intéressant, si la formation et la carrière sont adaptées.

« La Tribune ». - Quels seront ces grands changements ?

• Il faut faire en sorte qu'un particulier ou une PME puissent réaliser l'ensemble de ses démarches fiscales avec un seul interlocuteur. Les fonctionnaires ne peuvent-ils pas répondre davantage par téléphone ? La question des centres d'appel est posée. Et peut-on imaginer qu'un même agent puisse avoir à sa disposition l'ensemble des impôts d'un contribuable, alors qu'actuellement ceux-ci sont dispersés ? Nous avons réfléchi, lors de ces rencontres, à ce que pourrait être un généraliste de la fiscalité. Enfin, est soulevé le problème des 4.800 points de contacts avec les usagers, dont 4.000 trésoreries. Aura-t-on besoin de tout cela ? Doit-on, tout en sachant que le percepteur est un auxiliaire indispensable de maires ruraux, disposer d'une implantation dans chaque canton ? Quand on trouve moins de trois agents dans une trésorerie, les conditions de travail et de service ne permettent pas un bon fonctionnement. Le critère du coût de ce réseau doit aussi être pris en compte. Mais la question ne se pose pas de manière identique en montagne et dans la Beauce, les possibilités de déplacement n'étant pas les mêmes. J'espère que, d'ici à la fin septembre, les cadres et les autres agents sur le terrain pourront nous faire des suggestions.

« La Tribune ». - Vous voulez aussi renforcer les liens entre établissement et collecte de l'impôt…

• Deux grands débats sont lancés sur ce qu'on pourrait appeler le back office. Le premier est quasiment mythique. Il a trait à la séparation entre « ordonnateurs » et « comptables » : pour la gestion de dépense publique, on sépare celui qui donne l'ordre de payer et celui qui paie. Il n'est pas question de remettre cela en cause. Le problème est que ce principe a été transposé aux recettes. Celui qui détermine l'impôt à payer n'est pas celui qui l'encaisse. Derrière ce grand principe fondamental, on trouve le clivage entre la Direction générale des impôts et celle de la comptabilité publique. Ce clivage ne peut subsister en l'état, car il est incompréhensible pour la plupart de nos concitoyens et source de complexité. Il ne faut pas confondre mais rapprocher l'établissement de l'impôt et son recouvrement. Cela suppose que les fonctionnaires appartenant à des services différents travaillent ensemble plus qu'ils ne le font aujourd'hui.

« La Tribune ». - Et le deuxième débat ?

• C'est celui de l'égalité devant l'impôt. Elle suppose en fait que l'on traite différemment les contribuables. Il y a ceux qui sont sans problème, qui déclarent et paient spontanément leurs impôts. Et les autres. Il s'agit de fraudeurs ou de personnes en grande difficulté sociale. Pour les contribuables payant spontanément, l'automatisation de la gestion de l'impôt doit être poussée. L'utilisation de l'informatique sera accrue. Pour les autres, il faut davantage de « sur-mesure ».

« La Tribune ». - Quid du coût de collecte des impôts, particulièrement élevé en France ?

• Avec ces réformes, nous devons réaliser non pas des gains de productivité, mais améliorer notre efficacité, c'est-à-dire le service rendu à l'usager en maîtrisant mieux nos coûts. Car l'objectif n'est pas de demander à chacun d'accroître sa production dans le cadre actuel de travail, mais de revoir l'organisation de celui-ci. Les gains d'efficacité, il faut les obtenir. Ils seront importants. Comme je l'ai dit aux agents, il ne s'agit pas d'un objectif en soi. Améliorer l'efficacité du service public est le seul moyen de le défendre. S'il devait rester immobile, il serait alors en péril. Si nous voulons éviter qu'une vague thatchérienne ne déferle un jour en France, nous devons améliorer grandement le service public, je veux dire le service à l'usager.