Texte intégral
Date : 3 octobre 1997
Source : Le Figaro
Le Figaro : Depuis votre prise de fonction, vous avez annoncé toute une série de mesures en faveur du cinéma et de l’audiovisuel qui ont donné l’impression que vous privilégiez ces deux secteurs. Pourquoi ?
Catherine Trautmann : Attention à l’impression liée au calendrier. Il existe des rendez-vous, comme ce fut le cas pour la fête du cinéma ou l’université de la communication d’Hourtin. Il y a aussi le déroulement de la procédure budgétaire qui impose des contraintes. Face à l’urgence des problèmes posés, chaque secteur peut avoir le sentiment d’occuper moins de place dans mes priorités. Il n’en est rien. Les domaines dont j’ai la charge ont leurs caractéristiques propres, qui impriment le rythme et la manière de les aborder. J’ai au contraire accordé une large place dès mon arrivée à la rencontre avec les responsables des principaux syndicats de journalistes, ainsi qu’à de nombreux dirigeants d’entreprises de presse. Dès ce moment, je leur ai dit mon intention de prendre des initiatives fortes en faveur de ce secteur qui donne le sentiment d’avoir été délaissé par le Gouvernement précédent. Cela étant dit, les problèmes de la presse sont complexes parce qu’ils mettent en cause des formes de publications et des types d’entreprises très différentes. Cela méritait une réflexion sérieuse, ainsi qu’une concertation prolongée. Nous passons aujourd’hui à une nouvelle étape, celle de la mise au point d’un plan de soutien à la modernisation de la presse quotidienne, auquel j’entends donner une puissante impulsion. Ce plan sera connu dans ses grandes lignes avant que le débat sur la loi audiovisuelle ne soit entamé au printemps prochain.
Le Figaro : Comment expliquez-vous le fait que les aides à la presse écrite n’ont augmenté que de 1,1 % que la redevance a augmenté de 5 % ?
Catherine Trautmann : Il n’est pas possible de mettre sur le même plan des aides directes à des entreprises privées et une ressource qui représente 70 % du financement des entreprises publiques de l’audiovisuel. Notre ambition pour l’audiovisuel public imposait une mesure forte, symbolique, conduisant à demander davantage aux auditeurs et téléspectateurs. Les aides à la presse représentent globalement un très gros effort des pouvoirs publics. Il est vrai que l’évolution des aides figurant dans le budget 1998 est faible en volume. Il ne faut pas s’en tenir à des pourcentages, alors que c’est le mode d’affectation qui est décisif. J’ai tenu cette année à ce que s’opère une révision importante, puisque plus de 20 % des aides directes consacrées aux entreprises de presse se voient réorientées et concentrées sur les quotidiens et les hebdomadaires locaux, qu’il s’agisse du développement de portage ou du soutien aux applications multimédias.
Le Figaro : Ne pensez-vous pas la situation des journaux d’information, notamment celle des quotidiens, nécessite un plan d’urgence, voire une refonte du système de financement ?
Catherine Trautmann : Si, précisément, mais les deux choses ne seront pas traitées dans le même temps. Nous nous engageons aujourd’hui dans un plan de soutien à la modernisation des quotidiens. Il est important de prendre en compte l’ensemble des dimensions de l’entreprise de presse. Le moyen de la rédaction, la formation des journalistes, la fabrication et l’évolution des métiers, la démarche publicitaire, la distribution, la connaissance du public. Quel est notre objectif ? Il nous faut mettre en place un ensemble de mesures utiles pour le devenir du secteur. Il nous faudra au moins quatre années pour mener ce plan de modernisation de la presse quotidienne. Il faudra qu’il n’omette pas la nécessaire vision prospective.
Un autre chantier est celui de la modernisation du système de la presse dans son ensemble. Il s’agit d’une affaire de longue haleine, sur laquelle nous nous engageons immédiatement. Il y a urgence. Nous serons amenés à examiner les différentes hypothèses de ressources.
Le Figaro : Longtemps préservée, la presse subit depuis les années 80 la concurrence de plus en plus vive des chaînes de télévision et du hors média sur le terrain publicitaire, que proposez-vous pour remédier à cette tendance sans remettre en cause les mois du marché ?
Catherine Trautmann : Le marché publicitaire de la plupart des pays européens est resté très longtemps sous-développé parce qu’excluant la télévision, voire les radios. Les transformations des années 80 ont profondément modifié la donne, réduisant la part de la presse, mais développant largement le volume global des investissements publicitaires. La France connaît de ce point de vue des évolutions similaires à ses voisins. Cela dit, il est vrai que des décisions récentes prises par le CSA permettant une seconde coupure à TF 1 ont sans doute été assez inopportunes, alors qu’elles intervenaient à un moment où le presse se relevait à peine de la crise générale connue par tous les médias au début des années 90.
Pour moi la réponse dans ce domaine extrêmement concurrentiel est avant tout professionnelle et commerciale. C’est pourquoi nous proposons aux quotidiens une réflexion sur de nouveaux « produits », qui augmentent en quelque sorte la force de frappe de ce média. Celui-ci souffre d’une trop grande atomisation, d’une complexité plus grandes sur le plan technique et tarifaire. Il faut trouver un moyen de peser aussi lourd que les chaînes de télévision en audience, tout en simplifiant au maximum les formes de négociation.
Le Figaro : Pourquoi la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes n’est pas reversée intégralement à la presse écrite ?
Catherine Trautmann : Je constate comme vous que la taxe à laquelle vous faites référence a représenté en 1996 quelque 50 millions de francs et que si on la met en perspective avec les aides aux quotidiens à faibles ressources publicitaires et les hebdomadaires locaux le compte n’y est pas. Il faut trouver un mode de gestion de ce fonds qui garantisse que l’essentiel des sommes perçues bénéficieront au segment de notre presse qui en a le plus besoin.
Le Figaro : Quel est, selon vous, le dispositif idéal qui permette à la presse écrite de conserver son indépendance tout en étant viable sur le plan économique ?
Catherine Trautmann : Vaste sujet que celui d’un dispositif idéal. Nous sommes convaincus que la garantie de l’indépendance des journaux dépend de la vitalité des entreprises qui les éditent. Il est clair que le problème est plus complexe pour la presse quotidienne d’information politique et générale qui supporte des charges particulières, rédactionnelles, de fabrication, etc. Il s’agit aussi d’un domaine avec une histoire sociale bien spécifique, qu’il faut faire évoluer, mais sans provoquer de ruptures et de traumatismes inutiles. Telle est donc l’idée d’un plan en faveur de la modernisation des quotidiens. Celui-ci a pour ambition de créer des conditions favorables aux entreprises qui leur permettra de faire évoluer leurs rédactions, de moderniser leur outil industriel, de développer leur commercialisation, d’assainir leur gestion et ce faisant, d’attirer des investisseurs plus nombreux sans lesquels il est difficile d’imaginer un développement durable. Je crois qu’il faut rompre avec un certain fatalisme, je suis un ministre de la communication qui croit au développement de la presse écrite, parce qu’il croit en ses atouts et dans la qualité de ses équipes.
La presse constitue aujourd’hui le principal pilier de la société de l’information.
Date : 17 octobre 1997
Source : Livres Hebdo – N° 265
Livres Hebdo : Le livre et la lecture ne sont-ils pas victimes des médias numériques et audiovisuels ?
Catherine Trautmann : L’état de la lecture ne doit pas nous rendre morose. La lecture publique a connu depuis 15 à 20 ans un développement spectaculaire. Le Temps des Livres, qui permet d’ailleurs de vérifier à quel point le livre tient sa place et la vitalité de tous ceux qui s’y intéressent, en est un témoignage éclatant. En revanche, certains secteurs du livre sont fragilisés au-delà des difficultés conjoncturelles, et nous ne devons pas attendre que la situation se détériore. Dans l’édition de sciences et de sciences humaines, par exemple, nous sommes vraiment en retrait par rapport à d’autres pays. Si nous voulons une activité éditoriale forte et vivante, il faut lui donner les moyens de se développer.
Aussi, comme je l’ai dit le 8 octobre au conseil des ministres (1), je souhaite que l’adaptation des aides du Centre national du livre soit poursuivie. Je ne pense pas qu’il faille restaurer l’image du livre : elle n’est pas dégradée. Mais je suis convaincu qu’il faut tout faire pour renforcer la présence du livre, élargir l’accès du public – beaucoup de gens hésitent encore à franchir la porte d’une librairie – et garantir sa présence à la télévision.
Livres Hebdo : Vous voulez dire par l’autorisation de la publicité ?
Catherine Trautmann : Non. Mais il faut qu’il y ait toujours des émissions sur les livres comme des découvertes et des débats de société à partir des livres. Alors que nous basculons dans une société de l’image, il ne faut pas que l’écrit soit déconnecté des nouvelles technologies.
Livres Hebdo : Au conseil des ministres, vous avez annoncé que vous encouragerez la généralisation des accès à Internet dans les bibliothèques. Va-t-on vers une redéfinition de leurs missions ?
Catherine Trautmann : Les bibliothèques doivent rester ce qu’elles sont : des lieux où l’on accède aux livres. Mais elles doivent être aussi, plus largement, des lieux d’accès à la culture. Ce sont des espaces de service, de connexions. Ce sont même les lieux de diffusion culturelle parmi les mieux répartis sur le territoire, et ils sont très investis par la population. Aussi devons-nous penser les bibliothèques/médiathèques avec une évolution de leurs moyens. Nous avons commencé à y réfléchir avec la direction des collectivités locales. Nous allons continuer avec les élus.
Livres Hebdo : Le développement qualitatif et quantitatif des bibliothèques ne porte-t-il pas en germe une concurrence croissante entre le réseau de lecture publique et le réseau privé de la librairie ?
Catherine Trautmann : C’est une question que l’on se pose souvent, et que je me suis posée dans la ville dont j’ai été le maire. À Strasbourg, il y avait plus d’achats de livres que d’emprunts en bibliothèque. Cela m’avait frappée, au point de considérer le développement de la lecture publique comme une priorité. Pour autant, maintenant que ce service est plus étendu, on n’a pas constaté d’effondrement des ventes de livres. Il y a une complémentarité.
Il est vrai – et je l’ai entendu à propos de certains arrondissements de Paris – que des gens préfèrent emprunter plutôt qu’acheter alors qu’ils auraient les moyens d’acquérir des livres. On m’a aussi fait remarquer que dans les nouveaux appartements construits, on prévoyait le « coin télé », mais pas le coin bibliothèque. J’ai trouvé la remarque drôle, mais aussi pertinente. Le livre est un objet dont il faut préserver le plaisir de la manipulation et de la conservation.
Il faut donc penser à ce que l’on peut faire pour aider la librairie, qui est une activité difficile. Il faut penser le coût et les problèmes rencontrés pour l’installation d’une librairie dans une ville ou dans un quartier : c’est une activité commerciale, mais avec une spécificité culturelle qui mérite que l’on réfléchisse aux moyens de la faciliter.
Livres Hebdo : Dans ce domaine, vous prévoyez des initiatives à court ou moyen terme ?
Catherine Trautmann : Nous allons poursuivre notre aide à l’Adele, l’Association pour le développement de la librairie de création, et nous mènerons un dialogue avec les collectivités pour déboucher sur des mesures concrètes.
Livres Hebdo : Vous avez souhaité que l’accès à la BNF soit possible dès 16 ans. Est-ce son rôle de compenser les carences du réseau de bibliothèques scolaires et universitaires de la région parisienne ?
Catherine Trautmann : Une bibliothèque doit être la plus ouverte possible. La BNF est immense. Elle bénéficie d’un fonds et de moyens très importants. Dès lors qu’on a une telle dépense publique, il faut que le plus grand nombre y ait accès. Plus tôt on apprend à manipuler un catalogue, à chercher et à accéder à un libre, plus on banalise l’usage de ce type d’outil. Mais cela ne dispense pas les collectivités de l’Île-de-France de faire leur propre effort pour la lecture publique.
Livres Hebdo : Comme votre prédécesseur, vous avez situé le projet de loi sur les bibliothèques dans une logique de défense du pluralisme. Ne risquez-vous pas de dessaisir les bibliothécaires de leurs choix, et d’ouvrir la porte à des revendications du Front national dans tous les établissements de France ?
Catherine Trautmann : Ah, non ! Dans la réflexion que nous menons pour élaborer la loi, nous avons inscrit la qualification du personnel qui permet, elle, de garantir que les conditions scientifiques et de pluralisme sont respectées. Il ne s’agit pas de dire aux bibliothécaires comment ils doivent composer leurs collections. La loi renforcera la garantie professionnelle donnée aux bibliothécaires ; et elle définira le rôle du service public des bibliothèques qui est un axe majeur de la politique de la lecture qui doit être menée au niveau de l’État.
Livres Hebdo : Quand ce projet sera-t-il présenté au Parlement ?
Catherine Trautmann : Je souhaite que l’essentiel du texte soit terminé au printemps, et qu’il puisse être présenté avant la fin de l’année 1998.
Livres Hebdo : Dans les bibliothèques, un grand nombre de livres sont utilisés sans « retour sur investissement » en termes de droits d’auteur. Êtes-vous favorable à l’instauration d’un droit de prêt ? Et quels objectifs assignez-vous à la mission de concertation que vous avez annoncée sur cette question ?
Catherine Trautmann : Nous sommes effectivement confrontés au problème de l’édition et des auteurs. Il faut prendre en compte toute la chaîne du livre, et donc mesurer la situation à tous les niveaux, des auteurs aux bibliothèques personnelles ou publiques. Je souhaite qu’il y ait un soutien à l’activité éditoriale, et que nous prenions en compte la situation des écrivains. La mission doit permettre d’entendre tout le monde, de recenser les données objectives et d’étudier réellement ce qui se passe dans d’autres pays. Je souhaite que cela se fasse de manière dépassionnée : nous ne sommes pas là pour porter des coups à quiconque. Nous n’oublierons aucun maillon de la chaîne, les collectivités seront entendues. Pour ma part, je prendrai position après le retour de cette mission.
Livres Hebdo : Les pouvoirs publics sont actuellement, via le ministère de l’éducation, les premiers à ne pas appliquer la loi sur la reprographie. Peut-on espérer que l’État verse enfin ce qu’il doit aux éditeurs et aux auteurs ?
Catherine Trautmann : C’est un débat que nous avons engagé avec l’éducation nationale dès mon arrivée au ministère. J’ai demandé que l’on poursuive l’application de la loi de 1995. Le Gouvernement vient de s’engager à le faire. Tout n’est pas encore gagné, mais j’insisterai pour que les choses avancent.
Livres Hebdo : Quand le rapport Groshens sur les rapports entre édition publique et privée, qui a été remis au Premier ministre, sera-t-il rendu public ? Et l’État va-t-il se désengager de certaines de ses activités éditoriales ?
Catherine Trautmann : Le rapport de M. Groshens sera rendu public d’ici à quelques semaines. Quant aux relations édition publique – édition privée, les services de l’État seront invités à respecter certaines règles.
Livres Hebdo : Est-il normal que les collectivités soient les seules à échapper au dispositif de prix unique du livre instauré par la loi Lang, obligeant les libraires à de lourdes concessions sur leurs marges ?
Catherine Trautmann : Cela fait partie des points à examiner avec les collectivités. En tout cas, nous allons mettre cartes sur table pour voir comment on peut, dans le cadre de la loi et en fonction du marché, prendre des décisions. Mais je ne veux pas imposer des choix sans un temps de concertation avec les collectivités.
Livres Hebdo : Tous ces dossiers soulignent que les principales revendications des éditeurs et des libraires visent le comportement des pouvoirs publics sur le marché du livre. L’État joue-t-il bien son rôle dans ce secteur ?
Catherine Trautmann : En France, l’État s’est tout de même pas mal engagé pour le livre. Je m’en rends compte lorsqu’à l’occasion des discussions que nous avons au plan européen sur le prix unique du livre, je peux comparer avec la situation d’autres pays. La loi de 1981, en particulier, a eu un effet extrêmement bénéfique sur toute la chaîne du libre.
L’État doit garder un rôle modérateur. Mais il y a des problèmes de fond qui ne sont pas seulement liés aux problèmes de prix mais à des stratégies d’édition ou à des pratiques de lecture ou d’acquisition des livres. Je constate par exemple que la durée de vie des livres est parfois très courte. Je suis à Francfort le 17 octobre précisément pour mieux comprendre comment font d’autres professionnels d’autres pays pour encourager l’édition et le livre.
Livres Hebdo : N’est-il pas un peu aberrant que les pouvoirs publics soient obligés de subventionner le livre pour compenser le fait qu’ils ne respectent pas eux-mêmes certaines règles de fonctionnement du marché ?
Catherine Trautmann : Je n’ai pas de position idéologique. Il faut voir ce qui est le plus efficace. L’État n’a pas à privilégier les aides directes. Et le livre n’est d’ailleurs pas le secteur culturel le plus aidé. Mais je constate que toutes les industries culturelles correspondent à des activités économiques très spécifiques. Dès lors qu’on a pour elle des ambitions, l’État a la responsabilité d’examiner des solutions et de choisir les meilleures. Cela dit, l’État n’a pas à se substituer aux professionnels. Ceux-ci prennent leurs risques, et c’est tant mieux, car c’est ce qui permet de produire des livres qui font date.
Livres Hebdo : Alors que Distique a été fortement aidé lors de sa reprise par Maxi-Livres, l’État est resté silencieux dans sa crise actuelle qui touche quelque 260 éditeurs. N’avez-vous pas, là, un rôle à jouer ?
Catherine Trautmann : Le ministère suit ce dossier depuis le début et j’ai suivi son évolution, notamment la situation des 260 éditeurs concernés pris individuellement. J’ai écrit fin juillet au ministre des finances pour attirer son attention sur la situation des éditeurs, que ses services locaux examinent favorablement d’éventuelles demandes d’éditeurs d’étalement de leur dette fiscale et sociale. Les Drac ont été alertées également. Le CNL a instruit tous les dossiers qui lui sont parvenus. Enfin, je peux vous annoncer que l’Institut de financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) va mettre en place pendant la période de soudure un mécanisme de garantie des crédits que les banques consentiront aux entreprises distribuées par Distique.
Date : 24 octobre 1997
Échange surréaliste à l’Assemblée nationale à propos de… « l’hebdomadaire Présent »
Texte intégral de l’interpellation de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture bottée et de la communication censurée, par Mme Françoise de Panafieu, ci-devant ministre du tourisme. Avec interventions impromptues de Mme Yvette Pandraud, ci-devant ministre de la sécurité.
Mme Françoise de Panafieu : Vous êtes intervenue, Madame le ministre de la culture, dans la politique actuelle de l’établissement public de la Bibliothèque nationale de France en ordonnant à son président de se désabonner de l’hebdomadaire Présent.
Mme Yvette Roudy : Elle a bien fait !
Mme Françoise de Panafieu : Bien que ne partageant à titre personnel aucune des thèses défendues par cette publication (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) je suis choquée par votre intervention intempestive. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)
Vous vous êtes, en effet, substituée à l’autorité du président de l’établissement public et à celle du conseil scientifique, seuls comptables de la politique d’acquisition et de la mise à la disposition du public des publications. Et votre intervention constitue un phénomène de censure au même titre que l’interdiction faite par certains maires à leur bibliothécaire d’acheter certaines publications pour la seule raison qu’elles ne correspondent pas à leur vision des choses.
Voltaire aurait donné sa vie pour que ses adversaires puissent s’exprimer. Pas plus que la liberté, la tolérance n’est divisible. Quels principes contradictoires vous animent donc, vous qui condamnez la censure et la pratiquez dans le même temps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication : On me fait un bien mauvais procès quand on m’accuse d’un acte de censure et même, selon les propos d’un président de groupe, d’un acte d’autodafé.
M. Robert Pandraud : C’en est un ! Liberticide ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication : Cet hebdomadaire qui est en dépôt légal reste disponible pour quiconque veut le lire dans les salles des périodiques rue Vivienne et à Tolbiac de même qu’il reste disponible sur les rayons puisqu’il continue à être acheté au numéro : je n’aurais pas imaginé que la simple résiliation de l’abonnement susciterait tant d’émotion !
En janvier 1997, la BNF a souscrit un abonnement à Présent et l’émotion a été grande compte tenu des problèmes déontologiques actuellement agités à propos des bibliothèques municipales et nationales. (Interruptions sur les bancs du groupe RPR) Le 11 octobre le président de l’établissement public, après avoir pris position, a été insulté ainsi qu’une organisation syndicale. Mon geste, sans porter atteinte à la liberté d’expression et d’opinion ni au libre accès du public, répondait à l’émotion des cadres de la bibliothèque et du personnel. Je dois rencontrer celui-ci et ses représentants aujourd’hui même. Je leur dirai que ce journal restera accessible en salles publiques et en dépôt légal.
Je regrette qu’un tel procès m’ait été fait. Il y a quelques mois, je le rappelle, on m’avait reproché dans ma ville de ne pas avoir interdit un certain congrès. Je reste fidèle à mes engagements ainsi qu’à ma conception de la liberté et de la responsabilité des Français ! (Applaudissements sur les bacs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe RPR et du groupe UDF)