Texte intégral
Q - Dimanche prochain va être levé l'embargo sur la viande britannique qui avait été imposé pour cause de vache folle. Les premiers steaks anglais arriveront dans les assiettes françaises à la mi-août. Vous-même, vous en mangerez sans crainte ?
- « Quand je vais en Angleterre, à Londres ou ailleurs, je mange de la viande anglaise, et tous les Anglais en mangent tous les jours. Vous me direz, cela ne suffit pas à rassurer ! Mais ce qui doit suffire à rassurer les Français c'est que cette levée de l'embargo sera très contrainte, très encadrée, très réglementée. Je peux vous donner des exemples : la Commission européenne n'a accepté de, lever l'embargo qu'à la condition que la viande exportée par la Grande-Bretagne soit désossée, dénervée ; que cela ne soit que du muscle pur - là où l'on n'a jamais trouvé la moindre trace d'encéphalopathie spongiforme bovine - ; que la viande exportée doit provenir de boeufs qui auront un certain âge, c'est-à-dire après l'épidémie ; que cette viande soit abattue dans des abattoirs agrémentés et surveillés. Donc, c'est très contraint et il y aura très peu de viande anglaise qui va inonder le marché européen. Ce sera très limité. Je pense que compte tenu de toutes ces contraintes on peut rassurer le consommateur français. »
Q - La semaine dernière, il y a eu de nouveaux cas de contamination par la dioxine en Belgique, dans des élevages de porcs. Est-ce que l'on est sûr que ce n'est pas une autre source de contamination que celle que l'on connaissait ?
- « A ce stade, on en est sûr. Mais, nous sommes en contact permanent avec nos amis belges, nos collègues belges qui nous informent convenablement, surtout après la crise de la dioxine où l'Union européenne et la Commission leur avaient fait quelques reproches. Et à ce stade, il n'y a aucune raison d'être inquiet de cette nouvelle alerte. »
Q - En représailles contre l'Europe qui ne veut pas importer de boeuf américain aux hormones, les États-Unis, approuvés par l'OMC, vont lourdement taxer certains produits européens dont, pour la France, le Roquefort, les truffes, le foie gras. On ne peut que se plier, maintenant, à cette sanction ?
- « On ne peut que se plier ; en même temps, c'est une partie de bras de fer qu'il faut bien comprendre. On disait tout à l'heure : « Levée réglementée sur le boeuf britannique », et là on dit : « Maintien de l'embargo sur le boeuf américain. » Pourquoi ? Parce qu'il s'agit du boeuf aux hormones et que les Européens unanimes - L'Union européenne soudée, solidaire et donc plutôt efficace - depuis une dizaine d'années refusent d'importer du boeuf aux hormones américain, parce qu'ils considèrent que les hormones employées présentent des risques pour la santé des consommateurs, en particulier certaines de ces substances hormonales... »
Q - Ce que les Américains ne comprennent pas.
- « Mais, nous pensons que certaines de ces substances sont cancérigènes. Alors, évidemment, s'il y a un vrai danger pour la sécurité, on ne peut pas transiger. Donc, nous maintenons cet embargo. Et les Américains nous taxent de protectionnisme. Donc, nous sommes allés devant l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce... »
Q - Qui a donné raison aux Américains.
- « En fait, elle moins donné raison aux Américains qu'ils ne le souhaitaient, dans la mesure où ont été largement limité les rétorsions commerciales qu'ils sont en droit de mettre en oeuvre. Ils ont donné raison aux Américains, mais dans la mesure où l'Europe, à ce stade, n'a pas été capable de faire la preuve scientifique, définitive, de ce danger. Nous avons fait la preuve partielle, parce que les enquêtes que nous avons commandées - l'Union a commandé 17 enquêtes scientifiques - ne sont pas achevées. Donc la suite de ce dossier c'est qu'il faut achever ces enquêtes scientifiques, ces études, et pouvoir présenter la preuve formelle à l'OMC que nous ne faisons pas du protectionnisme, qu'il y a bien un danger et donc que les rétorsions commerciales américaines sont nulles et non avenues. »
Q - En attendant, les entreprises sanctionnées en France et qui n'ont rien à voir avec l'origine du conflit, comme les fabricants de Roquefort...
« De foie gras du Sud-Ouest... »
Q - …vont-elles être aidées financièrement ?
- « Pour l'instant ils sont un peu les otages de cette partie de bras de fer commercial et c'est dommageable. C'est vrai que, dans la mesure où ils sont les victimes d'une décision prise au niveau européen, on peut regarder au niveau européen s'il est possible de les soutenir. C'est une position que j'ai accepté de prendre devant le Conseil d'agriculture dans les semaines qui viennent. Mais à ce stade, je ne peux pas préjuger de ce qui sera décidé au niveau européen. »
Q - L. Guyau, le président de là FNSEA, prédit une « rentrée chaude » si rien n'est fait pour redonner confiance aux agriculteurs.
- « J'ai vu ces déclarations répétées du président de la FNSEA. Je lui ai demandé, en souriant, si c'était un bon météorologue puisque l'on a déjà un été plutôt chaud, donc je ne sais pas si cela veut dire que l'été va durer. Je ne sais pas très bien ce que cela veut dire. Vous savez les agriculteurs... »
Q - Il dit que la conjoncture agricole se dégrade sur tous les produits quasiment.
- « Oui, mais en même temps les accords de Berlin ont été quand même, je ne dirais pas un succès, pour le Gouvernement et le Président de la République française, mais nous nous sommes bien battus, nous avons obtenu des accords plutôt satisfaisants - chacun le reconnaît - ; dans certains secteurs il y a même des succès remportés. Depuis, la récolte qui s'annonce est globalement plutôt satisfaisante, un peu moins que celle de 98 parce que celle-ci était exceptionnelle, mais l'on va avoir en 99 une très bonne récolte. Il y a des prix, des cours qui se soutiennent mal, mais je ne sais pas à quoi fait allusion M. Guyau ; il a certainement de très bonnes raisons de prédire une rentrée agitée. En tout cas, moi, je me prépare sereinement à cette rentrée, dans le domaine de l'agriculture en tout cas. »
Q - Il y a eu, hier au Gouvernement, un remaniement limité : une socialiste remplace B. Kouchner au Secrétariat d'État à la Santé, un Radical remplace un Radical au Commerce extérieur. On ne peut pas parler d'un remaniement de grande ampleur.
- « Non, mais je pense qu'on ne change pas une équipe qui gagne. C'est une terminologie sportive qui s'applique bien. Il y a une équipe qui tourne bien, qui est efficace, dans laquelle les gens travaillent harmonieusement et sereinement. Il n'y a pas de raisons objectives de remettre en cause ces équilibres. Cette équipe a été formée après les élections législatives de 97, elle est au travail avec une majorité pour cinq ans. Il n'y avait aucune raison qu'au bout de deux ans... »
Q - Il pouvait y avoir les européennes qui faisaient penser, chez certains des Verts, qu'il pouvait y avoir un ministre de plus.
- « Pourquoi pas, mais en même temps, il y aura un peu plus tard des municipales. Si, à chaque élection, on doit modifier les équilibres... les équilibres sont déterminés par les élections nationales qui s'appellent les élections législatives, qui créent la majorité parlementaire et qui provoquent un programme de travail sur le travail parlementaire pour cinq ans. Donc, je crois qu'il ne fallait pas remettre en cause ces équilibres. Ils ne sont pas remis en cause. Il y a un équilibre qui a un peu bougé : une femme de plus au Gouvernement. Ce qui veut dire que c'est un Gouvernement de plus en plus féminisé. Je pense que les Français ressentent aussi cette originalité. »
Q - Hier soir à Matignon, L. Jospin et son épouse avaient convié à dîner tous les membres du Gouvernement. Il s'agissait d'illustrer cet équilibre, cette continuité de l'action du Gouvernement ?
- « Comment vous répondre ? Je ne crois pas que cela soit un événement politique en soi. On y a très peu parlé de politique, en tout cas à la table où j'étais, quasiment pas. »
Q - Vous parliez de quoi ?
- « Comme tous les Français qui se retrouvent comme ça, des collègues de bureau qui se retrouvent pour un dîner de détente amical, on a parlé de tout, de rien et on a beaucoup rit. Ce qui est une originalité de ce Gouvernement, qui tranche singulièrement avec certains de ses prédécesseurs, c'est qu'il y a une bonne ambiance, un esprit d'équipe et que les gens se retrouvent bien ensemble. Cela a été illustré par le dîner d'hier soir. »
Q - Il n y avait pas de déclaration solennelle du Premier ministre ?
- « Aucun. Pas de discours, pas de toast, pas de déclaration solennelle. Une ambiance détendue et amicale et parfois très rieuse. »
Q - Où serez-vous le jour de l'éclipse ?
- « Probablement sur l'eau ou sous l'eau... »
Q - Par précaution ?
- « Non, pas par précaution [rires] ... , mais sans rire, on pouvait peut-être trouver cela désuet, hier tous ces ministres avec ces lunettes de protection, mais en même temps, il y a eu des exemples... »
Q - Vous avez eu une distribution de lunettes ?
- « Un dossier a été remis à tous les ministres pour le conseil des ministres dans lequel il y avait les lunettes. Mais personne ne les a mises puisqu'il faut les protéger elles-mêmes, ces lunettes, pour qu'elles ne soient pas rayées et qu'elles ne perdent pas de leur efficacité. Mais, trêve de plaisanterie, dans certains cas à l'étranger, il y a eu des éclipses qui ont provoqué des centaines et des centaines d'accidents de cornée ou de rétine très très violents et très graves. Donc, je crois que c'est du devoir du Gouvernement que d'alerter les Français sur le danger que représente cette éclipse pour la santé des yeux. Le Gouvernement l'a fait sérieusement, c'est tant mieux. »