Texte intégral
Plus d’emplois pour les jeunes, plus de jeunes dans l’emploi.
Ce n’est pas un hasard si la première loi présentée par le Gouvernement de Lionel Jospin à la nouvelle Assemblée nationale, sortie des urnes de juin 1997, a pour objectif d’organiser « le développement d’activités pour l’emploi des jeunes ». Rupture avec une situation sociale insupportable, volonté forte de l’opinion, exigence d’une économie moderne capable d’adaptation, ce texte avait été promis aux Français tout au long d’une brève et inattendue campagne électorale. Il y avait là à la fois urgence et nécessité.
La situation de la jeunesse s’est en effet dégradée ces dernières années, au point même d’interrompre le cycle continu du progrès entre les générations. Les Français le savent qui s’alarment, notamment parmi les classes moyennes et modestes. Chacun sait combien la maladie du chômage constitue la première inquiétude et la première préoccupation. Au bout du processus, il peut y avoir la désintégration de notre société et un coût à payer en termes de malaise et de frustration, incommensurablement plus élevé que celui de n’importe quelle mesure d’entraide et de redistribution. Quand l’injustice leur fait violence, certains s’en remettent à la violence pour que cesse l’injustice. C’est pourquoi, il faut plus d’emplois pour les jeunes et plus de jeunes dans l’emploi. C’est un choix politique, un choix économique et un choix social. C’est le sens de la loi Aubry.
Certes, personne aujourd’hui n’oserait affirmer qu’il détient la solution miracle face à un mal aussi persistant. Si un seul remède pouvait y parvenir, cela se saurait. Une plus forte croissance, une meilleure formation par l’éducation continuelle, un aménagement/réduction de la durée individuelle du travail, des charges moins lourdes, y contribueront. Mais, il fallait provoquer un déclic. La psychologie collective ne peut pas continuellement se nourrir de déceptions. La précédente équipe a payé pour le savoir. Il fallait réenclencher la machine. C’est là un des rôles de ces emplois.
Ils permettront aux jeunes d’acquérir une première qualification, de « "mettre le pied à l’étrier ». Vrais emplois, fondés sur un contrat de cinq ans, ils répondront à de vrais besoins dans des secteurs où l’initiative privée n’a pas pu, à ce jour, répondre à toutes les attentes. Dans les métiers que l’économie marchande ne prendra pas seule en compte qu’il s’agisse d’activités de quartier, d’éco-développement, d’accompagnement de la petite enfance et de la grande vieillesse, de l’amélioration de la sûreté, d’animation du lien social, ce ne sont pas les opportunités, ni la demande qui manquent.
Utilité collective et satisfaction individuelle seront, nous l’espérons, au rendez-vous. Mais, pas à n’importe quelles conditions. Nous devrons veiller à ce que la répartition entre filles et garçons soit équitable. Il faudra éviter de laisser les moins diplômés sur le bord du chemin et se préoccuper des « bac+6 », mais également des « bac+3 ». De même, il faudra donner à toutes les collectivités locales les moyens de bénéficier de ce plan et prendre garde que les moins fortunées d’entre elles, celles pour lesquelles 20 % d’un salaire c’est encore trop cher, n’en soient exclues. Il faudra aussi préparer la « sortie » de ces emplois et inspirer confiance aux entreprises, indispensables partenaires. Si cette alliance du mieux vivre et de la solidarité, si ce pari redistributif vont au succès, la cohésion nationale et la solidarité sociale en seront renforcées.
L’enjeu est de taille, il était normal que la représentation nationale y prenne toute sa part. Dès l’été, la commission des affaires sociales a travaillé activement aux côtés du gouvernement pour améliorer certains aspects du projet de loi. Lors de la discussion dans l’hémicycle, les débats ont été d’une grande tenue : la majorité s’est montrée constructive, l’opposition responsable, l’ensemble des parlementaires assidus. Comme les Français en avaient formulé l’exigence par leur vote du printemps 1997, une certaine façon de faire de la politique a commencé de prendre forme. Amorce d’un rééquilibrage des pouvoirs ou simple éclaircie institutionnelle sans lendemain, j’espère en la seconde solution et souhaite que ce début ne soit pas une fin.
Car, il en va aussi de nos institutions. Nul n’est censé ignorer la Loi, certes, mais peu la connaissent. Bien des changements et trop de textes ne rendent pas la chose aisée. C’est pourquoi, il faut mieux faire connaître le travail des députés, diffuser leurs débats et largement publier les lois. Il faut multiplier les canaux d’information pour irriguer la citoyenneté. Tel est précisément ce qui anime la démarche de Jean-Claude Soulard et des éditions 10/18. En présentant au grand public le mode d’emploi des emplois jeunes, cet ouvrage contribuera à une meilleure connaissance d’un des projets de loi marquants de la législature. Il sera utile aux jeunes que ce texte concerne directement, mais aussi à tous les citoyens attentifs à la vie de notre démocratie.
Un livre utile sur un projet qui ne l’est pas moins, retraçant des débats éclairants : voilà trois bonnes raisons de se féliciter d’une initiative à laquelle j’apporte mon entier soutien.