Interviews de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes à France 3 le 9 novembre 1997, France-Inter le 19 et article dans "Le Journal du dimanche" le 16, sur le règlement du conflit des routiers, la préparation du Conseil européen extraordinaire consacré à l'emploi, le congrès de Brest du PS, le passage à l'euro et la manifestation de solidarité des intellectuels français en faveur de l'Algérie.

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Média : France 3 - France Inter - Le Journal du Dimanche - Télévision

Texte intégral

France 3 - 9 novembre 1997

France 3 : Vous faites de la politique depuis longtemps malgré votre jeune âge. Vous avez été élu, pour la première fois, dans le Doubs. Vous avez démissionné pour devenir ministre. Mais par rapport à cette forme d’engagement, et par rapport aussi à la manifestation pour l’Algérie, qui mobilise depuis ce soir des intellectuels et toutes sortes d’organisations, vous sentez-vous à l’aise, par rapport à la position officielle de la France sur l’Algérie ?

Pierre Moscovici : Je crois qu’il est temps qu’on réalise, en France, que l’Algérie, ce n’est plus la France. C’est vrai qu’on a des liens extrêmement forts avec l’Algérie. C’est vrai qu’on est révulsé par ce qui s’y passe, que la violence, le terrorisme sont insupportables, mais en même temps, c’est très difficile de faire de l’ingérence. En plus, il y a des changements, qui ne sont pas parfaits des changements qui marquent des avancées et des reculs, mais en même temps, des changements qui vont quand même, par rapport à un certain passé, dans un sens qui est plutôt positif.

Mais, par rapport à la manifestation, je n’ai aucune hésitation. Je crois qu’il faut manifester notre solidarité par rapport aux Algériens. Ce type de manifestation est une façon de soutenir l’Algérie, mais également d’exiger quelque chose qui est fondamental, c’est-à-dire la transparence, l’information sur ce qui se passe en Algérie. On ne sait pas suffisamment ce qui s’y passe.

France 3 : Même au quai d’Orsay ?

Pierre Moscovici : C’est un des problèmes. Même au quai d’Orsay, je pense que personne ne le sait, ni les Américains, ni les Français. Il y a beaucoup de désinformation. Et donc, ce qu’on demande, ce que demandent les organisateurs de ce mouvement, les associatifs notamment, c’est la transparence. C’est l’information. C’est une démarche qui me convient.

France 3 : Dans votre domaine maintenant, il y a l’Europe. Sur le conflit des routiers, sur son déroulement, sur ses causes, et son dénouement aussi, jusqu’à quel point, est-ce que l’Europe a été un facteur déterminant, d’après vous ?

Pierre Moscovici : Je crois que cela été un facteur très important dans la mesure où, tout de suite, il y a eu une exigence forte, qui était celle de la libre circulation. Quand le gouvernement a pris ses positions, dès le départ, il a, à la fois essayer d’avancer sur le terrain de l’aide matérielle, de l’aide économique, mais aussi, il a fait garantir tout de suite la libre circulation. Nous sentions que nous étions sous le contrôle de nos partenaires.

Il y a un autre européen qui est fondamental : c’est la demande de social, qui s’exprime vraiment de la façon la plus manifeste à travers ce type de conflit. Car c’est une des professions qui est la plus opprimée, une de celles qui vit avec le moins de dignité, et on sent que l’harmonisation européenne. Elle est en route, mais elle ne doit pas signifier concurrence. Elle ne doit pas signifier uniquement démantèlement, dérégulation, difficultés. Elle doit signifier harmonisation par le haut. Et je vous signale, d’ailleurs, que nous allons adresser un mémorandum français pour dire comment nous entendons que la libéralisation du transport routier soit maîtrisée soit régulée.

France 3 : Mais justement, la Commission de Bruxelles travaille dans le domaine des transports. Il y a une directive qui est en chantier, et qui va dans le sens d’une harmonisation des conditions de travail. Par rapport à cela, est-ce que la France est prête elle-même à aller dans ce sens-là, alors que sa situation n’est peut-être pas tout à fait aux normes européennes ?

Pierre Moscovici : Je crois que c’était, au fond, le sens du conflit. Il y avait deux choses : d’abord des engagements qui avaient été pris lors du précédent conflit et qui n’avaient pas été tenus. Les routiers ont exprimé cela. Ils voulaient qu’on respecte la parole donnée.

France 3 : Et cette fois-ci, elle va être tenue ?

Pierre Moscovici : J’en suis absolument certain, ne serait-ce que parce que le Premier ministre a pris des engagements extrêmement fermes, en disant, notamment, qu’il y aurait extension de l’accord, y compris à ceux qui ne l’auraient pas signé. Et donc l’État va jouer son rôle de régulateur, de garant.

France 3 : Est-ce que n’est pas un paradoxe que l’État joue un rôle de régulateur dans un conflit, dans un secteur qui a été totalement libéralisé, il y a une quinzaine d’année ? Est-ce que ce n’est pas là typiquement le genre d’exception française que nos partenaires européens nous reprochent ?

Pierre Moscovici : Je ne crois pas, parce que cela concerne justement un droit, une liberté, qui est la liberté de circulation, et l’État a, là, une obligation. On voit bien que les entreprises en souffrent, que les consommateurs pouvaient en souffrir. J’observe, d’ailleurs, que ce conflit a été très différent du précédent, car il y a eu fort peu de barrages dits bloquants. En 1996, il y avait 80 % de barrages bloquants. Cette année, c’était plutôt 20 % de barrages bloquants. Cette année, c’était plutôt 20 % de barrages bloquants et 80 % de barrages filtrants. Et donc, il fallait que l’État joue ce rôle-là. Mais le deuxième problème auquel étaient confrontés les routiers, c’est justement cette harmonisation européenne qui leur fait peur. Et il fallait aussi que nous leur disions que nous nous battrions pour que cette harmonisation se fasse par le haut, dans le sens le plus favorable. Alors, c’est vrai que nous avons fait l’objet de pression, d’invites aimables cette semaine…

France 3 : Et même parfois de remontrances assez vives, non ?

Pierre Moscovici : Pour ce qui concerne la Commission, par exemple, le commissaire Kinnock, qui est un ancien leader social-démocrate anglais, a expliqué que la France avait fait le maximum, et M. Monti, le commissaire chargé du marché intérieur, m’a écrit pour m’expliquer qu’il tenait compte de nos efforts. Il n’y a pas eu de remontrance.

France 3 : Et auparavant, M. Blair avait passé un coup de fil à M. Jospin, en des termes assez crus, a-t-on dit ?

Pierre Moscovici : Je ne crois pas qu’ils aient été » crus. M. Blair a voulu dire à M. Jospin qu’il fallait que la libre circulation soit assurée. Elle l’a été. D’ailleurs, on a vu lors du sommet franco-britannique que l’entente était très cordiale.

France 3 : Oui, au point même où on se dit que c’est un peu suspect. Tout le monde et copain, tout sourire. Il n’y en avait pas un peu trop dans la mise en scène de cette amitié ?

Pierre Moscovici : Je crois qu’en Grande-Bretagne, il se passe quelque chose de fondamental, qu’on ne comprend pas de ce côté-ci de la Manche. On fait toujours comme si c’était d’affreux insulaires, conservateurs… Il y a eu des élections. Et pour la première fois, en Grande-Bretagne, il y a un gouvernement qui est européen, et c’est la première fois depuis 25 ans. Donc, en fait, la première fois depuis que la Grande-Bretagne est dans le marché commun, et en plus, c’est un gouvernement qui est progressiste. Et donc, cela explique les sourires, cela fait plutôt plaisir. En plus, M. Blair est un homme assez souriant, charmeur ; cela ne fait pas de mal, à conditions que ce charme recouvre une sincérité. Je crois que c’est le cas.

France 3 : Et en ce qui concerne les relations entre lui et Lionel Jospin, on sent bien quand même qu’il y a un effort réciproque, par rapport à tout ce qui les oppose, bien qu’ils soient censés avoir la même étiquette politique.

Pierre Moscovici : Honnêtement, c’est une pure légende. Honnêtement, j’ai assisté au premier entretien, entre Tony Blair et Lionel Jospin. Nous étions quatre, il y avait Robin Cook, le ministre des affaires étrangères britannique actuel. C’était en 1995, pendant la campagne présidentielle. Leurs relations sont extrêmement cordiales. A part cela, ils ont des différences de tempérament, peut-être aussi des différences, comme dire, non pas idéologiques, mais de comportement politique…

France 3 : Presque idéologique…

Pierre Moscovici : « Presque idéologique », mais je crois que ces différences sont largement surmontées par une communauté de vues très grandes, par exemple sur le sujet de l’emploi, dont on reparlera certainement. Par rapport au sommet sur l’emploi, les Anglais sont nos alliés.

France 3 : Précisément au sommet libéral de Londres, vendredi dernier, le Président Chirac a félicité son Premier ministre devant le Premier ministre britannique du dénouement du conflit, c’est exact ?

Pierre Moscovici : Jacques Chirac a effectivement expliqué que Lionel Jospin et le gouvernement avaient fait le maximum pour que l’on s’en sorte au mieux. Je crois que c’est plutôt bien que la France parle d’une seule voix à l’étranger, que l’on soit capable de se soutenir les uns les autres dès lors que ce sont les intérêts de toute la population qui sont en jeu. Cela me paraît tout à fait correct d’une cohabitation qui, de ce point de vue-là, fonctionne comme elle le doit.

France 3 : « De ce point de vue-là ». Vous avez l’air de dire qu’il y a d’autres points de vues.

Pierre Moscovici : Cette cohabitation, je crois qu’il faut la voir comme elle est. Il n’y a pas de complicité, contrairement à ce que je lis parfois ; il n’y a pas non plus d’hostilité : il y a une grande courtoisie républicaine et dans le domaine de la politique internationale ou de la politique européenne, honnêtement c’est un sujet sur lequel on ne peut pas se permettre d’émettre des divergences.

France 3 : Pour revenir à l’aspect européen de ce dossier, à l’avenir, quelles sont les garanties que vous pouvez offrir à nos voisins pour établir ce qu’ils souhaitent, c’est-à-dire des couloirs de circulation. Vous pouvez leur offrir des garanties sur ces corridors ?

Pierre Moscovici : Non, et nous ne le souhaitons pas, pour être tout à fait honnête. En tout cas, aujourd’hui. Le commissaire Monti m’a écrit il y a quelques jours, pendant le conflit – c’est lui qui est justement chargé des règles du marché unique – demandant ces couloirs de transit. Ce n’est pas tout à fait praticable. Ce n’est pas, en tout cas, la culture française, et donc nous sommes plutôt pour la prévention de ces conflits par une harmonisation européenne, encore une fois, par le haut. Ce sera la position française, telle qu’elle s’exprimera dans le mémorandum…

France 3 : Concernant les indemnisations, le calendrier des indemnisations pour les routiers, espagnols, par exemple, ou anglais ?

Pierre Moscovici : C’est un autre point nouveau dans l’attitude de ce gouvernement : cela prendra trois mois, et tout le monde pourra être indemnisé. Lionel Jospin a pu le dire à Londres, ce qui a permis d’ailleurs effectivement de beaucoup mieux se comprendre avec Tony Blair.

France 3 : On ne peut pas donner de calendrier ce soir ?

Pierre Moscovici : Dans les trois mois.

France 3 : Juste un autre dossier qui concerne également l’Europe. En quoi M. Trichet est-il le mieux qualifié pour présider la future Banque centrale européenne ?

Pierre Moscovici : D’abord, une chose : il me paraît absolument normal, c’est-à-dire presque naturel, que la France ait un candidat.

France 3 : Même si l’on sait que Bonn est résolument contre, et que cela va compliquer les relations avec l’Allemagne à un moment un peu particulier ?

Pierre Moscovici : Aujourd’hui, je n’en sais rien. Je lis des commentaires ici ou là, qui sont pour beaucoup des commentaires…

France 3 : Même M. Straüber, qui est un des plus proches de M. Kohl, qui a dit hier que ce n’était vraiment pas une bonne idée de présenter M. Trichet ?

Pierre Moscovici : M. Straüber, c’est le Président de la Bavière. Il est CSU, ce que n’est pas M. Kohl, et en plus est contre l’euro, ce qui n’est pas le cas de M. Kohl. Donc, cela me paraîtrait plutôt une bonne nouvelle qu’il soit contre la candidature de M. Trichet.

France 3 : Enfin, on n’a pas l’impression que M. Kohl soit très content ?

Pierre Moscovici : C’est exact qu’aujourd’hui, nous n’avons pas un consentement de la part des Allemands, mais nous n’avons pas eu non plus de refus. Et vous avez vu qu’Helmut Kohl est venu à Paris, et que cette question a été évoquée. Nous sommes convenus d’en reparler plus tard. Mais je reviens à ce que je disais.

C’est naturel que la France ait un candidat. Cela me paraît aussi être un retour du politique, parce que M. Duisenberg, qui est le gouverneur néerlandais de la Banque centrale néerlandaise, avait été peut-être pressenti par un panel un peu technocratique. (…)

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’avoir une banque centrale indépendante, donc indépendante du gouvernement, de savoir qui est le plus compétent, de savoir qui s’y connaît le mieux dans ces sujets-là. Je pense que M. Trichet a toutes les qualités requises pour être le gouverneur de la Banque centrale européenne. Donc, encore une fois, voilà candidature, j’allais dire normal, naturelle, qui a un sens politique, avec toutes les garanties requises. C’est donc, une bonne candidature.

France 3 : Ce n’est pas pour favoriser un troisième homme ?

Pierre Moscovici : Non, pas du tout. Si la France présente un candidat – je sais aussi que ce candidat est au courant – il s’agit bien pour nous de présenter sa candidature. On verra maintenant comment les autres réagissent, et comment tout cela sera décidé dans les mois qui viennent, puisque c’est en mai que nous allons décider.

France 3 : Il n’y a pas un jeu de taquet. On se dit : voilà ce qu’on veut obtenir, voilà ce qu’on va faire. C’est cela aussi la politique ?

Pierre Moscovici : M. Trichet est notre candidat pour être gouverneur de la Banque centrale européenne.

France 3 : Venons-en aux prochains rendez-vous européens, à commencer par le sommet pour l’emploi, qui doit avoir lieu à Luxembourg les 20 et 21 novembre. (…) Ce sommet social qui va se tenir à l’initiative de la France se tient juste avant le Congrès du Parti socialiste. Alors quel trophée allez-vous ramener à Brest ? Est-ce que cela sera des résultats tangibles ou est-ce que cela va être du verbe ou même peut-être des rebuffades ?
(…)

Pierre Moscovici : Je tiens beaucoup à la réussite du Congrès de Brest. Et je crois que nous allons y entrer avec un succès à Luxembourg.

C’est surtout de l’intérêt général de l’Europe et des Européens dont il est question. Quels types d’emplois va-t-on créer ?

Je pense que ce Sommet va être un succès et je le mesure au chemin parcouru. Quand nous sommes arrivés aux responsabilités ; le 1er juin, il n’y avait pas du tout de sommet sur l’emploi prévu. Il n’y avait pas de résolution sur la croissance et l’emploi. On allait à Amsterdam tranquillement pour voter ce qu’on appelle le pacte de stabilité. Nous avons obtenu de haute lutte, qu’il y ait ce sommet. Nos partenaires y ont consenti. Mais au départ, beaucoup étaient hostiles, la plupart étaient sceptiques. Et petit à petit, il y a une prise de conscience qui s’opère. J’étais jeudi soir à Bruxelles, au conseil affaires sociales. Je crois qu’on peut espérer trois résultats de Luxembourg.

Le premier, c’est qu’il y ait des objectifs quantifiés, quantifiables, à la fois au plan européen et au plan national, pour réduire le chômage des jeunes…

France 3 : Des critères de convergence sociaux ?

Pierre Moscovici : Des critères de convergence sociaux, on peut les appeler ainsi. En tout cas…

France 3 : Obligatoires ?

Pierre Moscovici : Je pense que cette matière est une matière qui ressort assez largement de ce qu’on appelle la subsidiarité. C’est-à-dire qu’il y a, à la fois une perspective européenne à donner, d’où le fait qu’il y ait des critères européens. Dire : en Europe, on va offrir par exemple une formation à tout chômeur qui est au chômage depuis 12 mois, on va offrir une formation ou un acte éducatif à tout jeune qui est au chômage depuis six mois. Bref, essayer d’éradiquer le chômage de longue durée, le chômage des jeunes, car cela va être la priorité. Et en même il revient après à chaque État de décliner cela avec ses propres moyens. On parlait tout à l’heure des Britanniques et des Français. Nous avons un plan pour créer 350 000 emplois pour les jeunes dans le public. Eux ont un plan pour créer 250 000 emplois pour les jeunes. Ce n’est pas la même philosophie. Mais il y a une même conscience du problème, une même priorité. Voilà, le type de choses qu’on peut espérer à Luxembourg.

France 3 : Combien va être mis sur la table ?

Pierre Moscovici : La deuxième chose, c’est effectivement l’intervention directe de l’Europe financière à travers la Banque européenne d’investissements. J’aimerais bien qu’il y ait plusieurs dizaines de milliards d’écus pour un plan de relance, mais en même temps, on sait bien que nous n’aurons pas cela. Nous aurons un milliard d’écus, ce qui n’est déjà pas mal, parce qu’il faut choisir de bons investissements, qui ne seront pas pour les grands travaux, mais qui seront pour le capital-risque, pour les petites et moyennes entreprises, pour l’innovation, c’est-à-dire là où sont les principaux emplois.

La troisième chose que l’on peut espérer, c’est une relance du dialogue social européen, dont le conflit des routiers nous montre l’urgence. Il y aura d’ailleurs un sommet social avec les syndicats, qui sera tenu juste avant le sommet, en fait la semaine prochaine.

France 3 : En ce qui concerne la candidature de M. Trichet (…) Est-ce que vous allez utiliser le droit de veto contre le candidat néerlandais ?

Pierre Moscovici : Nous n’en sommes absolument pas là. Je le répète, nous avons un candidat, M. Trichet. Je pense que c’est un bon candidat, qu’il est tout à fait crédible, et donc il a ses chances. Nous ne sommes pas en train d’essayer de bloquer les autres, mais en train de pousser le nôtre. (…)

Les engagements pris sont tenus. Ce qui fait la spécificité de ce gouvernement, c’est le respect de la parole donnée, c’est l’authenticité, c’est d’agir pour les besoins des Français. Et puisque vous me demandez les quatre conditions sur l’Europe : elles sont tenues.

La première, c’était que l’euro ne soit pas surévalué, c’est-à-dire qu’on ait un dollar qui soit à un niveau suffisamment fort. Cela s’est passé.

Nous souhaitions ensuite qu’il y ait un euro qui soit très large, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas quatre ou cinq pays qui soient un noyau dur autour du mark. Il y en aura probablement onze, et il y aura surtout l’Espagne, le Portugal, l’Italie, ces pays qu’on appelait les pays du club Med, de façon un peu méprisante dans certains pays, ils y seront et c’est fondamental.

La troisième chose, c’est que nous voulions un gouvernement économique. Il y aura une instance politique qui s’appellera euro-groupe, que Dominique Strauss-Kahn a négocié avec les Allemands, avec M. Waigel et qui dira ce qu’il pense de la politique budgétaire, de la politique fiscale, qui sera en quelque sorte le pendant de la banque centrale indépendante.

Et, enfin, une quatrième condition, c’est d’obtenir un pacte pour la croissance et l’emploi. Nous n’y sommes pas, mais nous avons obtenu la résolution sur la croissance et l’emploi. Nous avons le sommet sur l’emploi, et je répète qu’à mon sens, ce sera une première étape extrêmement importante. Nous agissons pour rééquilibrer l’Europe dans un sens plus social, plus favorable à la croissance et l’emploi. Il y a donc là un procès d’intention qui nous est fait et que je n’accepte pas bien.

 

Le Journal du Dimanche - 16 novembre 1997

Le Journal du Dimanche : Ce sommet n’est-il pas voué à l’échec compte tenu des réticences allemandes ?

Pierre Moscovici : Pas du tout. C’est une nouvelle démarche dont on mesure le succès à l’aune du chemin parcouru depuis le sommet d’Amsterdam en juin dernier. Avant lui, l’Europe ne s’intéressait à l’emploi que de façon anecdotique. Après lui, malgré l’hostilité ou le scepticisme initial de certains de nos partenaires, ce sommet de Luxembourg a lieu et une priorité pour l’emploi va s’afficher. Les esprits ont beaucoup évolué, c’est déjà un succès relatif. L’ampleur des résultats concrets dira si c’est un grand succès.

Le Journal du Dimanche : On dit que la candidature de Jean-Claude Trichet à la tête de la Banque centrale européenne est une façon pour les Français de se venger des réticences allemandes face à ce sommet sur l’emploi ?

Pierre Moscovici : Non. Il est normal qu’il y ait plusieurs candidatures à ce type de poste. De plus, ce n’est pas un poste technique mais politique, cette désignation ne doit pas être faite par des techniciens. Et il nous paraît logique que le premier président de la banque européenne sont français. La décision sera prise le 2 mai 1998. Il n’y a dans cette affaire aucun aspect de « vengeance » seulement une affirmation politique.

Le Journal du Dimanche : Quels sont les « résultats concrets » que vous espérez ?

Pierre Moscovici : J’aimerais que l’on fixe des objectifs pour l’emploi comme l’on a fixé les critères de Maastricht pour les finances publiques. Ces objectifs doivent être quantifiables et les priorités établies : le chômage des jeunes d’abord, puis le chômage de longue durée, l’offre de formation, la création d’emplois nouveaux. L’emploi et la croissance doivent devenir des grandes causes mobilisatrices pour l’Europe. Ces objectifs européens seraient ensuite déclinés nationalement en fonction des traditions et de la situation économique de chacun. Mais qui dit objectifs dit contrôle de leur application : il faudra une surveillance multilatérale. Enfin un seul sommet comme celui-ci ne mettra pas fin au combat pour l’emploi. Il doit y avoir un conseil européen annuel consacré à l’emploi. Outre les objectifs à fixer, il y aussi des investissements à faire : un milliard d’écus (6,5 milliards de francs) au moins, en provenance de la Banque européenne d’investissement, devrait être consacré aux PME innovantes. Et des débats sur la réduction et l’aménagement du temps de travail devront relancer le dialogue social européen.

Le Journal du Dimanche : Le choix fait par la France des 35 heures légales ne la fait-elle pas apparaître archaïque face à ses partenaires ? Un ministre anglais a ironisé sur le « New Labour » et l’« Old PS ».

Pierre Moscovici : Ce ministre a, depuis, changé d’avis après une observation attentive du gouvernement Jospin ! Ce qui se passe en Angleterre est important. Ce n’est plus un îlot de conservatisme. Pour la première fois les Anglais ont un gouvernement pro-européen dont le projet est d’arrimer la Grande-Bretagne à l’Europe et ce gouvernement est progressiste. Sachez que sur cette affaire d’emploi, les Anglais sont nos alliés ! Nous ne cherchons pas à imposer les 35 heures, nous souhaitons seulement que chaque pays, avec son génie national, s’interroge, débattre de l’organisation et de la réduction du temps de travail.

Le Journal du Dimanche : Quels seraient les points de rencontre entre les approches les plus libérales et les approches les plus social-démocrates ?

Pierre Moscovici : L’approche libérale, qui est notamment celle des Espagnols, refuse les objectifs quantifiés. Les Allemands sont encore réservés sur le coût de l’opération est estiment qu’une politique de l’emploi est essentiellement nationale. Nous, nous voulons dégager une perspective commune, à chacun ensuite de déployer son propre attirail. Nous ne proposons rien de contraignant, nos « objectifs européens » sont compatibles avec les politiques nationales et n’induisent pas de dépenses supplémentaires. Luxembourg est bien un sommet de toute l’Europe, pas un sommet des socialistes européens.

Cela suppose des compromis. Nous n’avons pas la prétention d’imposer notre vision des choses, seulement l’ambition d’imposer notre vision des choses, seulement l’ambition d’infléchir la construction européenne dans un sens conforme à nos valeurs.

Le Journal du Dimanche : Les difficultés des Allemands à boucler leur budget peuvent-elles faire bouger les critères de Maastricht ?

Pierre Moscovici : Le vin est tiré, il faut le boire.

Le Journal du Dimanche : Estimez-vous que les conditions mises par les socialistes pour passer à l’euro sont désormais remplies ?

Pierre Moscovici : Au lendemain du sommet de Luxembourg, il y a le congrès du PS. Certains camarades ont jugé utile de faire une critique systématique du gouvernement, notamment sur cette question européenne. Ils ont parlé d’abandon des ambitions de la gauche pour l’Europe. Nous avions posé quatre conditions à la réussite de l’euro, elles sont en voie de réalisation.

1) Un euro qui ne soit pas surévalué : le dollar a monté pour des raisons, certes, indépendantes de notre volonté, nous nous en réjouissons.

2) Un euro large, auquel participent les pays du sud, Italie, Espagne, c’est bien parti.

3) Un gouvernement économique : nous allons créer un « euro-groupe » qui sera un interlocuteur politique à la banque centrale.

4) Un pacte de solidarité et de croissance, condition la plus difficile. Nous ne pouvons inverser 40 ans de construction européenne en quelques jours, mais nous avons obtenu à Amsterdam une résolution sur la croissance et l’emploi, et la tenue de ce sommet de Luxembourg qui ne sera pas le lieu de promesses inconsidérées mais l’amorce d’une construction européenne plus sociale. Donc à ceux qui disaient : vos conditions sont aberrantes, je dis : elles sont réalistes. Et à ceux qui disent : vous avez renoncé, je dis : ouvrez les yeux, nous commençons à rééquilibrer la construction européenne.

 

France Inter - mercredi 19 novembre 1997

Samuel Paoli : La méthode qui conduit à la prochaine mise en place de la monnaie unique, l’euro, peut-elle s’appliquer à une politique européenne de l’emploi ? Il y a aujourd’hui 18 millions de chômeurs en Europe. Une action concertée est-elle possible pour réduire ce chômage ? Les États membres accepteront-ils facilement que l’Union se mêle des politiques nationales de l’emploi ? Le sommet qui s’ouvrira demain à Luxembourg va-t-il, comme le croit M. Aubry, installer le socle d’un modèle européen de l’emploi ? Même si un compromis se dessine entre les partenaires européens, la route sera longue car personne, aujourd’hui, ne veut d’un carcan, ni d’un calendrier précis. Ce qui a servi, au fond, à installer l’euro qui, inéluctablement, va entrer en action, maintenant dans peu de temps, peut-il servir à l’emploi ? Au fond, la technique de l’euro peut-elle servir à un modèle pour l’emploi ?

Pierre Moscovici : Je crois, il faut raison garder, qu'effectivement, il serait pertinent qu’après Luxembourg, on sorte avec des objectifs pour l’emploi comme il y a eu hier des critères de Maastricht pour les finances publiques.

Samuel Paoli : Mais moins contraignants quand même, parce que Maastricht on en paye toujours le prix.

Pierre Moscovici : Ce n’est pas tellement la question, c’est que le sujet n’est pas le même et donc la méthode n’est pas la même. Avec les finances publiques, ça dépend directement des États et es Gouvernements, c’est au fond une maîtrise étatique ou quasi étatique. Là, créer de l’emploi, c’est l’affaire des entreprises, c’est l’affaire des partenaires sociaux, c’est l’affaire de l’économie tout entière, c’est l’affaire de la société.

Samuel Paoli : Vous parlez comme les Allemands, là ?

Pierre Moscovici : Non, pas du tout. Je pense qu’il y a une responsabilité européenne très forte et qu’il faut que ces objectifs existent. Quels sont ces objectifs ? Réduire le chômage de longue durée, réduire le chômage des jeunes – ça c’est la priorité absolue – et puis, surtout, offrir une formation à de plus en plus de gens pour augmenter leur capacité de s’adapter au marché du travail. Mais ce qui est clair, c’est qu’il ne peut pas y avoir des sanctions pour un État qui, par extraordinaire, n’aurait pas telle ou telle performance.

Samuel Paoli : Mais comment peut-on sans sanction avoir l’équivalent par exemple d’une obligation de résultat ?

Pierre Moscovici : C’est vrai qu’il y a un aspect de méthode qui est très important, c’est qu’il ne faut pas que Luxembourg soit une réunion qui dure deux jours et on n’en parle plus. Il faut qu’il y ait chaque année un Conseil européen qui soit consacré à l’emploi. Vous savez qu’il y en a deux par an, au mois de juin et au mois de décembre, il faut que chaque année, au mois de décembre, ce soit un sommet consacré à l’emploi – vous savez qu’il y en a deux par an, un au mois de juin, un au mois de décembre – pendant lequel on examine, par ce qu’on appelle une surveillance multilatérale, un contrôle, en d’autres termes, la façon dont les objectifs ont été remplis. Parce que, ce que je disais sur le rapport entre l’Europe et les nations : chacun doit se fixer les mêmes objectifs, encore une fois réduire le chômage des jeunes et le chômage de longue durée, offrir une formation, créer des emplois. Après, chacun doit être capable de les décliner dans ses propres termes, et pour reprendre votre terme à vous, obligation de résultat oui, liberté de moyens.

Samuel Paoli : Mais comment on se partage le travail ? Puisque vous évoquiez le rôle des États et celui des entreprises, charge à qui pour quoi ? Est-ce que l’État va s’occuper de l’environnement économique, administratif – en allégeant peut-être aussi, d’ailleurs, les charges sur les entreprises – et les entreprises du reste ?

Pierre Moscovici : Les objectifs dépendent beaucoup de la puissance publique. L’idée c’est, au bout de six mois, que chaque jeune se voit offrir soit un emploi, soit une insertion, soit une formation ; qu’aucun adulte ne reste au chômage plus de 12 mois. C’est l’extrêmement important parce que ça vise à éradiquer le chômage de longue durée. Faire en sorte, effectivement, qu’on offre une formation à 25 % de la population. Ça, ce sont des objectifs qui sont à poursuivre.

Samuel Paoli : Mais ça c’est politique : comment allez-vous convaincre les entreprises de marcher là-dedans ?

Pierre Moscovici : C’est aussi des affaires étatiques, en tout cas publiques. C’est à l’État de mettre en place des systèmes de formation qui correspondent à ça. Ils existent déjà, il faut les développer. Offrir un emploi au bout de six mois, c’est une affaire de mobilisation de la société tout entière. Et ce que j’espère de Luxembourg, c’est que derrière, on va tous se mobiliser effectivement pour la cause de l’emploi. L’Europe comme vous le suggériez au début, depuis quelques années, effectivement, c’est une Europe dans laquelle on sert les vis pour un objectif qui est extrêmement important parce que ça va être positif, qui est l’euro. Il faut aussi être capable, pour l’emploi, de se mobiliser de la même manière, de faire un effort collectif aussi fort.

Samuel Paoli : Mais quand on parle de modèle, de quel modèle faut-il parler ? Faut-il comprendre qu’il va y avoir une harmonisation des systèmes sociaux et des politiques de l’emploi en Europe ? Où va-t-il y avoir une normalisation à terme de tout ça ?

Pierre Moscovici : C’est là où il n’y a pas d’opposition, contrairement à ce qu’il paraît, avec les Allemands. Les Allemands, c’est vrai, ont été assez réticents dans cette histoire parce qu’ils disaient : "Attention, l’emploi est une politique nationale", et ensuite "Il ne faut pas que ça coûte." Mais notre idée n’est pas de dire que tout doit être normé, uniforme. L’Europe est une grande diversité. Pour prendre un exemple qui est emprunté à un autre pays, il y a un plan sur l’emploi des jeunes en Grande-Bretagne, il y en a un en France, ce n’est évidemment pas le même. Sur la réduction du temps de travail, contrairement à ce qu’on dit, tout le monde réduit le temps de travail mais les uns le font avec de l’annualisation – ce n’est pas notre tasse de thé –, les autres le fond par les négociations, c’est une pratique que nous soutenons, mais nous soutenons aussi l’idée d’une loi. Bref que chacun fasse avec son génie propre, avec ses techniques propres, mais en même temps qu’on aille vers la même perspective.

Samuel Paoli : Mais ça c’est pour commencer, il faudra vous rejoindre à un moment ?

Pierre Moscovici : Donc harmonisation, confrontation des objectifs communs mesurés chaque année dans un conseil pour l’emploi. Ce qu’on appelle un échange de bonnes pratiques, que les uns disent : "Voilà, chez moi on fait ça c’est intéressant ; chez vous on fait ça, ce n’est pas mal non plus." Qu’on soit capable de croiser ses expériences, mais au fur et à mesure, elles se rejoignent. Mais en termes, d’harmonisation, il va falloir aller à mon avis assez vite et assez loin.

Samuel Paoli : Mais puisqu’on va avoir une monnaie unique, aura-t-on un jour et dans un délai raisonnable une politique sociale unique, une politique sociale européenne, une politique de l’emploi européenne comme on aura une monnaie européenne ?

Pierre Moscovici : Pas des politiques uniques mais des politiques harmonisées. Je vais prendre deux exemples : la fiscalité. Il faut absolument qu’elle cesse de peser, en Europe, sur le facteur travail, et en revanche, qu’il y ait ce qu’on appelle un code de bonne conduite, autrement dit des règles minimales pour la fiscalité de l’épargne et du patrimoine. Deuxième exemple : les routiers. Leur grève montre une chose urgente, celle de l’harmonisation par le haut. Nous ne cherchons pas, par exemple, à exporter les 35 heures pour tout le monde, mais on ne peut pas tolérer que dans l’Europe de demain, il y ait des professions qui travaillent 240 heures par mois. Et donc, il faut qu’il y ait cet effort d’harmonisation par le haut et ça, ça doit se passer à Bruxelles. Encore une fois, harmonisation, ça ne justifie pas uniformisation, ça veut dire qu’il y a des règles minimales à toute l’Europe et je crois effectivement que le jour où il y a un marché unique, le jour où il y a une monnaie unique, alors il doit y avoir aussi des systèmes fiscaux et sociaux qui se ressemblent davantage parce qu’on ne peut pas avoir une compétition entre les États européens qui serait : "Viens chez moi, ma fiscalité est meilleure", ou "Viens chez moi, mon système social est moins bon !" Ce n’est pas du tout comme ça que ça doit se passer. Si on veut un modèle européen, ça suppose une harmonisation assez forte.

Samuel Paoli : Au passage, est-ce que vous êtes en train de nous dire que le débat sur les 35 heures va reprendre à Luxembourg peut-être même avant de reprendre avec le futur patron du patronat français ?

Pierre Moscovici : J’espère qu’il va reprendre avec le futur patron du patronat français parce qu’il est très important que cette affaire soit une affaire négociée pour qu’elle fonctionne sur le terrain. Je suis d’ailleurs assez optimiste, je pense que les patrons vont revenir à la raison. Mais pour revenir à l’Europe, non, nous ne cherchons pas à vendre aux autres les 35 heures. Mais nous cherchons à dire : il y a un sujet qui est fondamental, qui est la réduction du temps de travail, que chacun le fasse comme il l’entend, voilà comment nous le faisons et vous allez voir, ça va marcher.

Samuel Paoli : Et quand les Européens vont vous dire : « Bon, allez, d’accord pour l’annualisation, d’accord pour la flexibilité », au fond, un peu le discours à la T. Blair, qu’est-ce que vous allez leur dire ?

Pierre Moscovici : Que nous sommes très contents avec notre loi sur les 35 heures qui est un système parfaitement souple puisqu’en fait, il s’agit d’inciter à réduire le temps de travail, il s’agit aussi de négocier et puis ensuite de légiférer. C’est bien de ça dont il s’agit à l’an 2000. Donc chacun le fait un peu comme il veut.

Samuel Paoli : Mais est-ce que vous allez « blairiser » la politique de Jospin ?

Pierre Moscovici : Ou Blaire va "jospiniser" la politique anglaise. Mais je crois que les Anglais sont en train de se rapprocher effectivement de ce modèle social européen. Vous savez, et je fais une petite parenthèse on se comporte toujours, vis-à-vis de l’Angleterre, comme si c’était une île – c’est une île – et forcément libérale. Or pour la première fois dans ce pays, il y a un gouvernement qui est européen, puisqu’il veut venir dans l’euro, et un gouvernement qui est progressiste. Par exemple sur ces affaires d’emploi, nous n’avons eu aucune difficulté avec eux. Ils insistent surtout sur quelque chose que nous connaissons bien en France : améliorer la formation, améliorer l’éducation parce qu’on sait que ce sont des citoyens éduqués et formés qui sont plus capables demain d’occuper des emplois qualifiés.

Samuel Paoli : Au passage, l’euro, ce sera un accélérateur à cette politique de l’emploi et peut-être même à cette mise en place d’une Europe sociale ?

Pierre Moscovici : Je crois que l’euro va être un accélérateur pour l’Europe tout court. Aujourd’hui, elle est un peu suspendue dans l’attente de la décision. Quand il y aura l’euro, il y aura toute une dynamique à la fois économique, sociale, politique qui va se produire derrière, je suis sûre qu’elle sera positive. On en sous-estime, pour l’instant, l’impact. Forcément, vous savez, ce grand changement fait un peu peur mais je suis sûr qu’une fois qu’il se sera précipité, alors il va créer quelque chose d’extrêmement positif et 1998 sera l’année de l’Europe.

Samuel Paoli : Il y a quelque chose qui a changé dans les mentalités au sein même de l’Union parce qu’avant les vacances, on se souvient, on a échangé, au fond, contre le pacte de stabilité, le pacte pour l’emploi. C’est passé, ça y est ?

Pierre Moscovici : Oui, moi je suis assez fier de ça pare qu’on disait à Amsterdam : "Les Français arrivent, ils ne sont pas bons. Qu’est-ce qu’ils pensent de l’Europe ?" Eh bien nous avons obtenu ce Sommet sur l’emploi. Au départ, chez nos partenaires, il y avait un certain scepticisme, pas mal d’hostilité. Aujourd’hui, il y a une prise de conscience générale. Moi, je suis assez confiant que Luxembourg soit un succès. Ce n’est pas tout de suite "Changeons la vie" mais c’est une prise de conscience forte.