Déclarations de MM. Lionel Jospin, premier secrétaire du PS, et Dominique Strauss-Kahn, membre du Conseil national, à Paris le 14 mai, parue dans "L'Hebdo des socialistes" du 16 mai 1997, sur les propositions du PS en matière d'emploi et de fiscalité.

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Circonstance : Conférence de presse du PS sur la fiscalité le 14 mai 1997 dans le cadre de la campagne des élections législatives des 25 mai et 1er juin 1997

Média : L'Hebdo des socialistes

Texte intégral

Lionel Jospin

Nous entrons dans la 4e semaine de campagne. La décision des Français n’est pas prise et la droite le ressent. On nous dit que les Français se détermineront plutôt sur les propositions, sur les programmes… cela tombe bien car des propositions claires existent chez les socialistes, elles n’existent pas à droite. Où est le programme UDF/RPR ? La plateforme UDF/RPR – qui tient en 5 pages – a été présentée devant les parlementaires, il y a de cela 15 jours mais personne ne peut la voir et ne peut la lire pour juger sur pièce.

La Droite, c’est en fait un bilan non assumé, pas de perspectives claires, pas de programme ; à moins que le chef de campagne, pour l’instant en Chine, vienne nous retrouver plus tard !

Quelle politique la Droite veut-elle mener ? Est-ce celle de Nicolas Sarkozy, qui veut réduire la dépense publique, assouplir les conditions des contrats à durée déterminée, supprimer les lois Aubry sur les plans sociaux ? Est-ce celle d’Alain Madelin, qui veut redéfinir à la baisse le périmètre de l’État ? Est-ce celle de René Monory qui, lui, propose de supprimer le SMIC ? Est-ce celle de Philippe Séguin, qui tape sur les socialistes tout en empruntant à notre programme un certain nombre de généralités sur l’Europe ou sur l’éducation ? Est-ce celle d’Alain Juppé, dont on ne connaît pas bien les perspectives ?

Quelle coupe dans les services publics veulent-ils faire, puisqu’ils en menacent les Français ? Quels sont les services publics auxquels ils veulent porter atteinte et où les coups seront-ils portés ? Dans l’éducation nationale ? Dans la sécurité ? Dans le logement ? Dans la justice ? Dans la protection sociale ?

Comment vont-ils financer leur programme ? On gèle des crédits budgétaires ; on prétend vouloir réduire la dépense publique et pourtant, chaque jour, Monsieur Juppé, sur un coin de table, improvise des propositions nouvelles.

Quant au chef de campagne, il semble que ce soit la première fois en France que, dans une élection législative, on nous dérobe à ce point celui qui est sensé mener la campagne.

De notre côté, nous avons des propositions tirées à 10 millions d’exemplaires que chaque Français peut se procurer et qu’ils peuvent examiner sur la base de leur propre jugement. Il existe une volonté, des propositions et une équipe qui tire dans le même sens sur le terrain ou dans ses interventions.

Nous constatons que c’est autour de nos propositions que se fait le débat aujourd’hui. Et s’il n’y avait pas les propositions du Parti socialiste, on en sait pas de quoi on parlerait ! Elles offrent des perspectives et il est intéressant de voir, dans un sondage publié par l’Agefi et le Figaro, à quel point – sur la question d’une croissance qui serait tirée par une progression maîtrisée du pouvoir d’achat ou sur la diminution du temps de travail – les Français sont intéressés par nos propositions… et, à certains égards, y adhèrent.

Nous proposons des orientations, nous définissons des moyens qui peuvent nous permettre de déboucher sur une croissance plus forte, sans toucher à un certain nombre de contraintes qui concernent le niveau de la dépense publique ou de prélèvements obligatoires.

Ces propositions sont cohérentes et s’appliquent dans le temps ; pas en 40 jours, pas en six mois mais sur la perspective d’une législature. Il y a la volonté de créer des richesses, de produire pour une nouvelle croissance ; il faut donc pour cela respecter le marché tout en le régulant, le corrigeant. Il faut une impulsion des pouvoirs publics accompagnée par un engagement des acteurs de la vie économique et sociale. C’est pourquoi la loi, la négociation puis le contrat sont les méthodes par lesquelles nous voulons agir. Politique de la demande, croissance concertée en Europe : dès le sommet d’Amsterdam, si nous avons une majorité noud pourrons poser ces questions devant nos partenaires européens.

Le tissu des petites et moyennes entreprises sera le tissu créateur d’emploi, à la fois sur les nouveaux produits et sur les nouveaux services. Il faut une fiscalité favorable à l’investissement à risque, une mobilisation d’épargne vers les fonds propres des petites et moyennes entreprises, une simplification des formalités administratives, une politique de soutien au capital-risque. C’est ainsi que nous voulons distribuer de façon plus équitable et créer la richesse.

En ce qui concerne la diminution du temps de travail, nous établirons une loi-cadre, des négociations branche par branche, entreprise par entreprise sur une perspective de 3 ans… nous sommes loin de la caricature donnée de nos propositions.

Notre programme prévoit pour les jeunes 350 000 emplois, objectif pour le public, et 350 000 espérés pour le privé (nous ne sommes pas là en responsabilité directe) : 35 milliards sur deux ans, nous pensons que ceci peut être financé.
De notre côté nous avons une volonté, des propositions et une équipe qui tire dans le même son sur le terrain et dans ses interventions

Il y a donc une formation politique qui fait des propositions, ses grandes orientations vont dans le sens de ce que souhaitent les Français. Il reste donc à lutter contre le scepticisme général qui concerne toutes les formations politiques.

Où l’on reste dans l’engourdissement actuel ou l’on offre des perspectives. C’est ce choix qu’auront à faire les Français.

Dominique Strauss-Kahn

Les propositions fiscales que nous faisons s’inscrivent dans le cadre du refus d’une augmentation du déficit budgétaire et d’une stabilisation en pourcentage du produit national brut de la dépense publique.

Nous avons avancé plusieurs pistes, telles que la baisse de la TVA, le basculement des cotisations sociales sur la CSG… tout ceci ne pourra être définitivement fixé que lorsque l’audit des finances publiques auquel nous devront nous livrer sera réalisé. Cela ne prendra pas trop de temps et nous permettra d’avoir les livres ouverts sur le qui se passe aujourd’hui en matière budgétaire. Les publications diverses émanant du ministère des finances donnent à penser que la situation budgétaire est beaucoup plus grave que ne le laissait entendre la loi de finance initiale. Selon que ceci est vérifié ou non, les marges de manœuvre budgétaire dont disposera la nouvelle majorité, de droite ou de gauche d’ailleurs, ne sont pas les mêmes.

Il reste que nous exprimons la volonté d’engager une baisse sur la TVA. Concernant la CSG, nous pensons que, pour des raisons de justice sociale et parce que cela génère du pouvoir d’achat parmi les revenus les plus modestes, il convient de basculer les cotisations sociales sur la CSG. Il faut d’ailleurs revenir sur le mensonge répété plusieurs fois par Alain Juppé lui-même. Ceci ne conduira pas un certain nombre de retraités à voir leur pouvoir d’achat baisser. S’agissant des retraités imposables, le mécanisme que nous allons proposer avec abattement et déductibilité fait que, jusqu’à un seuil de retraite de l’ordre de 15 à 16 000 francs, ils en bénéficient (85 % des retraités). S’agissant des retraités non imposables, ce que nous prévoyons en matière de relèvement du minimum vieillesse fait qu’ils n’en pâtissent pas.

Sur l’emploi, Alain Juppé n’a pas de mots assez forts pour vilipender nos propositions. Il prétend que les socialistes veulent embaucher 700 000 fonctionnaires : c’est une grossière caricature.

On peut aussi se dire que c’est bien parce que cette proposition est réaliste et adaptée aux besoins des Français qu’il éprouve le besoin de la caricaturer. Il est aussi choquant de la part du Premier ministre, patron de l’administration française et donc des 2 millions de fonctionnaires qui y travaillent, de revenir sur cette thématique qui ne lui avait pourtant pas réussi : la mauvaise graisse.

Les 350 000 emplois que l’on se propose de dégager dans la fonction publique ne sont pas des postes de fonctionnaires puisqu’il s’agit d’embauche sur un contrat de longue durée pour 5 ans. En ce qui concerne le secteur privé, nous voulons inciter les entreprises françaises en direction de l’embauche des jeunes. Nous proposons pour cela la refonte des différentes procédures qui existent en matière d’appui des contrats de qualification, de formation en alternance, etc., au travers d’une allocation unifiée, à hauteur de 40 à 50 000 francs pour les jeunes pris en charge par les entreprises dans le cadre de ce contrat.

La seconde piste, qui sera négociée dans le cadre de la Conférence salariale sur la réduction du temps de travail et sur les salaires, consiste à donner une véritable importance à une procédure qui permet aux salariés qui ont 40 ans de cotisation à la retraite mais qui n’ont pas l’âge de partir en retraite de quitter leur emploi. Il y en a aujourd’hui 200 000. Si nous pouvons ainsi libérer 150 000 postes de travail, les jeunes pourront trouver un emploi dans les entreprises. Le coût nécessaire pour généraliser cette procédure est de l’ordre de 0,5 point de cotisation ; c’est à peu près d’ailleurs le même coût que celui représenté par l’effort concernant les jeunes qui entreraient dans les entreprises à partir de l’aide de 40 à 50 000 francs proposée. 0,5 point de la masse salariale, c’est en fait l’effort que notre pays doit engager s’il veut que ces 350 000 jeunes trouvent un emploi.

Alain Richard

Alain Juppé propose de mettre en œuvre un nouveau programme de baisse de cotisations pour les entreprises de main-d’œuvre. Nous remarquons que cette mesure se cumule intégralement avec l’exonération bas salaires – qui coûte déjà 50 milliards et dont les effets sont très largement discutés. Le Premier ministre se propose donc de multiplier par 15 les effectifs concernés par cette nouvelle réduction de cotisations sociales avec un coût de 40 milliards de francs. La durée de cette mesure n’est pas indiquée et les moyens de financement de cette mesure ne sont absolument pas précisés.