Texte intégral
Législatives 1998 : le programme du FN à la loupe
Questions à… Jean-Marie Le Pen, président du Front national
Horizons politiques : Jusqu’où devrait aller, selon vous la « lepénisation des esprits » que beaucoup redoutent aujourd’hui, y compris en Europe ?
Jean-Marie Le Pen : Ce processus que d’aucuns nomment abusivement « lepénisation des esprits » n’est finalement rien d’autre qu’un retour à un certain bon sens. Les Français se rendent compte qu’on leur ment depuis trop longtemps sur toutes les questions de société. Si la classe politico-médiatique craint autant l’extension du phénomène Le Pen, c’est parce qu’elle s’est montrée incapable de résoudre les grands problèmes qui empoisonnent la vie des Français au quotidien, chômage, insécurité, immigration, fiscalisme, laxisme…
Cette « lepénisation des esprits » s’étend par définition même à l’ensemble de notre société. Car c’est le corps social tout entier qui est rongé par la gangrène de la décadence. Nous ne parviendrons à redresser notre pays que si, à l’analyse objective de la situation, nous sommes capables d’ajouter une volonté politique forte de redressement. La réflexion sans l’action est impuissante, l’action sans réflexion est aveugle. Notre force est finalement d’incarner le bon sens populaire qui se défie des discours stériles et mensongers. Ce que l’homme de la rue demande à l’État ce n’est pas de subventionner à fonds perdus « Châteauvallon » ou les casseurs anti-Front de Strasbourg, mais bien plutôt de faire régner l’ordre et la sécurité dans notre pays. Il est urgent que l’État se recentre sur ses tâches régaliennes.
Selon moi, il est clair que cette « lepénisation des esprits » a encore de beaux jours devant elle !
Horizons politiques : Privé volontairement d’alliance à droite et à gauche, comment comptez-vous faire appliquer la « grande alternance » que vous présentez aux Français ?
Jean-Marie Le Pen : Les vieux clivages artificiels sont en train de s’effacer. La gauche et la droite pratiquent depuis trente ans la même politique, que ce soit en matière économique, culturelle ou européenne. Fabius, Rocard, Cresson n’ont pas mené une autre politique que celle de Chirac ou de Balladur. Les Premiers ministres se suivent et se ressemblent. C’est la valse des cabinets ministériels mais c’est le contribuable qui paye le bal !
Voilà pourquoi de plus en plus de Français de toutes origines politiques, de toutes races, de toutes religions, de toutes options philosophiques rejoignent le Front national. Le clivage essentiel à l’aube du XXIe siècle ne va pas s’opérer sur une opposition gauche/droite, mais sur le thème de la nation. Il verra s’opposer les spectateurs du mondialisme aux défenseurs des patries, c’est-à-dire à nous qui restons viscéralement attachés à cette France des terroirs et des clochers qui nous est chère.
Lors du Xe congrès du FN à Strasbourg, j’ai, dans mon discours de clôture, fait un certain nombre de propositions concrètes pour présenter ce que nous appelons la « grande alternative ». Celle-ci sera à la fois libérale, fiscale, sociale, familiale, morale, culturelle, démocratique, républicaine et, bien sûr, nationale. Ce que nous voulons, ce n’est pas un petit bricolage préélectoral comme le font les partis de la « bande des Quatre » pour abuser les gogos, mais bel et bien un changement de cap radical, seul capable de nous éviter une chute fatale.
Horizons politiques : Quand annoncerez-vous votre candidature aux élections législatives, et où ?
Jean-Marie Le Pen : Il n’est pas mauvais de laisser durer le suspense, n’est-ce pas ? Finalement en politique, c’est comme en amour, les préliminaires sont importants et comme le dit l’adage populaire, plus c’est long plus c’est bon !
Horizons politiques : Redoutez-vous une interdiction de votre parti et, dans cette hypothèse, quelles conséquences en tireriez-vous ?
Jean-Marie Le Pen : Interdit ? Au nom de quoi ? Au nom des montages politico-policiers comme Carpentras ? Au nom des fantasmes de pseudo-chercheurs qui s’acharnent bien inutilement à nous faire passer pour les héritiers de Mussolini, d’Hitler et demain, pourquoi pas, de Néron ? Tout cela n’est pas sérieux !
Qui est responsable de la détresse matérielle et morale dans laquelle se trouve plongé notre pays, sinon les partis corrompus qui se sont succédé aux affaires ? Contre le Front national, il semble désormais que tout soit permis. L’« Établissement » fait feu de tout bois. Il use des trucages les plus grossiers pour tenter de dévaluer le mouvement national, accusé de tous les vices (racisme, fascisme, antisémitisme, violences, etc.) et supposé menacer les valeurs de la démocratie et de la République.
Ce tintamarre médiatique et politique orchestré par l’« Établissement » sert avant tout à masquer qu’il est devenu le véritable ennemi de la nation et du peuple français. Car c’est lui qui menace les libertés des Français et qui veut leur retirer le droit de décider de leur avenir. C’est lui qui diffuse la violence et la haine en diabolisant les Français qui rejoignent le mouvement national et en prétendant en faire des citoyens de seconde zone, c’est encore lui qui trahit la France en installant la préférence étrangère et en s’abstenant de refouler l’immigration, qui trahit l’indépendance nationale en dissolvant notre pays dans un fédéralisme européen, en réintégrant de fait l’OTAN, en se soumettant à la domination américaine et en réduisant notre outil de défense. C’est toujours l’« Établissement » qui falsifie l’histoire en voulant faire croire que notre pays a toujours été une terre d’immigration et en prétendant que la France est coupable des horreurs de la Seconde guerre mondiale, encore et toujours lui qui trahit la République et la démocratie en bafouant l’égalité des citoyens devant la loi en créant des zones franches et des droits spéciaux pour les étrangers, ou en voulant instaurer des quotas. C’est lui également qui menace la République en restant sourd aux demandes exprimées par le corps électoral pour plus de sécurité et moins d’immigration, moins d’impôts. C’est lui enfin qui diffuse l’inquiétude et le désespoir en laissant se développer le chômage, ma misère et qui laisse s’instaurer un climat de guerre civile dans notre pays en désignant à la vindicte médiatique une partie croissante du corps électoral.
L’« Établissement », sourd aux préoccupations qu’expriment les Français, se défausse et accuse le Front national d’exploiter l’inquiétude des Français, voire de la provoquer alors que ce dernier ne fait que l’exprimer et y répondre ! Voilà pourquoi je reste confiant en l’avenir. Je crois que le bon sens finira par triompher et que le Front national, aidé par tous les hommes et les femmes de bonne volonté, finira par enrayer le processus de décadence. Aujourd’hui plus que jamais c’est lui, et lui seul, qui incarne l’espoir.
Le FN et sécurité-justice
Par Bruno Gollnisch, secrétaire général du FN
Horizons politiques : Que proposez-vous pour assurer une meilleure sécurité intérieure ? Milices privées, vidéosurveillance, renforcement de la police nationale ou municipale ? Comment financer cette priorité nationale ?
Bruno Gollnisch : Rétablir les prérogatives du pouvoir judiciaire en assurant l’indépendance des juges, en bannissant la politisation de la magistrature, en substituant d’autres modes de recrutement et de formation à l’école de la magistrature, en renforçant les moyens du pouvoir judiciaire, en revalorisant le statut des juges et en rétablissant la justice de paix.
Se doter des moyens de répression contre les délinquants et les criminels en unifiant et renforçant les services de police, en améliorant la formation et la rémunération des policiers et gendarmes, en augmentant les moyens matériels de la police, en déchargeant les services de police de charges administratives, en accordant soutient et considération à la police et à la gendarmerie en généralisant les titres légaux infalsifiables, en facilitant les contrôles d’identité.
Assurer la prévention du crime et de la délinquance en organisant l’inversion des flux migratoires, en confortant la famille comme l’éducation, en refaisant de l’école un instrument d’apprentissage des disciplines sociales, en humanisant les zones urbaines à fort taux de délinquance et en sanctionnant les manifestations publiques d’incitation à la débauche et à la violence.
Punir les crimes et délits en faisant appliquer les lois, en réhabilitant la notion de peine prompte, certaine et incompressible, en réduisant l’écart entre le maximum et le minimum de la peine, en rétablissant la peine de mort pour les criminels, en rééchelonnant les peines, en rendant possible le jugement des ministres, en faisant appliquer les décisions de justice et en expulsant les délinquants et criminels étrangers.
Horizons politiques : Que feriez-vous pour juguler la délinquance juvénile qui sévit surtout dans nos banlieues ?
Bruno Gollnisch : Comme toute délinquance ! Par une politique pénale de dissuasion : certitude de la punition, rapidité de la sanction, retour à la révocabilité du sursis en cas de récidive et incompressibilité des peines. Le premier point est une simple question de volonté. Dans un État qui se prétend « de droit », il n’y aura plus de zones de non-droit. Quant à la rapidité de la sanction, elle sera obtenue par l’augmentation du budget de la Justice. Il est facile d’en doubler le montant alors qu’il ne dépasse pas aujourd’hui 1 % du budget de l’État ! Mais les mesures relatives à la sécurité et à la justice ne peuvent être isolées des autres mesures que propose le Front national. Car la véritable prévention est de nature morale. Il n’y a pas d’ordre dans la rue, sans ordre dans les consciences. Il ne s’agit pas d’une atteinte à la vie privée, mais de se préoccuper des causes morales telles que les atteintes à l’ordre public : la pédophilie, les viols et les meurtres d’enfants. Ces crimes ont des causes et ces causes ne peuvent être négligées.
Horizons politiques : Comment ferez-vous face à la surpopulation carcérale qui suivrait l’application de votre politique à l’égard des fauteurs de troubles ?
Bruno Gollnisch : Grâce à des conventions de transfèrement avec leur pays d’origine, nous expulserons les étrangers qui seront astreints à purger leur peine dans leur pays d’origine. Nous moderniserons les prisons, rétablirons les quartiers de haute sécurité, séparerons les différentes catégories de détenus et revaloriserons le statut social et financier des gardiens de prison.
Horizons politiques : Ne craignez-vous pas que le rétablissement de la peine de mort que vous préconiser nous mette au ban des nations européennes ?
Bruno Gollnisch : Dans sa décision de 1975 sur l’IVG, le Conseil constitutionnel a refusé de faire prévaloir la convention européenne des droits de l’homme protégeant le droit à la vie sur la loi française organisant l’élimination des enfants à naître. Il serait paradoxal qu’au nom de ces conventions l’on protège la vie des assassins et non celle des innocents !
Horizons politiques : Êtes-vous favorable à la coupure du cordon ombilical entre le Parquet et le ministère de la Justice ?
Bruno Gollnisch : Nous sommes favorables à la solution actuelle de rattachement du Parquet au ministère de la Justice. D’ailleurs, selon l’adage « la plume est serve mais la parole est libre », à supposer même que le Parquet reçoive des instructions écrites, rien ne l’a jamais empêché de développer oralement un point de vue différent à l’audience. Nous redoutons plus encore le gouvernement des juges que les instructions ministérielles au Parquet, car on peut changer les hommes politiques dont on ne veut plus, pas les juges.
Le FN et l’économie
Par Bruno Mégret, délégué général du FN
Q. : [ILLISIBLE]
Bruno Mégret : L’instauration de la préférence nationale ne constitue pas un coût supplémentaire mais une économie. Selon le rapport Milloz sur les coûts de l’immigration pour notre pays, les étrangers installés en France perçoivent en matière sociale 75 milliards de plus qu’ils ne versent. Mais l’originalité de notre politique sociale réside dans notre volonté de favoriser la constitution de patrimoines populaires pour toutes les familles françaises. Nous pensons effectivement que la possession d’un patrimoine reste la meilleure protection contre les aléas de la vie. Cette politique concerne en priorité le logement : le Front national proposera aux locataires de devenir propriétaires de leur appartement grâce à un prêt de l’État dont les mensualités de remboursement seront à peine supérieures au loyer qu’ils paient actuellement.
Q. : [ILLISIBLE]
Bruno Mégret : La suppression de l’impôt sur le revenu mais aussi de la taxe professionnelle s’inscrit dans une politique globale visant à soulager le travail des lourdes charges qui pèsent sur lui. Alors que le chômage augmente et que le travail devient rare, il est absurde de le pénaliser !
J’ajoute que l’impôt sur le revenu n’est pas un impôt juste puisque les plus hauts revenus y échappent par l’évasion fiscale. Dès lors, cet impôt frappe principalement la classe moyenne et fonctionne comme une machine à bloquer « l’ascenseur social ».
Comme le dit le prix Nobel d’économie, Maurice Allais, c’est « un impôt réactionnaire qui protège la fortune acquise et compromet la constitution de patrimoines pour tous ceux qui ne disposent d’autres ressources que celles de leur travail ».
La suppression de cet impôt décuplera donc la motivation des forces vives de notre pays.
Q. : [ILLISIBLE]
Bruno Mégret : Rétablissement des droits de douane à l’importation ne vise pas à faire obstacle aux échanges internationaux mais d’un obtenir la régulation.
Actuellement, nos entreprises sont mises en concurrence avec celles des pays où il n’existe pas de loi sociale et où les salaires sont dérisoires.
Cette situation aboutit à la destruction de pans entiers de notre économie ou à la délocalisation de nos productions, ce qui, dans les deux cas, conduit à une augmentation du chômage.
En instaurant une taxe de 10 % en moyenne sur les importations, le Front national posera la question brûlante de la régulation des échanges internationaux et les négociations pourront s’engager.
Q. : [ILLISIBLE]
Bruno Mégret : Les salaires des Français sont actuellement tirés vers le bas du fait de la concurrence de la main-d’œuvre du tiers monde qui s’exerce par le biais de l’immigration et des échanges commerciaux non régulés. C’est pourquoi, après avoir remédié à ces deux facteurs de baisse des salaires, le Front national est partisan d’une augmentation du SMIC qui relancerait la consommation. Parallèlement à cette revalorisation salariale, nous allégerons considérablement les charges fiscales et les contraintes administratives qui pèsent sur les entreprises et singulièrement sur les PME et qui les dissuadent d’embaucher. Enfin, nous supprimerons les droits de succession en ligne directe qui entraînent le dépôt de bilan de nombreuses entreprises familiales : les enfants n’ont pas à racheter à l’Etat les biens que leurs parents ont acquis pour une vie de labeur !
Q. : [ILLISIBLE]
Bruno Mégret : Privatisation et défense du service public ne sont pas contradictoires ! Le Front national est très attaché à l’État qui est la colonne vertébrale de la nation. Mais pour rendre à l’État son prestige et son autorité, il faut le dégager des activités qui ne relèvent pas de ses fonctions souveraines. La dette cumulée des entreprises publiques représente environ 800 milliards de francs et leur histoire se confond souvent avec les scandales de l’argent public gaspillé comme l’illustre Crédit Lyonnais. La privatisation des entreprises marchandes sera donc poursuivie. Mais, comme l’économie des intérêts nationaux, les sociétés qui assurent des services indispensables au fonctionnement du pays, comme les transports publics, les communications, l’énergie ou l’armement doivent rester sous contrôle de l’État, même si l’on peut envisager de les soumettre dans certains cas à une concurrence contrôlée s’exerçant dans le cadre national.