Article de Mme Monique Vuaillat et M. Daniel Le Bret, secrétaires généraux de la FSU, dans "Libération" du 26 octobre 1999, sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique et la création d'emploi dans les services publics, intitulé "pas d'exclus pour les 35 heures".

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Texte intégral

Alors que l’ensemble de la société se pose la question des 35 heures à la lumière des déclarations du Premier ministre sur le plein emploi, il y a principalement trois mauvaises raisons mises en avant pour que la réduction du temps de travail ne concerne pas la fonction publique.
D’abord, c‘est bien connu, les enseignants et autres fonctionnaires « bullent », alors que d’autres« bossent », comme le laisse subtilement entendre, après d’autres, le Nouvel Obs !
La deuxième raison a déjà été avancée par Alain Madelin quand celui-ci se voyait un avenir politique radieux. « il y a trop de fonctionnaires… il ne faut renouveler qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ». Dés lors, comment se poser la question d’une réduction du temps de travail quand il faudrait réduire le nombre de gens qui le font ?
Il serait d’ailleurs injuste de lui attribuer la paternité de cette deuxième idée sans dire qu’il partage bien évidemment la première…
La troisième est plus récente et elle a des adeptes au cœur même de la fonction publique. C’est tenter d’empêcher toute solidarité entre le secteur public et le privé sous le prétexte de la protéger des régressions qui frappent ce dernier.
Le point commun, c’est l’aveuglement devant cette évidence : touts les sondages et enquêtes d’opinion montrent l’attachement de l’ensemble des Français au travail et à la mission effectuée par les travailleurs du service public. Ils considèrent même qu’il faut plus et mieux d’éducation, de santé, de justice, etc. Et ils sont particulièrement exigeants sur les besoins nouveaux en matière de lien social. La démocratie et la justice sociale exigent un renforcement des services publics…
Oui, le chômage, la précarité, l’exclusion doivent être réintégrés dans le débat sur la réduction du temps de travail pour tous. Oui, le plein emploi est une perspective politique et sociale majeure. Oui, la réduction du temps de travail pour tous doit être un levier essentiel pour y parvenir. Oui, le privé mais aussi les services publics doivent apporter leurs contributions à ce formidable défi.
Ce n’est pas un hasard si certains réfutent l’utilité du développement des services publics. Il faut bien admettre que les plus acharnés sont ceux qui ont les moyens de recourir à des services privés. Et leurs enfants à quelques exceptions près n’ont pas de problème d’avenir ! On remarque d’ailleurs que les plus bruyants zélateurs du « trop de fonctionnaires deviennent étrangement silencieux quand il s’agit de déterminer concrètement où trancher dans le vif. Trop d’enseignants ? Trop d’infirmières ? Trop de policiers ?
Alors, sans doute, à la question posée : « La réduction du temps de travail est-ce pour vous une priorité ? » Les gens ne répondent pas oui massivement dans ce contexte de chômage grave. Mais si la question posée était ; « Etes vous favorable à une réduction de travail qui permette d’avancer vers la résorption du chômage ? » la réponse serait bien sûr tout autre.
L’actualité devrait pourtant nous le faire entendre. Au-delà des divers messages que nous adresse la jeunesse quand elle manifeste. Il y en a un qui est dramatique : comment un jeune pourrait-il « accepter » que la société ne veuille pas de lui ? Qu’il n’y ait pas une place pour lui ?
Etre sans emploi, c’est très dur, et les 18-25 ans sont deux fois plus au chômage que leurs ainés !
Partir des besoins à satisfaire, anticiper sur les évolutions des nouvelles technologies des nouveaux métiers, voilà la démarche que nous apposons à tous ceux qui avancent le pied sur le frein : le Medef, qui pense d’abord à ses propres profits, le ministre de la Fonction publique, qui au nom du refus a priori de créations d’emploi cherche à écarter la majeure partie des personnels de cette mesure…
Et nous voulons aussi que soit mis sur la place publique la réalité du travail dans les services publics, non pas à partir d’approximations globalisantes, mais après examen exhaustif de la réalité et de sa complexité, et qu’à partir de cette nécessaire transparence et après un débat approfondi des décisions soient prises.
L’ensemble du syndicalisme est lui aussi interpellé ! Une initiative syndicale de grande ampleur est nécessaire… Comment au-delà de la diversité légitime des approches ne pas « rassembler » aujourd’hui sur ces objectifs ?