Interview de M. Daniel Vaillant, secrétaire national du PS, dans "Le Parisien" le 2 avril 1997, sur les propositions du PS sur la réorganisation des forces de sécurité, les compétences des renseignements généraux et de la DST et la critique de l'utilisation de la police à des fins politiques.

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Circonstance : Remise au bureau national du PS du rapport de Daniel Vaillant sur les questions de sécurité, avril 1997

Média : Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien : En tant qu’élu parisien, souhaitez-vous que Jean Tiberi donne sa démission ?

D. Vaillant : Sa démission ne règlerait pas le problème. Évidemment, avoir un maire mis en examen (NDLR : pour complicité et recel de détournement de fonds publics) et qui pourrait l’être à nouveau, cette fois dans des affaires de financement de parti, c’est préjudiciable pour Paris, son image, les Parisiens eux-mêmes. Mais je ne voudrais pas que l’arbre Tiberi cache la forêt RPR-UDF. Or, s’il y a un système de financement occulte RPR-UDF à Paris, je ne crois pas que M. Tiberi soit le seul concerné. De toute façon, ce sont les Parisiens qui trancheront le moment venu.

Le Parisien : Après l’affaire de la perquisition chez Jean Tiberi, trouvez-vous normal que Olivier Foll, sanctionné par la chambre d’accusation, soit toujours à la tête de la PJ parisienne ?

D. Vaillant : Non. Il a été reconnu coupable par la justice d’avoir failli à ses devoirs. Le ministre de l’Intérieur devrait le déplacer. Enfin, on est dans un État de droit ! Il vaudrait mieux que ceux qui sont chargés de le faire appliquer soient en conformité avec les décisions de la justice.

Le Parisien : Vous venez de remettre au PS votre rapport sur la sécurité…

D. Vaillant : L’urgence, c’est la mise en place d’une véritable police de proximité. Pour cela, il faut redéployer moyens et effectifs. Dans le détail, ce seront, sur trois ans, 10 000 policiers libérés des tâches indues qui seront affectés à la sécurité quotidienne des Français. Autres renforts, 5 000 agents administratifs recrutés, qui permettront de remettre 5 000 policiers affectés à ces charges sur la voie publique. Enfin, 35 000 emplois de proximité seront créés pour des jeunes qui se consacreront à des actions de prévention ou de médiation sociale.

Le Parisien : Envisagez-vous une refonte de certains services du ministère de l’Intérieur ?

D. Vaillant : Pas seulement du ministère. Il est nécessaire de trouver une nouvelle organisation pour l’ensemble des forces de sécurité, en plaçant par exemple la police et la gendarmerie sous une autorité commune, un ministère de la Sécurité publique, afin de mieux coordonner leurs forces. Ensuite, il faut regrouper les services de renseignement, RG et DST, aujourd’hui artificiellement séparés. Enfin, il faudrait créer auprès du Premier ministre un conseil supérieur de sécurité intérieure, composé notamment de magistrats et de personnalités. Cette instance indépendante serait protectrice pour les citoyens, notamment par rapport aux bavures, mais aussi pour les policiers eux-mêmes.

Le Parisien : Revenons aux RG. Voulez-vous redéfinir leurs missions ?

D. Vaillant : Que les choses soient claires. Les socialistes n’ont jamais remis en question la qualité du travail ni les compétences des fonctionnaires des RG. C’est leur mode de fonctionnement que nous souhaitons rationaliser. À mon sens, RG et DST doivent se consacrer à la surveillance et à la protection du territoire, c’est-à-dire au terrorisme, aux grands trafics internationaux ou aux sectes. Ce dernier fléau est particulièrement inquiétant. Quand on voit que l’Église de scientologie a réussi à infiltrer la commission d’enquête parlementaire, c’est qu’il y a un vrai problème. Ils doivent aussi surveiller les extrémistes, de droite comme de gauche. Je ne suis pas contre le renseignement politique s’il concerne des partis dangereux, extrémistes, non-conformes aux lois de la République.

Le Parisien : Vous incluez le Front national ?

D. Vaillant : Oui. Le Front national est un parti d’extrême droite, donc dangereux. En revanche, il ne faut pas surveiller l’activité sociale, syndicale, ou les partis démocratiques. Dans une démocratie moderne, ça n’a plus de sens. De même, mobiliser comme c’est le cas aujourd’hui des centaines de fonctionnaires pour faire des sondages pré-électoraux, c’est grotesque ! Si un homme politique veut des sondages, il n’a qu’à s’adresser aux instituts spécialisés, ils sont là pour ça. Je vais prendre un exemple concret : dans le XVIIIe, est-il normal qu’à chaque conseil d’arrondissement, deux fonctionnaires des RG soient mobilisés ? À quoi ça sert ? Connaître le nombre de personnes présentes dans le public ? Entendre la teneur de mes interventions ? À moins qu’il ne s’agisse de tenir informé le ministre de l’Intérieur des débats du conseil auquel il n’assiste jamais, lui qui est pourtant élu du XVIIIe et adjoint au maire de Paris à la vie locale ! Bref, il ne faut pas que les services de police soient utilisés à des fins politiques.

Le Parisien : Pour revenir à un débat actuel, les RG doivent-ils communiquer leurs notes blanches à la justice, comme le réclame le juge Halphen dans l’affaire Tiberi ?

D. Vaillant : Écoutez, je ne connais pas le statut exact des « blancs »…

Le Parisien : Justement, il n’y en a pas !

D. Vaillant : Alors, s’il n’y en a pas, il faut peut-être en trouver un, afin que leur utilisation à des fins judiciaires ne dépende plus de la conjoncture ou de l’intérêt politique.

Le Parisien : Que pensez-vous de la multiplication des dénonciations anonymes dans les instructions judiciaires ?

D. Vaillant : La commission justice du PS planche sur ce problème. Il faut que les juges puissent travailler sur des pièces réelles et pas sur de la dénonciation voire sur des faux. Il faut faire attention au phénomène de délation, surtout dans cette période. Quand je vois toutes ces histoires de lettres anonymes, de corbeaux, je me dis qu’il y a quelque chose qui ne vas pas.