Interview de Mme Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, à France 2 le 11 octobre 1999, sur la réduction du temps de travail, les accords et les aides aux entreprises, les heures supplémentaires, les négociations avec les partenaires sociaux et l'attitude du patronat dans le cadre de la création d'emplois et la création d'entreprises.

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Média : Emission Mots croisés - France 2 - Télévision

Texte intégral


Arlette Chabot : Bonsoir. Un seul bonsoir aujourd'hui, Alain Duhamel a comme l'on dit un petit problème, un petit pépin de santé, donc il n'est pas là, il nous regarde, donc moi j'en profite pour l'embrasser et je pense qu'en votre nom je peux lui adresser un salut tout à fait amical. Il sera là, évidemment, dans 15 jours.
Alors, les 35 heures : erreur économique ou conquête sociale, Nicole Notat nous dira sûrement que c'est une conquête sociale. En face, deux chefs d'entreprises nous dirons pourquoi les patrons manifestent et ne sont pas contents : Gérard Bourgoin qui est fondateur du groupe qui porte son nom et puis Guillaume Sarkozy qui est vice-président de l'Union des industries textiles.
Le texte qui sera discuté à nouveau partir de demain à l'assemblée est-il un texte d'équilibre comme le dit le gouvernement ? Son rapporteur Gaétan Gorce le défendra également tandis qu'Alain Bocquet qui est président du groupe communiste à l'Assemblée, nous expliquera pourquoi les communistes en veulent plus et pourquoi Robert Hue organise une manifestation, ce n'est pas un appel à la manif, mais je rappelle quand même, le 16 octobre prochain. Comment et pourquoi l'opposition joue son rôle et combat ce texte, François d'Aubert, Démocratie libérale et puis un sénateur Jean-Paul Delevoye, dont on parle beaucoup parce qu'il est candidat à la présidence du RPR. Enfin Pierre Larrouturou qui est consultant, nous dira que le plus simple était peut-être de passer directement à la semaine de 4 jours et de réduire donc encore plus le temps de travail à 32 heures pour pourquoi pas, par semaine.
Alors les 35 heures, c'est une première loi qui existe déjà, c'est le deuxième texte qui est aujourd'hui étudié par le Parlement, donc il y a des entreprises qui appliquent les 35 heures et d'autres pas. Nous avons choisi de nous rendre dans la région parisienne, ce sont deux entreprises de taille comparable, donc une est déjà passée aux 35 heures, l'autre hésite beaucoup. Regards croisés, comparaisons : Olivier Scioux, Frédéric Pasquette.

Arlette Chabot : Nicole Notat, quand vous voyez, vous entendez ce premier chef d'entreprise qui est très réticent, vous vous dites : « On devrait distribuer davantage de formulaires, nous, la CFDT aux patrons pour qu'ils tirent bénéfices des 35 heures et prendre les aides auxquelles ils ont droit ? »

Nicole Notat, Secrétaire générale CFDT : Non, je voudrais simplement que chacun regarde comment les choses se sont passées là où elles se sont bien passées et c'est la règle générale. Partout où un accord a été passé, l'entreprise dit y trouver son compte même si bien sûr il y a eu des moments de tension, il y a eu des moments où l'équilibre n'était pas facile à trouver. Les salariés disent : « Nous sommes contents » et l'emploi est gagnant. Donc on passe d'une situation de scepticisme, une situation... on le voit bien, les salariés, avant d'y passer se demandent s'ils vont trouver leur compte. Il faut dire que dans la période on comprend qu'ils soient sceptiques, ils entendent un peu tout et son contraire sur cette réduction du temps de travail mais une fois que les choses ont été faites et bien faites, c'est-à-dire bien négociées, quand on a pu assurer que les salariés y trouvaient leur compte, je pense que l'adhésion est là et celle du chef d'entreprise aussi. Donc peut-être que l'épreuve d'essai sera que les controverses et les politiques actuelles prendront de la distance.

Arlette Chabot : Guillaume Sarkozy, quand on est passé aux 35 heures, même chef d'entreprise on trouve ça formidable.

Guillaume Sarkozy, chef d'entreprise : Oui mais ce que n'ont pas compris les promoteurs des 35 heures à tout prix, c'est que c'est vrai, dans certaines entreprises, dans certains cas particuliers ça peut marcher au profit de l'entreprise et de l'emploi mais dans la majorité des cas, non. Et quand Madame Notat parle d'entreprise où ça se passe bien, bien sûr c'est les entreprises où c'est possible, où c'est facile, qui ont été les premières, maintenant reste toutes les autres et dans toutes les autres dont la mienne, l'augmentation des coûts de production va faire que nous allons perdre considérablement en productivité. Alors dans votre reportage, on parlait des aides, mais il faut savoir que les aides elles sont payées par de nouveaux impôts sur l'entreprise donc tout ça ce sont des images mais derrière il n'y a pas de réalité et moi je suis très inquiet pour l'emploi en général à cause des 35 heures.

Arlette Chabot : Gérard Bourgoin, vous aussi vous êtes chef d'entreprise, ça vous laisse totalement froid les arguments de Nicole Notat ?

Gérard Bourgoin, président du groupe Bourgoin : Non moi d'abord, si vous voulez, on est à côté du sujet parce que c'est l'entreprise qui crée l'emploi, c'est l'entreprise et l'emploi qui créent la richesse et c'est la richesse qui crée en réalité le développement économique durable, mais ce que l'on oublie de dire en avant-première c'est qu'aujourd'hui, chaque matin, à 9 h 30, parce que ça ouvre pas avant, vous avez 300 chefs d'entreprises qui vont au tribunal de commerce de leur secteur, déposer leur bilan, 300 dépôts de bilan par jour en France. Alors, au moment où on est dans une concurrence départementale pour les très petites entreprises, régionales pour les plus grandes, nationales pour ceux qui ont passé le cap, européennes pour les plus importantes, mondiales pour celles qui ont des produits plus marketés, eh bien croyez-moi que ce n’est pas 300, mais on va aller vers un véritable désastre économique. Il aurait fallu que l'on puisse laisser la liberté, la liberté de s'organiser. Je crois que les salariés sont des adultes, on vient de voir les déclarations d'agents de maîtrise, on vient de voir des déclarations de salariés, d'humbles salariés, qui font un travail tous les jours, qui peuvent changer, qui peuvent s'adapter parce que l'entreprise a besoin de s'adapter, eh bien je crois que ces gens-là auraient pu, avec les entrepreneurs, avec les concepteurs, avec les créateurs de projets, envisager le mieux pour pouvoir faire le développement économique qui est le leur et surtout la richesse économique qui doit être celle de l'entreprise.

Arlette Chabot : Nicole Notat.

Nicole Notat : Monsieur Bourgoin, est-ce que je me trompe ou est-ce que je suis mal informée ? Je crois que vous avez signé dans votre entreprise, un accord en décembre 98, grâce à une loi, la loi Aubry, vous avez réduit le temps de travail de 10 %, vous avez bénéficié des aides, je crois qu'il y a déjà des accords dans certaines sociétés qui ont été signés et qui sont en train de s'appliquer aujourd'hui, vous avez maintenu les salaires avec une modération salariale, l'emploi a été gagnant, je dirais que votre entreprise me semble un cas exemplaire, d'une bonne application d'une loi, c'est la première Aubry, mais pourquoi voulez-vous que la deuxième ne donne pas les mêmes conséquences ?

Gérard Bourgoin : Je suis vraiment très touché de vos compliments, mais ce qu'il faut bien comprendre c'est que les chefs d'entreprises ce sont des gens qui sont légitimistes, pensez-vous qu'à partir du moment où une voix (sic?) est votée ils vont aller contre la loi ?

Nicole Notat : Non.

Gérard Bourgoin : Pensez-vous qu'à partir du moment où on nous a mis des panneaux d'interdiction de vitesse à 90 sur les routes, nous allons rouler à 95 à l'heure pour pouvoir se faire supprimer les points sur notre permis de conduire ? Non madame, les chefs d'entreprises sont des légitimistes donc à partir du moment où la première loi sur les 35 heures est passée, que le patronat a baissé les bras, que monsieur Gandois dans un grand désarroi a quitté le patronat français car il ne voulait même pas cautionner cette opération, eh bien cette loi est passée et bien sûr il faut l'appliquer, et bien sûr nous l'appliquons et nous l'appliquerons, mais il n'empêche que de toute façon, aujourd'hui, le fait de vouloir non seulement l'étendre, non seulement la compliquer, non seulement l'alourdir et en plus la mettre à la charge de la maîtrise et de l'encadrement, je crois que c'est l'assassinat des entreprises françaises. Comment voulez-vous qu'un petit maçon qui a déjà tellement du mal à trouver un contremaître, tellement du mal à trouver un bon carreleur, tellement du mal à trouver un bon plâtrier, puisse en trouver deux. Mais madame, c'est impossible.

Nicole Notat : Finalement vous en avez profité, vous ne souhaitez pas que les autres en profitent.

Gérard Bourgoin : Non, je souhaite profiter de rien du tout, vous savez, nous sommes des gens qui sont légitimistes à partir du moment où on nous fait une certaine obligation, les chefs d'entreprise sont habitués depuis des années et des années, à baisser la tête. Savez-vous que les chefs d'entreprises sont actuellement le plus grand collecteur de l'impôt de France, plus que les percepteurs, vous savez combien on collecte de TVA par exemple, gratuitement pour l’État français, le savez-vous ? 3,3 milliards par jour, collectés par toutes les entreprises de France, gratuitement, pour le compte de l’État français (bis). Toute peine mérite salaire, normalement cette collecte devrait être rétribuée. Un ensemble de percepteurs ce serait 330 millions de coût pour l’État français.

Arlette Chabot : Alors, Alain Bocquet.

Alain Bocquet, Président du groupe communiste à l'Assemblée nationale : Monsieur Bourgoin vous allez faire pleurer dans les chaumières si vous continuez...

Gérard Bourgoin : Oui... Il y a beaucoup de chefs d'entreprises qui vont pleurer ce soir, c'est sûr, ça c'est sûr.

Alain Bocquet : Non, non... Vous oubliez de dire qu'en 1998, les profits des entreprises ont augmenté de 2 134 milliards, soit plus 30 % ce qui n'est pas négligeable, or, sur le sujet qui nous occupe, la réduction du temps de travail, toute l'histoire le montre, de tout temps, que ce soit en 1848, en 1919, en 1936 ou en 1981, toute date de réduction du temps de travail, jamais cela n'a existé à l'initiative du patronat, toujours cela été à l'initiative du monde du travail, du monde syndical et de la gauche et c'est ça une réalité historique, or la réduction du temps de travail, c'est d'abord une avancée de civilisation, c'est-à-dire gagner du temps pour créer des emplois, gagner du temps libre pour les loisirs, pour se former, pour la culture, gagner du temps aussi pour la formation professionnelle, ce qui vise à rendre plus performants les salariés et donc à aider au développement de l'entreprise. Je crois que tous ces éléments-là sont à prendre en compte dans le débat qui a cours actuellement à l'Assemblée nationale.

Arlette Chabot : ·Guillaume Sarkozy.

Guillaume Sarkozy, chef d'entreprise : Pardonnez-moi, Monsieur Bocquet, on ne parle plus d'emploi là, on parle d'avancée sociale. Il me semblait Monsieur que dans notre pays, le problème c'était le chômage et le problème c'est qu'avec cette loi vous allez augmenter le chômage encore, et ça c'est une responsabilité extraordinaire que vous prenez.

Arlette Chabot : Alors, je voudrais demander au rapporteur Gaétan Gorce si effectivement vous avez le sentiment quand même, pas le sentiment, qu'on aurait pu choisir un autre chemin, par exemple pourquoi ne pas être arrivé aux 35 heures par la négociation, pourquoi imposer par la loi, est-ce que ça n'aurait pas pu se faire par petites mesures initiatives ?

Gaétan Gorce, rapporteur de la loi sur les 35 heures, député PS : Écoutez, je crois... il faut bien avoir en tête quel est l'objectif de ce texte, ces deux lois, dont nous débattons aujourd'hui et nous avons débattu il y a 18 mois, c'est l'emploi. Au cours des 30 dernières années tous les 10 ans un million de chômeurs de plus, entre 93 et 97 ça ne s'est pas arrangé, mais on y reviendra sans doute. L'objectif prioritaire c'est de faire reculer le chômage. Le gouvernement a organisé toute sa politique autour de cela et la réduction du temps de travail doit permettre de réduire le chômage, la première charge qui pèse sur les entreprises et sur la société toute entière c'est le chômage, ce sont les cotisations chômage, ce sont les conséquences sociales, les conséquences humaines, donc la démarche qui est engagée elle vise l'emploi et elle s'appuie, on pourra en discuter, sur la négociation, la loi sert d'incitation. Il ne se passe rien s'il n'y a pas d'incitation législative. Des tentatives ont été faites dans les dernières années, de négocier la réduction du temps de travail, un accord a été signé en 95, combien encore de branches sont venues derrière, combien d'accords d'entreprises, très peu. La loi qui a été votée en 98 a déclenché un vrai mouvement de négociations collectives, 15 000 accords aujourd'hui et demain effectivement étendus à l'ensemble des entreprises françaises avec cet objectif de l'emploi.

Guillaume Sarkozy : Il faudrait donc que la loi les respecte.

Arlette Chabot : Alors, François d'Aubert.

François d'Aubert, député, vice-président Démocratie libérale : Ce qui crée l'emploi, c'est la croissance, ce n’est pas la réduction de la durée du travail. Il a pu y avoir quelques emplois créés, madame Aubry affiche un bilan qui est un truqué quand même parce que on est dans...

Arlette Chabot : On dit : « Il y a un peu plus de 120 000 créés... dit le ministère du Travail ou sauvés ».

François d'Aubert : 120 000, ça ne veut plus rien dire, parce qu'il y a eu la croissance, c'est la croissance qui crée la richesse, c'est la croissance qui crée l'emploi et habilement Madame Aubry mélange deux choses, c'est-à-dire l'application de sa loi depuis un an qui au maximum a créé 15 000 emplois, dans lequel en plus il y a un effet d'aubaine, je ne sais pas ce qui s'est passé dans l'entreprise de Monsieur Bourgoin, mais est-ce qu'il n'aurait pas de toute façon créé ces emplois même s'il n'y avait pas eu de subventions, donc au fond il est très content parce qu'il a eu des subventions et en même temps c'est la croissance qui a créé les emplois. J'ajouterais que de toute façon, ces emplois qui ont été créés, ils n'ont pas été créés réellement, ce sont des engagements d'emplois, ce sont des promesses de créations. Madame Aubry confond les promesses et les véritables créations d'emplois. En plus, le secteur public en a remis une couche, EDF a promis 6 000 emplois publics, c'est relativement facile, il n'y a pas de concurrence en France pour EDF aujourd'hui, donc on peut rajouter des emplois publics, EDF gagne de l'argent, simplement, le prix du kWh ne baissera jamais vraiment en France par rapport à ce qui se passe dans d'autres pays où il y a une véritable concurrence. Donc, c'est facile de faire payer par les contribuables, de faire payer par le prix des services publics, de faire payer par l'UNEDIC, de faire payer par un certain nombre d'autres caisses, de faire payer la réduction de la durée du travail. Alors moi je crois franchement que c'est une espèce d'escroquerie. Et je voudrais ajouter une dernière chose...

Arlette Chabot : J'espère que ce ne sera pas la dernière quand même.

François d'Aubert : ... très franchement, est-ce qu'il est raisonnable... vous avez des enfants, tous, est-ce que vous leur dites quand ils rentrent de l'école : « Travaillez moins, ça marchera mieux » ? C'est quand même ça la question de principe. Est-ce que l'on peut dire à une société... Monsieur Bocquet, vous dites ça à vos enfants, vous leur dites... ?

Alain Bocquet : Écoutez, et les progrès technologiques, depuis des décennies...

François d'Aubert : Oui, enfin, écoutez, quand même, l'effort, est important comme valeur, est-ce que l'on peut expliquer à une Nation, pour qu'elle fonctionne bien, que ça marchera mieux, si les gens travaillent moins ? Ça me parait une aberration. D'autre part, pour Monsieur Larrouturou qui nous explique deux ans ou trois ans qu'en réalité...

Arlette Chabot : Il n'a rien dit encore...

François d'Aubert : Oui, il n'a rien dit mais attendez, il a suffisamment parlé pendant deux ou trois ans, il nous a suffisamment bassiné avec l'histoire du partage du travail selon laquelle l'idée, le travail, était une quantité fixe, voire même qui diminuait alors que la croissance fait que le travail augmente, ce n'est pas un gâteau qui diminue Monsieur Larrouturou, la croissance, ça fait augmenter au contraire la quantité de travail et il n'y a pas besoin d'organiser la pénurie comme vous en avez eu l'idée et comme l'idée a été reprise par le gouvernement et aussi il faut bien le dire par Monsieur...

Arlette Chabot : Alors, du coup il vous a donné la parole, je n'ai plus à le faire.

Pierre Larrouturou : Je me souviens que Monsieur d'Aubert et tous ses amis ont voté la loi de Robien avec l'objectif...

François d'Aubert : Non, pas moi.

Pierre Larrouturou : Attendez, Monsieur de Robien est un de vos amis, avec l'objectif d'expérimenter sur le terrain de façon, honnête pour voir si oui ou non la baisse du temps de travail marchait. On a 2 000 entreprises qui ont signé des accords et quand elles passent à 4 jours, les entreprises créent 2 fois plus d'emplois que les 35 heures. Le bilan... pardon, Monsieur d'Aubert, pardon Monsieur...

François d'Aubert : Et combien il y a d'entreprises qui ont signé la loi Robien et qui ont fait faillite depuis ?

Pierre Larrouturou : ... Le bilan de la loi de Robien disait que oui on pouvait créer massivement des emplois, que les 4 jours était la solution la plus efficace mais que ça coûtait cher à l’État et qu'il fallait trouver une autre... Un moyen d'accélérer le mouvement avec un autre financement. La vérité c'est que vous êtes pris dans vos contradictions, Jacques Chirac quand il a été élu, sa première visite c'est d'aller chez Brioches Pasquier, une entreprise où on a créé 220 emplois grâce à la semaine de 4 jours, c'est il y a 4 ans et vous étiez parmi les gens qui l'applaudissaient et il y a 4 ans les gens de droite se demandaient comment accélérer un mouvement historique et depuis on n'a rien fait et le chômage augmente.

François d'Aubert : Je n'ai jamais dit ça Monsieur Larrouturou, simplement, la loi Robien avait un seul avantage, c'est qu'elle était souple, elle ne s'appliquait pas uniformément à tout le monde alors que là avec la loi Aubry, on a une loi dite universelle c'est-à-dire que le petit restaurateur qui a 5 personnes va être au même régime que la régie Renault, vous trouvez ça normal ?

Pierre Larrouturou : Monsieur d'Aubert, on a tous 5 semaines de vacances...

Gérard Bourgoin : Ils travaillent à cette heure-ci alors ne vous inquiétez pas pour eux.

Arlette Chabot : Des cassettes... Ils ont des cassettes.

Pierre Larrouturou : Attendez, qu'est-ce que vous voulez c'est l'anarchie ! On est dans un pays où il y a un contrat social, on a tous 5 semaines de vacances, au début du siècle on travaillait tous 7 jours sur 7 et puis nous sommes tous passés à 6 jours et puis on est passé à 5 jours. Pourquoi est-ce que maintenant il ne pourrait plus y avoir de mesures collectives, un progrès social collectif ?

François d'Aubert : Pourquoi pas 20 heures, pourquoi pas 15 heures, non mais on peut très bien expliquer à une Nation... non mais... attendez, c'est le contraire de l'idée d'effort Monsieur Larrouturou...

Pierre Larrouturou : Mais attendez, la concurrence internationale parmi les entreprises, je peux vous citer une entreprise...

Arlette Chabot : Attendez, pas tous en même temps, parce qu'on ne va pas vous entendre... Monsieur Larrouturou, terminez.

Pierre Larrouturou : Je peux vous citer une entreprise dont le principal client est la NASA, c'est-à-dire que l'essentiel du chiffre d'affaires, ce sont des pièces tronconiques pour la NASA, ils sont dans le Nord - Pas-de-Calais, ils sont tous passés à 4 jours, ils ont embauché 6 personnes. C'est une PME. À Chambéry, c'est une entreprise informatique qui a embauché 8 personnes, et elle reste tout à fait concurrentielle...

François d'Aubert : Attendez, et si leurs concurrents anglais ou américains ne sont pas sur le même régime, qu'est-ce qui se passe ?

Gérard Bourgoin : J'aimerais simplement dire qu'un kilo de plumes ce n'est pas du tout la même chose qu'un kilo de plomb, hein, parce que là on est en train de parler de choses, eh bien on n'est pas sur la même longueur d'ondes. Parce qu'on a parlé tout à l'heure du restaurateur, moi j'ai parlé du petit maçon, vous venez de parler de l'entreprise qui fait la NASA, vous savez, pour faire un kilo de plumes, il faut beaucoup, beaucoup de plumes, pour faire un kilo de plomb il ne faut pas beaucoup de morceaux de plomb alors il faut bien savoir qu'on ne parle pas des mêmes choses, et les 35 heures d'une entreprise qui travaille pour la NASA ça n'a rien à voir avec les 35 heures d'une petite, très petite entreprise. Ça n'a rien à voir.

Arlette Chabot : Alors, Gérard Bourgoin... Nicole Notat, question fondamentale que se pose tout le monde : est-ce qu'effectivement les 35 heures ça permet de créer des emplois ? Parce que c'est ça l'objectif...

Nicole Notat : Mais évidemment oui. Mais, évidemment, si on veut faire la preuve qu'il n'y a que la réduction de la durée du travail qui crée des emplois et que la croissance ne compte pour rien, on est dans l'erreur. Bien sûr que la croissance est fondamentale pour créer de l'emploi, mais de là à penser que la réduction de la durée du travail n'est pas un accompagnateur vertueux des effets sur l'emplois de la croissance, il y a je crois une limite qu'il ne faut pas franchir. Monsieur d'Aubert, je crois qu'il y a du débat qui peut être constructif sur des questions de la durée du travail, mais franchement, votre argument sur le thème : « Ce n’est pas l'heure en France de travailler moins, c'est tout juste si vous ne nous dites pas, il faut plutôt se retrousser les manches ». Moi j'ai envie de vous dire : la France, attendez, oui la France a véritablement besoin aujourd'hui de répondre à un certain nombre de défis. Nous notre objectif c'est de dire : s'il y a des gens qui peuvent travailler moins, pour que tous ceux qui ne travaillent pas, travaillent, et que les entreprises travaillent elles plus longtemps et mieux, personnellement je n'ai rien à en dire et j'ajoute, quand vous dites ça, est-ce que vous ne faites pas partie de ces gens qui sont très favorables au temps partiel ? Mais qu'est-ce que c'est que le temps partiel si ce n'est pas une réduction de son temps de travail, individuel et que chacun se paie ? Alors où bien il faut travailler tous 70 jours et vous dites que vous êtes contre le temps partiel et j'ai plutôt entendu... Vous avez plutôt envie de le développer, ou bien on cause sérieusement de questions sans faire sur ces questions-là de l'intoxication.

François d'Aubert : Madame Notat, simplement, moi je suis pour le temps choisit, je crois qu'il est idiot d'avoir une loi uniforme pour toutes les entreprises et pour tout le monde. C'est tout. Il y a des travaux pénibles, c'est vrai, par exemple si vous travaillez dans un abattoir où vous abattez des poulets à longueur de journées...

Arlette Chabot : Ça c'est pour Monsieur Bourgoin que vous dites ça.

Gérard Bourgoin : Eh bien, quelle publicité !

Arlette Chabot : Parce qu'il a une entreprise, il faut... on a oublié de le dire au passage mais vous êtes dans l'élevage du poulet.

François d'Aubert : ... Moi je trouve qu'effectivement les gens ils seraient sûrement plus heureux s'ils travaillaient 25 heures, bon, parce que c'est vrai que c'est pénible, c'est dur. Je n'ai pas fait exprès de parler de poulet, de penser à Monsieur Bourgoin...

Arlette Chabot : Non, mais ça tombe bien.

François d'Aubert : Non, mais c'est vrai qu'il y a des travaux qui sont pénibles, bon, c'est logique, d'ailleurs il y a eu une loi sur les travaux pénibles qui fait que l'on est déjà à moins de 35 heures. Mais, il y a d'autres secteurs. Quand vous créez une entreprise en informatique, une petite start-up qui démarre sur Internet, où les types sont là, il y a une concurrence qui est monstre, ils essaient de rester en France parce qu'en Angleterre les charges sont moins élevées, bon, ils se retroussent les manches, eux, et ils ne vont pas être... Ils vont être embêtés par les 35 heures si à chaque fois il faut regarder : 35 heures, heures supplémentaires etc. Il faut un peu de liberté. La liberté d'entreprendre ça existe aussi.

Arlette Chabot : Mais Monsieur Gorce, je voudrais savoir pourquoi on est le seuls en France en gros à le faire, parce qu'en Allemagne on a commencé à aller vers les 35 heures, on a l'impression qu'on va en arrière, en Italie, même les syndicats ont l'air de dire que ce n'est pas sûr que ça crée des emplois. Alors pourquoi on est les seuls à le faire ?

Nicole Notat : ... ils disent les Italiens, c'est autre chose, ils ne disent pas la réduction de la durée du travail n'est pas utile.

Arlette Chabot : Répondez-nous alors, allez-y, qu'est-ce qu'ils disent et pourquoi ils refusent le même système que nous ?

Nicole Notat : Mais parce qu'ils ont des traditions, ils ont des cultures différentes. Moi aujourd'hui si vous me demandez, si la France était parfaite, c'est-à-dire si la France avait un système contractuel, où les patrons et les syndicats avaient l'habitude de discuter vraiment sérieusement ensemble, de passer des contrats sur les questions qui concernent les problèmes de l'entreprise, je pense que j'aurais fait partie avec la CFDT de ceux qui auraient dit : s'il vous plaît, le législateur, du calme, occupez-vous de ce qui vous regarde et laissez-nous donc faire, sauf que ça nous l'avons fait, Madame Chabot, en 95, nous avons passé un accord interprofessionnel avec Monsieur Gandois, chef du CNPF à l'époque qui disait : « Allez, banco, les entreprises on a besoin de se moderniser, on a besoin de compétitivité, on a besoin de « flexibilité » - entre guillemets - ce mot tabou. Et nous, nous avons dit : « Top, peut-être, vous avez raison de vous moderniser mais nous il y a une question qui nous préoccupe c'est l'emploi et votre modernisation vous ne la faites pas sur le dos des salariés par de la précarité ou autre chose ». Nous avons fait un accord, je crois, équilibré. Qu'est-ce qui s'est passé ? Un bon paquet des branches à l' ???? ont boudé, Monsieur Sarkozy, est-ce que la branche du textile a ???? négociation derrière cet accord interprofessionnel de 95... ?

Arlette Chabot : C'est de votre faute Monsieur Sarkozy si vous avez la loi.

Guillaume Sarkozy : Évidemment, c'est toujours de la faute des patrons, on est bien d'accord.

Nicole Notat : ... Alors est arrivé de Robien.... Est arrivé de Robien. Le législateur s'est dit : mais il ne se passe rien sur le plan de la négociation, alors première loi de Robien et la machine législative est partie. J'ai tendance à dire que ce que vous reprochez, ce que vous souhaitez...

????: On ne va pas refaire le monde...

Nicole Notat : Monsieur, on ne va pas le refaire mais pour le faire bien il faut commencer à comprendre pourquoi celui dans lequel on est n'est pas parfait et en France, la négociation contractuelle aujourd'hui elle ait défaut et c'est pour cela que le législateur intervient peut-être plus.

Guillaume Sarkozy : Madame Notat, vous êtes extrêmement injuste avec vous-même. La première loi Aubry nous étions contre, mais nous sommes démocrates...

Nicole Notat : De Robien, vous étiez déjà contre aussi.

Guillaume Sarkozy : Nous étions ... permettez-moi de continuer. Nous étions contre la première loi Aubry qui était parait-il une loi d'incitation et d'orientation. Nous avons joué le jeu, le patronat a signé 117 accords de branches avec les syndicats, ne dites pas que l'on n'a pas joué le jeu là-dessus.

Nicole Notat : Après la loi.

Guillaume Sarkozy : Une loi d'incitation. Et maintenant pourquoi nous sommes ici ce soir, c'est parce que le risque est très fort, que la deuxième loi mette en l'air, bafoue les accords, et dans le textile madame, vous le savez, j'ai signé avec les 5 centrales syndicales.

Nicole Notat : Grand chelem, bravo.

Gérard Bourgoin : Il ne devrait même pas être présenté ce projet-là, il devrait être retiré avant d'être discuté.

Guillaume Sarkozy : Tout le monde a dit que cet accord était exemplaire, même vous madame, et pourquoi la deuxième loi va le mettre en l'air...

Nicole Notat : Je le redis.

Guillaume Sarkozy : ... et c'est ça qui nous fait monter au créneau.

Arlette Chabot : Alors, Nicole Notat, réponse sur ces fameux accords de branches.

Nicole Notat : Écoutez cet accord du textile, je me disais, on va en parler ce soir, j'ai relu, je n'ai pas appris par cœur mais j'ai quand même relu...

Guillaume Sarkozy : C'est moi qui l'ai rédigé Madame, je le connais par cœur.

Nicole Notat : Je le sais et comme ... nous sommes signataires..., figurez-vous que nous aussi, quand nous signons nous savons le souci que les accords s'appliquent et nous sommes très attachés à ce que les accords de branches que nous avons signés entre autres s'appliquent. Dites-moi ce qu'il y a dans l'accord textile qui ne va pas être appliqué pour cause de dispositions législatives telles qu'elles sont prévues aujourd'hui je n'en n'ai pas trouvé, juste peut-être une sur la question du forfait des cadres. Sur les heures supplémentaires vous êtes dans les clous, sur la durée annuelle vous êtes dans les clous...

Guillaume Sarkozy : Si vous posez les questions et que vous y répondez en même temps, madame, j'aurai du mal...

Arlette Chabot : Attendez, il va y répondre, il va y répondre. Finissez, Nicole Notat, encore une chose, allez-y continuez...

Nicole Notat : Je peux continuer...

Guillaume Sarkozy : Non, Madame Notat, répondez pour moi.

Arlette Chabot : C'est vrai ou c'est faux ?

Guillaume Sarkozy : Je ne suis profondément pas d'accord avec Madame Notat. Nous avons négocié et la CFDT et la CGT et l'ensemble des syndicats l'ont signé dans le textile, que nous pouvions aller jusqu'à 175 heures voire 205 heures supplémentaires dans l'année, vrai ou faux, Madame ?

Nicole Notat : Vrai.

Guillaume Sarkozy : Vrai. Le projet et loi tel qu'il est indiqué qu'au-delà de 130 heures, il faudra récupérer 100 % en repos compensateur, cela veut dire Monsieur Gorce que de facto, mais peut-être vous ne le savez pas, parce que vous ne connaissez pas l'entreprise, ça veut dire que de facto on ne pourra pas aller au-delà de 130 heures. Évidemment, ce n'est pas juridique, c'est le fait. Premièrement. Deuxièmement, encore plus grave, quand on fait de la modulation des horaires, des horaires variables, nous avions négocié que le quota d'heures supplémentaires était de 130 heures par an, dans le projet de loi il est de 90 heures. Alors, évidemment ça ne vous gêne pas mais c'était les contreparties que le patronat avait négocié pour le compte de l’entreprise en échange des concessions qu'il avait fait. Donc si maintenant le législateur revient sur les contrats que nous avons signé en laissant aux syndicats les concessions faites par le patronat, et en enlevant au patronat les concessions qu'il a fait, à ce moment-là il n'y aura plus d'accord, il n'y aura plus de dialogue social et c'est ça le problème de fond.

Arlette Chabot : Alors, Gaétan Gorce, lui, il connaît le projet par cœur, il va nous dire si ça correspond ou ça ne correspond pas.

Gaétan Gorce : Monsieur Sarkozy, je ne vais pas vous dénier le droit de parler d'un texte de loi alors que vous n'êtes pas parlementaire, mais je voudrais quand même vous rappeler un certain nombre de données par rapport à cet accord et par rapport à la loi. Il y a, dans le droit français, ce que l'on appelle un ordre public social, les heures supplémentaires en font partie, au-delà de 130 heures, on doit récupérer la totalité du temps passé en heures supplémentaires ; le salarié doit récupérer la totalité en repos compensateur et ça ce n'est pas le projet de loi dont nous débattons, c'est la loi telle qu'elle a toujours été en matière de repos compensateur.

Guillaume Sarkozy : Pardon Monsieur Gorce, où on parle sérieusement ou pas.

Gaétan Gorce : Autrement dit, vous avez signé un accord sachant parfaitement que cet accord, si c'est ainsi que vous l'interprétiez, n'était pas légal au moment où-vous l'avez signé et selon une règle constante et ce n'est pas le législateur, aujourd'hui, qui vous met en cause. Ce que je voudrais indiquer, juste...

Pierre Larrouturou : ... la question concrète c'est : est-ce que l'on crée des emplois avec ces accords ou pas ? L'accord du textile permettait de rester à 40 heures et la loi Aubry permettra de rester à 39 ou 37 heures ; dans les deux cas on ne crée pas d'emploi. C'est vrai, que la loi Aubry est un tout petit peu plus contraignante que l'accord de Monsieur Sarkozy mais, dans les deux cas, on ne crée aucun emploi, c'est ça le problème.

Arlette Chabot : Alain Bocquet, il y a un point sur lequel vous insistez beaucoup, les communistes, c'est que dans la première il y avait obligation d'embauche et, dans la seconde loi, il n'y a pas d'obligation d'embauche en échange des aides attribuées, et ça ce n'est pas possible pour vous.

Alain Bocquet : D'abord je voudrais répondre à Monsieur Bourgoin qui dit qu'il est légaliste et le patronat légaliste. J'ai pu constater qu'avec la première loi que nous avons votée, il y a un peu plus d'un an, elle a été particulièrement contournée dans les négociations parce que vous avez fait avancer notamment la flexibilité et fait en sorte de détourner le but de cette loi. Il a fallu la pression sociale dans le cadre des rapports de force dans les entreprises pour pouvoir, dans certains cas, obtenir des accords favorables, je tiens à le préciser...

Gérard Bourgoin : Je n'ai pas vu de pression sociale chez moi et la légitimité a été...

Alain Bocquet : Laissez-moi terminer, permettez-moi de terminer. Ensuite je veux dire qu'effectivement, il y a un problème avec cette seconde loi, c'est que tout compte fait, du côté du MEDEF, il y a quelque part une hypocrisie, la manifestation qui s'est déroulée était une manifestation hypocrite dans la mesure où la loi actuelle, tout compte fait, elle ne gêne pas tellement le patronat, elle ne gêne pas tellement le patronat. Par exemple, quand on sait qu'il va falloir...

Arlette Chabot : Ce n'est pas le sentiment qu'ils ont donné.

Alain Bocquet : Oui, oui, d'accord, mais ça...

Intervenant : C'est le principe de la comédie, c'est de la comédie.

Alain Bocquet : Tout à fait, ça fait partie du spectacle, mais quand on pense qu'il va y avoir 110 milliards, environ, de fonds publics, d'argent des contribuables, distribués aux entreprises, sans conditionner ces aides à la création objective d'emplois...

Gérard Bourgoin : Vous êtes formidablement bien élevé, moi je vous pardonne...

Arlette Chabot : Attendez, Alain Bocquet finit.

Gérard Bourgoin : Moi, je vous pardonne. Vous venez de l'enseignement national... vous venez de l'enseignement, vous êtes un éducateur donc je vous pardonne, c'est pour cela que je vous pardonne. Écoutez, je vais vous dire franchement : l'emploi il y a ceux qui en parle et il y a ceux qui le créent. Moi j'ai commencé à 15 ans à travailler...

Alain Bocquet : Et il y a ceux qui n'en ont pas d'emploi...

Gérard Bourgoin : ... à 20 ans j'ai créé mon premier emploi, 45 ans après j'en avais créé 5 500. Bon, alors...

Alain Bocquet : Ben ou, ben oui, vous êtes un homme merveilleux, tout le monde le sait.

Gérard Bourgoin : Alors, il y a ceux qui peuvent en parler, qui savent ce que c'est qu'une fiche de paie, et il y a ceux qui, si vous voulez, la touchent mais ce n'est pas eux qui l'ont produite, ce n'est pas eux qui ont fait la machine infernale à produire la richesse. Il y a ceux qui en ont bénéficié. Alors, je vous pardonne, niais enfin, là c'est vrai que mes collègues qui sont plus politiques que moi, ont trouvé un petit peu que vous exagériez, mais c'est un petit peu fort quand même...

Alain Bocquet : Il y a aussi les clients, les consommateurs que sont les salariés...

Gérard Bourgoin : Mais enfin je vous pardonne, je vous pardonne compte tenu de vos origines. Je vous pardonne.

Alain Bocquet : … et quand ceux-ci ont des salaires meilleurs, ils peuvent plus consommer tout un tas de produits, je ne citerai pas les vôtres.

Gérard Bourgoin : À ben, je suis d'accord avec vous, de toutes façons, c'est la richesse, c'est les salaires qui, réinjectés dans
l'économie, permettent de faire l'investissement et la richesse durable, vous avez raison.

Alain Bocquet : C'est la raison pour laquelle il faut augmenter les salaires, en particulier le SMIC...

Gérard Bourgoin : Ah, mais là-dessus ; je suis tout à fait d'accord avec vous, on va vite tomber d'accord sur les augmentations de salaires.

Arlette Chabot : On va en parler tout à l'heure.

Gérard Bourgoin : Arrêtons de faire les prélèvements de l’État, qui ne sait pas faire d'économies, redistribuons cela aux salariés, ils sauront s'en servir.

Arlette Chabot : S'il vous plaît, pas tous ensemble.

François d'Aubert : Tous les accords s'accompagnent de modération salariale, alors qu'est-ce que cela veut dire, ce n'est pas du tout ce que vous souhaitez.

Arlette Chabot : François d'Aubert on parlera tout à l'heure de ce qui vous réunit parce qu'il y a peut-être des choses, effectivement, sur lesquelles vous êtes d'accord. Jean-Paul Delevoye, vous avez une expérience d'entreprise, à l'origine vous aussi ?

Jean-Paul Delevoye : Oui, oui. Moi j'écoute avec intérêt cette passion et je me mets à la place du salarié d'une petite entreprise qui se pose vraiment la question en se disant : « Mais est-ce que les 35 heures c'est une bonne mesure pour moi ? ». Nous écoutions et je partage votre avis, le progrès technique incontestablement fait que, demain, on produira plus en travaillant moins, le pouvoir d’achat a augmenté, le temps de travail a diminué, donc il y a un vrai enjeu de société qui consiste peut-être d’ailleurs, au-delà des 35 heures, de voir si demain quelqu’un peut concilier un temps de travail, un temps pour sa vie familiale, un temps pour ses accidents de la vie, qui peuvent concerner soit ses enfants un peu à garder, etc..., c’est l’adaptation du temps à une réalité quotidienne par rapport à une exigence du travail. Le deuxième élément, c’est à l’évidence aujourd’hui, c’est l’importance pour les entreprises d’être compétitives sur le plan international. Nous parlions tout à l’heure du textile, nous connaissons tous les uns et les autres, les dégâts qu’a porté sur les industries textiles françaises, la dévaluation italienne qui a fait, en quelques mois, dégrader 10, 20, 30, 40 000 emplois... Non, mais attendez Monsieur Bocquet, la réalité est là. Ça veut dire que vous ne pouvez pas, d’un côté avoir un raisonnement très simple qui consiste à dire que la réduction du temps de travail est une conséquence des progrès techniques, ce n’est pas une condition de la croissance. Deuxièmement, l’économie ce n’est pas de l’arithmétique, ce n’est pas en diminuant de 10 % le temps de travail que lorsque vous aurez 10 emplois, vous aurez un emploi supplémentaire. La question c’est : « est-ce que l’on peut concilier l’intérêt du salarié, l’intérêt de l’entreprise et l’intérêt du pays ? » C’est ça le fond du sujet. Et moi je suis de ceux qui pensent que la réponse ce n’est pas par le politique, c’est par la négociation des partenaires sociaux et cette affaire doit se traiter entre les représentants des salariés, les représentants des patrons, pour voir comment dans une négociation on peut arriver à faire en sorte que la performance de l’entreprise soit gardée, que l’amélioration des conditions de travail du salarié soit faite, etc. ; Vous ne croyez pas à cette capacité de négociations. Et d’ailleurs, je suis un peu triste, je dois le dire, sur un gouvernement de gauche mais je le fais sans esprit polémique, je constate que sur le financement, vous n’écoutez pas les partenaires sociaux et sur la loi, vous ne faites pas confiance aux partenaires sociaux, parce que vous y mettez des contraintes telles que ça veut dire aux partenaires sociaux que vous discutez, mais vous discutez dans un couloir dont j’assure l’étroitesse. Et je crois que le problème et je termine là-dessus Monsieur Bocquet. J’étais dimanche avec deux chefs d’entreprises, l’un me disait : « les 35 heures ne me posent pas de problème. Avec les aides de l’État je vais absorber le surcoût, il faut 3 % de productivité par an, une modération salariale et j’arriverai probablement à passer le surcoût dans les trois ou quatre années qui viennent. Probablement. L’autre chef d’entreprise me disait : « Je suis dans une entreprise de services, c’est une catastrophe pour moi ». Ça veut dire que vous êtes dans une majorité plurielle, ça veut dire que la réalité du terrain elle est aussi plurielle et qu’une réponse unique est quelque chose de tout à fait dramatique. Est-ce que l’on ne peut pas mettre aujourd’hui, dans ce pays, un peu de souplesse pour adapter à chaque situation cette capacité de mettre cette exigence d’un contrat social qui, demain, fait que, est-ce que je peux travailler selon mes besoins ; et l’entreprise est-ce qu’elle peut disposer de la main d’oeuvre selon ses besoins ? C’est ça l’enjeu et je suis convaincu qu’aujourd’hui la réponse de la loi que vous apportez, est une réponse qui est un vrai enjeu de société, une mauvaise réponse économique et une mauvaise réponse du pluralisme social.

Arlette Chabot : Alain Bocquet, situation plurielle des entreprises.

Alain Bocquet : Nous proposons la loi et la négociation. Faut-il rappeler que la loi des 40 heures en 1936, il a fallu, dans certaines professions, certaines catégories, 40 années pour qu'elle s'applique, 40 années, dans les années 60 on travaillait encore 48 heures, dans la métallurgie ; parfois 55 heures dans le bâtiment, ce sont des faits indéniables, ça signifie que si les salariés n'ont pas, avec eux, un cadre législatif sur lequel ils peuvent s'appuyer solidement pour négocier avec les chefs d'entreprises, avec le patronat, ils seront évidemment en difficulté, c'est bien cela le fond du problème et c'est dans cet esprit que nous pensons que la loi doit être très bonne.

Jean-Paul Delevoye : Est-ce que, pour votre réflexion, je peux vous lire un conseiller social actuel du premier ministre, qui écrivait à propos...

Arlette Chabot : Des noms, des noms...

Jean-Paul Delevoye : Monsieur Jacques Rigaudia (phon) auteur de « Réduire le temps de travail » en 1996 qui écrit au sujet de la loi Bloum sur les 40 heures. « Cette législation produisit un choc extrêmement brutal sur l'économie, ce processus trop important, trop uniforme, trop rapide était, en lui-même, son propre fossoyeur. Les 40 heures provoquèrent des goulées d'étranglements, une baisse de la production et une remontée du chômage », phénomène décrit par Alfred Sauvy, « Histoire économique de la France entre les deux guerres » tome 2, Fayard, je peux même vous donner la page... Ce qui veut dire Monsieur Bocquet qu'entre le conservatisme ou le... la volonté politique, moi je me souviens toutes les manifestations que vous faites quand, à chaque fois, vous assistez à la disparition d'une entreprise, je me souviens même que vous vous êtes battu sur Manufrance Saint-Étienne, on parlera peut-être de Michelin tout à l'heure...

Alain Bocquet : On se bat toujours pour défendre l'emploi, vous savez monsieur Delevoye, ce n'est pas votre cas.

Jean-Paul Delevoye : Oui mais... non mais attendez, entre ceux qui se combattent en créant des illusions et ceux qui créent des emplois, on ne joue pas avec la France et on ne triche pas avec elle. Le vrai problème aujourd'hui et par rapport aux ouvriers, c'est : est-ce que l'on est capable demain de faire en sorte qu'ils travaillent moins, qu'ils gagnent plus, que l'entreprise soit plus performante, c'est le seul moyen de garantir l'emploi...

Alain Bocquet : Peut-être diminuer les profits financiers.

Jean-Paul Delevoye : Ça veut dire... Eh bien parlons-en, ça veut dire que…

Arlette Chabot : Quand ils sont voisins, le Pas-de-Calais et le Nord qui se disputent, ça prend du temps.

Jean-Paul Delevoye : Non, non, attendez, je termine là-dessus. Ça veut peut-être dire aussi que dans la négociation que nous pourrons donner avec les acteurs sociaux, l'intéressement, la participation au résultat est peut-être un moyen, demain, de faire en sorte qu'en travaillant un peu moins on puisse garder son pouvoir d'achat et là c'est une thèse gaulliste à laquelle je suis ravi que vous souscriviez aujourd'hui.

Arlette Chabot : Alors, je voudrais que l'on revoit, à l'instant, les images de la manifestation justement organisée par le MEDEF, il y a tout juste une semaine pendant que la CGT défilait d'un côté, il y avait les chefs d'entreprises rassemblés par Ernest Antoine-Seillière à la porte de Versailles, ça ressemblait un peu à un meeting politique, au moins dans la forme.

Arlette Chabot : Alors, Gaétan Gorce, quand même, vous les comprenez un peu ces chefs d'entreprises, vous vous dites : ils font de la politique, et même question à Nicole Notat d'ailleurs...

Gaétan GORCE : Écoutez, je crois qu'il faudrait préciser un peu les choses parce que j'entends Monsieur d'Aubert et puis ensuite Monsieur Delevoye, Monsieur d'Aubert nous parle de la croissance et nous dit « La croissance c'est la condition de la création d'emplois » et comme l'a dit Nicole Notat tout à l'heure, nous sommes tout à fait d'accord avec cela....

Arlette Chabot : Pardonnez-moi, je vous interromps une seconde pour vous dire que l'on a des téléspectateurs qui interviennent, via Internet et qui nous disent justement : qu'est-ce qui se passe s'il n'y a plus de croissance ?

Gaétan Gorce : Si vous permettez, on a la réponse, c'est-à-dire que lorsque les amis de Monsieur d'Aubert et Monsieur d'Aubert étaient malheureusement les mêmes au gouvernement, il n'y avait plus de croissance dans ce pays, elle a redémarré depuis deux ans. Monsieur Delevoye nous dit maintenant : « Il faut la négociation ». Mais qu'est-ce qui a relancé la négociation dans les entreprises et dans la branche sinon la première loi Aubry ? Et sur quoi va s'appuyer la deuxième loi sinon la négociation ? Pourquoi, effectivement, ce renvoi que nous faisons dans le texte à la négociation pour adapter les 35 heures dans toutes les entreprises ? La croissance, la négociation, c'est très exactement ce que nous faisons, donc je voulais préciser un petit peu ces éléments pour la clarté du débat.

Guillaume Sarkozy : Ce sont des mots, parce que à ce moment-là, pourquoi est-ce que l'on ne peut pas appliquer les 117 accords de branches tels qu'ils ont été signés, mais vous ne voulez pas le reconnaître. La deuxième loi, tel qu'on en connaît le projet, ne le permet pas.

Gaétan Gorce : Madame Notat vous a demandé, tout à l'heure, quels étaient les points sur vos accords qui étaient en difficultés, les seuls exemples que l'on peut nous donner, sont des exemples qui portent sur des sujets sur lequel le droit n'a pas varié, a été fixé depuis des années et on considère que c'est une protection du salarié. Pour le reste, la loi s'inspire de ces accords. Elle s'appuie sur la négociation.

Guillaume Sarkozy : Monsieur Gorce, je suis désolé, votre réponse je la prends comme une réponse langue de bois. Vous ne pouvez pas laisser le même quota quand la durée du travail légale est à 39 heures, ou à 35 heures, bien évidemment et, pourquoi à ce moment-là, l'ensemble des centrales syndicales avaient-elles signé 175 heures de quotas d'heures supplémentaires ? Moi je crois que ce qui se passe dans cette histoire, c'est que le Parlement français et le gouvernement français, qui donnent des leçons d'organisation de l'entreprise aux chefs d'entreprises de France et du monde entier. Si cette histoire était vraie et valable, le monde entier, aurait essayé... aurait été à 35 heures parce que c'était une bonne chose. Ce n'est pas le cas et ça va augmenter le coût des entreprises. C'est si vrai Monsieur Gorce, que pour obliger les entreprises à y aller, pour faciliter, vous prévoyez de donner des subventions, c'est donc bien que ça coûte de l'argent aux entreprises, c'est donc bien que les 35 heures pénalisent les comptes des entreprises. Il faut donner des subventions pour cela mais ces subventions elles vont être payées par des impôts payés par les entreprises, on se mord la queue, c'est un système rocambolesque et le problème, dans tout ça, c'est que c'est l'emploi et la santé des entreprises qui va être pénalisé. C'est ça le problème. Moi je ne suis pas comme Monsieur Bocquet qui dit que c'est une avancée sociale, tant mieux, mais ce n'est pas le problème quand il y a 11 % de chômeurs dans notre pays Monsieur.

Alain Bocquet : Sarkozy, vous êtes bien mal placé, vous représentez le patronat textile, vous êtes le premier patronat qui a délocalisé des entreprises de ma région, du Nord – Pas-de-Calais, qui ont été implantées en Roumanie...

Guillaume Sarkozy : Vous êtes bien mal placé car vous êtes devant un patron qui a investi 50 % de son chiffre d'affaires dans une usine nouvelle.

Alain Bocquet : Vous représentez le patronat textile, et donc vous incarnez donc... ne me racontez pas d'histoire...

Guillaume Sarkozy : Et pourquoi, parce que la politique qui était suivie a obligé les entreprises, à cause du coût du travail... ce n'est pas une histoire...

Arlette Chabot : Pour qu'on y voir clair. Nicole Notat réponse à ces deux questions, ce que disait à l'instant Guillaume Sarkozy sur, au fond, on est obligé d'aider et de financer ; et puis, deuxièmement, qu'est-ce qui se passe s'il n'y a plus de croissance ?

Nicole Notat : Mais bien sûr que oui qu'il faut... que la réduction de la durée du travail a un coût, bien sûr que oui, mais c'est aussi un investissement en tout cas c'est notre point de vue, c'est un investissement sur l'avenir qui vise, à la fois la modernisation de l'entreprise, je continue à dire que c'est une nécessité, et ça vise en même temps un investissement sur l'emploi. Donc je continue à penser, qu'au total, le solde est positif mais ça a un coût. Ce n'est pas possible que ce coût soit supporté par les seules entreprises, ou alors c'est de la productivité à outrance et de toutes façons c'est trop lourd et c'est trop fort et les salariés trinqueraient et ce n'est pas possible non plus de faire peser ce coût sur les salariés qui verraient une baisse du pouvoir d'achat, donc l'aide publique est nécessaire ou l'accord et l'aide de la collectivité est nécessaire, mais on en a fait d'autres monsieur Sarkozy. Écoutez, quand on tient un plan social, quand on a eu des effets nécessaires pour que des salariés, en fin de carrière, puissent s'en aller dans de bonnes conditions, quand vous avez souvent souhaité que les réductions des charges dans le textile, par rapport à une main d’œuvre qui était, à ce moment-là, sur un coût du travail, nous n'avons jamais dit que c'était un faux problème mais nous avons simplement toujours souhaité que ce soit lié à un vrai résultat sur la modernisation des entreprises et l'emploi. Donc, tout cela montre bien que la collectivité, aujourd'hui, n'est pas sans jouer un rôle important dans un certain nombre de questions qui concernent les entreprises. Je pense pour ma part que c'est heureux et je ne fais pas partie de ces gens qui disent : plus aucun sou public pour les entreprises demain parce que je pense qu'à ce jeu-là, il y a beaucoup de monde qui se mordra les doigts.

Guillaume Sarkozy : Quel argent public Madame, mais quel argent public ? Il n'y a pas d'argent public, tout se passe comme si on disait aux gens, on vous oblige à acheter une télévision, la loi vous oblige à acheter une télévision pour acheter une télévision ; on va vous donner une subvention, mais cette subvention, on va la payer en augmentant vos propres impôts, c'est ça qui se passe... mais Monsieur Bocquet vous pouvez me dire ce que vous voulez...

Alain Bocquet : 170 milliards de fonds publics...

Guillaume Sarkozy : Je suis administrateur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse... Je peux vous dire, il n'y a pas d'argent public qui est affecté au financement des 35 heures, c'est uniquement les impôts sur les 35 heures et le hold-up sur la protection sociale qui va financer les fameuses aides. Ça veut dire qu'on se mord la queue, on est dans une situation rocambolesque, qui va donc détruire de l'emploi, c'est la réalité, mais Madame Notat, si j'ai bien compris, elle dit presque la même chose que moi, mais elle le dit de manière subtile, mais nous disons finalement la même chose.

Arlette Chabot : Ça au moins, sur le problème du financement vous allez être d'accord, sur le problème du financement et sur l'UNEDIC ?

Jean-Paul Delevoye : Sur le financement, on a vraiment un vrai problème de débat.

Arlette Chabot : Vous serez d'accord entre le syndicat et le patronat, là-dessus il y a petit accord pour trouver qu'il ne faut pas ponctionner l'UNEDIC.

Jean-Paul Delevoye : Non, non, mais on est tout à fait d'accord là-dessus. J'attire votre attention d'ailleurs que la loi mériterait d'avoir une transparence sur le financement de ces mesures. Il est important pour le législateur de savoir exactement à ce qu'il doit faire face comme dépenses et assurer les recettes et moi je serais assez favorable que nous ayons une présentation consolidée du projet de loi de financement et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Car je crois, qu'aujourd'hui, dans la clarté du débat public, l'État ne devrait pas passer son temps à faire déraper des dépenses d'un budget sur l'autre. Et, aujourd'hui, on a une fois le ministre qui nous dit que ce sera prélevé sur les fonds NEDIC (sic ?) sur la taxation du tabac et puis, une autre fois dire : eh bien non, tout compte fait, on va peut-être pouvoir s'en sortir pour l'année 2000. Ce n'est pas un bon débat politique que de rendre opaques les financements des mesures concernées. Deuxièmement, ce que dit Monsieur Sarkozy est tout à fait important, on parle éventuellement des créations d'emplois, je constate d'ailleurs que les instituts ont des opinions très diverses sur ce sujet. La croissance, on annonce 300 000 emplois, sur les 35 heures on nous dit : « peut-être », peut-être dit Monsieur Fitoussi, 240 000 emplois sur trois ans, peut-être. La question intéressante que posait Madame Notat c'est : « est-ce que la diminution du temps de travail augmente la performance de l'entreprise qui est plus compétitive, qui crée de la croissance et qui donne des recettes nouvelles à l’État » et là, nous sommes dans le cercle vertueux de la croissance, avec une rétribution du résultat de l'effort. Aujourd'hui nous sommes dans les démarches inverses, nous n'avons pas du tout d'analyses sur les conséquences positives de la croissance, la preuve en est, c'est que dans vos perspectives de croissance, sur les 2,5, vous dites : pour l'investissement et pour la consommation intérieure, rien sur le commerce extérieur, vous ne jouez pas sur la compétitivité des entreprises, et vous êtes en train de mettre une TGAP, une taxe sur les activités polluantes pour financer ces mesures qui représentent 25 % de l'investissement net d'un certain nombre d'industries chimiques qui sont aujourd'hui sur le fleuron de l'industrie chimique française et je crois que là, il faudra que nous ayons un bilan entre les emplois éventuellement créés et les conséquences négatives de ces charges nouvelles.

Arlette Chabot : Je voudrais que l'on dise, que l'on reste un peu sur le financement et puis après on va parler du sujet le plus intéressant...

Gérard Bourgoin : … Totale de la prise de position des gens qui sont chargés de faire la politique et des gens qui sont chargés de créer la machine à créer des richesses, pourquoi ? Parce que les gens ont juste à dire : « il n'y a qu'à mettre un impôt et de toutes façons on y va. Il n'y a pas de responsabilités sur la création de l'argent ».

Arlette CHABOT : On reste un instant sur le financement, je voudrais que l'on parle des salariés et de savoir... de poser la question de savoir si eux, ils trouvent effectivement leur compte dans la réduction du temps de travail Nicole Notat...

Gérard Bourgoin : En faisant du travail au noir, oui, ça ils y trouvent leur compte...

Arlette Chabot : Attendez une seconde, est-ce que l'on peut finir sur le financement et le problème qui se pose, parce que l'on a bien vu qu'il y a une difficulté entre le gouvernement et les partenaires sociaux, à propos de l'UNEDIC. Alors Nicole Notat, on peut s'en sortir ou pas de cette affaire ?

Nicole Notat : Oh, évidemment que oui, on peut toujours si on en a la volonté et si on convient de faire une frontière simple, une frontière claire, entre ce qui est de la responsabilité de l’État, qui a financé aujourd'hui la question de la réforme des cotisations sociales. Et puis, il y a l'UNEDIC par exemple, je prends cet exemple à côté, qui elle a un objet, l'UNEDIC c'est l'indemnisation des chômeurs. Je ne vois pas comment on peut passer d'un objectif qui est l'UNEDIC, qui sert à indemniser les chômeurs à la question : « l'UNEDIC va servir à financer la réduction de la durée du travail' ». Non.

Arlette Chabot : Là vous êtes d'accord Guillaume Sarkozy.

Guillaume Sarkozy : Je voudrais rajouter, en tant qu'administrateur de la vieillesse et également de la Sécurité sociale, que si le gouvernement prélève autoritairement, comme c'est prévu dans les textes actuellement, de l'argent pour financer les 35 heures, de l'argent sur la maladie, de l'argent sur la retraite ou sur le chômage il prendra une responsabilité très grave et le patronat, très certainement, refusera de l'accepter et se retirera de cette gestion-là... Ce n'est pas concevable.

Arlette Chabot : Alors, Gaétan Gorce, vous répondez et puis on enchaîne sur la situation des salariés, parce que ça c'est vous qui êtes mis en cause, enfin le gouvernement mais vous... oh, vous le défendez quoi.

Gaétan Gorce : Oui, c'est un sujet sur lequel le débat peut s'engager, les éléments sont clairement posés. Monsieur Delevoye nous dit « il n'y a pas de transparence », au contraire un fonds va être créé qui va permettre de faire apparaître, très clairement, les recettes et les dépenses qui sont liées non seulement à la réduction du temps de travail mais d'abord à l'allégement de cotisations sociales. Le raisonnement qui est posé, Nicole Notat a dit tout à l'heure « La réduction du temps de travail c'est un investissement », un investissement sur l'emploi et un investissement pour les entreprises. Cet investissement, il va produire des résultats et il va avoir un rendement, cet investissement il va permettre de créer de l'emploi, il va être dégagé des cotisations nouvelles, il va permettre de limiter les indemnisations en matière de chômage ; à partir de là il est normal de se poser la question de savoir qui contribue effectivement, à l'alimentation de cet investissement mais tout cela doit se faire dans la transparence et dans la concertation...

Arlette Chabot : Et l'UNEDIC alors, le siphonage, comme dit Guillaume Sarkozy et le MEDEF.

Gaétan Gorce : Là encore, moi j'observe que les thèmes qui sont employés, qui sont d'une virulence telle, montrent bien que ceux qui défendent ces arguments n'y croient pas vraiment, on nous parle d’holdup, on nous fait des meetings qui ont un caractère politique, je crois qu'il faut ramener le débat à son véritable niveau...

Arlette Chabot : Les syndicats ne sont pas d'accord et Monsieur Bocquet non plus, il y a un problème.

Gaétan Gorce : Si vous me permettez, juste un mot sur ce point, juste un mot. On ne peut pas à la fois dire : le gouvernement ne prend pas en compte et la majorité ne prend pas en compte l'avis des partenaires sociaux et nous faire le reproche de ne pas écrire, tout de suite dans la loi, ce que sera le financement de ces dispositifs. Le financement du dispositif il sera assuré et il vise effectivement à dégager des moyens et des recettes supplémentaires.

François d'Aubert : L'idée est simple sur le financement, le financement de la réduction de la durée du travail va être assuré par une augmentation des prélèvements obligatoires, ce n'est pas plus compliqué que ça, malheureusement. C'est-à-dire des impôts et des cotisations sociales. Des impôts... Monsieur Gorce, écoutez, reconnaissez...

Gaétan Gorce : ... vous le savez très bien, vous avez financé la ristourne dégressive avec 40 milliards de francs, mais vous êtes bien placé effectivement pour l'évoquer puisque...

François d'Aubert : Vous avez créé des impôts nouveaux uniquement pour cela, vous allez pomper l'UNEDIC...

Gaétan Gorce : Mais c'est tout à fait inexact et vous le savez bien...

François d'Aubert : ... l'UNEDIC, je pose la question à Madame Notat, s'il y a des excédents maintenant à l'UNEDIC, est-ce que ça ne vaudrait pas mieux de baisser... de les utiliser pour baisser les cotisations plutôt que pour subventionner la réduction de la durée du travail ? Ça c'est une vraie question, ces 65 milliards ça va coûter...

Gaétan Gorce : Ce que j'admire c'est la capacité de Monsieur d'Aubert, avec Monsieur Delevoye, à nous dire sans cesse « ça ne marche pas », alors qu'ils n'ont rien tenté, ou qu'ils n'ont rien réussi...

François d'Aubert : ... Ce que j'ai compris c'est que ça coûtait 65 milliards par an, ça veut dire l'équivalent, chaque année, d'une moitié de tunnel sous la Manche, ce n'est pas rien.

Gaétan Gorce : Mais, moi je vais vous l'indiquer. Car on dit par exemple, d'ailleurs il faut bien voir ce que l'on finance avec ça, on parle réduction du temps de travail, vous savez parfaitement aussi qu'il s'agit d'un dispositif d'allégement des cotisations patronales, dans lequel le coût de la réduction du temps de travail est inclus, et les 40 milliards de francs dont vous parlez, c'est l'équivalent de l'augmentation de la charge de la dette dans le budget de l’État en 1987, date à l'époque je crois, vous aviez des responsabilités gouvernementales.

François d'Aubert : Vous, vous avez mis 100 milliards d'impôts de plus ... en 99 en plus.

Arlette Chabot : Monsieur d'Aubert, Nicole Notat a dit, pendant que vous parliez « On ne pompera pas l'UNEDIC ».

Intervenant : Nous sommes d'accord avec Nicole Notat.

Arlette Chabot : Voilà, alors tout le monde est d'accord...

Alain Bocquet : ... parce que ça, quand il y a 41 % de chômeurs qui ne sont pas indemnisés, on ne peut pas accepter que l'on prenne l'argent à l'UNEDIC et moi je pense qu'il faudrait relever les minima sociaux...

Arlette Chabot : Gaétan Gorce, vous vous sentez seul ce soir, vous n'allez pas chanter « je suis seul ce soir » mais presque quand même là.

Gaétan Gorce : Écoutez, je crois... ce n'est pas l'objet de la discussion, on pourrait le faire à un autre moment... juste un mot, pour préciser les choses, on nous présente les choses d'une manière un petit peu caricaturale, on nous dit que c'est un prélèvement sur les recettes de la Sécurité sociale ou de l'UNEDIC, je l'ai indiqué, la concertation est engagée, il n'y a pas de prélèvement de forces, mais de quoi s'agit-il ? Il s'agit de prélèvements sur les recettes à venir, on nous laisse penser qu'il s'agirait de retirer des recettes existantes pour financer des dispositifs... c'est une anticipation sur les recettes à venir.

Arlette Chabot : On a bien compris qu'il y avait un léger problème, que le gouvernement devra régler avec les partenaires sociaux .... On n'arrive pas à les arrêter pour parler du problème des salariés.

Guillaume Sarkozy : Je vais vous dire pourquoi c'est faux Monsieur Gorce, dans le projet de loi de finance de la Sécurité sociale, les hypothèses d'augmentation de la masse salariale sont de 4 % en valeurs réelles comme les années précédentes, ce qui montre bien que le gouvernement considère que l'effet des 35 heures sur la Sécurité sociale sera nul, mais il ne peut pas le dire. C'est ça la réalité qui est dans les textes proposés par le gouvernement.

Arlette Chabot : Alors, je voudrais maintenant que l'on s'interroge sur les bénéfices que les salariés, c'est quand même eux les principaux intéressés, peuvent tirer de la réduction du temps de travail, nous sommes allés à Poitiers à la CAMIF, c'est-à-dire la Coopératives des adhérents mutualistes des instituteurs de France, ils sont déjà aux 34 heures et pas aux 35 heures. François Privat et Philippe Ritene (phons) ont rencontré un homme, une femme, ça fait deux familles qui sont déjà aux 35 heures et en profitent.

Arlette Chabot : Gérard Bourgoin, les salariés sont contents, ça fait 80 % à peu près des personnes interrogées qui disent au bout du compte : « c'est drôlement bien les 35 heures ».

Gérard Bourgoin, président du Groupe Bourgoin, président du CNIP : Ils sont relativement contents, surtout quand ils peuvent travailler à côté de leur emploi après un petit pal dans les entreprises dans lesquelles l'accord a été signé. Moi je le vois chez moi, aujourd'hui il y a 80 % de mes amis qui sont les gens avec qui je travaille depuis des années qui ont tous pris du travail un peu chez les jardins, les autres font les peintres, les autres font de la peinture, les autres font du ménage en supplément...

Arlette Chabot : Vous êtes en train de nous dire que ça génère du travail au noir.

Gérard Bourgoin : Pour se faire une bonne paye, pour se faire une bonne paye.

Alain Bocquet : C'est parce que vous ne les payez pas assez.

Gérard Bourgoin : Qu'est-ce que vous croyez qu'ils font les gens ? Est-ce que vous pensez vraiment qu'ils vont se contenter...

Alain Bocquet : Non, ils ne vont pas faire les petits travaux dont vous parlez.

Gérard Bourgoin : Mais attendez, est-ce que vous pensez vraiment qu'ils vont se contenter de travailler 35 heures ?

Alain Bocquet : Eh bien, évidemment.

Gérard Bourgoin : Non mais...

Alain Bocquet : Si vous les payez bien, oui.

Gérard Bourgoin : Non mais attendez, ou alors vous êtes à la MACIF, c'est-à-dire vous pouvez faire la distribution des prix parce qu'en effet il n'y a pas une véritable responsabilité de comptes d'exploitation en sortie, parce que c'est une mutuelle, ou alors il y a un véritable compte d'exploitation et dans ce cas-là il n'y a pas de possibilité, mais attendez, j'aurai aimé moi qu'on interroge un poissonnier, un boulanger, un charcutier, un épicier, non mais attendez, un restaurateur. C'est là que j'aurai aimé qu'on pose la question, mais attendez, ces gens-là ne peuvent pas continuer en travaillant 35 heures ou alors il y a dé-positionnement immédiatement et le pauvre petit commerçant qui n'y arrivait déjà pas, tout va au supermarché ou à l'hypermarché, il ferme sa porte. Mais c'est la porte du chômage, il faut quand même le savoir.

Arlette Chabot : Nicole Notat, sans dire que ça génère du travail au noir, ce qu'a l'air de dire monsieur Gérard Bourgoin... ?

Gérard Bourgoin : Non c'est du travail à côté, ce n'est pas du travail au noir.

Arlette Chabot : Est-ce qu’au fond, c'est ce qu'attendaient les salariés des 35 heures, ou est-ce que la plupart d'entre eux n'auraient pas préféré une augmentation de salaire.

Nicole Notat : Eh bien ce n'est pas ce qu'ils nous disent, nous avons interrogé 10 000 salariés pour ce qui nous concerne, qui ont aujourd'hui la réduction de la durée du travail, 32 heures jusque 35 heures, depuis plus d'un an, c'est-à-dire que ce sont des résultats d'accord de la loi de Robien ou de la première loi Aubry. Et vraiment très majoritairement ces gens-là nous disent : « si nous avions à revivre les situations antérieures, nous ne le voudrions pas, nous sommes bien dans les nouveaux horaires, même s'il y a eu des problèmes d'ajustement, si tout n'est pas encore parfait », ils nous disent aussi que globalement ils n'ont pas perdu en pouvoir d'achat, qu'il y a des modérations salariales sur plusieurs années, mais qu'il n'y a pas de régression de salaire, et ils nous disent même aussi que les entreprises, leur entreprise ont plutôt tendance à se porter mieux. Alors j'entends bien que... j'admets moi cet argument que les accords que nous avons pu passer dans ces deux dernières années, sont avec des entreprises qui ont été partantes, donc pas avec des entreprises hostiles...

Arlette Chabot : Comme Monsieur Bourgoin.

Nicole Notat : Monsieur Bourgoin est dans ceux-là, nous les avons interrogés, la CFDT est signataire chez lui, donc ils ont été interrogés aussi, mais c'est vrai qu'aujourd'hui nous allons rencontrer des situations où la diversité sera sans doute plus grande, où il faudra encore plus faire du sur mesures et c'est la raison pour laquelle nous avons nous aussi, nous suivons attentivement le débat parlementaire pour que ce sur mesures nécessaire qui ne peut être le résultat que de bonnes négociations équilibrées où les uns ont le souci bien sûr de l'entreprise je fais confiance aux patrons pour ça, mais les négociateurs syndicaux ont eu le souci de ce qui est bon pour les salariés et pour l'emploi, il faut que cette loi permette que ces équilibres, que ces accords sur mesure, il n'y a pas de modèle standard en matière de réduction de la durée du travail c'est sûr puisse être la voie de l'avenir.

Gérard Bourgoin : Je crois que c'est tout le contraire de la loi Aubry, la loi Aubry c'est mettre tout le monde sous un standard, alors vous venez de dire il n'y a pas de modèle standard, nous sommes d'accord avec vous, ça s'appelle la liberté. C'est-à-dire, nous pouvons faire les choses en fonction des événements de chaque entreprise voilà.

Guillaume Sarkozy : Moi, je voudrais faire une proposition parce que Madame Notat elle a raison dans son enquête, mais elle a interrogé bien sûr les entreprises qui avaient intérêt à y aller, alors je voudrais lancer un appel au dialogue et notamment à Monsieur Gorce, Monsieur Gorce je vous renouvelle mon invitation à venir visiter mon usine, notamment comme exemple.

Gaétan Gorce : Je vous renouvelle mon accord monsieur Sarkozy.

Guillaume Sarkozy : Eh bien, écoutez, nous organiserons ça après l'émission. Quand je dis je ne peux pas, au moins croyez-moi, ou au moins venez vérifier, et je voudrais lancer un appel au dialogue entre le patronat, le gouvernement et le parlement. Il n'y a pas aujourd'hui de dialogue. Les propositions que je voudrais faire, je vais commencer par la proposition idéale, pour moi ça serait : pas d'obligations, pas de subventions, mais pas d'impôts nouveaux, laisser faire les gens, laissez-les parler entre eux. Si maintenant vous considérez qu'il faut obliger les entreprises à 35 heures, que ce soit leur intérêt ou pas, je vous demande trois choses : la première, c'est de respecter les accords de branche, faites que la loi s'il vous plaît, respecte les accords de branche, honnêtement, la deuxième, c'est que les surcoûts qui sont imposés aux entreprises, soient honnêtement, de manière intègre payés par l’État et pas par les entreprises, c'est la condition absolue pour que l'emploi soit sauvé. Vous voyez que je suis sérieux et raisonnable. La troisième condition, c'est que, notamment dans les PME qui n'ont pas de délégués syndicaux ne faites pas cette espèce d'usine à gaz qui a été prévue pour faire plaisir à je ne sais pas qui, qui est impossible Monsieur, il est impossible, telle que les règles sont prévues qu'un chef d'entreprise de PME de 40-50 ou 100 personnes, arrive à négocier avec 5 centrales syndicales et avec un référendum. Votre loi ne sera pas appliquée à cause de cela, dans intérêt de la loi, s'il vous plaît, dialoguons et écoutez-nous. Ce que je vous dis est, je pense, vraiment raisonnable.

Arlette Chabot : Gaétan Gorce en gros, il faut arrêter la discussion au parlement, c'est ça si je comprends bien.

Gaétan Gorce : Oui on pourrait l'interpréter de cette manière d'une certaine façon de manière un peu dilatoire, moi j'aurais souhaité que le dialogue puisse effectivement s'engager non pas sur un plateau de télévision mais depuis des mois et notamment avec les représentants du MEDEF et que plutôt que de nous lancer une opposition idéologique, il puisse y avoir une vraie discussion, comme la plupart des partenaires sociaux l'ont accepté et vous nous dites, laissez-nous faire. On l'a évoqué en tout début de débat, laissez-nous faire d'abord ce n'est pas tout à fait notre philosophie, nous avons une responsabilité qui est celle de la société tout entière, faire en sorte naturellement que les entreprises puissent réaliser de bons résultats et réaliser des embauches, mais faire en sorte aussi que l'ensemble de l'économie créée globalement de l'emploi ce qui nous amène à prendre en compte la communauté de travail dans son ensemble, salarié et représentant d'entreprise. Une entreprise, c'est un chef d'entreprise sans doute, ce sont aussi les salariés qui y travaillent et ces salariés depuis trente ans, ils ont subi à travers la crise, les entreprises ont subi elles aussi naturellement, mais ils ont subi à travers la crise, beaucoup de contraintes, ils ont accepté beaucoup de sacrifices sur leur salaire et plus encore sur l'emploi. Et nous disons aujourd'hui que notre pays créé à nouveau de la richesse, plus de richesse, que la croissance depuis deux ans est revenue. Nous disons les fruits de cette croissance il faut aussi qu'ils soient partagés en faveur de l'emploi, c'est ça la démarche sur laquelle nous sommes engagés. Alors si nous laissons les choses faire comme vous dites, nous revenons à la situation antérieure, que se passera-t-il dans les années qui viennent ? Voilà des années que ceux qui nous disent laissez la place à la négociation se servent au fond, et je pense que ce n'est pas votre sentiment, mais je l'ai entendu par ailleurs, se servent au fond de cet argument comme un prétexte pour ne rien faire. Le dispositif... je ne vous ai pas mis en cause à travers cette observation, je pense que d'autres par conséquent, se servent de cet argument ...

Guillaume Sarkozy : Je préfère parce que... cinq centrales syndicales et je ne peux pas entendre une chose pareille dans ce cas-là.

Gaétan GORCE : Mais Monsieur Sarkozy j'ai bien pris soin de vous tenir à l'écart de l'observation que je faisais, mais je crois que d'autres se servent de ce prétexte pour ne rien faire. Et comme le disait tout à l'heure Nicole Notat pour préférer une réduction du temps de travail bien différente, qui est la réduction par le temps partiel, c'est-à-dire d'abord plus de flexibilité et plus de précarité.

Guillaume Sarkozy : Je note que vous n'avez pas répondu à mes suggestions.

Gaétan Gorce : Nous avons eu l'occasion d'en débattre et j'aurais souhaité, lorsque nous avons reçu à la commission des affaires sociales des représentants du MEDEF que ces propositions puissent être faites formellement, qu'elles engagent l'ensemble des représentants du MEDEF et que là encore, plutôt que d'avoir une discussion j'allais presque dire et je le disais partisane et idéologique, nous nous intéressions véritablement à intérêt des salariés et à intérêt des entreprises.

Guillaume Sarkozy : Non, j'y étais et je peux vous dire ce n'est pas de l'idéologie, c'est de la réalité Monsieur Gorce.

Pierre Larrouturou, président de Combat pour l'emploi : Le premier souci des salariés aujourd'hui c'est de savoir s'ils ne vont pas perdre leur boulot et si leurs enfants auront du travail. Le cas Michelin m'inquiète, prenons en Allemagne, qu'est-ce qui s'est passé quand Volkswagen avait 30 000 personnes en trop ? Volkswagen un jour a annoncé 30 000 sureffectifs, les politiques leur ont dit, il n'y a pas un licenciement, les politiques ont pris leurs responsabilités, pas de façon molle, en disant pas un licenciement. Trois semaines plus tard, tout le monde passait à 4 jours et le DRH de Volkswagen dit maintenant que si toute l'Allemagne passe à 4 jours, on diviserait par deux le chômage. Le problème c'est le manque de volonté du politique. L'accord de Monsieur Sarkozy ne prévoyait pas une création d'emploi, pas une, les chômeurs et les salariés... le DRH de Volkswagen, c'était dans les Échos il y a quelques semaines, disait que ça marche très bien...

Arlette Chabot : On ne va pas revenir sur Volkswagen, on va rester en France...

Pierre Larrouturou : Pourquoi est-ce que chez Michelin on dit simplement qu'il faut commencer une négociation et pourquoi est-ce que chez Volkswagen en Allemagne et en Belgique ça marche.

Arlette Chabot : Attendez, petite question que j'avais posé tout à l'heure à Alain Bocquet, c'est vrai que les communistes veulent qu'il y ait une obligation d'embauche en contre partie des aides, Nicole Notat c'est souhaitable de... est-ce qu'il faut accéder à la demande des communistes, du groupe communiste, ou est-ce qu'il faut une obligation ou pas. On sait ce que vous répondent les chefs d'entreprise alors je vous demande à vous.

Nicole Notat : Dans le cadre de la loi d'impulsion, il y avait des conditions tout à fait précises, un rapport je dirais entre la réduction à opérer et le nombre de création à faire, et ça pu être adapté à un certain nombre d'entreprise qui pouvaient se mettre dans ces fourchettes. Mais on a déjà vu, dans les accords qui ont été passés, des entreprises qui ont signé des accords de réduction de la durée du travail mais avec des créations d'emplois qui n'étaient pas obligatoirement de 6 ou de 10 %. Donc je crois aujourd'hui, nous ce à quoi on tient très fort parce que c'est quand même l'objectif de la loi, c'est que cette relation entre la réduction de la durée du travail, le fait qu'il y ait des aides publiques et l'emploi demeure de manière nette et franche, ce que nous ne pensons pas c'est qu'il doit y avoir un pourcentage de création d'emploi qui soit automatiquement applicable en toute circonstance parce qu'il y a de la diversité dans les entreprises, mais qu'il y ait cette obligation et que le contrôle de l'égalité, sur le fait qu'il existe, nous semble tout à fait fondamental.

François D'Aubert : Si on revenait un petit peu aux salariés, le problème, vous l'avez dit Madame Notat tout à l'heure, modération salariale dans les accords parce qu'il y a croissance, mais s'il n'y a plus de croissance, ce n'est plus la modération salariale qu'il y aura, il y aura une baisse des salaires, je crois que ça, il faut avoir l'honnêteté de le dire pour l'avenir. Deuxièmement, sur les heures supplémentaires, là aussi il va y avoir moins d'heures supplémentaires, on ne peut pas non plus négliger le pouvoir d'achat des salariés, vous avez peut-être en région parisienne des gens qui préfèrent avoir deux heures de plus ou une heure de plus de temps libre, mais vous savez, en province, dans beaucoup d'endroits, les gens qui ont des petits revenus, des petits salaires, qui ont besoin de ça, et qui ont besoin des heures supplémentaires pour rembourser pour leur logement, pour acheter à crédit un certain nombre de choses, et là, ça va peser sur le pouvoir d'achat. Tout à l'heure aussi il y a une dame qui a dit : « c'est sympathique, on rentre chez soi, on rentre plus tôt, très bien, moi je trouve ça formidable si vraiment c'est possible, mais il y a aussi des cas où ça ne colle pas, la réalité ne colle pas, vous avez des entreprises où ils donnent du temps libre aux salariés, mais le temps libre qu'on donne à la mère de famille ne correspond pas aux vacances des enfants, ça arrive aussi ». Donc cette espèce de monde théorique et parfait qui est fait avec la réduction de la durée du travail, malheureusement ça risque de faire beaucoup de déçus, demandez aux salariés Madame Notat.

Alain Bocquet : Sur le problème des salaires et des heures supplémentaires, bon, François d'Aubert dit dans la région parisienne, il se peut que des salariés préféreraient travailler quelques heures de plus, mais il y a déjà deux heures, deux heures et demie de transports. Cela dit, actuellement en France il y a un milliard d'heures supplémentaires et si on fait le calcul, ça représente 680 000 emplois...

Guillaume Sarkozy : Comment est-ce qu'on peut aussi mal connaître l'entreprise que ça. C'est extraordinaire.

Alain Bocquet : Non, non, un milliard d'heures supplémentaires, c'est dans un rapport parlementaire, ça représente 680 000 emplois...

Gérard Bourgoin : Mais monsieur, le Parlement et 80 % ne savent pas ce que c'est qu'une entreprise.

Alain Bocquet : Mais laissez-moi finir Monsieur Bourgoin. Ça veut dire que si, pour la loi des 35 heures on ne taxe pas les heures supplémentaires, ce que propose le groupe communiste, nous nous proposons que la 36e heure soit augmentée de 25 % et la 44e heure de 50 % eh bien cette loi ne sera pas appliquée dans les faits, or je pense que tout ce temps d'heures supplémentaires peut permettre de donner de l'emploi à d'autres, à des jeunes, parce que la question qui nous est posée, c'est quand même de résoudre le problème du chômage.

Gérard Bourgoin : Alors un vrai drame, nous sommes en face des législateurs, vous en faites partie et vous faites partie de l'Assemblée nationale, et je crois qu'on peut vous tirer le chapeau, vous représentez le peuple de France, mais enfin il faut quand même savoir que le peuple de France est aujourd'hui représenté par 80 % de personnes qui ne savent pas ce que c'est qu'une entreprise. Il y a 10 % de parlementaires qui viennent de l'entreprise privée, qu'ont une vague notion de ce qu'est un emploi-marchand, un emploi-marchand c'est-à-dire l'emploi qui finance par la valeur ajoutée de la machine économique qui contribue à faire tourner...

Un intervenant : Je crois que vous avez aspiré à représenter vos concitoyens, je ne pense pas qu'ils vous aient donné satisfaction il y a deux ans... ?

Gérard Bourgoin : Non, non, les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Il faut que vous sachiez quand même que c'est l'entrepreneur ou l'entreprise qui crée le besoin, qui crée le produit. Que le besoin ou le produit crée le marché aujourd'hui, on a tous des téléphones portables parce qu'un jour il y a eu un créateur de téléphones portables et c'est pour cela qu'il y a un marché, donc si vous voulez, d'abord on crée pour lui, ensuite ça créé le marché, ensuite le marché produit quoi ? Le besoin, le désir, le désir ça produit quoi ? Ça produit l'investissement. L'investissement ça produit quoi ? Ça produit la machine, obligatoire à créer l'emploi à créer les richesses, il ne faut quand même pas perdre ça de vue et moi je trouve que c'est véritablement dramatique que vous pensiez qu'avec une réglementation qu'avec une régimentation on va arriver à rendre des entreprises performantes et à leur permettre de créer... moi je pense qu'il faut laisser la liberté en place, il faut penser que les gens qui ont la responsabilité, ce sont la plupart du temps des gens d'actions, des gens d'actions qui vont faire quoi ? Ils vont créer le progrès, le progrès au service de qui ? Le progrès... au service de l'homme. Monsieur, vous pensez que vous... mais vous n'avez pas la panacée du social... les entreprises c'est le plus grand endroit social de France.

Pierre Larrouturou : Il y a quatre millions de chômeurs, l'économie s'est modernisée de façon considérable, mais il y a quatre millions de chômeurs, on avait 200 milliards de déficit il y a vingt ans, on a maintenant 150 milliards d'excédent. Donc bravo pour l'effort de modernisation, mais il y a quatre millions de chômeurs...

Alain Bocquet : L'entreprise ce n'est pas seulement le patron de droits divins, ce sont des salariés, ce sont des cadres, et la démocratie à l'intérieur de l'entreprise, l'entreprise citoyenne, c'est une question qui est à l'ordre du jour...

Gérard Bourgoin : Demandez aux entreprises de voter si elles sont pour les 35 heures ou pas, vous allez voir comment ça va se passer.

Arlette Chabot : Ça tombe bien, merci Alain Bocquet d'avoir dit le mot cadre, est-ce que les cadres vont... ?

Gérard Bourgoin : Si Monsieur Seillière avait demandé aux patrons de venir avec leurs salariés, ça n'aurait pas été 30 000 que vous auriez eu, là je crois que, un million, ça n'aurait pas été pareil.

Arlette Chabot : Alors à propos de cadres disais-je, est-ce que les cadres ne risquent pas être les grands perdants de cette affaire, Nicole Notat, après tout la CFDT est la première entreprise... ? Nous allons créer le premier syndicat des cadres. Est-ce que les cadres, avec un système très compliqué étroit, les cadres concernés par les 35 heures ne vont pas être les grands perdants de cette affaire ?

Nicole Notat : Je ne crois pas, d'abord parce qu'ils n'ont pas l'intention d'être des perdants et que depuis plusieurs années, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais les cadres se font entendre sur le thème, oui nous tenons à notre entreprise, oui nous avons envie de nous investir dans notre travail même parfois dans des horaires qui sortent de l'ordinaire et du droit commun, mais nous voulons à un certain moment souffler, nous voulons aussi bénéficier dans des conditions qui sont à adapter à leur situation, d'une réduction de la durée du travail. Je crois que ça c'est une évolution profonde des modes de vie, je pense que ça tient aussi beaucoup, on n'en n'a pas parlé aujourd'hui, mais dans les salariés qui disent ouf ça fait du bien, il y a beaucoup de femmes, et ce n'est peut-être pas un hasard si les femmes plus que les hommes se disent qu’équilibrer un peu mieux les temps de travail et les temps de vie...

Arlette Chabot : Elles ont autre chose à faire dans la vie aussi.

Nicole Notat : Oui ont d'autres choses à faire dans la vie, mais pour les hommes aussi, mais les femmes aujourd'hui tirent cette question-là. Donc je crois que pour les cadres il faut trouver des modalités spécifiques mais qu'ils ne se laisseront pas en dehors ... enfin ils ne resteront pas sur la touche de la réduction de la durée du travail.

Gérard Bourgoin : Je ne peux pas croire que vous ayez beaucoup d'amis cadres qui majoritairement vous aient dit qu'ils étaient pour les 35 heures, je ne le crois pas je ne peux pas arriver à me mettre ça ... J'en rencontre beaucoup tous les jours et je n'arrive pas à y croire... Vous le dites avec tellement de sincérité qu'on a envie de vous croire, on aurait envie de vous croire Madame.

Nicole Notat : Écoutez Monsieur, vous n'avez pas vu les mêmes que moi.

Gérard Bourgoin : Et en plus avec charme alors c'est difficile, mais vraiment on a envie de vous croire, mais croyez -moi ce n'est pas possible parce que quand même nous aussi on a des amis cadres, nous aussi nous parlons.

Jean-Paul Delevoye : Est-ce qu'on peut associer la proposition qui a été formulée tout à l'heure...

Arlette Chabot : Par Guillaume Sarkozy c'est ça ?

Jean-Paul Delevoye : Par Monsieur Sarkozy et d'ailleurs, y compris dans le débat parlementaire, vous êtes en train d'évoluer vers les petites et moyennes entreprises, vous êtes en train, de mettre en place des dispositions de transition. Ce qui veut dire que votre conviction sur le fait que cette loi peut s'appliquer partout de la même façon est en train d'être un peu bougée dans votre réflexion et je ne peux que vous inciter dans cette direction. Je crois qu'aujourd'hui, il faut vraiment prendre en considération la réalité, pas uniquement, je voudrais qu'on échappe au débat binaire, patron sanguinaire et salariés... Bon je crois qu'en réalité, dans les petites et moyennes entreprises, ça fait partie de la même famille et que le patron se bat autant pour lui-même, pour son entreprise que pour ses salariés et qu'à partir du moment où une loi viendrait mettre en péril l'activité de son entreprise, à ce moment-là, il faut que le législateur prenne en considération qu'il y a peut-être d'autres solutions à adapter. Deuxièmement sur la modération salariale, la loi fixe très clairement, enfin l'objectif sur les 7,5 % d'augmentation de la masse salariale, il y a 2,5 % de modération salariale, je ne dis pas ça parce que Madame Notat est là, ce syndicat qui dit, il faudra probablement une modération salariale, alors que c'est la loi, c'est la CFDT et ensuite il y a économie de gestion, et ensuite il y a surcoût. Sur le problème des cadres, j'attire simplement l'attention sur un aspect, c'est est-ce qu'une fois pour toute dans ce pays, on pourrait faire des lois simples ? Quand je vois la complexité, je ne sais plus combien de modes de taxation des heures supplémentaires, combien de modes de rémunérations, de smic, etc... Monsieur le législateur et j'en suis un, faites-en sorte que l'entrepreneur, le cadre, le chercheur, le commercial ne passe pas de plus en plus de temps dans la paperasserie, mais passe de plus en plus de temps à se battre sur le concurrent...

Arlette Chabot : Mais là, vous y mettez votre cou aussi Jean-Paul Delevoye parce que vous êtes législateur aussi.

Jean-Paul Delevoye : Évidemment, mais je crois que surtout arrêtons cette masse de règlements, laissons la place à la souplesse, à la diversité du terrain et...

Guillaume Sarkozy : J'ai apporté là un extrait du rapport de Monsieur Gorce, c'est extraordinaire, je ne sais pas si on peut le voir à la caméra, il y a 30... il y a 30 cas de figure pour payer des heures supplémentaires. Quelle est la PME qui va arriver à s'en sortir, mais c'est incompréhensible Monsieur, incompréhensible...

Gaétan Gorce : Je note une contradiction mais ce n'est pas la première fois dans le discours que j'entends, entre ceux qui nous disent, tenez compte de la réalité des entreprises, prenez en compte sa diversité et puis après nous reproche qu'il y ait des dispositions dans la loi qui effectivement en tire les conséquences. C'est la négociation qui le fera, mais toutes les possibilités sont offertes. Mais je n'en suis pas à une contradiction près quand j'entends mes interlocuteurs.

Guillaume Sarkozy : Vous n'avez pas répondu à mes propositions Monsieur Gorce.

Gérard Bourgoin : Combien ça coûte, c'est une émission. Est-ce que vous savez combien ça coûte un consultant extérieur d'une grande maison comme Arthur Anderson par exemple ?

Un intervenant : Le cabinet Bernard Brune vous savez combien ça lui a rapporté de faire des analyses sur les entreprises ? C'est le principal cabinet de consultant...

Gérard Bourgoin : Une PME ne peut pas s'offrir le luxe de comprendre toutes ces complications, ce n'est pas possible.

Arlette Chabot : Alors il y a deux questions. Une question qui est posée, ça marche très bien Internet, question à propos de la flexibilité. Est-ce que ce n'était pas au fond, ces 35 heures, la réduction du temps de travail, le meilleur moyen de faire passer la flexibilité, ce qu'on appelle avec beaucoup de pudeur, la souplesse. Nicole Notat. Modération salariale, on a l'impression qu'.il y a de grosses contre parties quand même pour ces salariés, modération des rémunérations, un peu de flexibilité, les heures sup. réduites.

Nicole Notat : Il y a surtout de lourdes réalités de précarité, de flexibilité imposée dans l'entreprise avant que nous ouvrions ces négociations sur les 35 heures. Il faut qu'on sorte dans ce pays de l'idée que, parce qu'on ne parle pas de quelque chose ou parce que c'est caché, que ça n'existe pas... Franchement, la précarité les temps partiels qui se développent avec des coupures qui font que les gens travaillent 15 heures mais doivent venir dans leur entreprise plusieurs fois par jour, ce n'est pas une réalité d'après les 35 heures, c'est la réalité aujourd'hui. L'intérim et les CDD dont on parle tant, c'est la flexibilité externe que beaucoup d'entreprises ont souvent choisi, plutôt justement qu'une organisation du travail qui soit plus flexible en son sein, mais plus soucieuse d'une mobilité acceptée pour les ·salariés. Les heures supplémentaires à gogo dont j'ai même rencontré des cas qui n'étaient pas rémunérés, alors je fais comme monsieur Bourgoin, là je fais dans la caricature, c'est exceptionnel, mais ça existe quand même. Donc il faut quand même le dire, donc la flexibilité aujourd'hui mais c'est une réalité pourquoi est-ce que nous ça nous intéresse beaucoup enfin d'en parler ? C'est parce qu'on peut mettre notre nez dedans et que maintenant on peut organiser, on peut contrôler, on peut se dire : oui là, c'est justifier de travailler plus longtemps à telle semaine ou plus longtemps à telle période de l'année et on va aussi dire comment on va utiliser la force de travail pour faire face à ces surcoûts et à ces pointes d'activité à certains moments. Donc c'est aussi une occasion pour maîtriser, réduire la mauvaise flexibilité et organiser les choses là encore de telle manière que les salariés ne trinquent pas des nécessaires modernisations de leurs entreprises.

Arlette Chabot : François d'Aubert le libéral que vous êtes, vous applaudissez là.

François d'Aubert : Madame Notat, c'est quand même le pompon de nous expliquer aujourd'hui que le principal avantage de la loi Aubry c'est d'organiser la flexibilité alors qu'en principe c'était fait pour lutter contre le chômage et que c'était anti-flexibilité. C'est vraiment l'escroquerie intellectuelle à l'état pur, enfin s'il y a de la flexibilité, tant mieux. Simplement, ce que je voudrais noter, c'est que le problème de la discrimination, vous allez avoir plusieurs catégories de salariés, rien que pour le Smic, vous allez avoir des gens qui vont travailler 35 heures, qui vont être payés 39 heures, mais vous allez avoir aussi des gens qui vont travailler 35 heures et qui ne vont être payés que 35 heures puisque le Smic horaire ne va pas changer. Donc c'est le Smic à deux vitesses, pour les heures supplémentaires c'est la même chose, suivant que l'entreprise aura ou non passé des accords, il y aura une taxation des heures supplémentaires pour alimenter le fameux fonds. C'est-à-dire qu'on va ponctionner les salariés qui auront le malheur si je puis dire, être dans une entreprise qui n'a pas signé d'accord. Là aussi ça fait deux catégories de salariés. Quant aux cadres, vous avez trois catégories de cadres dans la loi, tout ça, est d'une complexité invraisemblable et ça abouti c'est vrai, à des discriminations qui sont très fortes et qui vont être ressenties comme des injustices par les salariés.

Guillaume Sarkozy : Si vous permettez je voudrais renouer le fil du dialogue avec monsieur Gorce.

Arlette Chabot : On va vous laisser tous les deux, je sens bien qu'on vous dérange un peu, là on vous dérange... Allez-y un peu et puis on vous laissera après.

Guillaume Sarkozy : Monsieur Gorce, vous êtes un homme raisonnable, j'essaie d'en être un aussi et je suis le seul ce soir à qui vous avez fait des propositions. Est-ce que vous pouvez me dire si ces propositions sont acceptables ou pas ? Je les répète : respect des accords de branche, c'est-à-dire respect du dialogue-social à la loi...

Gaétan Gorce : C'est une condition qui est satisfaite.

Guillaume Sarkozy : Non, elle ne l'est pas, mais discutons-en alors, mais si je dis non, il y a peut-être un problème, vous pouvez le reconnaître. Deuxièmement, compensation des surcoûts honnêtes et intègres, compensation des surcoûts par l’État de manière honnête, complète et intègre ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et troisièmement, dispositif de mise en œuvre, notamment dans les PME qui soit possible. Est-ce que ces trois choses sont exorbitantes ?

Gaétan Gorce : Moi je crois, Monsieur Sarkozy dit des choses qui sont justes, pas toujours exactes. C'est-à-dire qu'elles sont justes sur le fond, c'est-à-dire que le fait que nous nous appuyons sur la négociation de branche et des accords signés, la loi le fait pour l'essentiel, et l'exemple que vous prenez et je le regrette sur les heures supplémentaires, n'est pas un bon exemple. Si on essaie à travers cela de nous faire accepter l'accord UMM qui assimile à des cadres, à des agents de maîtrise...

Arlette Chabot : Qui veut dire l'Union des industries métallurgiques.

Gaétan Gorce : Voilà...

Un intervenant : Langue de bois Monsieur Gorce, langue de bois.

Gaétan Gorce : Qui assimile... mais ce n'est pas la langue de bois, c'est malheureusement la réalité... Si à travers ça, on veut nous faire accepter l'idée que le temps de formation doit être pris en dehors du temps de travail et payé par le salarié alors que c'est une obligation de l'entreprise, ça ce n'est pas acceptable, si il s'agit en revanche de discuter, et je crois que malheureusement la proposition vient un peu tard, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire, et vous pourrez le faire dans le cadre de vos entreprises une fois la loi votée, car elle ne s'impose pas de manière brutale et uniforme, si il s'agit de discuter sur la réalité des entreprises, alors nous pourrons effectivement avancer. Vous parlez des petites entreprises, sur les petites entreprises, Monsieur d'Aubert a fait l'observation qu'un certain nombre de dispositions figuraient dans le texte qui prenaient en compte leur situation et je l'en remercie, et nous souhaitons effectivement pouvoir aller encore plus loin pour anticiper sur le · passage aux 35 heures pour ces petites entreprises et les accompagner et c'est leur demande, parce qu'elles ont compris qu'elles ne pouvaient pas rester à l'écart d'un mouvement de modernisation sociale et qu'à défaut elles auraient des difficultés de recrutement, des difficultés d'embauche et de formation.

Nicole Notat : Moi, je voudrais signaler à monsieur Sarkozy...

Guillaume Sarkozy : Mais moi ce que je dis, c'est que des entreprises, telles que la mienne ne peuvent pas aller sans dommages aux 35 heures, et je ne suis pas contre encore une fois. J'ai un atelier dans mon entreprise qui fait de la teinture, je fais passer cet atelier dans quelques mois à 33 heures de travail et ce n'est pas pour faire plaisir à monsieur Larrouturou c'est parce que c'est l'intérêt de l'entreprise, 33 heures pour amortir les machines. Dans d'autres ateliers, 36 heures ne sont pas faisables. Pourquoi ne pas vouloir reconnaître une chose aussi simple que cela. Venez le vérifier et vous verrez à ce moment-là que la loi, l'obligation est stupide, stupide et mauvaise.

Arlette Chabot : Alors vous avez deux rendez-vous tous les deux, déjà visite de l'entreprise de Guillaume Sarkozy et puis après vous allez continuer à négocier. Nicole Notat ?

Nicole Notat : Justement, je voudrais préciser à monsieur Sarkozy à qui j'ai il y a quelques jours, envoyé une lettre à Monsieur Seillière en lui proposant qu'on se mette autour d'une table, nous aussi signataires d'accord dans la branche et MEDEF signataire de l'accord dans la branche pour que nous fassions honnêtement, pour reprendre un mot que vous avez beaucoup utilisé, l'inventaire des dispositions conventionnelles dans les branches qui ne seraient pas applicables par rapport à la deuxième loi parce que nous n'avons pas la même lecture que ce que j'ai entendu sur... rien n'est applicable, non ça non, là il y a de l'excès.

Arlette Chabot : Et vous avez eu une réponse ?

Nicole Notat : Pour le moment je n'ai pas réponse, je souhaite qu'on se mette vite autour d'une table, car figurez-vous que nous aussi, là où nous avons signé des accords, là où on n'a pas signé, il y a des raisons, donc là où nous avons signé nous avons nous aussi le souci de l'application des accords. Et je voudrais vous poser une question. Pourquoi l'accord de branche que vous avez négocié vous, puisque vous étiez le négociateur de la branche que vous avez signé, vous permettait ou vous aurait permis d'appliquer les 35 heures à la mode de l'accord de branche textile et que vous ne le pouvez plus aujourd'hui dans votre entreprise ? Qu'est-ce qui fait qu'il y a cet écart ?

Guillaume Sarkozy : La réponse est très simple : l'accord textile permettait aux entreprises qui ne peuvent pas aller aux 35 heures réelles, on sait bien que la première loi baissait la durée légale et certaines entreprises ne peuvent pas aller aux 35 heures réelles, leur permettait de trouver une solution et un cas d'exemple était mon entreprise qui pour tout un tas de problèmes d'organisation qui est parfaitement représentatif, ne peut pas sauf à développer des surcoûts énormes, donc à perdre sa compétitivité , aller aux 35 heures réelles. Aujourd'hui, on ne peut pas le faire dans le cadre de l'accord textile, notamment à cause des cas des modes de variations des horaires. Parce que quand vous avez besoin de faire varier vos horaires, la loi prévoit que vous ne pouvez pas utiliser plus de 90 heures supplémentaires et à ce moment-là, comme vous nous incitez dans l'accord à maintenir le pouvoir d'achat, vous êtes obligé de maintenir le pouvoir d'achat tout en ayant une moyenne horaire de travail qui sera de l'ordre de 37 heures par semaine et à ce moment-là vous avez des surcoûts, extrêmement importants et c'est là où nous sommes pris dans une seringue terrible, nous avons d'un côté la loi qui nous oblige soit à aller à 35 heures, avec des surcoûts de l'ordre de 4 %, soit à ne pas aller à 35 heures mais avec des surcoûts encore plus importants. On est complètement coincé, complètement coincé, et je ne sais pas comment faire. J'avais trouvé une solution moi avec l'accord textile que j'aurai appliqué dans mon entreprise et aujourd'hui cette solution n'est plus applicable, je ne sais plus comment faire, mais je le dis, encore une fois pardon de me répéter, honnêtement, je ne sais pas comment faire, mais venez m'aider.

Arlette Chabot : Alors je voudrais simplement vous demander à vous, élus de l'opposition notamment, est-ce qu'on reviendra sur ces 35 heures ? La question vous est souvent posée depuis quelques temps si vous revenez au pouvoir, si vous gagnez les législatives en 2002, est-ce que vous reviendrez sur cette loi, est-ce que c'est possible de revenir sur cette loi ?

Jean-Paul Delevoye : En écoutant l'observation concrète d'une mauvaise application de la loi et voire même d'une remise en cause des accords, je crois qu'il faut qu'on arrête dans ce pays, d'avoir des lois qui remettent en cause systématiquement tous les deux ans, tous les trois ans, des négociations entre les salariés et les patrons...

Arlette Chabot : Donc vous ne serez pas l'homme qui dira non aux 35 heures ? Si vous arrivez au pouvoir, enfin si vous êtes ministre demain d'un gouvernement de droite.

Jean-Paul Delevoye : Attendez, il faut être un peu pragmatique, comme on le disait tout à l'heure sur la diversité, il y a des choses qui marchent bien et des choses qui sont tout à fait négatives pour l'économie. Sur le bilan, il faudra garder ce qui va bien, et corriger ce qui va mal. La conclusion de tout ça, c'est vraiment... je trouve aujourd'hui dans une économie de plus en plus mondiale, de plus en plus livrée à la concurrence, dans lequel les salariés et les patrons ont une communauté de destin en commun qu'ils n'arriveront à régler qu'en se rapprochant, arrêter de mettre plus d'état là où il en faut moins et plus de rigidité là où il faut plus de souplesse.

Arlette Chabot : Alors François d'Aubert, la question est pour vous aussi, que ferez-vous ?

François d'Aubert : Moi je dis franchement, il faut défaire cette loi, il ne faudra pas pour autant revenir aux 39 heures obligatoires, ça serait ridicule parce qu'effectivement les choses auront évolué : mais cette loi on va s'apercevoir qu'elle est tellement archaïque, qu'elle est dramatique pour les PME et PMI, pour les petites entreprises, qu'elle nous isole par rapport aux autres, en revanche nous, nous sommes pour le contrat, pour les conventions, pour la liberté et nous respecterons bien sur les accords, les conventions, les contrats qui auront été passés entre les organisations patronales et syndicales, mais cette loi elle est terriblement mauvaise.
Arlette Chabot : Alors Gaétan Gorce, vous pensez qu'on pourra revenir sur cette loi ?

Gérard Bourgoin : J'espère qu'on aura des politiques qui un jour prendront leurs vraies responsabilités qui seront des représentants du courant des entrepreneurs et qui diront : « de toute façon ce projet de loi ne peut pas être étendu à l'encadrement, il faudra le retirer, il faudra rendre la liberté du travail ».

Arlette Chabot : Nicole Notat, est-ce qu'on pourra y revenir ou pas ?

Gérard Bourgoin : Mais bien sûr qu'on y reviendra, et j'espère que l'alternance aidera et qu'un jour on pourra remettre ça en cause...

Gaétan Gorce : J'observe que Monsieur d'Aubert et Monsieur Delevoye ne nous disent pas la même chose, ils nous disent que la loi est mauvaise, mais elle est si mauvaise qu'on ne la remettra pas en cause, parce que 35 heures effectivement dans les conditions où ça va se mettre en place, effectivement l'opposition, au niveau des responsabilités, n'osera pas le faire.

Gérard Bourgoin : Arrêtez ce qui peut être arrêté, ne l'étendez pas à l'encadrement, ne tuez pas les PME de France, les petites entreprises, ne les tuez pas ! Ne faites pas ça, appliquez ça aux encadrements, vous allez à la mort des TPE. A l'augmentation des TPE.

Gaétan Gorce : Monsieur Bourgoin nous ne sommes plus...

Pierre Larrouturou : Un député du RPR disait l'autre jour en séance que si c'est la droite qui avait fait une loi avec autant de flexibilité et autant de baisse des charges, Martine Aubry aurait manifesté contre cette loi. Il faut arrêter la rigolade, c'est une loi qui baisse très peu le temps de travail et qui...

Arlette Chabot : François d'Aubert, est-ce que franchement... ?

Gérard Bourgoin : Vous travaillez dans une maison sérieuse qui conseille des multinationales et moi je suis très heureux de savoir comment vous travaillez, mais Arthur Anderson si vous voulez, ne conseille pas le charcutier.

Arlette Chabot : Alors François d'Aubert, est-ce que la droite pourra faire campagne sur le retour aux 39 heures, est-ce que ça sera un thème de campagne électorale ?

François d'Aubert : Ce n'est pas du tout le retour aux 39 heures, il est évident qu'on ne pourra pas revenir aux 39 heures, ce qui est évident en revanche, c'est que cette loi il faudra la défaire et ça ne veut pas dire revenir aux 39 heures. Ça veut dire que tout simplement les accords de branche, les conventions l'emporteront sur la loi parce que nous sommes pour le contrat par rapport à ce côté « horde sociale » imposée par la loi que défend monsieur Gorce, c'est le côté « État instituteur social ». Ça c'était bien il y a trente ans monsieur Gorce...

Arlette Chabot : Nicole Notat on pourra revenir sur les 35 heures ?

Nicole Notat : Écoutez, aujourd'hui je ne suis pas celle qui fait la loi, pas plus demain je n'aurais de pouvoir pour savoir s'il faut la faire ou la défaire. Par contre, j'ai une expérience de syndicaliste qui me fait dire que depuis bien longtemps, je suis malheureusement habituée à une figure imposée, qui fait que, quand on est dans l'opposition on tient un certain nombre de discours et on annonce des choses qui ne se révèlent pas toujours tout à fait conformes à ce qu'on fait quand on est au pouvoir, mais ça, c'est peut-être une donnée de la vie politique en général, de la vie politique française en particulier, mais j'aimerai bien... mais peut-être que s'il y avait moins d'écart entre ce qu'on peut dire ou faire dans l'opposition et quand on est au pouvoir, je pense que la vie politique française y gagnerait.

Gérard Bourgoin : Il y a actuellement peu en France de créations d'entreprises, il y en a cinq fois moins qu'aux États-Unis, deux fois moins qu'en Italie et de toute façon ça va aller en s'enlisant.

Arlette Chabot : Un mot Guillaume Sarkozy.

Guillaume Sarkozy : Au-delà de l'appel au dialogue que j'ai lancé à Monsieur Gorce, s'il n'est pas entendu, je ne pense pas que la loi, on verra dans un an, je ne pense pas que cette loi telle qu'on la prévoit au Parlement aujourd'hui sera applicable. Pas par défaut de démocratie de la part des chefs d'entreprise, mais parce que ça ne sera pas possible. On verra bien aujourd'hui 1 % des entreprises ont signé un accord, 1 % on verra bien ... et 10 % des entreprises de plus de 20 salariés, ce sont les chiffres parfaitement exacts monsieur Gorce...

Gaétan Gorce : C'est deux millions et demi de salariés.

Guillaume Sarkozy : Non, non, je dis 10 % des salariés nous sommes d'accord, que ce qui va se passer dans douze mois, je ne pense pas que cette loi sera appliquée parce qu'elle n'est pas applicable telle qu'elle est prévue comme ça, on verra bien, mais, c'est pour ça qu'il y aura un problème.

Arlette Chabot : Je voulais simplement que l'on termine sur un autre sujet pour vous demander votre avis chacun, il y a une affaire dont on a beaucoup parlé ces derniers jours, ces dernières semaines, c'est si j'ose dire l'affaire Jaffre, l'affaire ELF, et les fameuses stock-options. C'est-à-dire des actions que l'on peut donner à un prix très intéressant pour les cadres, notamment les dirigeants des entreprises, c'est un complément de salaires, c'est un problème dont on parlera une autre fois mais je vous propose quand même de l'évoquer. Vous allez voir que le problème est un peu plus compliqué que l'on l'imagine parfois, explications de Frédérique Dupuis et Laurent Chemla.

Philippe Jaffre : Mon avenir comme celui de tout être humain est entre les mains de Dieu.

Frédérique Dupuis : Réaction spontanée de l'assistance, car l'avenir de Philippe Jaffre s'annonce financièrement divin, pour remercier son PDG, ELF a mis la main à la poche, une somme qui scandalise l'opinion 290 millions de francs pour un seul homme, juste une estimation car la grande partie de cette fortune lui est versée en stock-options, en clair un système qui permet aux salariés d'acheter des actions de leur entreprise à très bas prix pour les revendre à terme beaucoup plus cher si l'action a grimpé, si elle baisse ils ne gagnent rien que leur salaire, un jeu boursier très simple pour motiver ses employés.
Tim Stevens, directeur des ressources humaines IBM France : À l'origine de cette démarche c'est la volonté d'associer des cadres ayant une réelle influence sur nos affaires aux risques d'opportunité du marché, de nos affaires et de les fidéliser, de les garder avec nous.

Frédérique Dupuis : Ces grosses entreprises n'accordent cet avantage qu'à une poignée de dirigeants et de cadres indispensables, dans les 40 plus grandes sociétés françaises à peine 1 % des employés sont concernés, un privilège inacceptable pour certains. Ils sont patrons de PME en pleine expansion, ils militent pour l'attribution des stock-options à tous les salariés.

Arlette Chabot : Voilà alors j'ai tenu à ce qu'on en parle parce que non seulement c'est dans l'actualité, il y a eu aussi l'affaire Michelin, donc ça fait beaucoup d'interrogations peut-être de la part des Français, sur ce qui se passe dans les entreprises. Monsieur Bourgoin sur les stock-options, vous en avez chez vous d'abord ?

Gérard Bourgoin : Je crois qu'il faut dire deux choses, il y a la honte ce qu'on vient de voir, 290 millions à un seul homme, quand on sait ce qu'il a fait et d'où il vient c'est vraiment honteux et ceux qui travaillent ne peuvent pas être d'accord avec ça. Par contre, je pense que la stock-option dans les entreprises qui s'introduisent en bourse, pour ceux qui le sont, c'est une chose fabuleuse. Pour ce qui concerne mon groupe, j'ai simplement une petite filiale, qui s'appelle la filiale DUK (phon) qui est introduite en bourse, on a donné la possibilité aux cadres d'accéder au prix d'ouverture du marché à un certain nombre de stock-options, ils en ont tous pris et ils en bénéficient et je trouve que c'est une très belle chose parce que ça leur permet de véritablement vivre ce qu'on appelle l'aventure de l'entreprise et si demain matin on introduit de nouvelles sociétés, on le fera.

Arlette Chabot : Pierre Larrouturou, vous conseillez les stock-options dans les entreprises ?

Pierre Larrouturou : Je trouve que c'est bien que tous les salariés puissent en profiter, c'est les salariés qui créent la richesse, mais le problème c'est qu'on va vers une société où les plus qualifiés auront un bon boulot avec les stock-options et une bonne protection sociale, les moins qualifiés seront intérimaires et on laissera des millions de chômeurs. C'est le modèle américain et là si les politiques ne se réveillent pas en France et si les citoyens ne se réveillent pas, on aura le même modèle dans dix ans. Les plus qualifiés gagneront très bien leur vie avec des boulots intéressants, les moyens qualifiés vivoteront et il y aura des millions d'exclus, c'est cette évolution que je refuse et je crains que la loi Aubry ne permette pas de contrecarrer cette évolution.

Arlette Chabot : C'est ce qui vous choque le plus Alain Bocquet les stock-options ça fait partie de vos indignations du moment.

Alain Bocquet : De très nombreux français ont découvert avec l'affaire Jaffre ce scandale des stock-options, je pense que c'est un système qui est tout à fait pervers...

Gérard Bourgoin : ...

Alain Bocquet : Écoutez Monsieur Bourgoin vous m'en voulez, vous ne me laissez jamais parler, vous m'en voulez, laissez-moi parler. Sur ces stock-options qui n'ont aucune transparence en France, alors qu'il y a de la transparence aux États-Unis, pas de charges sociales, pas de cotisations à la Sécurité sociale, pas de cotisations aux caisses de retraites, ce sont des salaires déguisés et il faut savoir que par exemple, les neuf premiers dirigeants du groupe L'Oréal représentent pour eux avec les stock-options, une plus-value de 750 millions. Alors je pense que ce système capitalistique est un système tout à fait pervers que nous condamnons évidemment.

Jean-Paul Delevoye : Moi, je crois que là aussi dans l'évolution des relations sociales qui nous intéresse puisque les 35 heures c'est en réalité une nouvelle organisation du travail en essayant de concilier les exigences familiales, privées avec celles du travail. Il y a un autre débat qui est ouvert à travers les stock-options, c'est la participation de chacun à la création de richesse de l'entreprise et la répartition des produits d'entreprise pour quelques-uns ou pour la totalité de celles et ceux qui ont participé, je crois qu’aujourd'hui l'intéressement, la participation thème cher au général de Gaulle est au cœur des préoccupations. Moi je crois à deux vertus qui structurent notre société, la propriété et la famille et je crois que là aussi avec nos partenaires sociaux, comment faire en sorte que les salariés soient actionnaires de tout ou partie de leur entreprise, directement intéressé aux profits dégagés et à la répartition de ceux-ci. Quant aux stock-options, je crois qu'il n'y a que deux façons de s'en sortir, je vois bien les débats qui actuellement traversent votre majorité, vous voulez plus de taxation et on s'aperçoit qu'en réalité, plus de taxation ne règle pas les abus. Les deux moyens pour régler le problème des stock-options c'est la transparence et la limitation. Je crois qu'il n'y a pas d'autres vertus et je crois que plus dans ce pays on aura le souci de la transparence de la participation et de l'intéressement, et plus nous arriverons à cette communauté de destin que j'évoquais tout à l'heure.

Arlette Chabot : Alors vous êtes d'accord Gaétan Gorce ?

Gaétan Gorce : Monsieur Delevoye, ne nous dit jamais ni tout à fait oui, ni tout à fait non, moi je dis non à ces pratiques brutales d'entreprises, dans ma circonscription on est confronté à EPEDA, c'est comme Michelin c'est des décisions qui sont prises par un patronat du 19e qui veut passer pour celui du 21e. Il faut du dialogue, il faut de la concertation, il faut aussi des parties patronales qui justifient effectivement cette démarche ou ces appels au dialogue. Sur les stock-options il faut effectivement la transparence, il faut l'élargir à l'ensemble des salariés mais pas dans ces conditions-là.

François d'Aubert : Le cas Jaffre, c'est un détournement de l'esprit des stock-options c'est très clair et c'est scandaleux. Deuxièmement tout le monde l'a dit, il faut de la transparence, je crois que la transparence, il faut savoir combien chaque dirigeant détient et également la transparence des salaires en ce qui concerne les hauts salaires pour les entreprises qui sont cotées en bourse. C'est un devoir d'information des actionnaires. Troisièmement, il faut une fiscalité attractive pour les stock-options car nous en avons besoin si on veut avoir des entreprises innovantes, si on veut que la France dans certains points ressemble à la Californie pour créer des entreprises eh bien il faut des stock-options, il faut une fiscalité qui ne soit pas celle qui est là aujourd'hui c'était une erreur de l'ancienne majorité, je le reconnais bien humblement, il faut ramener la fiscalité à 16 % on en est loin parce que malheureusement il y a une partie du PS qui propose exactement le contraire.

Guillaume Sarkozy : Je suis d'accord, le problème essentiel très important dans une entreprise…

Arlette Chabot : Vous avez des stock-options chez vous ?

Guillaume Sarkozy : Dans notre PME non, la qualité de l'encadrement supérieur, il ne faut pas que celui-ci parte et il faut le retenir notamment par les stock-options, ceci dit le cas Jaffre, je suis d'accord, est invraisemblablement scandaleux.

Arlette Chabot : Donc c'est scandaleux Jaffre, tout le monde est d'accord pour la transparence, Nicole Notat ?

Nicole Notat : Moi j'observe ce qui est un phénomène tout à fait nouveau, enfin en tout cas en France et qui est troublant pour une organisation syndicale, c'est que quand on privatise une entreprise ou qu'on ouvre le capital d'une entreprise, j'observe qu'un nombre non négligeable de salariés achète des actions et que ça leur ait proposé en général dans des conditions avantageuses, c'est donc une réalité aujourd'hui. Sur les stock-options, je découvre comme tout le monde ce qui se passe, au minimum, au minimum, s'il s'agit de faire quelque chose là pour les cadres, c'est peut-être important je ne sais pas si il faut limiter ça aux cadres, mais la question au minimum de la transparence, au minimum de la limitation de ce qui se passe en la matière est posée, et puis c'est vrai quand même, au nom de quoi si il s'agit d'introduire pour les salariés un certain bénéfice sur le capital, parce que c'est ça qu'on est en train d'introduire, c'est-à-dire, est-ce que demain les salariés auront plus que la seule rémunération par leur salaire ? C'est quelque chose de fondamentalement nouveau dans la manière de concevoir les relations entre le travail et le capital. Mais si c'est aujourd'hui une donnée qui est en train de prendre de l'importance, alors moi je souhaite là encore que l'on maîtrise cette affaire, que l'on n’introduise pas des conditions qui créent des inégalités nouvelles entre ceux qui pourront y accéder et pas les autres et que donc on mette les choses à plat, qu'on fasse un bon diagnostic et qu'on regarde les conditions dans lesquelles on peut avancer.

Arlette Chabot : Alors merci à tous d'avoir participé à cette émission, j'ajoute parce que vous avez écrit à Monsieur Seillière tout à l'heure qui était invité ce soir mais qui a préféré ne pas venir à cette émission et aucun représentant officiel du MEDEF. Donc merci aux chefs d'entreprises qui sont venus.