Interview de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, à France 2 le 18 janvier 1998, sur la réforme hospitalière et la réforme de la médecine libérale, et sur le mouvement des chômeurs.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Michèle COTTA : Bonjour. Tandis que les manifestations de chômeurs continuent, le président de la République et le gouvernement se préoccupent aussi de la violence urbaine, qui est souvent une violence d'adolescents et même de mineurs. Le président de la République a reçu cette semaine les maires des villes difficiles. Le ministre de l'Intérieur recevra demain 300 maires de villes sensibles avec Martine AUBRY, Elisabeth GUIGOU et Alain RICHARD, tandis qu'un rapport rendu public hier critique sévèrement la prise en charge des mineurs délinquants. Que faire ? Nous en parlerons dans la deuxième partie de cette émission avec nos différents interlocuteurs politiques ou animateurs d'association ou de radio. Tout de suite, nous recevons Bernard KOUCHNER, secrétaire d'Etat chargé de la Santé auprès de Martine AUBRY, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, que j'interrogerai avec Christine CLERC du FIGARO. Pas seulement sur des questions de santé mais aussi sur des questions politiques. Alors, Bernard KOUCHNER, les urgences - si j'ose dire - se sont rappelées à vous cette semaine, en urgence, puisque vous avez eu à faire face à une grève, à un mouvement d'action des urgenciers. Qu'est-ce que vous leur avez promis ? Ils sont sortis, la moitié était satisfait, l'autre moitié non. Qu'est-ce que vous leur avez dit ?

Bernard KOUCHNER (Secrétaire d'Etat chargé de la Santé) : C'est déjà beaucoup parce que le problème est important et difficile à régler. C'est très symbolique les urgences. Vous savez que beaucoup de nos concitoyens entrent dans l'hôpital par les urgences. Des millions chaque année. Alors d'abord, ils sont sortis et nous allons nous revoir, bien entendu. Nous nous revoyons au mois de mars. Il faut dire que l'urgence en France a été longtemps négligée, malgré les rapports excellents, malgré le rapport STEG (phon), Geneviève BARILLET (phon) etc. Il faut organiser l'urgence en trois stades : référence, un pôle hospitalier, un pôle intermédiaire et puis pour que tout le monde soit pris en charge de manière presque égale sur le territoire, un troisième pôle, c'est difficile. Les urgences en France, il faut essayer de faire quelque chose de particulier pour elles. Pourquoi ? Parce qu'un médecin, il a son service, et puis il prend sa garde, il passe donc toute la journée puis la nuit, ensuite il reprend son travail. Ça ne va pas. Il faut que l'on considère que l'organisation à l'intérieur de l'hôpital doit être changée. C'est peut-être comme cela que l'on donnera du sens et du contenu aux réformes hospitalières. Nous allons les revoir. Dans les circulaires que nous avons envoyées, déjà nous le précisons mais c'est vrai qu'il y a un problème des urgences, de prise en charge, d'attente pour les patients, que l'on appelle « patients » ça tombe bien mais justement, il ne faut pas qu'ils attendent. On ne peut plus entendre parce qu'il n'y a pas assez de personnel des gens qui vous racontent que dans l'angoisse, ils ont attendu trois heures, c'est impossible.

Christine CLERC (LE FIGARO) : Cette affaire des urgences est encore un révélateur de la situation de : la santé en France. Alors, votre ministre de tutelle, Martine AUBRY ne cesse de répéter que, elle, ne veut pas avoir une approche comptable des problèmes de santé contrairement à Alain JUPPE. Alors, en quoi la nouvelle politique de santé diffère-t-elle essentiellement du plan JUPPE ?

Bernard KOUCHNER : D'abord parce que ce plan n'a pas marché très bien et que dans la dissolution et ses résultats, il y a beaucoup de mécontentement de la part des médecins, du corps médical, personnels hospitaliers et des malades. Première chose. Martine AUBRY à raison de le dire. Deuxièmement, un plan seulement comptable c'est-à-dire « je ne dépense pas plus que ce que j'ai » ce qui me paraît raisonnable et on voit que dans l'Etat...avec les demandes dont nous parlerons tout à l'heure, il faut prévoir. Je crois que la progression scientifique des équipements hospitaliers, de la prise en charge, du déploiement des personnels, fera que les dépenses de santé augmentent. Il faut les maîtriser à l'aide des médecins mais elles augmenteront et continueront d'augmenter, première réponse. Deuxièmement, il faut donner un sens à ce plan JUPPE, à cette réforme. S'il n'y a pas de sens, les gens ne comprennent pas. Ils ont compris qu'on attendait des mesures pour la sécurité parce qu'on attendait l'insécurité, un accident dans un hôpital, ce n'est pas du tout cela qu'il faut faire et je crois d'abord qu'il ne faut pas se contenter d'une réforme hospitalière et d'une réforme de la médecine libérale, c'est-à-dire des spécialistes et des généralistes en ville, sans que l'une aille avec l'autre, réforme complète, autour de quoi ? Et là, encore une fois, Martine AUBRY a raison de dire le malade. C'est la trajectoire du malade. Premièrement, il faut qu'ils soient égaux, tous ces malades, pour la prise en charge des maladies chroniques, à long terme, partout. Là, on peut se déplacer un peu plus longtemps, un peu plus loin, d'accord. Et dans l'urgence, il faut sur notre territoire, une égalité. C'est le parcours du malade dans un bassin. Où va-t-il ? Qu'est-ce qu'il fait pour son diabète, pour son infarctus, pour son arthrose de hanche ? Et donc, c'est loin de la comptabilité.

Christine CLERC : Non mais tout cela, c'est un beau discours généreux mais...

Bernard KOUCHNER : Non, ce n'est pas un beau discours, c'est la réalité, l'autre discours n'a pas marché.

Christine CLERC : La réalité, vous la connaissez, vous avez un rapport sur votre bureau depuis une semaine qui révèle qu'un Français sur quatre a renoncé à des soins faute de moyens et chez les chômeurs, on atteint le chiffre d'un sur deux.

Bernard KOUCHNER : Et vous voulez en plus leur supprimer des hôpitaux à ceux-là ?

Michèle COTTA : C'est une bonne transition vers le deuxième débat...

Christine CLERC : Qu'est-ce que vous leur donnez tout de suite ? Pour le moment, qu'est-ce que vous leur donnez ? Est-ce que vous donnez des moyens supplémentaires ? Vous mettez le paquet sur quelque chose...

Bernard KOUCHNER : Pardonnez-moi Christine CLERC mais ce n'est vraiment pas le problème, c'est vrai que le rapport du CREDES (phon)...

Christine CLERC : Est-ce que vous donnez des moyens supplémentaires ? Vous mettez le paquet sur quelque chose ?

Bernard KOUCHNER : Attendez, vous me parlez aussitôt de moyens. Je voudrais changer l'esprit. Il faut que les carrières hospitalières, le statut du patricien, la façon dont on ne sépare plus les généralistes des spécialistes, la façon dont l'hospitalier ne va pas s'affronter avec le libéral, c'est ça qui fera que nous serons bien soignés. C'est vrai qu'un Français sur quatre maintenant refuse...pourquoi ? Parce qu'il y a un ticket modérateur et un forfait hospitalier à payer que quand on n'a pas d'argent, on en vient au problème des chômeurs ou aux fins de droits ou au minima social, eh bien là en effet, on est très inégal par rapport aux autres mais cela n'a rien à voir...

Christine CLERC : Allez-vous supprimer cette inégalité ?

Bernard KOUCHNER : Pardonnez-moi, mais au contraire, il faut sur l'exclusion et Martine AUBRY dit aussi cela tout le temps, je vous signale, la loi contre l'exclusion ne doit pas être une loi vide comme celle que nous avons trouvée, il faut sur la santé par exemple qu'il y ait des...

Michèle COTTA : Une assurance sur la vie universelle, c'est cela ?

Bernard KOUCHNER : Oui bien sûr mais en dehors de cela qui est très difficile à mettre en place et que nous allons essayer de mettre en place Martine et moi, c'est sûr, il faut plus d'ouverture, de consultations pour ceux qui sont en fin de droits. Il faut l'accès à des examens plus faciles, il faut surtout peut-être que l'hôpital aille dans certains quartiers, lui-même, se déplaçant. Il y a plein de choses à faire qui donneraient du contenu à une loi contre l'exclusion. Pour répondre précisément, le fait qu'un Français sur trois diffère sa consultation où l'accès à l'hôpital est très préoccupant, cela veut dire surtout, il faut donner des moyens, c'est-à-dire du travail aux Français, ce n'est pas seulement un problème médical...

Michèle COTTA : Alors, nous arrivons justement au problème des chômeurs. Sur le fond, est-ce que vous vous attendiez, vous, au gouvernement, mais vous, Bernard KOUCHNER, à une vague de mécontentement aussi vive et est-ce que vous vous attendez, après les manifestations d'hier, que le mouvement des chômeurs prenne une autre forme ? Peut-être qu'elle s'intègre davantage dans le jeu des syndicats, de la concertation ?

Bernard KOUCHNER : Pour être parfaitement sincère, je l'avais un peu oublié parce qu'au gouvernement, c'est vrai qu'on oublie, le nez sur d'autres réalités et d'autres urgences quotidiennes, ces mouvements de fond parce que ce mouvement des chômeurs est un cri. Un cri de survie. Un cri pour la survie et un cri pour la dignité. Je le connaissais parce que j'ai fréquenté un certain nombre d'associations de chômeurs, les maisons de chômeurs, « Partage », de Maurice PAGAT (phon) pendant très longtemps, et je me demandais à quel moment enfin les entendrait-on ceux-là, qui n'étaient pas représentés par les syndicats...

Michèle COTTA : Vous ne vous attendiez pas à être au gouvernement quand vous les entendriez ?

Bernard KOUCHNER : Non, non, ça, ce n'était pas un calcul. Ceux qui ont du travail représentaient mal ceux qui n'en ont pas. On ne peut pas dans ce pays faire semblant de les repousser. Il y a un pays qui marche bien et puis il y a 3 millions et demi de chômeurs dont on veut se débarrasser et dont on n'a pas besoin. Nous avons besoin d'eux, c'est ça que cela veut dire. Ils ont besoin d'être entendus et nous avons besoin d'eux. C'est dans les deux sens. Oui, je le savais mais ce n'est pas mal qu'on nous le rappelle. Simplement, les solutions vous savez ne sont pas faciles parce que l'Etat en France que l'on sollicite tout le temps, à la fois comme un bouc émissaire et comme un père Noël, n'est pas suffisant pour répondre. Il faut que chacun d'entre nous, j'ai cité le mouvement de Maurice PAGAT, « partage ». Je crois que ce mot est beau et qu'il faut l'employer à ce propos.

Michèle COTTA : Mais cela veut dire beaucoup d'argent pour le gouvernement. Est-ce que vous êtes par exemple pour le relèvement des minima sociaux comme le demande les mouvements de chômeurs ? Martine AUBRY a dit avant hier « oui d'accord mais pas tout de suite ». Apparemment, la manifestation lui a répondu « oui, tout de suite ».

Bernard KOUCHNER : Oui, je le comprends...d'abord, il y a eu une réponse...

Christine CLERC : Vous comprenez les manifestants ?

Bernard KOUCHNER : Je comprends que vivre avec 2.400 francs par mois est absolument insupportable. Pour acheter un vêtement pour l'enfant ou pour payer le loyer, c'est insupportable. Il faut se rendre compte que par rapport au reste de la société, des gens-là sont des parias. Cela ne peut pas durer. On ne peut pas se méfier des chômeurs comme d'ailleurs on ne peut pas se méfier de la jeunesse, c'est très proche, avoir peur de ses enfants. Non, je dis qu'il y a déjà eu une réponse urgente, avec ce milliard, avec un certain nombre de mesures qui ont été proposées avec les cellules d'urgence, les préfets qui reçoivent, je crois qu'ils ont 7 à 800 millions d'ores et déjà à donner à ceux qui en ont besoin immédiatement. Et puis il y a des réponses que Martine AUBRY a formulées, Lionel JOSPIN les précisera, je pense dans la semaine, qui sont des réponses de fond. Sur les minima sociaux comme on dit, le mot n'est pas beau. Cela veut dire, de quoi dispose-t-on pour vivre ? Pour survivre même ? Je crois qu'il faut non seulement y réfléchir mais articuler, si vous me permettez, ces minima sociaux au reste de la vie. Je crois que l'on ne peut pas avoir soit le RMI soit l'allocation de solidarité spéciale de solidarité et puis, quand on trouve un travail, alors on lâche l'un et on fait partie du monde, si j'ose dire, entre guillemets, normal. Non. Il faut que l'on puisse passer de l'un à l'autre. Je crois qu'il faut réfléchir. Le Premier ministre a demandé à Marie-Thérèse JOIN-LAMBERT de réfléchir là-dessus et très particulièrement sur cette articulation. Ce sera un élément de réponse, il y en a d'autres. Vous avez vu, le problème du PAP, l'accès à la propriété qui vient d'être...tout cela faisait un surendettement pour des familles...

Michèle COTTA : Ah oui, pardon, l'accès à la propriété ! J'étais un peu surprise, on a cru que vous parliez de Jean-Paul...

Bernard KOUCHNER : Ah pardon ! Non ce n'est pas ça ! Eh bien cela faisait partie du surendettement de ces familles, tout cela est réglé. Je crois qu'il y a une cohérence dans l'action gouvernementale. Il y a eu les emplois jeunes qui sont une réponse. Parce que la réponse au chômage encore une fois, c’est l'emploi. Ce n'est pas de se dire «je peux colmater ce trou-là, criant, cette plaie », il faut le faire aussi, et puis les laisser ensuite retomber dans ce monde. Le fait qu'ils aillent dans des restaurants, je n'approuve pas tout cela mais je comprends bien, le fait qu'ils se montrent comme ils n'avaient plus honte, je comprends très bien. Eh bien, je crois que cette cohérence, elle se fait par les emplois jeunes, elle se fait par les 35 heures. Une des revendications des manifestants d'hier était « réduction du temps de travail ».

Christine CLERC : Vous comprenez aussi que le gouvernement envoie les CRS contre les chômeurs, vous qui avez fait mai 68 comme on dit ?

Bernard KOUCHNER : J'en ai fait bien d'autres ! Malheureusement vous savez...d'abord « envoie les CRS » j'espère qu'il y aura le moins d'incidents possible.

Christine CLERC : Oui, ils ne s'envoient pas tous seuls.

Bernard KOUCHNER : Oui, je crois qu'il y a un certain nombre de bâtiments publics qu'il faut protéger et en particulier ceux qui étaient occupés par les chômeurs et qui servaient aux autres chômeurs pour venir prendre leurs allocations. Donc, on ne pouvait pas tolérer cela très longtemps, nous l'avons toléré très longtemps, cela ne fait jamais plaisir...

Michèle COTTA : On le tolère davantage à Sciences Po et à l'Ecole supérieure... à l'Ecole nationale supérieure...

Bernard KOUCHNER : Non, il ne faut le tolérer nulle part, ceci dit que ces établissements-là soient en contact avec la réalité ne peut pas faire de mal, peut-être qu'il y a d'autres façons...

Michèle COTTA : L'Ecole normale occupée, cela ne vous paraît pas un symbole aussi fort que la Sorbonne en 68 ?

Bernard KOUCHNER : Ecoutez, elle a déjà été occupée cette Ecole normale en 68, la Sorbonne aussi. C'est un retour incomparable mais après tout, c'est la réalité, elle saute aux yeux.

Christine CLERC : il y a là dans vos yeux une lueur de contentement, de malice, de jubilation...cela vous rappelle votre jeunesse ?

Bernard KOUCHNER : Non...ma jeunesse n'est pas si loin !

Christine CLERC : Et pourtant je pensais que vous étiez inquiet comme Martine AUBRY du retour du gauchisme.

Bernard KOUCHNER : Je ne mets pas cela sur le compte du gauchisme. Qu'il soit organisé, qu'il soit catalysé, ces manifestations, qu'elles soient catalysées, ces manifestations de chômeurs, je le comprends mais ce n'est pas le gauchisme, c'est la misère. C'est le cri, c'est la vie quotidienne. Et c'est aussi le fait que et les partis et les syndicats pendant très longtemps ont feint de représenter des chômeurs alors qu'ils représentaient le monde de ceux qui avaient, très légitimement, du travail. Et il ne faut pas les opposer, il faut qu'ils soient ensemble.

Michèle COTTA : Une question sur la majorité plurielle, Christine CLERC ? Justement, vous représentez un peu cette majorité plurielle.

Christine CLERC : Est-ce que la majorité plurielle va résister à cela ? Pour le moment, elle est écartelée.

Bernard KOUCHNER : Non, elle n'est pas écartelée. « Ecartelé » vous savez, c'est ce qui précède la mort. Pas du tout. Non, non, le supplice d'écartèlement est un supplice terrible. Non, elle s'exprime par des voies diverses, plus au gouvernement même si cela a été un peu le cas devant un mouvement, il faut bien le dire qui nous a pris en plein front et en plein cœur, quand même ! C'est un peu...

Christine CLERC : Philippe SEGUIN disait hier, il y a un parti de la majorité qui manifeste, un deuxième parti qui réprime les manifestants, sous l'œil d'un troisième parti.

Bernard KOUCHNER : Oui, eh bien regardez les réactions dans l'opposition, aux paroles de Philippe SEGUIN et vous verrez qu'ils sont au moins aussi écartelés que nous et je leur souhaite de se réunir autant que nous. Non, je pense qu'il y a eu des appréciations différentes parce que les gens de ce gouvernement qui se parlent...et comment ça s'est résolu d'ailleurs ces manifestations un peu diverses ? Par la parole. Lionel JOSPIN nous a réunis, comme il le fait, à Matignon et nous en avons parlé.

Michèle COTTA : Il a même passé un savon à certains quand même d'après ce que l'on croit savoir

Bernard KOUCHNER : Eh bien écoutez, moi, je vais vous le dire, moi, je le sais parce que j'y étais, ce n'était pas un savon, c'était une discussion. Et on s'est posé la question de savoir comment on réagissait. Non, je crois qu'il y a une voie tout à fait unique, mais qu'il y a des manifestations autour des partis et des mouvements et ça, ça me paraît bien légitime.

Michèle COTTA : Alors, dernière question sur l'Algérie, vous vous y attendiez un peu. Quelqu'un comme vous, qui a créé le droit d'ingérence, quelle est votre réaction lorsqu'on vous dit qu’on ne peut pas intervenir en Algérie. L'Europe peut-être mais pas la France » ?

Bernard KOUCHNER : Mais la France ne doit pas intervenir en Algérie, pour les raisons que vous évoquez, pour l'histoire, pour même la crédibilité d'une telle intervention - et de quelle intervention s'agirait-il ? - la France ne peut pas le faire. La France est indignée, ce sont des crimes abominables qui viennent bien entendu de la mouvance islamique. Maintenant, qu'on y aille, qu'on leur tende la main, qu'on leur apporte notre soutien, que ce soit la France qui propose à ses partenaires européens dans un premier temps, méditerranéens à mon avis, c'est absolument indispensable. C'est je crois ce que nous faisons mais il ne s'agit pas, quand on parle d'ingérence, l'ingérence c'est un mot positif, il a été décrié parce que c'est la mode de décrier l'ingérence. L'ingérence, c'est l'appel...c'est la réponse à l'appel des minorités persécutées. Eh bien c'est ça ! Mais ce n'est pas une réponse militaire, ce n'est pas une réponse impérialiste, c'est une réponse fraternelle et une protection si on la demande. C'est ça l'ingérence et il faudra à un moment donné, sous les formes que les Algériens accepteront, le faire. D'ailleurs, ils le demandent d'une certaine manière mais ils ne veulent pas qu'un peu rapidement on porte des jugements de l'extérieur, eux qui se battent...parions des journalistes. Vous êtes journalistes. Il y a un héroïsme des journalistes algériens qui continuent à assumer leur tâche tous les jours et il faut qu'en plus, on leur donne des leçons ? Non, ce n'est pas à nous de le faire. Mais les soutenir, oui.

Michèle COTTA : Bernard KOUCHNER, merci. Vous restez avec nous pour la deuxième partie de cette émission. La violence dans les villes, première préoccupation du gouvernement et du président. Une nouvelle violence fait son apparition, celle des mineurs. Pour en parler sur ce plateau, deux maires, tous les deux...qui ont été reçus tous les deux, je crois par le président il y a trois jours, Jean-Paul DELEVOYE, sénateur RPR du Pas-De-Calais et maire de Bapaume, Jean-Marie BOCKEL, député socialiste du Haut-Rhin et maire de Mulhouse. Alors, un « grand frère » de la RATP, Farid MECHMACHE, Marie-Laure GAULIARD-PLESSE, vous, vous êtes responsable d'une association de prévention à travers la ville à Aubervilliers. Adile FARQUANE, animateur de la radio « Droit de cité » à Mantes-la-Jolie, je crois que l'on vous a vu sur les écrans cette semaine puisque le président de la République est venu à Mantes-la-Jolie et que vous avez essayé de l'interviewer. Vous allez le faire bientôt. Tokia SAIFI, créatrice de l'association « Espace Intégration » à Lille et le commissaire d'ANDREA, commissaire divisionnaire, attaché à la RATP. Messieurs merci - et mesdames - merci d'être venus de loin parfois pour cette émission. Vous êtes donc tous à des postes différents sur le terrain. Il y a donc l'apparition d'une nouvelle violence qui frappe toutes les formes d'autorité, la police, les pompiers, les chauffeurs de bus. On va regarder ensemble si vous le voulez bien le reportage de Jean-Michel MERCUROL sur une réponse - une réponse parmi d'autres - à ces nouvelles violences, c'est l'école de la RATP, les « grands frères » RATP.

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