Interviews de M. Philippe Douste-Blazy, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, dans "Le Figaro" et "Le Parisien" du 28 septembre 1999, sur l'attitude de Lionel Jospin face aux licenciements économiques abusifs et les solutions de l'UDF pour réconcilier les entreprises et les salariés.

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Circonstance : Journées parlementaires de l'UDF à Cauterets (Hautes-Pyrénées) les 27 et 28 septembre 1999

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Texte intégral

Le Figaro le 28 septembre 1999

Le Figaro : Après les divisions des élections européennes, dans quel état d’esprit allez-vous travailler avec les autres formations de l’opposition pendant cette session ?

Philippe Douste-Blazy : L’UDF s’est affirmée pendant les élections européennes, mais les divisions ne sont plus d’actualité. Nos trois groupes parlementaires ont vocation à être le fer de lance de l’opposition, dans le respect mutuel de nos convictions. Car l’union, ce n’est pas la caporalisation.

Le Figaro : Que pensez-vous de l’appel lancé par Jean-Louis Debré, qui invite les parlementaires RPR à « protéger » le chef de l’État ?

Philippe Douste-Blazy : Jacques Chirac n’a pas besoin d’une opposition qui le protège, mais d’une majorité ! Sur les grands sujets, nous devons faire des propositions alternatives.
Prenons le dossier des retraites : face à un gouvernement qui, par son immobilisme, va ouvrir une grave crise de société pour nos enfants, le chef de l’État a commencé d’esquisser des solutions. L’opposition parlementaire doit prendre le relais. C’est ce que nous avons fait en déposant, il y a six mois, une proposition de loi sur les retraites, associant retraite par répartition et retraite par capitalisation.

Le Figaro : Amputée de son aile libérale, l’UDF n’est-elle pas coupée d’une partie de ses forces vives ?

Philippe Douste-Blazy : L’UDF réunit des personnalités d’horizons divers, dont l’inspiration peut être sociale, libérale, chrétienne ou radicale, et elle est rassemblée autour de convictions communes : la construction d’une union fédérative européenne, une société de responsabilité, une économie sociale de marché et la prédominance absolue de la personne humaine. L’UDF ne se construit pas sur des choix de personnes, mais sur un socle identitaire.
Dans le respect de nos diversités, chacun de nous doit mettre au service d’une même cause les personnalités plurielles. Plus que jamais au sein de l’opposition, la clarification doit se faire sur les idées et non sur les hommes. En effet, cette rentrée politique se fait dans un paysage nouveau, avec la création d’un courant souverainiste et l’affaiblissement durable de l’extrême-droite.

Le Figaro : Sur les 35 heures, n’avez-vous pas des différences de vue importantes avec vos partenaires DL et RPR ?

Philippe Douste-Blazy : Nous regrettons que le projet de Martine Aubry ne soit pas une loi sur l’aménagement du temps de travail, mais au contraire une loi autoritaire sur la réduction du temps travail, une loi qui condamne la négociation sociale, qui ignore la diversité des entreprises et qui met en cause le paritarisme. Ce texte est surtout injuste pour les salariés. Je rappelle que le projet reconnaît trois sortes de cadres et crée deux SMIC, l’un horaires, l’autre mensuel !

Le Figaro : Présenterez-vous des amendements communs à vos trois groupes sur les 35 heures ?

Philippe Douste-Blazy : Écrivons-les d’abord et confrontons nos points de vue. Ce n’est pas la réduction du temps de travail qu’il faut remettre en cause, c’est la condamnation de toute négociation.

Le Figaro : Quelle réponse politique proposez-vous d’apporter à la crise chez Michelin ?

Philippe Douste-Blazy : On voit que notre société est bloquée, en particulier dans le domaine de la vie des entreprises. La réponse de Lionel Jospin à la crise chez Michelin est symbolique d’un archaïsme politique et d’un aveu d’impuissance. Il faut sortir du paradoxe qui veut que, d’un côté les actionnaires exigent toujours plus de rentabilité, de l’autre les salariés n’aient pas accès au partage des bénéfices.
C’est à nous qu’il revient de réconcilier le capital et le travail en créant de nouvelles rémunérations pour les salariés : par l’actionnariat, en donnant à chaque salarié une part de l’entreprise dans laquelle il travaille ; et pour les entreprises non cotées, développons les fonds de pension. C’est la seule solution pour que les entreprises françaises ne deviennent pas américaines.

Le Parisien le 28 septembre 1999

Le Parisien : Lionel Jospin veut sanctionner les licenciements économiques abusifs…

Philippe Douste-Blazy : Lionel Jospin s’empêtre dans ses contradictions. En dix jours, il aura dit tout et son contraire. Souvenez-vous : à la télévision, après l’annonce des suppressions d’emplois chez Michelin, il conseillait aux salariés de manifester dans les rues pour faire plier les actionnaires américains détenteurs de fonds de pension. Et, hier, il a tenté de régler les problèmes sociaux de l’entreprise par un engagement autoritaire de l’État. Dans les deux cas, il trompe les salariés.

Le Parisien : Est-ce, pour lui, une façon de rassurer sa gauche ?

Philippe Douste-Blazy : On voit bien que le Premier ministre fait tout pour tenter de ressouder une majorité plurielle totalement disloquée. Socialistes, communistes et Verts n’ont plus rien en commun.

Le Parisien : L’entreprise peut-elle être « citoyenne » ?

Philippe Douste-Blazy : Jospin ne sait pas sortir du paradoxe destructeur de notre économie : d’un côté, des entreprises qui n’ont jamais réalisé autant de bénéfices ; de l’autre, des employés qui paient de leur salaire et souvent de leur emploi les exigences de la rentabilité.

Le Parisien : Comment sortir de ce paradoxe ?

Philippe Douste-Blazy : Au lieu de régler les problèmes par l’appel au conflit ou par l’autorité abusive de l’État, comme le font les socialistes, nous, centristes, nous préférons militer pour la réconciliation du capital et du travail. Traduction : il faut trouver de nouvelles rémunérations pour les salariés. C’est le moment ou jamais de défendre l’actionnariat populaire afin que les salariés travaillant dans des entreprises cotées en bourse bénéficient de fonds de pension.