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Le Parisien : Jacques Chirac vient de dissoudre l’Assemblée. Si la majorité l’emporte, souhaitez-vous retrouver votre poste place Beauvau après les élections ?
Jean-Louis Debré : Ce n’est pas le problème. Ce qui importe, c’est de gagner les élections puis de donner à la France l’élan nouveau dont elle a besoin. Je suis favorable à cette dissolution pour des nombreuses raisons. Je n’en citerai qu’une : en tant que gaulliste, je trouve très sain que le pouvoir politique puisse se ressourcer.
Le Parisien : Où allez-vous vous présenter ?
Jean-Louis Debré : Dans ma circonscription de l’Eure où je suis conseiller général et où j’ai été constamment réélu depuis dix ans ? Je me présenterai avec ma suppléante, Françoise Charpentier, député et vice-présidente du conseil général.
Le Parisien : Vous n’avez plus d’ambition à Paris ?
Jean-Louis Debré : Je m’y intéresse en tant qu’élu et en tant que ministre. Un ministre de l’intérieur ne peut pas ne pas s’intéresser à la capitale, ne serait-ce que pour les problèmes d’ordre public. Mais je me présenterai bien dans l’Eure où je passe tous mes week-ends.
Le Parisien : Vous venez d’annoncer un renforcement du dispositif Vigipirate…
Jean-Louis Debré : En effet, le contexte international, aussi bien que la situation en Algérie nous incitent à ne pas relâcher notre vigilance. L’approche d’élections en Algérie fait peser sur notre pays une menace forte et, par conséquent, il n’est pas envisageable de se démobiliser.
Le Parisien : Vos services ont-ils authentifié l’exemplaire du journal « Al Jamaa », paru il y a deux semaines et revendiquant certains attentats commis en 1995 ?
Jean-Louis Debré : Nous avons toujours considéré cette revue comme un organe de propagande du GIA. Par conséquent, ce numéro peut être supposé authentique. Toutefois, des approximations ne permettent pas de considérer ce texte comme une revendication certaine d’attentats passés.
Le Parisien : Ce texte attribue au GIA la paternité de violences urbaines…
Jean-Louis Debré : La frontière entre terrorisme et délinquance est très souvent incertaine. Nous constations une interprétation croissante entre les milieux du banditisme et ceux du terrorisme. L’affaire de Roubaix, qui s’est déroulée en avril 1996, est particulièrement significative de ce « gangsterrorisme ». Dans ce cas comme dans d’autres, le GIA utilise des Français conquis par l’intégrisme. Ceux-ci peuvent jouer un rôle important dans l’endoctrinement de jeunes fragilisés.
Le Parisien : Vous posez le problème de l’existence d’un islam radical…
Jean-Louis Debré : J’en suis très préoccupé. Le radicalisme islamique demeure une menace. Je n’accepte pas que certains véhiculent en France un discours de haine et de violence et remettent en cause les principes républicains. Je peux d’ailleurs vous annoncer que c’est la raison pour laquelle j’ai expulsé, ces derniers mois, selon la procédure que l’on appelle d’« urgence absolue », un certain nombre d’imams qui tenaient des discours de haine, de racisme et d’antisémitisme.
Le Parisien : Depuis plusieurs mois, la direction des RG est au centre d’une polémique…
Jean-Louis Debré : On instruit un faux procès contre les Renseignements généraux. La direction centrale des Renseignements généraux (DCRG) n’est pas un service à vocation judiciaire. Sauf en matière de jeux, les fonctionnaires ne sont pas des officiers de police judiciaire. Mais, il est vrai que, depuis plusieurs années, la contribution des RG à la résolution d’affaires judiciaires a été importante, notamment contre le terrorisme islamique, dans le domaine des sectes et des mouvements extrémistes. Si aujourd’hui, la police française est reconnue comme l’une des plus performantes du monde, c’est notamment parce que nous avons un service de renseignements de haut niveau.
Le Parisien : Les RG doivent-ils transmettre leurs notes blanches à la justice ?
Jean-Louis Debré : Les « blancs » auxquels vous faites allusion n’ont aucun intérêt judiciaire. Pourquoi ? Parce qu’ils font état de rumeurs et qu’ils ont souvent pour origine des sources qui ne sont fiables. De ce fait, ils ne sont d’ailleurs pas archivés. Vous savez, j’ai été pendant dix ans magistrat. Je crois qu’un juge ne peut pas fonder sa procédure sur de tels documents. Cela serait alors très grave pour les libertés individuelles.
Le Parisien : Certains parlent de dissoudre les RG, d’autres de fusionner tous les services de renseignements ?
Jean-Louis Debré : D’abord, on fait un amalgame inacceptable entre l’affaire des écoutes, le secret défense, l’affaire du corbeau, etc. Mais, j’en reviens aux RG : ils n’ont rien à vois avec une police politique ! Contrairement à ce que certains affirment, judiciariser les RG conduirait à leur conférer un statut de police politique, comme le KGB, la Stasi ou la Securitate… Quant à la fusion des services de renseignements (RG, DST, DGSE), ça ne me paraît pas une bonne idée. Chacun a sa spécificité et la coordination entre ces services donne satisfaction. Pourquoi changerait-on un système qui marche ?