Texte intégral
Allocution à l’occasion de la présentation de la carte sésame, le 8 novembre 1996
Aujourd’hui, nous lançons la première carte d’accès aux expositions présentées dans les Galeries nationales du Grand Palais, la carte Sésame. Une campagne publicitaire, par voie d’affiches dans le métro, commence aujourd’hui même, pour soutenir ce lancement.
Pourquoi une telle carte ? Ou, plus exactement pourquoi ces deux cartes, puisqu’en fait il y en a deux : la carte Sésame-Galeries nationales du Grand Palais et la carte Sésame-Jeune, réservée aux jeunes de moins de vingt-six ans ?
A mes yeux, vous le savez, deux objectifs prioritaires guident mon action dans le domaine des musées et des expositions.
D’une part, chercher à élargir leur public, c’est-à-dire à favoriser leur accès au plus grand nombre. D’autre part, fidéliser ce public.
Car une chose est d’attirer de nouveaux visiteurs dans nos musées, une autre est de les y faire revenir.
Attirer de nouveaux visiteurs dans nos musées et nos expositions, l’expérience montre qu’on y parvient : en faisant preuve d’imagination ; en créant des évènements ; en montant des opérations régionales ou nationales ; en usant des moyens de communication modernes.
Je n’en veux pour preuve que le remarquable réussite de l’opération L’invitation au musée, organisée par la direction des musées de France. Dimanche dernier, à Paris et en région parisienne, la fréquentation des musées a été très nettement supérieure à celle d’un dimanche normal, et en région, ce succès a été encore plus grand, puisque les musées qui se sont associés à l’opération ont reçu de deux à dix fois plus de visiteurs qu’un dimanche normal en cette saison.
Nous nous réjouissons beaucoup qu’une telle réussite, d’autant plus que plusieurs conservateurs nous ont indiqué que l’on voit venir dans les musées, à l’occasion de cette opération, un public qu’on n’y voit pas d’habitude, qui découvre – et parfois pour la première fois – les richesses de notre patrimoine.
Nous nous réjouissons beaucoup de cela, mais toute la question est ensuite de faire que ce public nouveau, une fois franchie la barrière symbolique qu’est encore trop souvent la porte d’un musée, prenne l’habitude d’y venir et y prenne goût.
C’est dans cet esprit que, dès mon arrivée dans ce ministère, j’ai décidé la gratuité, chaque premier dimanche de chaque mois, au musée du Louvre ; une telle mesure a connu et connaît un grand succès qui a valeur d’exemple, à la mesure de la notoriété du musée, et que l’on est en droit de penser que qui est entré une première fois dans le Louvre à la faveur de ces journées éprouvera le désir d’y revenir et n’aura peut-être plus les mêmes préventions à l’égard des musées.
La carte Sésame s’inscrit parfaitement dans cette perspective. Comme le système de réservation, elle permet au visiteur d’éviter les files d’attente, mais elle l’invite aussi à faire preuve de curiosité à élargir ses centres d’intérêts, bref, à voir toutes les expositions des Galeries nationales, sans négliger celles qui abordent des sujets moins connus que d’autres – à ne pas oublier, les sculptures bouddhiques japonaises de NARA, au nom des portraits de Picasso.
La carte Sésame présente un autre avantage. Son possesseur peut, non seulement visiter autant de fois qu’il le souhaite les expositions du Grand Palais, mais aussi être, chaque fois, accompagné par une personne de son choix. Quelle plus grande satisfaction que celle de faire partager à ses proches, à ses amis, le plaisir qu’on éprouve soi-même ?
J’ajoute que nous avons tenu à ce que cette carte existe aussi dans une version différente, mais très économique, réservée aux jeunes de moins de vingt-six ans. ? Notre souci est, en effet, de promouvoir les musées et les expositions auprès de ce public, dont les moyens financiers sont souvent limités et qui est, bien sûr, le plus porteur d’avenir. C’est, d’ailleurs, ce que nous avons déjà fait avec la carte Jeune du musée du Louvre.
Si la carte Sésame, dans ses deux versions, contribue à fidéliser le public des grandes expositions temporaires et à élargir, elle le fera, j’en suis sûr, des émules. Car, à notre connaissance, il n’en existe aucune de comparable, ni en France, ni à l’étranger.
Merci.
Allocution à l’occasion de la réunion de l’association des directeurs des affaires culturelles des grandes villes de France, le 8 novembre 1996
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Depuis une trentaine d’années, l’État a fait, en matière de culture, un investissement considérable. Il l’a fait en coopération étroite avec l’ensemble des collectivités territoriales et en particulier les communes.
Si nous avons, aujourd’hui, un tisse riche d’institutions et d’initiatives culturelles sur l’ensemble du territoire, c’est grâce à l’action conjointe de l’État et des collectivités locales.
Selon les statistiques du département des études et de la prospective du ministère de la culture, l’ensemble des collectivités territoriales ont dépensé 36 milliards pour la culture en 1993, dont 30 milliards pour les communes. Ces chiffres sont à comparer aux dépenses de l’État, soit 34,6 milliards dont 14,5 milliards pour le ministère de la culture.
Voilà qui montre bien que le financement public de la culture incombe, majoritairement, aux collectivités territoriales ; que les communes, dans cet ensemble, continuent à fournir l’effort essentiel ; qu’en dépit des difficultés économiques, l’effort des communes ne cesse de s’amplifier, puisqu’elles dépensaient, en 1981, près de quinze milliards pour la culture, contre trente aujourd’hui.
De tout cela, résulte un modèle français de l’organisation publique de l’action culturelle. C’est bien, en effet, la permanence et le développement de ces financements publics de la culture, autant que leur diversité, qui assurent aux créateurs et à la vie culturelle leur liberté. La décision publique n’est pas aux mains d’un seul ; elle est répartie sur un grand nombre de responsables publics ; l’action culturelle de l’État assure la cohérence du tout, en incitant et non en imposant.
Dans ce système diversifié et pluraliste, l’État conserve donc en devoir d’initiative essentiel. Il correspond à l’intérêt général. Il est, dès lors, nécessaire que vous soyez tenus, en permanence, informés des grands axes de la politique culturelle de l’État et des conditions de sa mise en œuvre.
Au-delà de la vie de votre association, je sais que chacun d’entre vous, directeur des affaires culturelles d’une grande ville, est un acteur de tout premier plan de la vie culturelle dans notre pays.
Vous savez que les communes assument, à elles seules, 40 % du financement public de la culture, selon les statistiques de notre département des études et de la prospective.
Les grandes villes consacrent un tiers de leurs dépenses culturelles – près de dix milliards de francs – à la production artistique, un quart à la conservation – diffusion, un cinquième à la formation artistique et un dixième à l’animation.
En douze ans, les dépenses culturelles des villes de plus de quatre vingt mille habitants ont connu une croissance forte, particulièrement dans les villes de plus de cent cinquante mille habitants – où elles se sont accrues de 84 % -, mais aussi dans les villes de quatre vingt mille à cent cinquante mille habitants – où elles ont augmenté de 42 % - ce qui demeure considérable.
Ces chiffres parlent d’eux-mêmes et recouvrent une réalité bien connue de tous. Les grandes villes interviennent dans l’ensemble des domaines artistiques et culturels. Elles valorisent leur patrimoine historique ; elles investissent fortement dans le secteur des musées, des équipements de spectacles vivants ; elles jouent un rôle de tout premier plan pour l’animation culturelle et l’enseignement artistique spécialisé.
Le ministère de la culture conduit et souhaite développer encore un partenariat très actif avec les communes.
Je voudrais indiquer deux pistes de travail, qui sont loin d’épuiser le contenu du partenariat entre le ministère de la culture et les communes, mais qui correspondent à de fortes préoccupations actuelles.
La première piste de travail concerne les enseignements artistiques spécialisées, dans le domaine de la musique et de la danse, mais aussi dans les autres domaines artistiques. Cet enseignement est vital : il forme des professionnels, mais aussi des amateurs, qui seront le public de la culture de demain.
Je prépare une loi sur l’enseignement artistique spécialisé, qui vise à clarifier les compétences de l’État, des départements et des communes. J’espère que cette loi sera l’occasion d’inscrire des crédits budgétaires en nette progression.
Ce texte législatif, qui a donné lieu à des premières discussions avec des représentants d’associations d’élus locaux est important pour les communes qui assurent, d’ores et déjà, une très large part de la dépense relative aux enseignements artistiques spécialisés.
La deuxième de ces pistes concerne la lutte contre la fracture sociale. Nous avons conduit depuis 1996 des projets culturels de quartiers auxquels un grand nombre d’entre vous ont été associés. Je souhaite que ces actions se développent, car elles sont tout à fait essentielles pour reconstituer le tissu social de nos villes.
Nous sommes tous, ici, convaincus que la culture est ce qui permet aux individus de choisir leur vie ; de vivre, pleinement, leur solidarité avec les autres hommes, dans l’espace et dans le temps. Que veulent dire ces mots pour les jeunes, pour les habitants des quartiers défavorisés, que le progrès a laissé de côté ? Pour ceux qui, trop souvent, sont en proie au désœuvrement et à l’oubli ?
C’est un formidable défi ; je veux le relever avec vous ; dès lors, l’action sociale est, plus que jamais, une composante essentielle de l’action culturelle.
Le partenariat du ministère avec les grandes villes porte sur tous les domaines culturels, sans exclusive ; il doit se donner comme fidélité première le public de la culture. C’est par un dialogue avec les élus locaux et leurs collaborateurs que l’État se rapproche des citoyens.
Ce partenariat demeure une ambition première du budget du ministère pour 1997, qui demeure, globalement, préservé. L’effort d’économie porte sur les crédits des monuments historiques ; il devrait être largement compensé par une gestion plus efficace des crédits ouverts les années précédentes et non encore consommés. Tout le secteur de la création, de la diffusion artistique, de l’enseignement, est intégralement préservé.
Mesdames et Messieurs, je voudrais vous dire combien il me paraît essentiel que nous maintenions notre coopération pour développer la vie culturelle de notre pays : protéger, créer, diffuser la culture.
Si je crois en la nécessité d’un ministère de la culture, solide efficace et ouvert, je suis convaincu qu’il ne saurait être omniscient et omniprésent.
L’explication, la mise en œuvre et la réussite des objectifs que j’ai évoqués dépendra, pour une bonne part, de vous. Dans cette tâche qui vous attend, les services déconcentrés de l’État vous apporteront un soutien sans faille. Les directeurs régionaux des affaires culturelles sont, auprès du préfet de région, de véritables conseillers en matière de culture ; ils sont aussi, pour vous, les experts indispensables, les interlocuteurs attentifs, les garants de la continuité de l’État.
C’est bien parce que la puissance publique ne peut agir, notamment dans les villes, qu’avec le concours ou en apportant son concours aux collectivités territoriales, que notre vie culturelle se développe et s’enrichit. C’est là l’un des éléments majeurs de l’exception culturelle française.
Mesdames et Messieurs, Jacques Duhamel qui, d’une certaine manière nous réunit, puisqu’il fut à la fois élu local et ministre de la culture, déclarait en 1973 – je le cite : « … sans les initiatives et les concours des collectivités élues (…), la diffusion culturelle ne prendrait pas une pareille ampleur, ne connaîtrait pas une semblable profondeur ».
C’est bien cela aussi, que notre action commune.