Interview de M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer, dans "Le Point" du 18 janvier 1997, sur le développement économique et social dans les DOM et l'aide de l'Etat dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle.

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Média : Le Point

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Le Point : Après cinquante ans de départementalisation des DOM, n’est-il pas paradoxal de renforcer les prérogatives de votre ministère, comme le président en affiche l’intention ?

J.-J. de Peretti : Bien au contraire. Ce renforcement s’inscrit dans le cadre de la réforme de l’État. Pourquoi ? Le ministère de l’Outre-mer a un rôle interministériel. Son budget propre est d’environ 5 milliards de francs, mais 42 milliards sont gérés par les ministères techniques compétents. Il est donc essentiel qu’ils réagissent en temps réel dès lors qu’un problème se pose outre-mer. Le rôle du ministère de l’Outre-mer est donc plus que jamais d’anticiper. Après la réalisation de l’égalité institutionnelle, en 1946, et celle de l’égalité sociale, voulue par Jacques Chirac, au 1er janvier 1996, l’outre-mer est aujourd’hui tournée vers le développement économique et social. Au ministre de l’Outre-mer de traduire en actions concrètes les attentes qu’il perçoit sur le terrain. C’est dans cette perspective qu’il faut renforcer le ministère de l’Outre-mer et, sur le plan local, aller beaucoup plus loin dans la décentralisation et dans l’autorité donnée aux préfets.

Le Point : Pour bon nombre de chefs d’entreprise, la mise en œuvre de l’égalité sociale ruinerait toute possibilité de décollage économique des DOM et les vouerait à l’assistanat et à des crises sociales à répétition. Qu’en pensez-vous ?

J.-J. de Peretti : Il ne saurait y avoir de départements au rabais ! Le premier terme de notre devise, c’est l’égalité. L’égalité sociale permet de passer d’une logique de rattrapage à une logique de développement. Pour ce qui est des inquiétudes des chefs d’entreprises, elles concernaient l’augmentation du Smic. Je rappelle que j’ai mis en place un plan d’accompagnement important avec exonération de l’augmentation de la TVA appliquée en métropole en août 1995 et exonération des charges sociales sur les bas salaires.
Une politique de dynamisation des entreprises est engagée. Elle passe par la réforme des circuits de financement et l’abaissement du coût du crédit, mais aussi par une action soutenue à l’exportation et des mesures d’aide au logement social. Je présenterai prochainement au Parlement un projet de loi qui permettra de soutenir les entreprises exportatrices créatrices d’emploi. Si j’avais une ambition à exprimer, je dirais qu’il faut aller encore plus vite et encore plus loin.

Le Point : Comment l’État peut-il aider l’outre-mer à mieux affronter financièrement la situation explosive qu’y engendre le boom démographique, notamment dans le secteur de l’éducation ?

J.-J. de Peretti : D’abord, l’État doit inciter les collectivités à assainir leur situation financière. C’est ce qui a été fait tout récemment avec la ville de Cayenne, à laquelle l’État accorde une subvention exceptionnelle d’équilibre. En outre, différentes mesures ont été prises pour améliorer l’attribution de leurs subventions, afin de tenir compte des spécificités que vous évoquez. Enfin, des prêts bonifiés spéciaux vont leur permettre de mieux répondre à ces nouveaux besoins.
La vitalité démographique de l’outre-mer est certainement une préoccupation, mais c’est aussi une chance pour l’outre-mer, à condition de ne pas décevoir sa jeunesse. Ce ne sont pas seulement les constructions scolaires, mais la politique éducative, l’effort de formation professionnelle qui doivent être mieux orientés. Ce qu’il lui faut, c’est un horizon et des perspectives, en particulier dans le domaine de l’emploi.