Texte intégral
France 2 : Vous avez annoncé hier la baisse d’un point du taux de rémunération du plan épargne logement, de 5,25 à 4,25 %. C’est le placement fétiche des Français. Alors, après la baisse du taux du livret A, est-ce que ce n’est pas un nouveau mauvais coup pour les épargnants ?
J. Arthuis : C’est d’abord un plan d’épargne logement. La baisse du taux est donc une très bonne nouvelle pour ceux qui constituent une épargne en vue d’emprunter pour devenir propriétaire de leur logement ou pour faire des travaux dans leur résidence. C’est une très bonne nouvelle qui tient compte de ce mouvement historique de baisse des taux depuis dix-huit mois.
France 2 : Bonne nouvelle, sauf justement que l’argent qu’ils placent dans ce plan d’épargne logement sera moins bien rémunéré : un point de moins !
J. Arthuis : Oui, mais si vous constituez un plan d’épargne logement, vous déposez certes votre argent, mais votre préoccupation c’est de pouvoir, demain, emprunter à un taux particulièrement intéressant. Hier, c’était 5,25 % et vous pouviez emprunter à 5,54 % ; à partir de jeudi, vous serez rémunéré à 4,25 %, mais vos droits à emprunt vous permettront d’accéder à un taux de 4,8 % : c’est sans précédent. C’est donc une bonne nouvelle pour l’immobilier et pour toutes les familles qui veulent accéder à la propriété et faire des travaux.
France 2 : Tout de même, la semaine dernière vous aviez dit que ce n’était pas à l’ordre du jour. Est-ce que, depuis, vous avez cédé aux pressions des banques ou est-ce que c’est une façon pour Bercy de faire un peu des économies ?
J. Arthuis : On n’annonce jamais à l’avance ce type de décision. Elle doit être soumise à un comité de réglementation bancaire et financière. Ce comité s’est tenu hier après-midi, c’est donc hier soir que j’ai annoncé cette décision.
France 2 : Le conflit du Crédit foncier : A. Juppé a nommé hier un conciliateur. Est-ce que ce n’est pas déjà une remise en cause de votre plan ?
J. Arthuis : Mais, je n’ai pas de plan. Je ne cesse de le dire.
France 2 : Vous avez suggéré quand même le rapprochement avec le Crédit immobilier ?
J. Arthuis : Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que le Crédit foncier ne peut pas s’en sortir seul. Il lui faut un partenaire, alors il faut discuter avec ce partenaire. Aujourd’hui, c’est le Crédit immobilier : ce que je souhaite, et sans préjuger de ce que peut-être la convention, c’est qu’on puisse discuter avec ce partenaire. J’ai dit et redit que ce qu’il faut, c’est respecter l’identité et les contraintes du Crédit foncier de France, de son personnel et de ce partenaire. Mais s’il y a un autre partenaire, une autre proposition, je suis naturellement prêt à l’examiner. Ce qui me préoccupe, c’est la situation des hommes et des femmes du Crédit foncier.
France 2 : Justement, ils disent qu’ils n’ont pas à payer les pots cassés, c’est-à-dire à payer par leur emploi les mauvaises gestions précédentes ou certaines décisions qui ont été prises, comme la suppression du PAP.
J. Arthuis : La situation est telle aujourd’hui, la dégradation financière est telle – conséquence de ces très mauvaises décisions prises entre 1989 et 1993, véritable sinistre financier – qu’aujourd’hui, le capital du Crédit foncier est parti en fumée. Pour continuer l’activité, il faut un partenaire. On ne va quand même pas imaginer que ce soit l’État, c’est-à-dire les contribuables français qui viennent mettre la main à la poche pour créer une nouvelle banque publique. Alors, je souhaite que l’on trouve une solution dans le dialogue. Le dialogue suppose un certain nombre de conditions. J’espère que P. Rouvillois va faciliter ce dialogue, que l’on va se comprendre et qu’on va pouvoir ainsi aller de l’avant et sauver de l’emploi. Je précise bien qu’en toute hypothèse, je m’oppose à tout licenciement sec. S’il y a des départs, et malheureusement, il faut qu’il y ait des départs, ce sera dans le cadre de départs anticipés à la retraite ou de départs volontaires, mais pas de licenciements.
France 2 : Le plan épargne retraite est actuellement en discussion au Parlement, les syndicats sont unanimement contre, le Parti socialiste a dit qu’il reviendrait dessus s’il arrivait au pouvoir en 1998. Est-ce que vous allez, là aussi aller jusqu’au bout ?
J. Arthuis : Ce texte a été voté à l’Assemblée nationale. Il sera soumis au Sénat dans quelques jours. Je me permets d’insister sur l’importance de ce texte. On oppose bien souvent l’épargne retraite et la retraite par répartition. Ce qui demain fera le financement de la retraite par répartition dépendra du nombre d’emplois que l’on aura pu créer. Or, le nombre d’emplois que l’on créera va dépendre du nombre d’entreprises que l’on pourra susciter, d’entreprises que l’on va développer. Or, aujourd’hui, qu’est-ce qui fait défaut ? C’est que l’on manque de capitaux propres. Et l’épargne des Français est pour l’essentiel orientée, non pas vers les entreprises, mais vers le financement des déficits publics. C’est cela qui doit cesser. Il faut qu’une fraction significative de l’épargne des Français aille vers les entreprises, vers l’économie productive. C’est là que l’on créera des emplois ! Donc, la retraite par répartition à laquelle nous sommes fondamentalement attachés, régime de base et régime complémentaire, et l’épargne retraite ne sont pas en compétition, mais sont totalement complémentaires.
France 2 : Vous irez donc jusqu’au bout du projet ?
J. Arthuis : Parce que c’est l’intérêt de la France et parce que c’est l’intérêt des Français !
France 2 : J. Chirac, dans ses vœux, est revenu sur la baisse des impôts. Il a dit que c’était bien et qu’il fallait aller encore plus loin que ce qu’a fait le Gouvernement.
J. Arthuis : Si vous saviez combien je suis impatient moi-même de voir les impôts baisser ! Mais nous devons aussi baisser les déficits. Pour qu’il y ait plus de recette, il faut qu’il y ait de la croissance. Et c’est ainsi que l’on pourra baisser les taux d’impôt. Eh bien, cette croissance elle vient !
France 2 : Qu’est-ce qui vous permet d’être optimiste ?
J. Arthuis : D’abord, les indices économiques des derniers mois sont très encourageants. Toutes les conditions, me semble-t-il, sont réunies pour qu’en 1997, notre croissance soit d’au moins 2,3 % et qu’ainsi, les conditions soient réunies pour que l’on recrée de l’emploi.
France 2 : Y aura-t-il une baisse du chômage cette année ?
J. Arthuis : Je souhaite vraiment que nous nous mobilisions pour aller de l’avant, pour investir, pour consommer et pour créer des emplois.