Article de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens, dans "Les Echos" du 19 novembre 1999, sur l'avenir de l'AFP, intitulé "L'Etat doit renforcer et soutenir l'Agence France Presse".

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Intervenant(s) : 
  • Georges Sarre - président délégué du Mouvement des citoyens

Média : Energies News - Les Echos - Les Echos

Texte intégral


Alors que vont commencer les négociations de l'OMC, durant lesquelles la question de l'exception culturelle sera lourde, est en jeu l'avenir d'un des principaux vecteurs de l'image de la France dans le monde : l'Agence France Presse, qui est, avec Reuters et Associated Press, une des trois grandes pourvoyeuses d'informations sur le marché mondial, francophone, bien que possédant désormais un service en langue anglaise, elle est soumise à une impitoyable concurrence de la part de ses concurrentes anglo-saxonnes, entreprises privées pour lesquelles l'information est une marchandise comme une autre. Elle doit donc s'armer pour y résister. Contrairement à ce que prétendent ceux qui souhaitent le modifier, son statut le lui permet.

Sous prétexte de modernisation, les tenants de l'ultralibéralisme, qui ne sont pas tous à droite, veulent une privatisation ouverte ou subreptice qui permettrait à n'importe quel groupe de prendre le contrôle de l'Agence. Il existe une autre voie, celle du service public, du rayonnement de la francophonie, une voie qui permet de préserver la multipolarité de l'information au plan mondial face à l'hégémonie anglo-saxonne : elle passe par le renforcement de l'indépendance de l'AFP, donc par de nouveaux moyens financiers.

L'AFP exerce une mission d'intérêt général. Or, fonctionnant sans fonds propres, puisque n'ayant pas d'actionnaires, elle prend du retard par rapport à la concurrence, notamment dans le domaine de l'information financière et « en ligne ». Dans la pure logique libérale, certains, dont son président, veulent lever des capitaux en Bourse. Je propose pour ma part une solution alternative : le versement d'une dotation de l'État, à hauteur des besoins de l'agence, soit environ 1 milliard de francs, permettant de la capitaliser pour lui permettre d'aborder avec succès les nécessaires diversifications.

En effet, l'entrée dans le capital d'actionnaires privés, même minoritaires, même issus du monde de l'audiovisuel (diffuseurs, par exemple), outre qu'elle serait lourde de menaces sur le statut des personnels, aboutirait, à terme, à une prise de contrôle totale, donc à la perte de l'indépendance rédactionnelle de l'AFP. On ne peut même exclure qu'un jour l'AFP devienne filiale d'un groupe étranger ou soit rachetée par l'une de ses concurrentes.

Or l'existence d'une agence de presse française indépendante et performante est une cause nationale. D'une part, en raison du rayonnement de notre pays, car la couverture des événements se fait avec un angle de vue qui reflète la spécificité française. D'autre part, afin de favoriser la francophonie, car les pays émergents de langue française doivent pouvoir faire appel, pour soutenir le développement d'une presse écrite pluraliste, à une agence de presse francophone. C'est précisément l'augmentation du nombre des locuteurs francophones, et la voie propre de notre pays dans le domaine de la politique étrangère qui permettent à l'AFP d'aborder la concurrence commerciale avec des atouts de réussite.

Il ne faut donc pas céder à la frénésie ultralibérale en privatisant, même de manière rampante, ou en inventant une autre formule qui ne serve qu'à dissimuler la vérité. Il ne faut pas s'abriter derrière la crainte d'un contentieux avec Bruxelles pour refuser l'engagement financier de l'Etat.