Déclaration de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports, sur le transport combiné, Paris le 6 mars 1997.

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Circonstance : Clôture de l'assemblée générale du GNTC (groupement national du transport combiné) à Paris le 6 mars 1997

Texte intégral

Monsieur le président,
Monsieur le directeur du fret,
Mesdames et Messieurs,


C’est à nouveau avec un très vif plaisir que je participe cette année encore à la clôture de votre assemblée générale. Car, au-delà du plaisir personnel que j’ai à retrouver chacun d’entre vous dans un cadre convivial, je porte un intérêt tout particulier au développement du transport combiné, comme beaucoup d’entre vous le savent. Et j’ai, avec vous, la satisfaction immense de constater que nos efforts conjoints sont couronnés de succès, comme l’attestent les chiffres de croissance que vous avez rappelés, Monsieur le président.

10 % de croissance par an, c’est considérable, a fortiori dans une conjoncture plutôt maussade. C’est bien supérieur aux performances du rail et de la route sur leurs propres marchés. Je suis la première à me réjouir que le transport combiné soit ainsi devenu depuis 1995 le mode de transport se développant le plus en France. Et je souhaite que, tous ensemble, nous amplifions ce succès.

Avant d’aborder les perspectives du transport combiné telles que je crois les discerner, je voudrais· vous féliciter, Monsieur le président Fumat, de votre élection à la tête du GNTC et rendre hommage à l’action de votre prédécesseur, Jean-Claude Brunier.

Le transport combiné a connu un essor remarquable au cours de ces dernières années, alors même que le monde du transport, dans le secteur ferroviaire comme dans le secteur routier, n’a pas été épargné par les crises. Sous l’égide de Jean-Claude Brunier, le GNTC a beaucoup œuvré pour que soient préservées la confiance dans ce mode de transport émergent, mais aussi la confiance entre les partenaires eux-mêmes. Son action doit donc être saluée, et aux remerciements qu’il mérite s’ajoutent pour vous, Monsieur le président Fumat, nos encouragements pour vos nouvelles responsabilités. Je ne doute pas que vous vous en acquitterez à la satisfaction générale et, en particulier, que les pouvoirs publics trouveront auprès de vous la même disponibilité et la même qualité de relations qu’avec votre prédécesseur.

À l’occasion de cette assemblée générale, je voudrais également rendra hommage à Marius Belmain que la plupart d’entre vous connaissent bien. Marius Belmain vient en effet de partir à la retraite après plusieurs années consacrées sans relâche à la cause du transport combiné. Il a aujourd’hui la satisfaction de voir ses efforts couronnés de succès. Je tenais à saluer son action devant vous.

Même si je sais m’adresser à un public totalement convaincu, je voudrais rappeler d’emblée combien sont essentiels les avantages du transport combiné, qui combine les avantages respectifs du mode routier et du mode ferroviaire. Vous avez parlé à juste titre, Monsieur le président, d’une pertinence économique associant la flexibilité de la route à l’efficacité du rail. Je veux surtout souligner que le transport combiné est bon pour chacun des acteurs qu’il associe comme il est bon pour la collectivité :

- il est bon pour la SNCF, dont le transport combiné représente désormais près du quart du trafic fret, ce développement compensant l’érosion de certains marchés traditionnels sur lesquels elle ne peut lutter contre les avantages propres de la route ;
- il est bon pour les transporteurs routiers, qui disposent ainsi d’une alternative partielle mais réelle au développement un peu incontrôlé de leur activité – avec les excès et les conséquences que l’on sait – ; ils peuvent aussi y trouver, vous l’avez souligné à juste titre, Monsieur le président, la matière à une amélioration des conditions de travail et nous connaissons tous l’importance de l’enjeu qui s’y attache ;
- il est bon pour les chargeurs, qui ont intérêt au développement d’un mode de transport performant : rapide, fiable, bien inséré dans une chaîne logistique, doté d’une image de qualité et de respect de l’environnement auprès de l’opinion publique ;
- il est enfin bon pour la collectivité, compte tenu de ses avantages en matière de sécurité et de circulation routières et en matière de protection de l’environnement : il permet en effet d’éviter le développement exagéré du transport routier, dont il est à ce jour la seule alternative crédible sur longue distance.

Je tiens à souligner particulièrement cet intérêt pour la préservation de l’environnement, qui inscrit bien le développement du transport combiné dans une logique de développement durable. J’y vois pour ma part une nouvelle confirmation de l’imbrication très forte de la politique des transports et de la politique en matière d’environnement.

J’évoquais des intérêts convergents. S’il en fallait une preuve supplémentaire, les principaux acteurs viennent de l’apporter en signant tous ensemble, à la veille de votre assemblée générale et sous l’égide du président du conseil du transport combiné, mon ami Marc-Philippe Daubresse, cette nouvelle charte en faveur du développement du transport combiné national et international. Outre la signature de Marc-Philippe Daubresse, on trouve en effet la signature de pas moins de 8 présidents au bas de cette charte qui affirme une ambition commune : les présidents de la SNCF, de la FNTR, de la CLTI, de la FFOCT, du GNTC, de l’UNOSTRA, de NOVATRANS et de la CNC.

Dans un secteur comme les transports, où règne une vive concurrence, où la défense de leurs intérêts respectifs conduit parfois rail et route ou petites et grandes entreprises à s’opposer, cette alliance n’est pas anodine. Elle montre bien que chacun trouve son intérêt au développement du transport combiné.

Les résultats obtenus à ce jour sont très encourageants, mais le transport combiné reste un marché émergent qui doit encore croître pour atteindre les niveaux de trafic qui lui permettront de s’affirmer définitivement et de devenir incontournable. C’est à cette ambition que le Gouvernement souhaite souscrire avec l’ensemble des professionnels.

Vous avez bien exposé dans votre discours, Monsieur le président, les enjeux devant lesquels nous nous trouvons. Je veux à mon tour les évoquer brièvement, en tentant de répondre du mieux possible à vos interrogations.

Depuis votre dernière assemblée générale, une modification profonde du paysage est intervenue avec la réforme de la SNCF que le Parlement a adopté le mois dernier. Cette réforme, dont vous connaissez la teneur et dont l’ambition est de poser les bases d’un renouveau du transport ferroviaire, repose sur quelques principes simples :

- clarifier les responsabilités entre la SNCF et l’État ;
- décharger la SNCF de la charge financière des infrastructures, pour l’avenir comme pour le passé avec la reprise de 134 milliards de dette ;
- confier aux régions la responsabilité de l’organisation des services régionaux de voyageurs ;
- recentrer la SNCF sur la priorité à ses clients.

La réforme se traduit notamment par la création d’un nouvel établissement public, Réseau Ferré de France, qui sera propriétaire de l’infrastructure, celle-ci comprenant bien sûr les voles mais aussi des terminaux tels que les chantiers de transport combiné. RFF sera donc, dès sa création effective dans quelques semaines après la publication des principaux décrets d’application de la loi, un partenaire déterminant du transport combiné.

Je suis pour ma part convaincue que la réforme sera bénéfique au transport combiné, comme elle le sera pour les autres marchés du transport ferroviaire. En apportant plus de transparence dans la détermination des coûts constitutifs du transport, je pense en particulier qu’elle confortera la confiance entre les opérateurs routiers et ferroviaires qui interviennent dans la chaîne du combiné.

La détermination des péages d’infrastructure sera désormais l’un des leviers importants entre las mains de l’État, via RFF, pour orienter la politique des transports. À cet égard, je veux vous dire ma détermination à tenir compte dans la fixation des péages des spécificités du transport combiné et de la priorité que j’entends lui accorder au nom du Gouvernement.

Une réflexion va ainsi être engagée sans délai par RFF pour proposer au Gouvernement les principes de tarification les plus pertinents. La priorité à accorder au transport combiné fera partie du cahier des charges da l’exercice, tout comme l’exhortation à privilégier une approche pragmatique plutôt que les travaux de recherche économétrique.

Vous m’avez interpellée sur les infrastructures en soulignant que des investissements étaient nécessaires d’urgence pour faire face à la saturation de certains axes ferroviaires et de certains terminaux. Il convient en la matière de distinguer le court et le long terme.

Comme vous le savez, j’ai souhaité avec mon collègue Jean-Claude Gaudin compléter les cinq schémas directeurs d’infrastructures de transport è l’horizon 2015 prévus par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire par un schéma des plates-formes multimodales et du transport combiné, pour lequel nous avons confié une mission à Marc-Philippe Daubresse en sa qualité de président du conseil du transport combiné.

Son travail, qui devrait nous être officiellement remis dans les tous prochains jours, doit permettre d’avancer dans trois directions :

- la détermination des investissements nécessaires sur le réseau pour assurer au trafic une meilleure fluidité et, partant, une plus grande rapidité et une plus grande fiabilité du transport ;
- les priorités en matière d’équipements des terminaux intermodaux et les moyens de conforter le fonctionnement en réseau des pôles logistiques ;
- les principes pouvant guider l’éventuelle intervention financière de l’État en matière de terminaux multimodaux dans la perspective des prochains contrats de plan État-région.

Sur ce dernier point, je veux être claire : la planification et le financement des plates-formes logistiques ne relèvent pas de l’État. Son éventuelle participation à des opérations ne peut donc être qu’exceptionnelle et motivée par le caractère véritablement structurant de l’équipement au niveau national. Elle doit être en outre circonscrite aux seuls terminaux de transport combiné, c’est-à-dire à l’interface entre les modes. Dans ce domaine, comme dans tous les autres, l’État est tenu d’établir des priorités et de veiller à l’utilisation la plus pertinente de l’argent public.

Je suis certaine que les propositions de Marc-Philippe Daubresse, qui s’appuient m’a-t-il dit sur de nombreux avis recueillis auprès des professionnels, permettront de discerner avec pertinence ce que devrait être l’armature à moyen terme du réseau français du transport combiné. Nous disposerons ainsi d’un document de référence pour programmer les équipements les plus structurants de RFF dans ce domaine.

J’ai par ailleurs bien noté que ce travail était complété à plus court terme par un document établi conjointement par la SNCF, las opérateurs et le GNTC pour redéfinir les priorités les plus urgentes. Je vous invite, sans attendre la création effective de RFF, à le porter dès à présent à la connaissance de Claude Martinand, à qui le Premier ministre a confié une mission de préfiguration du nouvel établissement public et qui a vocation è en devenir le premier président.

J’en viens à présent au rôle essentiel qui incombe à la SNCF en tant que maillon ferroviaire dans le développement du transport combiné. C’est à l’évidence pour elle un axe prioritaire, puisque je rappelais que le transport combiné représente désormais le quart du trafic fret de la SNCF et connaît une croissance qui tranche avec l’évolution des autres segments de marché de transport ferroviaire. Aussi, c’est fort logiquement, comme l’a rappelé tout à l’heure Armand Toubol, que le projet industriel de la SNCF consacre la promotion du transport combiné comme l’une des priorités fortes de l’entreprise.

La première exigence à mon sens, et vous l’avez vous-même citée en premier, Monsieur le président, c’est la qualité, qui est la base de toute politique réellement centrée sur la satisfaction du client. Nous le savons bien, la concurrence entre les modes de transport se joue aujourd’hui sur le service avant de se jouer sur les prix. Il est donc essentiel que la SNCF progresse significativement dans la qualité de sa prestation.

Plus de qualité, cela veut dire bien sûr plus de fiabilité dans les délais d’acheminement, cela veut dire aussi une Information disponible en temps réel sur l’acheminement et une interface des outils informatiques des différents intervenants. Je comprends, Monsieur Toubol, que ces orientations sont au cœur des engagements que la SNCF entend prendre vis à vis des opérateurs du transport combiné dans le cadre de son projet industriel. Et connaissant votre attachement au service du client, je vous fais toute confiance pour les mettre en œuvre sous l’autorité du Président Gallois.

Au-delà de ces engagements, je crois aussi qu’il faut réfléchir dans deux directions originales sans avoir-peur de bousculer des habitudes bien installées – et il y en a à la SNCF –. Ces deux directions soit d’une part le renforcement des moyens spécifiquement dédiés au fret, d’autre part la recherche d’innovations techniques dans le traitement et le transport des charges.

Le transport ferroviaire de marchandises, qu’il s’agisse de combiné ou de fret classique, fait appel à des clients professionnels dont le niveau d’exigence est très élevé, d’autant plus qu’ils sont presque toujours en situation de se tourner vers la concurrence du transport routier. Pour faire face à ces exigences, il faut que la SNCF-Fret soit en situation de répondre vite en maîtrisant les principaux paramètres de son offre. C’est la raison pour laquelle je crois qu’il faut aller plus loin dans l’affectation aux équipes chargées du fret de moyens dédiés, en particulier pour ce qui concerne le matériel roulant et son environnement.

Les moyens dédiés, ce sont aussi des sillons dédiés, comme vous le souhaitez, Monsieur le président. Et je dirais même de bons sillons dédiés. Je pense en particulier à des sillons dédiés sur des axes de fort trafic à des heures adaptées, à l’image de ce que propose la commission avec ses corridors de fret. À cet égard, je rappelle que la position française reste très ouverte sur le principe des corridors de fret européens dès lors la réserve est importante – qu’ils s’inscrivent dans le cadre juridique actuel de la directive 91-440. Pour reprendre une expression heureuse du Président Gallois, nous sommes en faveur de « freight-ways » et non de « free-ways ». Et pourquoi pas commencer par des « freight-ways » réservés au combiné ?

Enfin, je le disais, il me semble nécessaire d’être innovant dans le traitement et le transport des charges. Je pense en particulier que des innovations sont possibles en matière de conteneurs, d’engins de manutention, de châssis, d’attelage, de longueur des trains… Des innovations sont sans doute aussi possibles dans l’organisation du travail. Heinz Dürr, l’ancien président de la Deutsche Bahn, disait souvent combien il lui semblait que le transport ferroviaire de marchandises avait été peu innovant durant les dernières décennies. J’ai la même intuition et je crois qu’il faut vraiment libérer les imaginations sans les étouffer prématurément dans le corset des préjugés et des règlements techniques. Je veux voir dans la conversion récente de la SNCF au pendulaire le signe de cette nouvelle ouverture d’esprit.

J’en viens à présent à l’aide financière spécifique des pouvoirs publics, dont vous avez souligné le rôle important dans l’essor du combiné depuis sa mise en place en 1995.

Je peux aujourd’hui vous annoncer que l’État poursuivra cet effort en 1997 en consacrant 350 MF au transport combiné, dont 50 MF iront aux investissements en matière de plates-formes. Dans le contexte budgétaire difficile que vous connaissez, la reconduction de ce soutien témoigne d’une vraie priorité politique et je peux vous dire que je me suis personnellement engagée pour défendre cette priorité.

Vous me permettrez de souligner que jamais un Gouvernement n’a consenti un tel effort en faveur du transport combiné. Celui-ci ne faisait en effet l’objet d’aucun soutien particulier avant 1993 et l’aide de 50 MF accordée en 1994 a donc désormais été multipliée par sept ! C’est donc bien d’un choix stratégique qu’il s’agit.

Cette aide doit cependant bien s’entendre comme un soutien incitatif à un marché émergent en vue de lui permettre d’atteindre le seuil où sa compétitivité pourra s’affirmer naturellement en termes d’offre comme de prix. C’est pourquoi je souhaite que la nouvelle convention à passer avec la SNCF, qui devra tenir compte du nouveau cadre institutionnel induit par la création de RFF, repose clairement sur un mécanisme incitatif conditionnant l’aide de l’État à un accroissement du trafic. Les orientations retenues d’un commun accord entre la SNCF et les opérateurs en matière de qualité devront également être prises en compte. C’est dans ce double esprit que j’ai demandé à mes services de travailler.

Vous m’avez enfin interrogée sur trois points de réglementation routière. S’agissant de l’autorisation de chargement à 44 tonnes, je vous confirme que mon intention est bien de laisser au seul transport combiné le bénéfice de cet avantage spécifique.

S’agissant, en second lieu, de la dérogation autorisant sur le territoire français à transporter deux caisses de transport combiné de 8,15 m, elle vient d’être examinée, à mon Initiative, par le Groupe interministériel de sécurité routière et a reçu un avis favorable. La mise au point définitive du décret est donc désormais en cours.

En revanche, comme je vous l’avais laissé entendre l’année dernière, nos efforts auprès de Bruxelles n’ont pas abouti sur la tolérance de 5 % souhaitée pour les tirants d’air.


Voici donc, Mesdames et Messieurs, les quelques mots que je souhaitais vous dire en clôture de votre assemblée générale, en espérant vous avoir persuadés que le développement du transport combiné est pour moi un enjeu prioritaire de la politique des transports.

Les résultats très encourageants déjà obtenus n’auraient pas pu l’être sans l’effort de tous : de la SNCF, des transporteurs routiers, des opérateurs CNC et NOVATRANS, des chargeurs mais aussi des pouvoirs publics.

Le Gouvernement maintiendra cette année son appui avec la conviction que sa confiance est bien placée et que le succès sera à nouveau au rendez-vous.