Rapport introductif de Pierre-Jean Rozet, secrétaire de la CGT, et déclaration de M. Louis Viannet, secrétaire général de la CGT, publiés dans "Le Peuple" du 14 novembre 1996, sur la préparation du 45ème congrès de la CGT et ses positions en matière d'emploi et de réduction du temps de travail.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du Comité confédéral national (CCN) de la CGT les 29 et 30 octobre 1996

Média : Le Peuple

Texte intégral

Le Peuple : 14 novembre 1996

Où en sommes-nous des priorités que nous nous sommes fixés au 45e congrès ?

Rapport introductif présenté par Pierre-Jean Rozet, secrétaire de la CGT.

Chacun mesure bien les responsabilités qui incombent à notre CCN dans cette période. Les différents sujets à l'ordre du jour, la nécessité de matérialiser, à ce moment, les propositions d'actions portées par la commission exécutive depuis le début du mois de septembre vont nous donner l'occasion d'échanger sur le développement des luttes, le contexte économique, social dans lequel nous évoluons et sur lequel nous voulons peser.

Nous aurons donc à prendre collectivement un certain nombre de décisions concernant les perspectives d'actions ou concernant la vie de la CGT, des décisions qui sont attendues par les militants, les syndiqués de la CGT, même si personne ne reste l'arme au pied.

Prendre de la hauteur

Dans le même temps, le CCN doit jouer tout son rôle d'instance souveraine de la CGT entre deux congrès et donc procéder à un examen collectif de la réalité de la mise en oeuvre de orientations, telles qu'elles ont été définies à notre 45e congrès, des difficultés rencontrées, et des impulsions nécessaires pour être en capacité de répondre aux défis que nous avons identifiés.

Il s'agit bien de donner une portée concrète à notre objectif de revalorisation du rôle du comité confédéral national, c'est le sens de la note préparatoire envoyée aux organisations.

Nous allons donc essayer de prendre de la hauteur comme on dit. Prendre de la hauteur, c'est vouloir balayer du regard une zone plus large que si nous étions restés en bas, c'est aussi prendre le risque de gommer quelques aspérités du terrain et donc d'être parfois un peu schématique dans l'appréciation de la réalité.

Mais c'est un parti pris que le rapporteur assume pour ce qui lui revient, vous n'aurez donc pas dans cette introduction une revue de détail de la situation et la vie CGT, mais plutôt quelques coups de projecteurs sur tel ou tel aspect de la réalité, en essayant de marquer les évolutions profondes qui traversent une simple lecture de l'actualité.

D'où une structuration de ce rapport en trois points principaux.

Premièrement, où en sommes-nous des priorités que nous nous sommes fixés au 45e congrès, ce que nous avons fait bouger, les obstacles rencontrés.

(Il n'a échappé à personne que cette première partie reprend l'ordre du jour proposé).

Une deuxième partie traitera de la situation sociale en mouvement, et la troisième du besoin du syndicalisme renouvelé.

Tout d'abord donc où en sommes-nous des priorités dans le redimensionnement de notre activité syndicale pour répondre aux défis de l'heure ?

Un examen lucide de la situation doit nous permettre d'identifier à la fois des avancées certaines dans la mise en oeuvre de notre démarche, en même temps que des blocages persistants, qui contribuent à freiner la dynamique nécessaire.

Nous cherchons à construire un mouvement social

Regardons tout d'abord ce que nous avons été en capacité de faire bouger dans le mouvement social.

Incontestablement, notre conception de luttes vécues comme un processus a gagné en crédibilité, même si cette conception n'est pas encore généralisée dans l'état d'esprit des salariés, et dans les perspectives qu'ils se donnent.

Un processus où s'appuient l'une sur l'autre initiatives locales, régionales et nationales, initiatives professionnelles et interprofessionnelles, initiatives des actifs et des retraités, initiatives revendicatives sur le lieu de travail de celles de caractère plus « sociétales ».

Nous ne visons pas, en effet, une addition de mécontentements, par cercles de plus en plus larges et débouchant sur « la plus grande journée nationale » où serait décroché le pompon des succès revendicatifs. Nous cherchons véritablement à construire un mouvement social où se nourrissent luttes sur le lieu de travail, luttes de caractère plus national, pour gagner à chaque niveau où les problèmes sont posés de manière concrète.

Chacune à leur manière, les luttes de la dernière période et l'écho qu'elles ont rencontré bien au-delà des personnels directement concerné ont témoigné de la validité de cette construction de l'action revendicative.

Il est impossible de les citer toutes. Mais regardons comment les luttes pour la sauvegarde de l'outil industriel de défense nationale, articulées au besoin de développement des régions concernées, la construction de l'initiative à Aurillac le 16 novembre, les manifestations du 22 octobre avec les retraités, le positionnement actif de la CGT dans la lutte des « sans-papiers », les luttes du secteur bancaire ou du secteur financier service public, les actions dans l'Éducation nationale, les fonctions publics, les différents services publics. Toutes ces luttes ont, à leur manière, révélé des potentialités nouvelles de luttes, contribué à enraciner et surtout à élargir le nombre de ceux qui sont dans l'action, ont permis de poser le débat public sur les enjeux, voire à obtenir de premiers reculs.

En nous appuyant sur ce foisonnement d'initiatives diversifiées nous voulons, en permanence, rechercher les conditions d'élargissement des luttes : il s'agit bien de faire grandir la perception de convergences d'intérêts entre les différentes catégories de salariés, pour permettre une convergence dans l'action afin de se donner les moyens de peser sur le cours des évènements.

Nous le mesurons tous : la volonté d'un « tous ensemble » s'affirme de plus en plus dans les débats avec les salariés, qu'ils se situent dans les secteurs en action ou non. Mais cela ne suffit pas à provoquer automatiquement les mise en mouvement nécessaires à la concrétisation de ce « tous ensemble » dans l'action.

Les deux commissions exécutives que nous avons tenues depuis la rentrée ont d'abord mis en perspective, puis précisé l'idée d'une initiative nationale interprofessionnelle de grande ampleur où puissent se retrouver salariés du privé comme du public, actifs comme retraités, privés d'emplois, comme salariés de grandes entreprises ou de PME.

La pleine réussite de la journée de grève du 17 octobre dans les secteurs concernés, comme le succès dû au nombre de manifestants dans les rues que personne n'a pu ignorer, tout cela a conforté la nécessité d'une initiative interprofessionnelle, seule à même de permettre un élargissement de ceux qui se trouvent dans l'action.

Dans ce contexte sont visibles aussi les modifications concernant l'attitude des autres centrales syndicales, rendant perceptible pour les salariés la possibilité d'un syndicalisme plus rassemblé, conception que nous avons faite nôtre, lors de notre dernier congrès, et qui a gagné en crédibilité depuis lors.

Dans la situation d'extrême faiblesse que celle du syndicalisme dans notre pays, il est clair que l'unité syndicale est vécue par des centaines de milliers de salariés, (qu'ils soient ou non syndiqués), comme un levier indispensable à leur mise en mouvement, à la mise en action. De même, le processus de luttes auxquelles nous participons activement, marqué par des actions unies, massives, déterminées partout où elles se déroulent, conduit chaque organisation, chaque confédération syndicale à reconsidérer son attitude et son comportement et favorise ainsi les rapprochements et les perspectives d'actions interprofessionnelles et unitaires.

La perspective d'un tous ensemble

Dans notre construction du rassemblement, nous entendons bien agir aux deux niveaux : celui de l'élargissement des luttes revendicatives, enracinées à l'entreprise et celui de l'impulsion confédérale la plus large et la plus unitaire possible afin de rendre véritablement palpable pour chacun où qu'il se trouve, la perspective d'un « tous ensemble » qui se manifeste dans la rue.

Nous visons le rassemblement de toutes les forces syndicales, sans rien édulcorer des différences, des divergences voire des oppositions qui existent sur tel ou tel sujet, mais avec la volonté de véritablement construire un rapport de forces qui permette aux salariés de véritablement peser sur les choix actuels, et d'imposer de véritables réponses au contentieux revendicatif très lourd de ces dernières années.

Nous refusons par là même de nous laisser enfermer dans ce qui serait un bloc syndical réduit rassemblant ceux qui apparaîtraient comme les plus contestataires, parce que nous n'acceptons pas la situation de division et d'éparpillement qui caractérise le champ syndical français, pas plus que nous n'acceptons les manoeuvres d'appareil de recherche du leadership, ou les courses aux présidences de conseil d'administration : manoeuvres et courses qui donnent une image bien peu glorieuse du syndicalisme dans notre pays.

Partout où la CGT a été en capacité de porter à la fois ses propres objectifs revendicatifs et la recherche constante de l'unité en toute transparence et sous la responsabilité des salariés, des prises de conscience se sont manifestées, des luttes rassembleuses ont été rendues possible, des acquis ont été obtenus.

Au contraire, dans les endroits où la CGT se relie sur elle-même, dans une attitude étroite, défensive, (et convenons que nous connaissons tous quelques-uns de ces endroits) ce sont tous les adversaires de l'unité qui marquent des points, le gouvernement et le patronat qui peuvent tirer les marrons du feu, et donc finalement, les salariés qui se retrouvent perdants.

Nous sommes amenés à impulser un processus d'action dans un climat qui se modifie tous les jours, et même plusieurs fois par jour, ce qui fait que certains membres du bureau confédéral n'ont pas forcément l'ensemble des éléments, que je vais livrer au CCN ce matin. Cette situation fluctuante nécessite donc de garder en permanence les yeux fixés sur notre boussole du 45e congrès, la boussole d'un syndicalisme plus rassemblé, plus conquérant, plus audacieux, bref un syndicalisme qui se donne les moyens de relever les défis de la solidarité, du progrès social, de la citoyenneté, de l'unité.

Bien sûr au fur et à mesure que grandit cette perspective surgissant de nouvelles difficultés, de nouveaux obstacles qui peuvent à tout moment nous tirer en arrière.

Mais l'aspiration au « tous ensemble » qui s'exprime de plus en plus fortement est un point d'appui pour nous, pour notre stratégie. Les potentialités son réelles à condition de bousculer les réticences et de ne jamais perdre de vue l'essentiel, à savoir développer les potentialités que recèle le mouvement social, les développer le plus loin possible afin de mettre les salariés, tous les salariés, en situation de gagner sur leurs revendications.

Ainsi, la façon dont nous avons positionné la perspective d'une journée interprofessionnelle d'action dans l'unité la plus large, sans précipitation mais en travaillant à la faire porter par un nombre important de salariés, la façon dont dans le même temps nous portons l'exigence de l'unité, obligent chacune des confédérations à sortir du bois.

C'est vrai de la CFDT que nous avons rencontrée jeudi dernier ici même à Montreuil.

Cette rencontre a été l'occasion d'examiner les points de vue de chacun sur la situation économique et sociale, de constater à la fois des divergences persistantes, par exemple sur le contenu de la réforme de la Sécurité sociale, mais aussi la possibilité d'actions communes ou convergentes sur des pistes comme l'emploi, la réduction du temps de travail, les salaires.

Bien entendu, nous ne mettons pas toujours les mêmes contenus revendicatifs derrière ces termes génériques, mais ce sont aux salariés qu'il appartient de trancher ; nous avons en tous cas réaffirmé qu'en tout état de cause il est urgent aujourd'hui d'élever le rapport de forces en faveur des salariés, faute de quoi, il serait illusoire d'espérer un quelconque progrès social dans ce pays.

Afin de lever toute ambiguïté, la direction confédérale de la CGT a donné acte à la CGT de sa non-participation aux incidents visant Nicole Notat lors de la manifestation du 17 octobre, et a remercié le service d'ordre de la CGT de son attitude à ce moment.

A notre interpellation pour une journée interprofessionnelle d'action dans cette période, la CFDT s'est déclarée mandatée par son conseil national pour examiner avec l'ensemble des confédérations la possibilité d'une journée d'action de ce type.

La période de la fin novembre a été évoquée, mais la CFDT souhaite consulter ses organisations et ne souhaite pas un tête-à-tête avec la seule CGT.

Un nouveau contact est prévu en début de semaine prochaine.

Les contacts téléphoniques que nous avons eus avec l'Unsa d'une part, la FSU d'autre part, indiquent que ces organisations envisagent leur participation à une initiative interprofessionnelle unitaire.

De son côté, Force ouvrière renvoie toute décision à sa commission exécutive du 5 novembre, en disant que rien n'est figé. Mais la perspective d'une initiative commune ou convergente d'une grande partie des forces syndicales a conduit le bureau confédéral de FO à préciser ses propositions dans une déclaration qui est tombée cette nuit.

Intitulée « manifester pour se faire entendre », cette déclaration pointe des objectifs revendicatifs, pouvoir d'achat, contre le plan Juppé, arrêt des licenciements, réduction du temps de travail sans perte de salaire. Cette déclaration se termine ainsi : « Pour FO, il convient non seulement de maintenir, mais d'accroître la mobilisation ».

C'est dans ce but que la prochaine commission exécutive confédérale a été avancée au 5 novembre 1996.

Le bureau confédéral, dans la suite des actions entreprises et dans la volonté d'accroître la mobilisation, proposera, dans l'immédiat, l'organisation de manifestations à la mi-novembre, dans les principales villes des départements permettant aux salariés du privé et du public, aux chômeurs et aux retraités d'exprimer leurs revendications.

Tout dépendra de la poussée unitaire

Bref, si des potentialités existent pour permettre une ou des journées interprofessionnelles à l'appel convergent de plusieurs organisations, rien n'est véritablement formalisé, et tout dépendra donc de la poussée unitaire que nous serons capables ou non de faire grandir dans cette période, d'autant que nous ne sommes pas à l'abri de manoeuvre de tel ou tel pour faire capoter le processus unitaire.

Il est clair que l'attitude de la CFDT assument pleinement son rôle d'interlocuteur privilégié du gouvernement et du patronat ne facilite pas les choses, mais le contentieux que nous pouvons avoir avec FO n'est pas moins lourd.

Remarquons ainsi que les passes d'armes entre la CFDT et FO, par médias interposés, ne les ont pas empêchés de tous s'entendre avec le patronat pour se répartir tranquillement les présidences des caisses de Sécurité sociale en Île-de-France et dans certaines régions.

Nous ne rentrerons pas dans ces jeux destructeurs, par l'image d'un syndicalisme qu'ils mettent en avant.

Au contraire, si nous tenons bien sur notre démarche de construction revendicative à l'entreprise, sur notre démarche de relance du débat public, sur le besoin d'être ensemble, si nous nourrissons d'ici la fin novembre cette perspective par une multitude d'actions, d'interventions, de luttes, sur le lieu de travail, au plan local ou départemental, au plan professionnel, nous pouvons être en situation de construire une initiative très rassembleuse à la fin de ce mois.

D'ores et déjà, des initiatives d'action sont programmées de façon unitaire pour l'ensemble au mois de novembre par différentes professions. Je ne peux les citer toutes :

– le 30 octobre, dans le textile-habillement-cuir à l'appel de toutes les organisations ;
– un rassemblement des services publics devant le Sénat ;
– le 14 novembre, avec les journalistes dans l'unité ;
– 6 fédérations des finances appellent à une semaine d'action du 12 au 15 novembre ;
– dans la même semaine notre fédération des travailleurs de l'État propose une semaine d'actions revendicatives après une journée nationale d'action le 6 novembre ;
– le 18 novembre, les salariés des transports routiers, le 20 novembre, les syndicats CGT et CFDT de Thomson appellent à l'action, la métallurgie propose une action le 22 novembre ;
– enfin des constructions unitaires d'actions se précisent chez les retraités, le secteur financier semi-public, à EDF.

Les cheminots vont avoir une journée d'action européenne avec manifestation à Bruxelles, dans la troisième semaine de novembre.

C'est avec la volonté de nourrir encore plus l'activité revendicative et surtout de permettre l'engagement de nouveaux secteurs dans la lutte, que le bureau confédéral fait la proposition au CCN d'une semaine forte d'actions du 12 au 16 novembre, faite d'initiatives multiples, diversifiées, professionnelles, interprofessionnelles, avec arrêts de travail, rassemblement, démarches unitaires auprès des directions d'entreprises, des pouvoirs publics et se concluant par de fortes manifestations de caractère interprofessionnel, le samedi 15 novembre.

S'appuyant sur des contenus revendicatifs concrets, décidés par entreprise, branche, localité, cette semaine doit nous permettre de nous adresser en grand à des milliers de salariés qui ne sont pas en contact avec la CGT, pour qu'ils participent activement au processus revendicatif en construction, les unions locales pouvant jouer un rôle déterminant dans ce domaine.

Cette semaine sera aussi l'occasion d'interpeller les autres organisations syndicales sur les lieux de travail, dans les départements, localités, professions pour créer partout où c'est possible les conditions du rassemblement le plus large dans l'action. La déclaration du bureau confédéral de FO peut nous y aider.

Nous avons tous noté qu'il n'y a pas automaticité des salariés entre l'expression de la volonté du « tous ensemble » et leur mise en mouvement dans des luttes convergentes. Si nous réussissons à donner un caractère pleinement revendicatif, pleinement de lutte à cette semaine d'action, nous pouvons contribuer à positionner une journée de fin novembre sur de bonnes bases. Mais rien n'est joué.

S'emparer du processus de luttes

La semaine d'action comme les manifestations du samedi 16 novembre peuvent marquer plus fort la volonté des salariés de s'emparer du processus de lutte, peuvent aider à balayer les obstacles persistants à l'unité.

Notre initiative d'Aurillac, qui se prépare depuis plusieurs mois et dans laquelle 19 unions départementales sont impliquées directement, prend évidemment un caractère très fort dans la construction de la journée de manifestations du 16 novembre, sur la conception et les formes desquelles le CCN aura à débattre. Avec ces différents aspects, le CCN est désormais en possession de l'ensemble des éléments pour apprécier la situation et décider de la meilleure façon de poursuivre le processus de lutte.

Oui, incontestablement, sur ces questions du processus de lutte, de syndicalisme rassemblé, nous avons contribué à modifier positivement la donne sociale, même si de nouvelles difficultés surgissent à chaque pas en avant.

En même temps que nous constatons des avancées, il nous faut mesurer les points d'accroche que nous rencontrons dans la mise en oeuvre des orientations du 45e congrès, pour aider l'ensemble des organisations de la CGT, l'ensemble de ses syndiqués à s'investir plus résolument dans la concrétisation ce que nous avons décidé.

Je voudrais insister sur deux points, dont vous conviendrez qu'ils ne sont pas mineurs, à savoir la construction revendicative et les questions du renforcement de la CGT.

En matière de construction revendicative, il semble bien que nous ayons quelques difficultés à ouvrir des perspectives offensives aux revendications sur le lieu de travail. C'est vrai en matière d'emploi ou si nous voyons bien des salariés en luttes massives pour la défense de l'emploi, si nous constatons un élargissement de ces luttes, à des villes, des régions entières qui risquent de se trouver sinistrées du fait des stratégies patronales ou gouvernementales de bradage de l'emploi, nous avons encore du mal à ne pas être uniquement sur la défensive sur cette question.

Or cette question du développement des activités productives dans notre pays, et singulièrement du développement des emplois industriels est sans doute l'une des questions décisives que nous devons mieux traiter. Décisives pour l'emploi en général, mais aussi pour la capacité présente et future du pays à générer des richesses, donc la capacité de l'État à jouer un rôle régulateur dans une autre répartition de ces richesses.

Autrement dit, comment accrochons-nous notre exigence d'une nouvelle politique industrielle, aux besoins des salariés, des populations, bien au-delà des salariés relevant directement de ces secteurs.

Les luttes de la dernière période et particulièrement les succès remportés en matière de maintien voire de développement de services publics dès lors que cette exigence s'appuie sur les besoins des usagers, doivent nous donner à réfléchir.

De même l'accélération des mesures de bradage de notre industrie, accélération illustrée jusqu'à la plus extrême limite par des conditions de dépeçage du groupe Thomson témoigne de la volonté gouvernementale de sacrifier délibérément les fleurons technologiques français sur l'autel de la stratégie financière des sociétés transnationales, sur fond de critères de convergences des déficits publics à tenir coûte que coûte. Dans le même temps, l'ampleur de réactions d'étonnement, puis de protestations, puis de colère, puis de lutte ainsi que le débat public qui s'instaure doit nous inciter à être très offensifs sur les stratégies industrielles des groupes, le besoin d'emploi, ainsi que du rôle de l'État dans des secteurs vitaux en matière de politique industrielle notamment dans l'aéronautique, le nucléaire, les télécommunications, l'électronique. Quand la « Tribune » d'hier indique que 72 % des Français désapprouvent la cession de Thomson, que 66 % indiquent qu'une entreprise publique en difficulté financière doit être gardée par l'État, quitte à ce qu'il renfloue, nous avons de quoi alimenter ce débat.

Nous aurons à réfléchir dans le prolongement de la commission exécutive de septembre aux types d'initiatives à prendre d'un point de vue confédéral pour gagner en crédibilité, sur les besoins de l'emploi industriel en s'appuyant et en élargissant le travail déjà réalisé par les fédérations concernées.

Aider à une construction revendicative offensive en matière d'emploi, mais aussi de salaire. Je ne développe pas sur ce point, mais pour s'en tenir à la simple revendication du Smic à 8 500 francs, force est de constater que le plus difficile n'est pas de procéder à sa réévaluation, lors d'un CCN. Le plus difficile est de le faire porter par les salariés sur le lieu de travail, en lien avec la diversité des revendications salariales liées aux grilles professionnelles, aux statuts, aux catégories, aux qualifications qui sont en oeuvre dans le travail. Aider à mieux connaître, à mieux faire porter cette revendication CGT d'un Smic à 8 500 francs bruts par un plus grand nombre de syndicats est bien l'une de nos responsabilités du moment.

Oui, il nous faut véritablement aider à insuffler sur l'ensemble des domaines revendicatifs, l'esprit de conquête que nous affichons depuis les débuts de cette rentrée.

Notre campagne sur le plein emploi solidaire n'a rien perdu de son opportunité, elle peut trouver aujourd'hui un second souffle si nous arrivons à bien lier construction revendicative « en bas » avec les perspectives de temps forts coordonnés en préparation qui vont aider à l'ensemble.

Le projet de document repères revendicatifs

C'est dans cet esprit d'aider à construire une activité revendicative offensive qu'a été construit le projet de document « repères revendicatifs » qui vous a été adressé et dont nous discuterons demain matin. Un certain nombre de réflexions et de propositions nous sont déjà parvenues qui vont contribuer à préciser ou enrichir le texte.

Je veux simplement revenir sur la structuration de ce document et ce qui l'a motivé : une présentation par fiches, qui reprend les principaux axes revendicatifs de la CGT définis par les orientations du congrès, auxquelles s'ajoutent des annexes qui développent chacune un thème particulier. Nous visons avec cette présentation, la possibilité d'avoir une actualisation permanente des grands repères revendicatifs de notre organisation plutôt qu'un code adopté tous les trois ans, au congrès confédéral.

Ainsi des réflexions, des productions des différentes instances de directions confédérales, voire des déclarations pourraient s'insérer dans un document de ce type, au fur et à mesure de leur élaboration.

De même, ce type de document veut essayer de ne pas trop figer les choses, il suppose une alimentation revendicative de la part des syndicats, qui en seront destinataires, mais aussi pourquoi pas de la part des fédérations, d'unions départementales, d'unions locales à partir de leurs propres réalités de terrain, de leur propre perception des besoins des salariés avec qui ils sont en contact.

Loin du « prêt à penser », nous voulons réaliser un « prêt à aider » pour l'activité revendicative sur le lieu de travail. Avons-nous tenu cet objectif ? La discussion de ce CCN permettra au moins de répondre à cette question.

Notre outil de défense des consommateurs Indecosa

Autre outil pour la démarche revendicative de la CGT, et ce n'est pas un hasard s'il se situe à cet endroit du rapport, je veux parler de notre outil de défense des consommateurs salariés : Indecosa.

Le débat sur l'activité de notre association aura lieu également demain matin, la tenue toute récente de l'Assemblée générale d'Indecosa, me permet d'en dire quelques mots dès maintenant.

Voyons tout d'abord que la profondeur et la dureté de la crise capitaliste actuelle conduit à l'émergence puis à l'extension de problèmes économiques et sociaux brutaux qui remettent en cause le droit même à la consommation, alors que ce droit devrait être un droit à minima dans une société développée. Quand 5 millions de personnes touchent moins de 2 500 francs par mois, 12 millions sont en situation de pré-exclusion du fait de la précarité, 1,8 million sont privés de carnets de chèques et de cartes de crédit, le rapport à la consommation (ou plutôt le non-rapport) est l'un des signes de fracture grave dans notre société et la CGT ne peut pas être indifférente à ces questions.

Comme association de défense des intérêts individuels et collectifs des consommateurs salariés, Indecosa a une place originale à prendre dans la bataille revendicative de la CGT. Une place originale à prendre cela ne signifie pas que la CGT se déchargerait sur son association de thèmes revendicatifs qu'elle ne couvrirait pas. Le 45e congrès a clairement réaffirmé de ce point de vue le nécessaire investissement par la CGT de l‘ensemble du champ revendicatif, y compris des questions qui ne trouvent pas a priori leur résolution sur le lieu même du travail.

Ce qui est sûr, c'est que dans les batailles revendicatives que nous menons, ou dans celles que nous allons mener, chaque fois qu'il manquera la porte d'entrée « consommateur », matérialisée par Indecosa et porteuse de ses réflexions propres, ce ne sont pas seulement les camarades d'Indecosa qui auront de légitimes raisons de mécontentements, c'est toute la CGT qui partira affaiblie dans cette bataille.

Alors interrogeons-nous collectivement sur comment permette à Indecosa de se déployer pleinement en terme de présence géographique, en terme d'activité propre, en terme d'action commune avec les autres organisations de consommateurs. La réussite du colloque européen, organisé avant l'assemblée générale qui a rassemblé 36 organisations provenant de 10 pays et qui a mis en avant la nécessité de luttes et de solidarités nouvelles pour construire une autre Europe garantissant les droits des consommateurs, témoignent des potentialités en la matière.

Regardons quelles possibilités de démultiplier notre activité par l'apport d'organisations CGT qui ne sont pas encore investies, dans la réflexion et l'action d'Indecosa. Des problèmes, voire des contradictions surgissent ici et là ? Ils ne sont pas dramatiques pour peu qu'il y ait une véritable osmose entre l'activité de la CGT et celle de son association de consommateurs et la volonté commune de travailler ensemble à la mise en oeuvre de nos orientations et de notre démarche revendicative.

Appuyons-nous sur les nombreuses coopérations à tous les niveaux sur tel et tel sujet qui ont eu lieu dans la dernière période. Comme il ne m'est pas possible de les citer toutes, je n'évoquerais à titre d'exemple que le tract commun, interpellant salariés et usagers sur les questions de la tarification de l'eau, réalisé, dans une région qui m'est chère, par Indecosa, Rhône-Alpes, le syndicat CGT de l'Agence de l'eau, la coordination régionale des services publics CGT et le comité régional CGT.

Autre outil pour favoriser notre démarche revendicative, notre recherche de l'unité, je veux parler de « L'Hebdo » qui connaît une situation de diffusion plus que préoccupante.

Vous avez été destinataires d'une lettre de Louis Viannet, qui proposait :

« d'engager une vaste réflexion sur la place à donner à notre hebdo, réflexion qui doit intégrer tout à la fois la question de l'effort de diffusion, de l'engagement des lectrices et lecteurs pour le rayonnement du journal, des différentes formes de diffusion à développer, du contenu et de l'articulation entre les efforts de promotion et les grands dossiers portés par « L'Hebdo ».

Pour ce faire « un questionnaire va être élaboré pour aider à la fois à la discussion et à la collecte des opinions et, il va de soi, que le CCN aura pour tâche de définir les orientations de travail. Ce questionnaire aura pour ambition d'interpeler les dirigeantes et dirigeants de fédérations, unions départementales, unions locales, syndicats, les lectrices et lecteurs mais aussi, au travers de discussions qu'il conviendra d'organiser à partir du lieu de travail, les lectrices et lecteurs potentiels, syndiqués ou non, qui considèrent que la CGT a un rôle essentiel à jouer dans la période présente ».

La présence d'un outil CGT régulier sur le lieu de travail n'est pas une petite question, convenons-en, nous aurons bien évidemment à y revenir.

Où en sommes-nous sur la syndicalisation

Après avoir examiné la manière dont nous favorisons la construction revendicative depuis l'entreprise, regardons où nous en sommes sur les questions de syndicalisation et de la place des syndiqués dans l'organisation syndicale car ce sont bien les deux facettes d'une même problématique.

L'envoi par avance du document « rendez-vous de la qualité de vie syndicale » regroupant par organisation les éléments sur le placement FNI et leur règlement, les cotisations, les adhésions nouvelles, la diffusion de « L'Hebdo » et le nombre de stages de formation syndicale doit permettre à chacun d'approfondir les éléments de vie syndicale qui le concernent, et de nourrir la réflexion collective du CCN sur ce point.

Si nous parlons chiffres, la situation au 30 septembre 1996 s'établit comme suit, en termes de règlement à la confédération :

Pour l'année 1995 : 478 146 FNI actifs / 146 839 FNI retraités
Pour l'année 1996 : 322 030 FNI actifs / 94 453 FNI retraités.

Certes, nous pouvons enregistrer des progrès incontestables en matière de syndicalisation, qui sont autant de points d'appui pour déployer une démarche conquérante de renforcement de la CGT.

Le fait que 16 fédérations dont 12 du secteur privé annoncent plus d'adhérents en 1995, qu'en 1994.

Le fait que 29 unions départementales aient atteint au 30 septembre 1996 le nombre de syndiqués de la fin de l'année 1995, et sont donc en position de conquête.

Le fait qu'avec 53 750 adhésions nouvelles recensées par les unions départementales et la création de 1 420 bases nouvelles en 1996, nous ayons la meilleure situation à fin septembre de ces cinq dernières années.

Tout cela mérite analyse, réflexions pour aller encore plus avant ; la table ronde organisée par « Le Peuple » dans son dernier numéro trace un certain nombre de pistes en matière de vie d'organisation, mais il revient à chacune des organisations de la CGT de faire son propre bilan en la matière pour conforter et impulser une démarche de syndicalisation permanente.

Mais dans le même temps, ne nous abusons pas nous-mêmes : ces bons résultats sont encore trop partiels et reposent sur un nombre trop faible d'organisation.

Le fait qu'au 21e mois de l'année 1995, nous ne soyons pas aux 100 % de FNI réglés à la confédération est préoccupant.

Pour parler vite, nous arrivons à stabiliser les effectifs, nous ne sommes toujours pas en position de réelle conquête, alors que le mouvement social a connu ces derniers mois des mobilisations inégalées depuis plus de 20 ans, alors que le regard porté sur le syndicalisme, la CGT, ses valeurs, son comportement s'est amélioré de façon spectaculaire dans la dernière période.

Il nous faut regarder les choses lucidement : nous n'avons pas gagné l'intime conviction des syndicats, des syndiqués de la nécessité vitale du renforcement pour la vie et l'avenir de la CGT et du syndicalisme dans notre pays.

Il a vraiment nécessité de lancer ou de relancer le débat public à la fois sur le besoin de syndicalisme et sur l'engagement indispensable de chaque individu pour assurer la pérennité d'un syndicalisme en permanence sous le contrôle de ses adhérents, avec l'ambition de permettre le rassemblement du monde du travail autour de revendications porteuses de progrès.

Notre CCN pourrait être l'occasion d'avancer quelques pistes de réflexion sur cette question, qui ne suppose pas de réponses conjoncturelles, mais suppose un travail de grande ampleur.

J'en viens à ma deuxième partie intitulée « une situation sociale en mouvement », là aussi en tentant de sortir de l'évènementiel, pour repérer quelques évolutions profondes dans la situation sociale française, dans le syndicalisme, dans la situation européenne.

En ce qui concerne la situation dans notre pays, je m'en tiendrais à quatre éléments pour lesquels il n'y a pas simplement aggravation de la situation, mais bien structuration différente qui impose donc une mise à jour de nos angles d'approche CGT sur ces sujets ; la politique publique de l'emploi, la protection sociale, le paritarisme, la négociation collective.

Politique publique de l'emploi

En matière de politique publique de l'emploi, il semble que nous assistions à certaines modifications des politiques menées de la part de l'État.

Les dépenses publiques d'emplois (qui approchent, rappelons-le les 300 milliards de francs par an) ont avant tout consisté à retirer certaines catégories sociales du marché du travail : les jeunes au titre de la formation, les travailleurs plus âgés au titre des préretraites qui commencent de plus en plus tôt. Elles ont permis autour du secteur public et social, la création de quelques centaines de milliers de postes de travail à temps partiel, sous-payés. Mais ces politiques n'ont jusqu'à une période récente jamais réellement mordu sur le secteur privé.

Même en phase de croissance plus soutenue comme en 1994-1995, un examen attentif montre que le volume de travail n'a pas augmenté sur cette période, mais que ce sont les modalités d'emploi qui se sont transformées, confortant des formes structurelles de sous-emploi appelées à se pérenniser : temps partiel imposé, emplois précaires de toutes sortes, formes diverses de gestion du sous-emploi internes à l'entreprise.

Tout indique que le pouvoir politique veut franchir une étape de ce point de vue.

Tout d'abord on décide la mise en place d'un système de calcul des cotisations sociales incitatif à l'emploi à temps partiel de la main d'oeuvre. Le coût d'embauche d'un salarié à temps partiel est réduit relativement à celui d'un salarié à temps plein.

La loi de Robien

Cette loi est la porte ouverte à toutes les dérives. Au nom de la gestion sociale des sureffectifs, le temps de travail est diminué. Mais tout le coût est reporté sur les budgets publics voire au-delà puisque certains calculs montrent que l'entreprise peut à cette occasion faire baisser la masse salariale.

La réduction du temps de travail se trouve ainsi détournée de son objectif et réduite à une modalité de gestion du sous-emploi financée par les budgets publics.

On ne rompt pas avec la logique de la baisse du coût du travail. On cherche simplement à contourner le problème par transfert de charges sur les budgets publics.

Les questions clés des autres coûts dans l'entreprise ne sont pas abordés. Pourtant ceux-ci représentent 75, 80, 85 % du chiffre d'affaires dans certaines branches.

Cette structuration durable du sous-emploi tend à irriguer toutes les sphères de l'activité économique, et tend à concerner un nombre de plus en plus important de catégories de salariés.

Elle frappe de plein fouet ceux qui entrent sur le marché du travail, ou plutôt ceux qui souhaiteraient y entrer : les jeunes.

Depuis près de 20 ans, les jeunes ont expérimenté l'ensemble des mesures de flexibilité et de précarité qui se diffusent maintenant dans tout le salariat.

La récente enquête de l'Insee sur les revenus, reprise par « L'Hebdo » de la semaine dernière, est éclairante sur les situations de plus en plus dramatiques subies par la jeunesse : le taux de pauvreté chez les jeunes a doublé en 30 ans, passant de 9,3 % à 18,5 % ; 35 % des bénéficiaires du RMI ont moins de 30 ans, alors que l'âge minimal d'attribution est de 25 ans.

L'Insee relève que « jusqu'à présent chaque génération a toujours disposé à âge égal d'un niveau de vie supérieur ou égal à celui qui l'a précédée (…). Or, les générations nées vers 1970 débutent leur cycle de vie à un niveau voisin de celle nées vers 1950 ».

Cette situation vécue par les jeunes de la précarité permanente, de l'impossibilité de construire véritablement sa vie, de faire des projets, de concrétiser les rêves débouche sur des réactions de ras le bol, d'exaspération, voire de violence de la part des jeunes. C'est une agressivité à fleur de peau par rapport à une situation dont ils ne voient pas d'issue.

Or, ces jeunes ne sont pas en permanence en dehors de l'entreprise. Ils y passent au fur et à mesure que se déroulent leurs contrats. Ils ont donc l'occasion d'être en contact avec l'organisation syndicale.

Perçoivent-ils pour autant que nous sommes le syndicat qui peut porter leur révolte ? Force est de constater que non, même si des efforts importants ont été faits, par beaucoup d'organisation dans la dernière période pour multiplier les contacts avec ces jeunes en situation de transition dans l'entreprise.

Le récent conseil national du CCJ, qui a réuni plus de 60 jeunes avec une majorité de précaire, a vu s'exprimer des réactions de colère, voire de mise en accusation y compris de la CGT sur cette question de la précarité permanente. Cela ne peut pas nous laisser indifférents.

La question de construire une alternative à leurs situations avec les jeunes eux-mêmes n'est pas une question seulement pour l'avenir, c'est une question déterminante pour le présent, aussi bien le leur que le nôtre.

Arriver à construire avec eux un syndicalisme qui corresponde à leur vécu doit être une de nos préoccupations majeures. Bien sûr, cela bouscule. Ces dernières années, plusieurs organisations notamment des unions départementales ont été volontaristes dans le souci d'intégrer des jeunes les collectifs de direction, notamment dans les commissions exécutives, or, nous constatons qu'ils sont bien souvent les premiers à partir. Cela ne peut pas nous laisser tranquille et nous inciter pour le moins à réfléchir sur notre type de fonctionnement.

La protection sociale

Sur les questions de protection sociale, nous ne sommes plus dans la phase de novembre-décembre 1995. La réforme structurelle est maintenant entrée dans sa phase de mise en oeuvre, mettant en place une nouvelle architecture des responsabilités.

C'est le cas :

– pour le rôle dévolu au Parlement de voter une loi de finance spécifique ;
– pour une nouvelle répartition des sièges dans les conseils d'administration, tirant l'idée même de représentation des assurés sociaux et faisant la part belle aux promoteurs du plan Juppé ;
– avec les conventions pluriannuelles d'objectif et de gestion entre l'État et les caisses nationales à partir de 1997.

Des mesures ont été prises ou sont en passe de l'être concernant le système de soins afin d'organiser leur rationnement.

La maîtrise « médicalisée » est renforcée avec les Références médicales opposables, les filières de réseaux de soins, les médicaments génériques, les pouvoirs nouveaux donnés au contrôle médical.

L'information des cabinets médicaux et la mise en place de la carte à puce Vitale est en route. Cette carte va permettre de constituer le seul fichier informatique national de la population avec les problèmes de liberté qui peuvent en découler.

Les agences régionales de l'hospitalisation auront pour mission de déterminer les autorisations relatives aux installations d'activité hospitalière et fixeront les orientations présidant à l'allocation de ressources aux établissements.

La loi de financement qui va être présentée dans les jours à venir confirme l'organisation du rationnement des soins.

Elle va avoir des conséquences graves, entre autres pour le fonctionnement de l'hôpital public.

De plus le plan Juppé c'est aussi des milliers de suppressions d'emplois prévues dans la Sécurité sociale, la mutualité, les hôpitaux, les Dass-Drass.

Autour de la défense de l'emploi, des convergences d'action peuvent être organisées entre salariés de ces secteurs et la population, à partir des besoins des uns et des autres.

De façon générale, il parait nécessaire :

De poursuivre nos explications sur le contenu du Plan Juppé, sur les transformations qu'il va opérer et sur les conséquences pour la santé et la protection sociale des salariés et de leurs familles.

Le gouffre entre les déficits annoncés pour cette fin d'année et ceux prévus au moment du lancement de la réforme (51 milliards pour 17,5) montrent que la voie choisie n'est décidément pas la bonne.

D'organiser des pôles de rassemblement pour résister à la réalisation du plan Juppé à chaque fois qu'un de ses volets est mis en place.

D'alimenter en permanence le débat avec nos propositions pour une autre réforme de la protection sociale basée sur un autre financement et qui soit réellement sous le contrôle des assurés sociaux.

Paritarisme la donne se modifie

La donne se modifie sensiblement également en ce qui concerne le paritarisme.

En quelques années, nous avons assisté à une série de mesures et de comportements qui tendent à sortir les instances paritaires interprofessionnelles de leur rôle d'arbitrage, de contrôle ou de négociation.

Il s'agit tout d'abord de l'apparition puis de multiplication d'instances de décisions dont la présence est limitée aux seuls signataires de l'accord les instituant.

Engagé dans quelques branches ou entreprises, ce mécanisme a été enclenché au plan interprofessionnel de manière contractuelle, en ce qui concerne la formation professionnelle. Plus grave encore, le gouvernement a publié, fin août, un décret qui constitue une première en la matière, puisque la participation au nouvel organisme chargé de la gestion de fond de la formation professionnelle est réservée aux signataires de l'accord, ce qui n'avait jusqu'alors jamais eu lieu dans un texte législatif ou réglementaire, où la notion d'organisation syndicale représentative constituait la norme.

Nous avons fait le nécessaire pour attaquer ce décret en Conseil d'État, mais chacun mesure bien que la réponse juridique ne saurait suffire. Il s'agit véritablement de faire grandir dans l'opinion publique l‘idée du droit au désaccord pour les représentants des salariés, c'est finalement une vraie question de démocratie, au sens plein du terme, qui est posée.

Sur un autre registre, le lamentable épisode qui a abouti à l'élection de la présidence de l'Unedic au début du mois remet également en question l'esprit même d'une gestion paritaire d'un organisme abondé par les cotisations des salariés.

Faute d'un minimum d'entente entre organisations de salariés, nous en arrivons à la situation où l'Unedic se trouve présidée une fois par un patron, une autre fois par un candidat soutenu par le patronat comme l'a déclaré Louis au soir du vote.

Avec cette élection et la médiatisation dont elle a fait l'objet, c'est une nouvelle accentuation de l'image dévalorisée du syndicalisme à laquelle nous assistons et cela nous concerne aussi.

Quatrième et dernier aspect, avec la transcription effective dans la loi de l'accord du 31 octobre 1995, sur la négociation collective, accord qui vise là encore une autre structuration des rapports sociaux.

En permettant la conclusion d'accords d'entreprises avec des élus non porteurs d'un mandat syndical, y compris pour déroger aux dispositifs du code du travail, c'est la remise en cause du principe selon lequel seules les organisations syndicales sont habilitées à négocier.

Outre le fait que l'accord doit maintenant se négocier dans les branches et que nous avons donc encore un levier à ce niveau-là, la transcription de cet accord nous interroge sur la façon dont nous allons interpeller les salariés dépourvus de syndicat dans une petite ou moyenne entreprise.

Quelle interpellation allons-nous formuler auprès du collectif de salariés comme auprès de chaque individu sur leur besoin de syndicalisme pour qu'ils ne se laissent pas déposséder de décisions qui les concernent ?

Il s'agit de rendre véritablement perceptible le syndicat comme une garantie individuelle et collective dans un contexte de remise en cause généralisée d'acquis individuels et collectifs.

Les modifications structurantes (et il y en a d'autres au-delà des quatre domaines, que j'ai pointés), les contradictions qu'elles engendrent ne sont pas sans incidence sur le champ syndical lui-même et sur la vision qu'ont les salariés du syndicalisme, de sa capacité ou non à prendre en charge les questions qu'ils se posent.

Le quatrième sondage CSA que nous avons fait réaliser fin septembre sur les attentes du syndicalisme est éclairant à bien des égards et doit nourrir interrogations et analyses. Les chiffres confirment les tendances des années précédentes avec toutefois quelques modifications.

Par rapport à 1995, les salariés en 1996 sont plus nombreux à faire confiance à la hiérarchie au sein de leur entreprise pour défendre leurs intérêts (57 % contre 47 %) et moins nombreux à faire confiance aux syndicats (40 % contre 44 %) mais avec de fortes distinctions entre les salariés du public qui sont 45 % à faire confiance aux syndicats alors que ceux du privé ne sont que 36 %.

Si les salariés sont 51 % à souhaiter plus d'influence pour les syndicats dans leur entreprise, une majorité d'entre eux estime que les problèmes liés au logement, aux exclus, à la défense des « sans-papiers » ne font pas partie du rôle d'une organisation syndicale.

Sur les comparaisons entre le syndicat, une différence apparaît nettement entre le jugement par thème revendicatif où la CGT apparaît comme la plus efficace (ou la moins inefficace) et le jugement global par organisation où CGT, FO et CFDT sont à égalité.

Surtout entre 52 et 58 %, les salariés ne font pas confiance à chaque organisation sans que l'on puisse déterminer la part de ceux qui ne font pas confiance à aucune organisation.

La disponibilité pour l'action reste forte, surtout chez les jeunes, et les salariés renforcent encore leur attachement à l'unité syndicale. 75 % souhaitent des actions communes au plan national, 77 % au niveau de l'entreprise, 61 % souhaitent l'unification syndicale avec des scores de +3 à +7 points par rapport à l'an dernier.

Enfin, à propos des mouvements de novembre-décembre 1995, seuls 13 % des salariés ont pensé que le mouvement avait eu des effets positifs, 53 % l'ont approuvé mais pensent qu'il n'a pas eu d'effet positif. Ce chiffre monte à 58 % pour les salariés du secteur public, ce qui n'est pas sans soulever des interrogations sur la perception qu'ont les salariés de notre analyse, de nos commentaires, dans des secteurs où nous sommes présents.

Il ne s'agit pas de faire dire aux chiffres plus qu'ils ne peuvent en dire mais il est tout à fait salutaire de se laisser interpeller par eux, notamment quant à l'image de la CGT qu'ont des salariés qui ne sont pas en contact avec des militants, une organisation CGT.

Évolutions en Europe

Évolutions dans le paysage social, dans le monde syndical, évolutions également en Europe :

Plusieurs luttes ont pris un caractère national massif dans de nombreux pays européens depuis le début de l'année 1996.

Plusieurs centrales nationales sont engagées dans des campagnes pour l'emploi de longue haleine. C'est le cas en Espagne, en Allemagne ou en Italie où les syndicats demandent des négociations sur les choix économiques et sociaux et, tout en soutenant la construction européenne, insistent de plus en plus sur la nécessité de lier Maastricht à des obligations liées à l'emploi.

Les luttes pour l'emploi passent aussi par la durée du travail ou les conditions de travail (actions dans le commerce en Allemagne contre l'allongement des horaires d'ouverture, au Portugal, contre la flexibilité, pour les 35 heures dans le métro londonien ou contre la réorganisation des équipes chez les postiers anglais).

Des actions contre les privatisations s'articulent avec la revendication de moyens pour les services publics frappés par des restrictions budgétaires.

Les salaires, la protection sociale apparaissent aussi comme des thèmes de mobilisation.

En Allemagne, on observe l'engagement du DGB contre le plan d'austérité de Kohl. Tout le monde se souvient des manifestations gigantesques de juin et de septembre, mais c'est aussi une suite d'actions dans des secteurs aussi variés que la métallurgie, les banques, le secteur public. Dans ce dernier secteur des grèves tournantes ont accompagné le cycle de négociation. Est-ce comme l'ont dit des responsables syndicaux « le début de la fin du consensus social ? » En tous cas, cela marque un changement de stratégie des organisations syndicales allemandes.

Nous avons besoin de suivre attentivement les processus syndicaux d'actions et de négociations qui sont en cours chez nos voisins immédiats, non pas pour chercher à conforter notre propre vision du mouvement social mais pour comprendre comment fonctionne la démarche syndicale afin de pouvoir réellement tisser des liens et construire des actions coordonnées.

Dans la plupart des pays, la négociation est plus développée qu'en France ; cela tient à ce que sont les syndicalismes, les patronats, les gouvernements. La mobilisation allemande se développe sur la crise d'un système de relations sociales où le patronat, mais aussi l'État, ne veulent plus jouer ce jeu antérieur, et où les salariés montrent leur attachement profond aux garanties sociales qui, pour eux, caractérisent « l'État social ».

Nous devons progresser dans l'appréhension de ces situations, de ces accords, de ces luttes, de ces évolutions qui nous concernent parce que c'est avec ces organisations syndicales telles qu'elles sont que nous voulons débattre, nous associer, faire converger nos efforts.

Le secrétariat de la CES prévoit une action coordonnée dans les grandes villes européennes à la mi-mai 1997. Nous en serons des participants résolument actifs. Nous savons que cette initiative sera ce qu'en feront les différentes composantes du mouvement syndical européen, avec leurs sensibilités et leurs traditions diverses. C'est donc moins la date et la forme qui doivent mobiliser nos effets d'approche et d'échanges que les dispositions à prendre en profondeur pour tisser des liens et des convergences réelles.

Dans ce domaine, l'investissement révolu des organisations de la CGT, dans la mise en place et le fonctionnement des comités d'entreprises européens doit devenir une préoccupation majeure.

La confédération est engagée dans une série de rencontres en Espagne, en Belgique, en Italie, en Grande-Bretagne pour échanger sur les problèmes de l'emploi, pour s'informer sur les problématiques et les propositions qui sont celles des autres centrales syndicales, et pour faire connaître nos propres approches.

Cet effort de connaissance et de compréhension, qui est aussi une manifestation de présence concrète de la CGT sur des dossiers revendicatifs dans les réseaux syndicaux européens, nous devons le déployer sur toutes les grandes questions. Avec l'activité développée au niveau de plusieurs branches professionnelles, celles qui se développe dans certaines régions, cet investissement confédéral doit traduire la montée en charge de la CGT, à laquelle appelle la déclaration de la CE du 3 mai dernier, et nous permettre de traiter l'Europe de moins en moins comme dimension extérieure et de plus en plus comme une affaire revendicative aux multiples aspects où, là aussi, il s'agit de mobiliser en rassemblant.

Besoin de syndicalisme fort

J'en arrive maintenant à la troisième et dernière partie de ce rapport, celui du besoin de syndicalisme fort, et pour ce faire la nécessité de pousser plus loin les efforts de renouveau du syndicalisme que nous avons décidé d'engager pour surmonter les difficultés actuelles.

Tout va se jouer sur notre capacité ou non à rendre perceptible par les salariés l'utilité pour eux comme pour nous de leur engagement individuel dans l'organisation syndicale.

Pour ce faire, ce que nous appelons la qualité de notre vie syndicale ne peut pas rester une simple formule. Cela doit véritablement être la pierre angulaire de notre construction de l'activité syndicale depuis le lieu de travail jusqu'à la confédération.

Des syndiqués CGT « à l'aise dans leurs baskets », cela se remarque dans l'activité du syndicat ; cela se voit aussi à l'extérieur. Cela peut interroger et, pourquoi pas, susciter des envies.

Nous l'avons dit, nous voulons permettre l'émergence d'un syndicalisme plus solidaire, plus proche des préoccupations de chacun, un syndicalisme dont le centre de gravité se trouve bien sur le lieu de travail alors que tout nous pousse vers un syndicalisme de délégation où il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.

Nous devons arriver à gagner un syndicalisme de proximité et qui soit perçu comme tel. C'est vrai pour les salariés ; c'est encore plus vrai pour ceux que tout isole, à savoir les privés d'emploi.

La préparation de notre 5e Conférence nationale des salariés privés d'emploi qui se tiendra les 27-28 et 29 mai 1997 doit permettre d'interpeller toutes nos organisations, bien sûr nos comités de privés d'emploi, mais aussi les unions locales, unions départementales, fédérations et syndicats sur la réalité tant de notre démarche revendicative que de l'organisation même des privés d'emploi dans la CGT.

Les thèmes des « Dix droits », que nous travaillons depuis plusieurs mois maintenant, n'ont rien perdu de leur pertinence, bien au contraire. C'est en multipliant nos initiatives de défense et de conquête des droits pour les chômeurs comme nos initiatives visant le développement de l'emploi et des activités que nous remplirons notre créneau d'organisation syndicale, y compris pour les chômeurs.

Si le sondage CSA déjà cité indique que 90 % des salariés estiment que la défense des chômeurs fait partie du domaine d'action des syndicats, force est de constater qu'il n'y a pas de bousculade pour occuper ce terrain-là, beaucoup préférant se reposer sur l'associatif plutôt que d'engager un travail tenace, difficile, et sans cesse à renouveler avec les privés d'emploi. Mais, c'est parce que notre conception du syndicalisme nous conduit à ne jamais accepter l'exclusion, l'isolement et la mise en concurrence des salariés que nous avons décidé d'investir pleinement ce terrain.

La renégociation de la convention Unedic qui va s'ouvrir à la fin du mois de novembre sera l'occasion de porter fort l'exigence de la revalorisation des indemnités pour tous les chômeurs, y compris ceux qui n'ont jamais travaillé. Les débats et les actions que nous voulons susciter autour de cette renégociation constituerons un bon tremplin pour la préparation de notre conférence.

Nous pourrions cibler trois objectifs dans la préparation de la conférence elle-même :

– multiplier les rencontres-débats avec les salariés privés d'emploi autour d'un « 4 pages » interpellatif ;
– tenir les initiatives de conférences locales, départementales pour débattre du document d'orientation ;
– examiner dans toute la CGT la structuration de nos organisations de privés d'emploi et préparer les évolutions nécessaires.

Enfin, la tenue de la conférence pourrait être l'occasion d'une initiative publique forte, marquée par des rassemblements ou manifestations.

Gagner le syndicalisme de proximité, c'est aussi permettre un investissement plus marqué de la CGT sur le terrain local. La rencontre nationale avec les unions locales des 17 et 18 février 1997 à La Villette, et surtout sa préparation, doivent nous permettre de franchir une étape décisive de ce point de vue.

« Rencontre nationale » avec les unions locales et non « conférence » des unions locales. Même si le terme se voit encore ici où là, car il ne s'agit ni de reproduire ce qui a pu être fait dans le passé, ni de laisser entendre que cette initiative ne concernerait que les seules unions locales : avec cette rencontre, c'est toute la CGT, ses organisations qui se mettent en situation de réflexion, de débat sur l'activité syndicale au niveau de la localité. Nous vivons de véritables journées de travail, avec la participation d'un ou une délégué(e) par union locale en présence du CCN.

Entendons-nous bien, nous ne voulons pas aborder cette rencontre en terme de structure, même si la façon dont nous structurons notre activité locale n'est pas une question mineure, mais nous avons besoin collectivement d'apprécier la place du local dans les constructions revendicatives, dans les convergences de luttes, dans le processus unitaire, dans la construction du syndicalisme CGT sur chaque lieu de travail.

L'union locale ne peut être ni la subdivision territoriale de l'union départementale, ni la simple addition des syndicats qui la composent. Comme lieu d'élaboration revendicative, comme lieu privilégié de présence CGT auprès des salariés dépourvus d'organisation syndicale, l'union locale a une place originale et centrale pour gagner ce syndicalisme de proximité.

Eh bien, c'est de tout cela que nous voulons débattre dans la préparation de notre rencontre nationale et pour ce faire, nous voulons porter ce débat dans les syndicats.

Pour favoriser ce débat, un « quatre pages » est élaboré (la mode est décidément aux 4 pages) intitulé « Gagner un syndicalisme de proximité », 4 pages qui sera encarté dans le numéro du Peuple qui rendra compte de ce CCN et bénéficiera d'un tirage à part pour être utilisé au maximum dans les lieux de vie de la CGT. Vous en aurez un exemplaire pendant le CCN.

La période qui nous sépare de février 1997 donc voir se multiplier les initiatives de rencontres, de débats, de mises à plat des forces CGT sur une zone, un site, une localité afin d'alimenter les réflexions de la rencontre nationale (nous souhaitons que toutes les informations concernant les expériences, réflexions puissent être « remontées » d'ici là) mais surtout dans le but d'adapter mieux l'outil union locale aux réalités du salariat sur son territoire, pour une CGT plus présente et plus active.

Pour ce faire, la coopération de tous : syndicats, unions départementales, fédérations, confédération est nécessaire et une participation active de la direction confédérale à ces rencontres pourrait donner un signal fort dans ce domaine.

Gagne un syndicat de proximité, c'est se donner les moyens de ce syndicalisme de proximité et donc évidemment les moyens financiers là où ils sont les plus nécessaires, pour le syndicat, pour l'union locale.

L'objectif de réfléchir à une nouvelle répartition de la cotisation syndicale a été assigné à une commission ad-hoc élu par le dernier CCN. Le premier travail de la commission a été d'établir une grille budgétaire commune à l'ensemble des organisations : unions départementales, fédérations afin de pouvoir évaluer les répercussions financières d'une modification de la structure de la cotisation.

Pour que ce travail soit opératif, il est indispensable d'avoir les éléments de la totalité des organisations afin de ne pas partir sur de mauvaises bases dès le départ.

Il ne s'agit surtout pas d'une opération de « contrôle », les informations particulières recueillies ne sortiront pas de la commission, mais bien de pouvoir approcher la réalité de la structuration financière de la CGT pour éviter des situations douloureuses en cas de modifications de la ventilation de la cotisation.

Il nous faut souligner à cette étape de notre travail que le nombre de questionnaires remonté est un premier succès qui augure bien d'une démarche de confiance réciproque pour avancer dans ce chantier forcément délicat. C'est la première fois sans doute dans l'histoire de la CGT que nous allons avoir une appréciation réelle de la situation exacte de la CGT, au sens de l'ensemble des organisations qui la composent.

Cela a demandé un véritable effort de la part de beaucoup d'organisations pour reprendre la comptabilité sur trois années. Cela a également permis à certaines d'entre elles de mieux structurer leur propre budget, ce qui est tout à fait précieux.

Tout cela nous fait encore plus regretter les retards de renvois des questionnaires de la part de tel ou tel malgré les nombreuses relances qui ont eu lieu et qui n'ont pas rendu possible une première exploitation fiable de résultats qui auraient dû être transmis à ce CCN.

Rendez-vous donc au prochain à condition bien entendu que chacun y mette du sien.

Nous placer en situation de conquête

Gagner un syndicalisme de proximité c'est aussi permettre de nous placer résolument en situation de conquête de forces organisées. C'est une des priorités que nous avons dégagés du 45e congrès. Tourner plus résolument les forces vives de la CGT vers l'ensemble de ces secteurs dépourvus de toute vie syndicale, particulièrement dans les petites et moyennes entreprises.

Rappelons pour mémoire que :

3 350 000 salariés travaillent dans des entreprises de moins de 10 salariés,
3 750 000 salariés travaillent dans des entreprises de 10 à 50 salariés,
2 900 000 salariés travaillent dans des entreprises de 50 à 200 salariés,
et seulement, si j'ose dire 2 800 000 salariés travaillent dans les entreprises de plus de 200 salariés.

Il ne s'agit bien évidemment que des salariés du secteur privé relevant de l'Unedic.

Bien entendu, nous ne découvrons pas aujourd'hui ces réalités. Des expériences de rencontres, d'interpellation de ces salariés ont eu lieu, ici dans le cadre des 200 cibles confédérales, là dans le cadre d'élections professionnelles, ailleurs pour préparer une initiative de luttes.

Il nous faut véritablement examiner au plus près des réalités ce qui a fonctionné, ce qui a permis la constitution de bases nouvelles, mais aussi, les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des plans de travail, les coopérations pour les mises en mouvement des différentes structures de la CGT, les blocages rencontrés.

Nous ne visons pas à reproduire simplement ce qui a pu être fait, mais nous devons avoir une véritable obsession, celle de multiplier et de pérenniser les points de contacts CGT avec ces salariés, en se fixant des priorités et en étant pugnaces sur ce terrain.

Dans le contact CGT que nous voulons mener avec les salariés, il n'y a pas d'un côté les syndicalistes qui savent et de l'autre des salariés qui sont dans l'ignorance. Cela nous interroge me semble-t-il sur la façon dont nous mesurons les résultats de nos efforts de parrainage. Bien entendu, le nombre d'adhésions nouvelles, de bases nouvelles est un indicateur indispensable notamment parce qu'il permet des comparaisons chiffrées, mais comment apprécions-nous ce que nous disent les salariés rencontrés, les remarque voire les reproches qu'ils nous adressent ceci afin d'améliorer nos pratiques, nos contacts dans la durée ?

Cela demande évidemment des mesures de suivi qui soient plus permanentes, nous fonctionnons encore trop par à-coups sur cette question.

Le syndicalisme ça marche, le syndicalisme j'y vais

Plusieurs éléments dans cette période peuvent contribuer à lancer une dynamique en la matière, même s'il est bien clair que nos objectifs en matière de conquête de force ne peuvent se résumer à des initiatives conjoncturelles.

Tout d'abord, la campagne de communication confédérale sur le besoin de syndicalisme, la syndicalisation. « Le syndicat ça marche », « le syndicat j'y vais » traduisent en image positive l'engagement personnel dans l'organisation, surtout quand on voit des jeunes qui l'expriment.

Disponible en affiches grand format, en affichettes pour panneaux syndicaux, reprise dans un bulletin d'adhésion, qui sera bientôt dans les mains des organisations, cette campagne peut favoriser une visibilité de la CGT grand public particulièrement utile dans cette période de développement du mouvement social.

Cette campagne de communication vise à accompagner les initiatives décidées par les syndicats, les unions locales, les unions départementales et les fédérations, pour multiplier les rendez-vous CGT avec les salariés non organisés ; les premiers échos recueillis laissent entendre que le visuel plaît bien, ce qui devrait éviter les empilages horizontaux d'affiches dans les différents locaux et permettre une visibilité pour le plus grand nombre.

Deuxième aspect, qui touche à l'implication des syndiqués dans tout ce qui fait la vie de leur organisation. Dans un mois, le lancement de la remise du FNI 97 sera l'occasion de contacts privilégiés de la part des directions syndicales avec chaque syndiqué. Nous proposons d'accompagner cette remise du FNI d'un courrier du Secrétaire général de la CGT aux syndiqués, invitant chacun à être partie prenante du débat public sur le besoin de syndicalisme, son renouveau, à être acteur dans la mise en mouvement de nouveaux salariés dans le syndicalisme CGT.

Enfin, dans le cadre de la refonte de nos oublis de formation syndicale, seront très bientôt disponibles des fichiers pour l'aide à la formation d'accueil des nouveaux syndiqués.

Une formation d'accueil réalisée au lieu d'adhésion pour contribuer à faire vivre la formule « dès l'adhésion, syndiqué à part entière ».

La formation syndicale, conjointement à nos efforts pour une pratique plus démocratique dans l'organisation sont bien les deux éléments clés qui nous permettront de mieux fidéliser ceux qui font le choix de rejoindre la CGT et nous savons tous les difficultés que nous rencontrons en matière de « durée de vie » du syndiqué dans l'organisation.

Pour leur part l'Ugict et l'UCR sont engagés dans des efforts d'importance pour interpeller les salariés des catégories concernées sur les besoins de syndicalisme, les acquis parmi l'organisation spécifique, la démarche revendicative de la CGT, leur engagement en convergence avec les autres catégories de salariés.

L'Ugict a édité une série de matériels pour concrétiser cette démarche d'interpellation.

Ces campagnes ne sont pas conçues comme des déclinaisons de l'activité confédérale, mais bien comme des campagnes parlant des besoins revendicatifs et d'organisations d'ingénieurs, cadres, techniciens comme retraités et nécessitent une prise en compte par toute la CGT pour être portée le plus loin possible, au-delà des seules forces de l'Ugict et de l'UCR.

Cette question du déploiement de la présence CGT dans le plus grand nombre de lieux possible sera bien évidemment une des tâches qui incomberont à la nouvelle commission FNI qui sera élue par ce CCN.

Le fonds national interprofessionnel

Élément nécessaire de solidarité entre les organisations de la CGT, le FNI doit pouvoir jouer un rôle accru pour permettre un développement de la CGT.

En lien étroit avec la direction confédérale, le FNI doit être en mesure de mieux anticiper les choix financiers à faire, d'accompagner des efforts de coopérations efficaces entre organisations de la CGT pour permettre le développement.

Il ne pourra pas tout régler, c'est évident. D'autant que les budgets des années 1995 et 1996 sont déficitaires, ce qui signifie que ce sont les réserves qui sont mises à contribution.

Une grande rigueur sera donc nécessaire de la part de la commission FNI pour la détermination des priorités en lien avec la direction confédérale, pour assurer le suivi et le contrôle des décisions.

Une approche la plus collective possible des dossiers en amont comme en aval doit contribuer et favoriser ces objectifs.

Les ressources de la commission FNI proviennent de la part du timbre FNI qui lui revient. Sur la base d'un FNI 97 à 51 francs, montant décidé lors du CCN de mai dernier, nous proposons une répartition comme suit pour le FNI ouvrier, taux plein.

Commission FNI : 25,60
Fond immobilier confédération : 18,00
Avenir social : 3,00
Assurance vie syndicale : 1,40
Indecosa : 3,00

Les autres types de timbres FNI découlant de cette répartition, avec les aspects de reversement pour l'Ugict et l'UCR sur les FNI les concernant.

Vous aurez le tableau détaillé de ces propositions dans la journée.

Chers camarades, nous allons avoir un certain nombre de rendez-vous en matière de vie syndicale dans les mois qui viennent.

La rencontre des secrétaires à l'organisation des unions départementales et fédérations les 3 et 4 décembre 1996.

La conférence nationale sur l'activité syndicale dans les comités d'entreprises et organismes consultatifs, du 21 au 23 janvier 1997, conférence préparée par des initiatives que nous souhaitons les plus proches des syndicats et pour laquelle nous n'avons à l'heure actuelle que 136 syndicats mandatés pour un objectif de 520, provenant de 5 fédérations et 9 unions départementales.

La rencontre nationale avec les unions locales, les 17 et 18 février 1997.

La 5e conférence des salariés privés d'emploi du 27 au 29 mai 1997.

Toutes ces initiatives ont bien entendu leur dynamique propre, mais elles doivent toutes nous aider à franchir des étapes décisives pour une meilleure qualité de vie syndicale, une vie syndicale CGT qui intègre l'ensemble des éléments revendicatifs, d'organisation et de communication pour être en prise directe avec le monde du travail d'aujourd'hui.

Élections prud'homales le 10 décembre 1997

C'est d'autant plus nécessaire que nous avons en toile de fond de nos initiatives, comme de notre démarche la perspective des élections prud'homales. Fixée à la date du 10 décembre 1997, ces élections et les conditions de leur préparation vont rythmer la vie de la CGT en cohérence avec nos batailles revendicatives.

Ces élections recouvrent un triple enjeu :

Bien évidemment l'élection de conseillers dans les conseils et le nombre de conseillers CGT qui seront élus ne sont pas un mince aspect de l'appréciation des résultats, de même que le nombre d'électeurs qui se sont déplacés, confortant leur attachement à l'institution prud'homale.

Deuxième enjeu, c'est celui du score CGT qui sortira des urnes le 10 au soir. Le nombre de voix qui se seront portées sur les candidats présentés par la CGT sera un élément essentiel dans l'appréciation du rapport de force actuel. Rappelons que les élections prud'homales sont maintenant la seule élection interprofessionnelle nationale qui permet de mesurer la représentativité de chaque organisation.

Troisième enjeu, c'est celui de la multiplication des contacts CGT avec des salariés du secteur privé à l'occasion de la campagne. Salariés dont un nombre important ne nous voient malheureusement qu'au moment des campagnes électorales.

Si le premier enjeu concerne logiquement les salariés qui seront électeurs le 10 décembre 1997, il est clair que les deux autres nécessitent un engagement déterminé de toutes les forces de la CGT, salariés du privé, salariés du public, retraités.

Pour toutes ces raisons, la campagne électorale prud'homale qui s'engage est une chance pour toute la CGT.

Une chance car elle va permettre un examen lucide de notre réalité d'implantation, comme des évolutions du salariat, et ce au plus près du terrain.

Une chance pour la mobilisation des énergies CGT au service d'un objectif commun : celui de donner à la CGT plus de force, plus de dynamisme, plus d'entrain, plus de confiance pour mener les batailles revendicatives.

Le résultat obtenu par nos camarades de la Santé aux élections professionnelles de la semaine dernière témoigne des potentialités.

Les résultats que nous avons sont encore partiels, ils portent sur 85 % des inscrits.

Sur ces 85 %, la CGT est la seule organisation qui a déjà dépassé en nombre de voix la totalité de son score de 1992, avec 115 000 votants. Elle est la seule confédération à progresser, pour l'instant, dans tous les collèges : +3 % en catégorie A, +6 % en catégorie B (qui regroupe notamment les infirmières), +4,5 % en catégorie C et D.

La CFDT accuse avec un léger tassement -0,75 % et FO perd + de 2 %.

La CGT devrait progresser de près de 4 % en nombre de bulletins.

C'est le fruit d'un travail acharné, d'une bataille revendicative, offensive, d'une démarche unitaire persévérante, c'est surtout un formidable encouragement pour toute la CGT, ses militants, ses adhérents, alors retroussons-nous les manches pour jouer ensemble de nouveau la gagne le 10 décembre 1997.


Nous saurons, ensemble, être à la hauteur des défis

Conclusions de Louis Viannet, secrétaire général de la CGT

Nous venons de vivre ensemble un CCN assez intense. Je comprends les camarades qui ont exprimé le souhait, ou l'aspiration à avoir encore plus de temps. Du temps pour tout, car il aurait fallu plus de temps pour pousser le débat sur tous les points sur lesquels nous avons débattu.

Et en même temps, je pense que le fait que nous ayons été capables de tenir et de respecter un ordre du jour, à propos duquel le Bureau confédéral avait quelques interrogations, c'est le moins que l'on puisse dire, car nous étions bien conscients que c'était assez lourd à porter, témoigne des progrès que nous avons réalisés sur notre capacité à discuter, à débattre et à décider.

Je tiens à le souligner d'entrée de jeu, car cela illustre beaucoup de choses. Tout d'abord cela illustre la volonté du CCN de s'approprier les problèmes et de décider sur toutes les questions qui concernent la vie de la CGT.

Je vous rappelle que c'est une des ambitions que nous nous sommes fixées au 45e Congrès. Ce n'est pas si mal. On n'a pas « tout juste » tout le temps, mais on essaie de s'accrocher, de se tenir à ce que nous avons décidé de faire, parce que nous avons considéré que c'était nécessaire et pour le bien de la vie de la CGT toute entière.

Je note que l'effort qui a été fait pour donner au CCN beaucoup de documentations préparatoires aux débat a grandement aidé à l'efficacité de la discussion et à mettre le CCN en situation de pouvoir se situer très vite dans le coeur des problèmes qui sont posés.

Il faut donc persévérer dans cette voie, car on peut encore progresser. J'ai pour notre CCN l'ambition que de plus en plus on soit en capacité sur une session de deux jours ; et on a apporté la preuve, que l'on est capable de bien la remplir, d'aborder sur le fond plusieurs questions. Ce qui aura comme conséquence d'élargir considérablement le champ de ceux et celles qui sont véritablement en prise directe avec l'ensemble des préoccupations qui nourrissent la vie de la CGT toute entière. Parce que nous avons discuté pendant ces deux jours, entre nous, sur tous les problèmes, les camarades du CCN, évidemment, ne vont pas le garder pour eux. Cela va descendre dans les bureaux, les CE, et il le faut vraiment, pour que de plus en plus de forces militantes de la CGT soient en prise avec les axes sur lesquels nous nous battons, à partir des efforts que nous développons et en lien bien sûr avec les orientations que nous nous sommes fixées. Nous devons persévérer dans cette voie. C'est la condition pour que le CCN joue vraiment son rôle. Quelle force cela représente de pouvoir s'appuyer sur le CCN pour faire progresser la réflexion et asseoir nos décisions sur la base la plus forte, la plus large et la plus solide que puisse avoir la CGT qu'est le CCN.

J'ai simplement pointé les aspects les plus aigus qui justifient que l'on ait une réflexion collective.

Faire du 16 novembre une forte journée

Il y a un profond accord de tout le CCN pour aller vers une semaine d'action du 12 au 16, qui soit un véritable point d'appui pour mobiliser, pour rassembler, pour élargir, pour construite le processus unitaire et pour travailler en direction des entreprises inorganisées. Avec d'ores et déjà des jalons d'initiatives qui sont annoncés, posés et qui ont commencé à se structurer. Beaucoup d'entre-elles sont unitaires et constituent des points d'appui pour que cette semaine d'action ne soit pas abordée à la « traditionnelle ». C'est véritablement un point d'appui qui doit être préparé, travaillé et réalisé avec des ambitions très fortes sur tous les plans. Plus il y aura d'initiatives dans cette semaine, plus il y aura des arrêts de travail, plus il y aura des efforts pour avoir des accords unitaires, plus nous atténuerons les difficultés.

Et il y a accord pour faire du 16 novembre une grande et forte journée de manifestations. Ce n'est déjà pas rien, compte tenu des problèmes qui nous sont posés. Mais c'est l'idée d'avoir une journée qui donne confiance et pour donner confiance. Car la répercussion médiatique est bel et bien liée à la puissance et au côté spectaculaire que l'on est capable de donner à nos initiatives.

Il nous faut intégrer cela.

Il y a aussi cette idée, c'est que nous n'avons pas toutes les cartes en mains et cela explique même les difficultés que nous avons eues pour pousser le débat d'une façon très large et très naturelle.

Ma conviction, c'est que la situation va continuer d'évoluer et que la façon dont nous allons présenter la détermination de la CGT va peser dans les capacités de faire bouger la situation. C'est vrai que cela ne règle pas tout, mais il faut que l'on ait cela à l'esprit. Donc nous avons les moyens de faire bouger la situation sur le 16 y compris sur la forme du 16.

Je pense que cela induit un certain nombre de choses :

1. Il faut que nous repartions tous et toutes convaincus de la nécessité non seulement de persévérer dans les efforts, mais vraiment de monter de plusieurs étages dans l'intensité des efforts de préparation de cette semaine d'action, il ne faut pas voir petit, il faut voir grand et c'est cela qui va peser sur les autres.

2. Je crois qu'il faut effectivement travailler à porter le débat très largement parmi les salariés sur les problèmes du rassemblement et de l'unité, maintenant. Est-ce que cela va durer longtemps que les grandes confédérations s'observent, alors que la situation est aussi grave, alors que tout ce que vous dites sur ce qui se passe dans les entreprises provoque maintenant un climat tantôt d'exaspération, tantôt de découragement, qu'il y a une telle attente de rassemblement d'initiatives ?

Que ce soit par rapport à FO ou par rapport à la CFDT, c'est bien la CGT qui constitue l'élément qui peut à un moment donné créer les conditions pour un syndicalisme porteur de propositions. Nous ne laisserons à personne le soin d'avoir des propositions qui soient en prise avec les intérêts des salariés et capables de générer un rapport de forces qui nous permette de peser. C'est cet ensemble qui constitue l'épine dorsale de la stratégie sur laquelle nous nous battons depuis des mois et des mois et qui a permis de faire bouger la situation.

C'est une raison supplémentaire pour continuer à mettre l'accent sur le besoin d'unité, sur le besoin d'un syndicalisme rassemblé, besoins auxquels personne n'échappe. La Commission exécutive le rappelait le mois dernier, Blondel a écrit : « Il n'y a pas d'organisation syndicale qui peut aujourd'hui toute seule relever les défis que pose la situation » et à sa façon Nicole Notat l'a reconnu aussi. Nous avons donc bien des points d'appui pour véritablement faire en sorte que les forces vives du monde du travail qui veut aujourd'hui se sortir d'une situation insupportable, s'empare de ces grandes questions et contribue à faire avancer le mouvement.

Enfin compte tenu de cela, il faut prendre des dispositions dans les jours qui viennent pour des informations rapides, dans le sens de la direction confédérale vers les organisations, dans le sens des organisations vers la direction confédérale. Nous sommes dans une situation où 48 heures perdues pour donner une information peuvent peser lourd. C'est vrai pour les fédérations et pour les unions départementales. Si besoin est, nous ferons ce que nous avons fait, des réunions téléphonées parce qu'on peut en avoir besoin et les enjeux sont quand même trop sérieux pour qu'on se laisse arrêter par des problèmes techniques.

Mettre l'accent sur le besoin d'unité.

Je suis conscient des efforts qui sont demandés, à nos organisations et à nos militants. Je suis conscient du poids que représente les camarades de la CGT une situation comme celle-là, mais, ce sont les enjeux eux-mêmes qui nous font porter ses responsabilités et, je suis sûr que nous saurons, ensemble, être à la hauteur des défis.

Mais je pense que nous avons toutes raisons d'aborder cette phase avec confiance, mesurons bien ce qui peut en sortir : une place complètement transformée du rôle de la CGT pour impulser le mouvement revendicatif.

Alors, ceci étant dit, je ne veux pas m'étendre sur nos discussions à propos du SGPEN, à propos d'INDECOSA, sinon pour souligner qu'à leur façon, elles ont témoigné des avancées que nous sommes en train de réaliser dans notre capacité à affronter des problèmes compliqués, difficiles, mais avec la volonté commune de dépasser les difficultés, et de construire une activité, de construire des orientations qui soient vraiment en pleine conformité avec les objectifs que nous nous sommes fixés.

C'est-à-dire ouvrir des perspectives fortes pour aller vers un développement d'une qualité toujours meilleure de notre activité même si tous, tous et toutes, nous sommes conscients des efforts qui restent à faire.

Mais là aussi, je voudrais faire un constat et c'est particulièrement vrai pour ce que nous avons commencé à faire bouger sur le dossier du SGPEN. Ce que je voudrais souligner c'est la force que représente le CCN, dès lors qu'il est saisi dans les conditions qui lui permettent d'assumer ses responsabilités. Et je ne parle pas seulement du CCN en session, parce que si le CCN en session est capable d'affronter un problème et de travailler en lui donnant des réponses ou des débuts de réponse ou des pistes de travail, c'est parce qu'il a été préalablement mis en situation de réfléchir et de travailler sur le terrain.

D'autres questions fortes.

D'autres questions fortes nécessitent ou vont nécessiter un engagement de toutes nos organisations sans doute plus important.

Je m'en tiens à deux : les sans-papiers et la conquête des forces nouvelles.

Sur les « sans-papiers », non seulement les problèmes ne sont pas derrière nous, mais ils reviennent avec beaucoup de force sur le devant de l'actualité, puisqu'hier il y a eu une arrestation massive d'un groupe de 300 sans-papiers avec femmes et enfants qui avaient commencé à se regrouper pour relancer une dynamique, genre Saint-Bernard.

Nous n'avons pas eu d'éléments d'information dans la journée, mais manifestement nous allons forcément vers des initiatives nécessaires.

Il s'agit d'une bataille difficile, on a déjà eu l'occasion d'échanger à la Commission exécutive, mais là aussi nous avons sérieusement contribué à ce que les mentalités, les réflexions évoluent, nous avons contribué à une prise de conscience plus forte du lien interactif entre problèmes des « sans-papiers », travail des clandestins, problème de l'immigration et l'offensive sur la flexibilité, déstabilisation du monde salarié, la précarité, questions fortes maintenant liées au problème des droits et des libertés.

Nous avons vraiment besoin de ne pas lâcher sur tous les créneaux sur lesquels notre responsabilité est engagée et à propos desquels d'ailleurs existent des possibilités unitaires variables. Mais la bataille dans laquelle nous nous sommes engagés avec d'autres heureusement au mois d'août et au mois de septembre a une très grande résonance, je dirais même que et ça se comprend, elle a une résonance beaucoup plus forte encore que l'on peut l'imaginer dans les différents pays d'Afrique où la CGT est perçue comme étant la force syndicale qui a donné l'impulsion. C'est une question forte sur laquelle aucune de nos organisations ne peut rester insensible parce que c'est lié au problème du développement des idées racistes, d'intolérance et aussi à la pénétration de toute la campagne visant à faire porter la responsabilité aux immigrés dans la crise que nous connaissons et la dégradation de la situation du monde du travail aujourd'hui.

Nous allons donc avoir dans les jours qui viennent des initiatives à suggérer ou à soutenir pour redonner de l'élan à la bataille et ça va bel et bien venir alors que nous sommes engagés dans tout ce que nous venons de discuter et de décider pour préparer les étapes prochaines de la lutte.

Je ne sous-estime vraiment pas les efforts qui sont déjà engagés pour la conquête de forces nouvelles. Nous y travaillons, un certain nombre de résultats sont obtenus. Il y a des efforts entrepris, mais nous sommes toujours dans le classique, si j'ose dire. Or, nous avons besoin d'investir, d'inventer, de définir et de déterminer les terrains solides sur lesquels il faut que nous partions maintenant avec audace à la conquête de forces nouvelles, et nous avons besoin à la fois de concrétiser et de nous appuyer sur les résultats pour essayer d'en acquérir d'autres.

Dans l'esprit de ce que j'ai dit au début, je serais favorable à une journée complète de discussion dans un prochain CCN sur le problème de la conquête des forces nouvelles. Pour qu'elle soit efficace, il faut qu'effectivement la direction confédérale, bureau et commission exécutive se fixe cette perspective pour en nourrir une préparation active. Si on veut avoir un CCN en prise véritablement avec toutes les réflexions et toutes les questions, il faut les aborder, pas seulement sous l'angle de l'information aux membres du CCN, mais aussi sous l'angle d'initiatives. J'ai grande confiance sur ce que pourra dégager une journée de travail comme celle-là. Il faut que l'on ait cela à l'esprit parce que l'écart est trop grand maintenant entre ce que l'on sent du changement d'état d'esprit des salariés et du regard qu'ils jettent sur le syndicalisme, y compris sur le nôtre et puis sur l'image un peu lourde que l'on donne sur ces questions. Et lorsque nous reviennent des réflexions de jeunes, cela fait mal. Il y a un drôle d'écart entre l'image que nous avons de nous-même et puis l'image qu'ils reçoivent. Sans doute que l'image qu'ils reçoivent est influencée par beaucoup de choses, c'est-à-dire elle n'est pas seulement liée avec ce que nous faisons, mais c'est elle qui pèse sur les comportements.

La question des prud'hommes.

Dernier point, c'est à propos des prud'hommes. La question n'a pas été discutée en tant que telle dans le CCN, ce qui a pu amener certains camarades à considérer que la direction confédérale était en retard pour ne pas dire larguée. Le fait que l'on ait pas pu en discuter dans le CCN ne signifie ni que nous sous-estimons l'importance de ce dossier, ni que nous sommes en retard.

D'ores et déjà ont été mis en place des collectifs qui travaillent et qui sont en mesure d'impulser, dans les jours et les semaines qui viennent, une activité importante qu'il va falloir développer. L'objectif est de parvenir à faire prendre en compte la dimension des prud'hommes dans toute notre activité de la période qui vient.

Pour bâtir et conduire notre campagne, nous dégagerons le lien entre cette bataille des prud'hommes et les objectifs qui sont au coeur des efforts que nous voulons intensifier sur la conquête des forces nouvelles, la vie syndicale, les coopérations, la mise en oeuvre d'une démarche dans laquelle se retrouvent, fédérations, unions départementales, unions locales, bref autant d'éléments sur lesquels nous avons fait des progrès mais qui en appellent d'autres.

Évidemment, maintenant il faut que dans toutes nos organisations on mette en oeuvre, et en place des dispositifs pour préparer la campagne pour les inscriptions des précaires et des chômeurs. Il faut que l'on parte de loin si l'on veut conduire cette bataille avec beaucoup d'efficacité, nous allons être les seuls à mener cette bataille, les seuls, autant le voir.

Des collectifs de conquête des forces sont à mettre en mouvement pour la recherche des candidatures et l'expérience montre que c'est toujours une bataille assez compliquée et c'est en fait tout cela que la direction confédérale est en mesure d'impulser. Et tout cela c'est plus, beaucoup plus que du pain sur la planche que nous avons, mais bien un véritable champ considérable d'activités, d'actions, d'initiatives au service du développement du mouvement revendicatif, du rassemblement, de l'unité et du renforcement de la CGT.


Louis Viannet, suite au CCN a présidé une conférence de presse, avec Michelle Commergnat, Maurice Lamoot, Pierre-Jean Rozet, en rendant compte des réflexions du CCN sur l'évolution du mouvement revendicatif. Extrait.

Réuni des jours durant, les 29 et 30 octobre 1996, notre CCN a largement débattu des caractéristiques qui marquent la situation actuelle.

La situation de l'emploi reste, de très loin, la préoccupation dominante et les chiffres récemment publiés prouvent, s'il en était besoin, qu'aucune des mesures prises n'est susceptible de modifier la réalité. Les sommes considérables mises à la disposition des entreprises jouent le rôle de subvention, sans incidence réelle sur l'emploi.

Le gouvernement persiste dans des choix qui aggravent les tendances générées par la politique d'alignement du franc sur le mark et de désinflation compétitive.

L'emploi est aujourd'hui devenu l'ennemi n°1 des entreprises et, notamment, des plus grandes, des grands groupes qui juxtaposent les bilans florissants et les plans répétés de suppressions d'emplois.

Les salariés sont aujourd'hui en présence d'une stratégie destructrice d'emploi et, prioritairement, d'emplois stables à temps complet et à qualification reconnue.

La consommation stagne, les investissements également et, lorsqu'ils existent, leur objectif essentiel est de faciliter les suppressions d'emplois.

L'offensive actuelle de déréglementation, dérégulation, privatisations ouvre les vannes d'une véritable loi de la jungle où les plus faibles sont systématiquement écrasés.

Chômage de masse, précarité généralisée, pression sur les salaires, mise en cause des droits, des statuts, des conventions collectives, développement important des inégalités, de la misère et des situations de dénuement absolu, dégradation des conditions de travail, etc.

L'augmentation de la proportion de jeunes diplômés parmi les érémistes est un révélateur significatif du drame que connaît aujourd'hui la jeunesse, privée d'emploi, privée de perspectives, privée de rêves.

Qu'elles visent des entreprises industrielles publiques telle que Thomson, ou le services publics, Télécoms, EDF-GDF, SNCF, les privatisations vont accentuer et accélérer les stigmates les plus douloureux de cette situation.

Le caractère de braderie, dénoncé à propos des conditions de privatisation de la SFP ou de Thomson, illustre le côté dévastateur de la primauté absolue de l'argent, du profit, de la rentabilité, de la spéculation financière comme élément de la société d'aujourd'hui.

Faire grandir la pression revendicative.

L'exigence de sauvegarde et de l'amélioration de la protection sociale devient un élément décisif du maintien d'un certain équilibre de la société.

Chômage de masse, faibles salaires, précarité, exonérations multiples ponctionnent, de plus en plus, les recettes de la sécurité sociale. Le plan Juppé apparaît maintenant pour ce qu'il est réellement, c'est-à-dire une vaste offensive pour amputer la couverture sociale par le biais d'une maîtrise comptable des dépenses, affaiblir l'hôpital public, obtenir plus de contributions des salariés, retraités, chômeurs en jouant d'une CSG alimentée à plus de 90% par ces derniers et poursuivre un processus de désengagement des entreprises.

Le CCN de la CGT considère que, dans une telle situation, il est essentiel de faire grandir la pression revendicative.

Ni le gouvernement, ni le patronat n'ont ouvert les portes des pistes nouvelles à travailler pour répondre aux aspirations des salariés, bien au contraire. Ils affirment leur volonté de passer en force, d'imposer par tous les moyens, notamment l'autoritarisme, les critères de Maastricht et les contraintes pour aller vers une fusion franc-mark dont les retombées risquent d'être dramatiques pour la France et pour l'Europe.

Les nombreuses luttes qui se déroulent, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, contre les privatisations, les plans de licenciements, pour l'augmentation des salaires, le respect des droits, la défense des libertés, témoignent de la persistance de la combativité dans le secteur public et d'une prise conscience importante dans le secteur privé, de la pente dangereuse dans laquelle le pays est entraîné si un barrage puissant n'est pas dressé contre ces orientations.

La puissance de la manifestation du 12 octobre des personnels de la Défense et d'un certain nombre d'entreprises de la métallurgie, la forte mobilisation de fonctionnaires et agents des différents services publics le 17 octobre, les fortes manifestions unitaires de retraités le 22 octobre, la participation importante des salariés du textile le 30 octobre, la mobilisation des salariés de Thomson témoignent d'une forte volonté de se faire entendre.

Dans nombre de secteurs ou d'entreprises, cette volonté prend la forme d'exaspération ou de colère qui reflètent un « ras-le-bol » légitime. Le fait que, chacune pour ce qui les concernent, ces différentes actions – tout en permettant des résultats partiels souvent appréciables – ne parviennent pas à modifier sensiblement les orientations du gouvernement ou des entreprises nourrit l'idée et l'aspiration à un mouvement de grande ampleur seul susceptible de modifier le rapport de forces en faveur du monde du travail.

Une telle perspective, qui appelle à la fois convergence entre secteur public et secteur privé, développement de l'unité d'action, élaboration démocratique des objectifs revendicatifs, ne tombera pas du ciel.
A plusieurs reprises durant le mois d'octobre, la CGT a proposé de créer les conditions d'un premier développement de ce mouvement d'ensemble, dès le début du mois de novembre.

Les contraintes du calendrier ont incité à privilégier la période du 12 au 16 novembre.

Persuadé que les conditions peuvent se créer pour une forte mobilisation unitaire, large et dynamique, le CCN de la CGT décide d'une semaine de mobilisation intense du 12 au 16 novembre 1996. Elle sera marquée par des journées d'action, de manifestations, d'arrêts de travail, dont un certain nombre sont d'ores et déjà décidés dans l'unité la plus large, dans les finances, chez les personnels de la Défense, l'énergie le 13 novembre, les journalistes le 14, les organismes sociaux, les banques. Le samedi 16, un temps fort national et interprofessionnel de puissantes manifestations départementales, régionales ou interrégionales, dont un grand rassemblement à Aurillac, regroupant 21 départements avec un engagement national de notre fédération agro-alimentaire, préparé dans l'unité et d'ores et déjà assuré d'un grand retentissement terminera cette semaine.

Autour d'objectifs revendicatifs rassembleurs

Le CCN affirme sa volonté de construire cette semaine d'action en multipliant leurs efforts pour parvenir à créer les conditions unitaires les plus larges autour d'objectifs revendicatifs rassembleurs et, notamment :

– arrêt immédiat des plans de licenciements et suppressions d'emplois ;
– transformation d'emplois précaires en emplois à temps complet ;
– augmentation des salaires, retraites, allocations, RMI et indemnités chômage ;
– amélioration et développement de la protection sociale, arrêt du plan Juppé, refonte du système de financement ;
– arrêt des privatisations, défense et développement du service public ;
– réduction de la durée du travail à 35 heures hebdomadaires sans perte de salaire.

Certes, nous n'ignorons rien des différences d'approche existant avec la direction confédérale de la CFDT à propos du Plan Juppé – Nicole Notat a précisé que la CFDT n'entendait pas se renier à ce sujet – Dont acte. Mais ce qui est vrai pour les uns est également vrai pour les autres et la CGT considère ne pas avoir trouvé dans les évènements récents un iota de changement susceptible de modifier notre opposition au plan Juppé.

Cette réalité doit être regardée en face ; elle constitue une réelle difficulté mais elle ne peut conduire à renoncer à construire le rapport des forces le plus élevé possible pour permettre aux salariés de se faire entendre avec le maximum d'efficacité.

Le syndicalisme français est aujourd'hui confronté à un formidable défi. Aucune organisation ne peut prétendre, seule, rassembler les forces nécessaires pour modifier les choix des dirigeants des grands groupes, du CNPF ou les orientations gouvernementales.

Contester les choix actuels, travailler à proposer et à construire d'autres réponses, d'autres pistes sont la raison d'être du syndicalisme mais, sans un rapport de force conséquent, la contestation est inefficace et la proposition est tout simplement récupérée par le patronat, au service de sa stratégie et de ses objectifs.

Les jours et les semaines qui viennent vont être décisifs pour modifier la situation actuelle et la crédibilité du syndicalisme est aujourd'hui en jeu.

La CGT souhaite que toutes les organisations se retrouvent ensemble, en tout ou partie, dans l'effort de mobilisation pour la semaine du 12 au 16 novembre et dans le temps fort du 16 novembre.

La déclaration du bureau confédéral de FO du 28 octobre montrent qu'une telle convergence est possible.

La FSU, l'Unsa ont, chacune pour ce qui la concerne, affirmé leur volonté de donner en prolongement combatif à la journée du 17 octobre.

CTFC et CGC ont toutes raisons de rejoindre l'action. Le Groupe des 10 a publié une déclaration souhaitant une puissante journée d'action interprofessionnelle.

Sans doute, des appels parallèles peuvent aider à surmonter les difficultés ; la CGT est décidée à tout faire pour dépasser la situation actuelle.

Il va de soi que, sans préjuger de ce qu'elle peut produire, la semaine du 12 au 16 novembre n'est pas exclusive d'autres initiatives d'ici la fin novembre et le début décembre, dont nous souhaitons qu'elle contribue à renforcer encore la volonté unitaire qu'expriment les salariés.

La CGT décide d'explorer dans les jours qui viennent la possibilité d'une rencontre de toutes les organisations syndicales pour faire le point de la situation.