Texte intégral
1996
Ce fut une année d'intense travail pour poser les fondations. Seul le recul permettra de prendre toute la mesure des efforts accomplis.
Les fondements d'une politique nouvelle, véritablement structurelle, ont bien été posés.
C'est vrai pour la Sécurité Sociale d'abord.
La loi de financement annuelle de Sécurité Sociale, la mise au point de nouvelles procédures marquées par la philosophie contractuelle et enfin l'apparition de nouveaux acteurs : des Agences de l'Hospitalisation à l'Agence Nationale d'Accréditation : désormais on dispose d'hommes nouveaux, de procédures nouvelles, moteurs de la nouvelle gestion.
A cela s'ajoute la première étape dans la diversification du financement : les revenus du travail seront allégés d'un prélèvement de l'ordre de 8 milliards : ce sont désormais les revenus de remplacement, les revenus de l'épargne et du capital, qui prennent progressivement le relais.
Enfin, les résultats sont là : la Caisse Nationale Maladie annoncera demain les résultats du mois de Novembre. Ils confirment la tendance des mois précédents qui manifestent bien que les dépenses des médecins de ville seront très proches de l'objectif de 2,1 % qui avait été fixé.
Mais c'est aussi vrai pour ce qui concerne la politique de l'emploi.
1996 marquera la fin de politiques trop conjoncturelles, basées sur des subventions à l'emploi : ce sont environ 15 milliards d'économies qui ont été ainsi réalisés par rapport à ce qu'aurait représenté la reconduction des dispositifs existants.
1996 amorce nettement des politiques structurelles visant à créer des conditions durables pour une croissance plus riche en emplois.
Ce fut au 1er octobre 1996 l'extension de la ristourne dégressive à tous les salaires en dessous de 133 % du SMIC.
Ce fut la conclusion d'une trentaine d'accords de branche, puis l'amorce pendant le 2ème semestre de toute une série d'accords d'entreprise visant à l'organisation de la réduction du temps de travail. On aura conclu près de 4.300 accords d'entreprise sur le temps de travail en 1996 contre 3.600 en 1995.
Enfin, je voudrais citer l'adoption par l'Assemblée Nationale du projet de loi qui va renforcer la lutte contre le travail clandestin qui est destructeur d'emplois car il nuit au développement du travail légal.
Il est vrai enfin dans les politiques sociales où une nouvelle approche est apparue.
La loi de prévention de l'exclusion consacre avec l'accès de tous au droit de tous une vision globale de cette prévention de l'exclusion.
La prestation dépendance introduit la notion d'un service beaucoup plus personnalisé et rendu en nature sous une forme qui ne peut pas être contestée.
1997 : Une année avec les jeunes, pour les jeunes
Pour préparer une France plus confiante, plus contractuelle, plus communautaire.
L'amplification des effets du retour de la croissance dépend d'abord de la confiance.
Le préalable à la confiance est la participation plus active des citoyens à l'élaboration des stratégies: cela exige un dialogue très soutenu, un dialogue permanent : c'est le sens des rencontres dès jeudi du Ministre du Travail et des Affaires Sociales avec les partenaires sociaux : ces rencontres manifesteront le désir de voir cette année s'engager sous le signe du dialogue.
Le dialogue est là pour surmonter une double tentation bien française : celle des grandes incantations, celle des fréquents découragements.
Deux certitudes devraient réunir les Français: d'abord la politique active de l'emploi est plus exigeante dans le contexte français avec 160 000 nouveaux venus sur le marché du travail chaque année par les effets de la démographie française qui n'a rien à voir avec la démographie anglaise par exemple, où les actifs arrivant équilibrent les départs à la retraite.
Il ne faut pas se contenter pour avoir un regard objectif sur la situation de compter les chômeurs demandeurs d'emploi, il faut aussi compter les emplois créés. La France, même en ce début 1997, n'a pratiquement jamais compté autant d'actifs... Il faut que 1997 marque un progrès très net en terme d'emplois créés, et en particulier d'emplois créés pour les jeunes.
Les salariés dans le secteur marchand :
fin 76 : 13 912 ;
fin 85 : 13 818 ;
fin 90 : 14906 ;
fin 95 : 14663 ;
fin 96 : 14640.
Pour réussir la mobilisation en faveur des jeunes, Le Gouvernement prépare un sommet largement ouvert à toutes les parties prenantes de la société française. L'ordre de mobilisation sera établi à l'issue de cette grande concertation.
1997 : Une société française plus confiante : l’emploi
Toutefois, ce dialogue engagé, pourquoi ne pas se mettre d'accord sur quelques objectifs majeurs : la confiance naît largement de la connaissance du but poursuivi, des moyens engagés.
Il nous faut une économie plus dynamique marquée par l'investissement et d'abord l'investissement humain. 1997 s'ouvre avec un allègement des prélèvements sur le travail aussi bien par la baisse des cotisations salariées (moins 0,35 % pour l'assurance-maladie, moins 0,21 % pour l'assurance chômage) et par la diminution de l'impôt sur le revenu, source d'allègement notamment pour le travail des cadres. Ce sont 11 Milliards de cotisations salariales en moins pour encourager investissement et travail, qui s'ajoutent aux 25 Milliards de francs de baisse de l'impôt sur le revenu.
Une économie plus riche en emplois par des incitations durables et générales que sont :
- l'allègement du coût du travail : la ristourne dégressive est encore mal connue : les entreprises de moins de 10 salariés ne vont pouvoir l'apprécier que début janvier à partir des cotisations versées pour le dernier trimestre 1996 ; l'allègement significatif sur le temps partiel convenu doit être mieux pris en compte ;
- l'aménagement du temps de travail poursuivi essentiellement par la négociation avec la règle du triple gagnant et le recours éventuel à des incitations comme de la loi de Robien, doit prendre de plus en plus d'ampleur. Et le rôle du législateur dans ce domaine doit être d'accompagner et de stimuler la négociation sans se substituer à elle.
Une économie plus réactive, c'est-à-dire plus apte à tirer parti de la croissance extérieure.
Cela passe par l'allègement bureaucratique : la décomplexification. Il faut réduire l'appréhension de l'embauche qui tient d'abord à la crainte de formalités interminables. Dès ce début d'année, déjà deux améliorations : une seule assiette RDS-CSG ; une fixation annuelle et non plus semestrielle du plafond de ressources de la Sécurité Sociale. 1997 doit être impérativement l'année de la déclaration sociale unique et celle de l'expérimentation de nouvelles formes de titres emploi-service.
L'allègement réglementaire : il ne réussira bien que par le développement de la vie contractuelle : de plus en plus le contrat doit prendre le pas sur le règlement et permettre la préservation des équilibres sociaux.
D'une manière plus générale, il faut réfléchir à une meilleure articulation des rôles entre les partenaires sociaux et le Parlement, notamment pour les accords nationaux interprofessionnels. C'est pourquoi en liaison avec les partenaires sociaux et le Parlement, une mission vient d'être confiée à M. ROBINEAU, Conseiller d'Etat peur poser les hases d'une clarification.
Une économie plus prospective, plus capable d'exploiter les chances que vont ouvrir les nouvelles technologies... Cela implique une modernisation de la formation professionnelle amorcée avec la réforme de l'apprentissage et qui doit être prolongée par un texte fondateur sur la formation tout au cours de la vie. Les deux grandes innovations de cette nouvelle démarche seront l'établissement d'un compte épargne temps assorti d'un véritable droit du salarié à la formation qualifiante tout au cours de sa vie et d'autre part sur une validation objective des savoir-faire, des compétences acquises dans l'exercice de la vie professionnelle elle-même.
Ces quatre objectifs ne peuvent être atteints que par une très forte activation du dialogue social, de la négociation, aussi bien dans les branches que dans les entreprises et au niveau interprofessionnel.
Les partenaires sociaux qui préparent le rendez-vous de l'élection prud'homale doivent montrer eux aussi dans leur contribution à cette grande bataille pour une économie française plus dynamique et plus riche en emplois, leur rôle irremplaçable. Ils seront conviés dans cet esprit à de nombreux rendez-vous.
Et le Ministère doit accompagner le mouvement en se concentrant sur ses missions d'impulsion et de contrôle : il s'est pleinement engagé dans la politique de réforme de l'Etat :
- par la création de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, sous l'impulsion de Madame VAN LERBERGHE ;
- en demandant à nos directions départementales de développer encore leur rôle de conseil aux PME. Cela commencera par l'aménagement du temps de travail ;
- en réfléchissant à une déconcentration plus poussée de la politique de l'emploi, pour pouvoir s'adapter au terrain ct développer les partenariats avec les collectivités locales.
1997 : Une société française plus contractuelle : la sécurité sociale
Après l'année des décrets, voici l'année des contrats. Après la mise en place des outils, voici l'année de la qualité.
1997, pour ouvrir la voie à une société française plus contractuelle, où le renouveau des responsabilités de chacun permet de maintenir et de promouvoir les grandes solidarités. Notre assurance-maladie exige un double effort, une régulation volontaire et contractuelle des dépenses; et l'orientation déterminée vers la qualité.
Réguler d'abord... L'assurance-maladie va pouvoir bénéficier de trois arcs-boutants. Le premier arc-boutant : les conventions d'objectifs et de moyens qui vont lier l'Etat et chaque caisse : conventions dont la mise en place bénéficiera de l'expertise des Conseils de Surveillance qui seront installés au mois de février.
C'est à la mi-janvier que la convention Caisse nationale maladie-État verra le jour permettant ainsi de décliner les objectifs quantifiés des dépenses.
Le deuxième arc-boutant consistera en la fixation d'objectifs avec les acteurs de santé. L'objectif ambitieux de 1997 devrait être atteint plus facilement grâce aux premières mesures démographiques jouant sur certains départs à la retraite, sur une meilleure ventilation des postes d'internat.
Après l'enquête de représentativité, d'ici la fin février, devra être établi le nouveau cadre conventionnel.
Le troisième arc-boutant consistera dans les contrats d'établissement que passeront les agences régionales d'hospitalisation avec chaque établissement public et privé. Les taux de progression sont là aussi exigeants : mais ils seront plus faciles à atteindre dans le cadre d'une première péréquation et grâce à un usage plus systématique
des PMSI.
Les Agences sont maintenant en place: la première, l'Agence de la région Centre sera opérationnelle mi-janvier et les autres au plus tard à la fin mars, c'est-à-dire bien avant le terme prévu.
La circulaire qui fixe le cadre ct les grandes lignes des contrats que passera chaque établissement public est prête ; le décret-type qui concernera les contrats passés avec les établissements privés ne tardera pas.
Ainsi, toute la philosophie de cette régulation repose sur des contrats d'objectifs laissant les acteurs plus libres de leurs moyens pour les atteindre. Aux syndicats médicaux, est proposée une sorte de co-gestion. A l'hôpital le contrat d'établissement repose sur le projet d'établissement avec une forte délégation des responsabilités au profit de pôles de compétence appelés précisément centres de responsabilité.
La grande bataille dont 1997 va donner le signal, sera celle de la qualité des soins. A travers cinq démarches dont désormais, les moyens, les instruments ont été mis au point.
La formation continue obligatoire depuis le 1er janvier avec la mise en place imminente du Conseil national de la formation continue.
Le suivi personnalisé du patient par un usage de plus en plus optimisé du carnet de santé.
Une coordination beaucoup plus active des soins autour de la personne du malade et cela, à la fois par :
- les progrès de l'informatisation : le Conseil Supérieur des Systèmes d'Information de Santé qui veillera à cet usage optimal de l'informatisation sera présidé par Gérard WORMS et sera installé le 20 janvier ;
- l'expérimentation des réseaux de soins ;
- le Conseil d'orientation des filières et réseaux de soins expérimentaux présidé par Raymond SQUBIE très prochainement mis en place.
L’évaluation et l'accréditation vont enfin prendre place dans le paysage français avec à la fois un rôle accru et réorienté de la médecine-conseil et surtout l'installation très prochaine de l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation du Soin dont le décret de composition paraîtra incessamment.
Enfin, la politique du soin doit reposer sur une politique de santé. Dès mars-avril, les premières conférences régionales de santé vont se tenir ; la Conférence nationale aura lieu elle au mois de juin.
1997. Une société française plus communautaire. L’action sociale
Il s'agit bien au moment où la société française doit accepter la très vive émulation qui naît de la globalisation de l'économie de pouvoir assurer la renaissance de l'esprit communautaire. En 1997, nous nous efforcerons à travers quatre démarches de fortifier la communauté française.
L'assurance-maladie universelle recevra un cadre législatif dans lequel elle pourra se déployer, permettant ainsi à tous de pouvoir accéder sans difficulté à une assurance-maladie qui, pour l'essentiel, doit assurer à tous les mêmes chances :
Deux groupes de travail animés par Alain BACQUET et Bertrand FRAGONARD rendront leurs conclusions au début du mois de février après avoir rencontré en janvier toutes les parties concernées.
Une solidarité inter-générationnelle plus forte.
Une société plus attentive à l'enfant : ce sera l'objectif du Sommet Famille lui aussi dans les premières semaines de l'année : par delà les débats traditionnels sur un meilleur usage des prestations, la Conférence sur la Famille aura permis de déboucher sur deux grands axes : l'aménagement du temps plus familial, une diversification et un accroissement des services offerts aux familles.
Une mobilisation générale pour l'accueil des personnes dépendantes : les deux décret d'application pour l'allocation dépendance sont prêts : ils vont permettre pendant ce premier trimestre de passer les conventions entre départements et caisses de sécurité sociale pour mettre en place un véritable réseau de prise en charge des personnes dépendantes dans tout le pays.
Le décret sur la réforme de la tarification devrait lui aussi voir le jour assez rapidement pour engager cette réforme qui intéressera 7 000 établissements : en attendant cette mise en œuvre progressive de la tarification nouvelle, 7 000 lits vont être médicalisés en ces premières semaines de l'année, 4000 places de services de soins à domicile.
Un effort pluri-annuel de prévention de l'exclusion va être engagé grâce à la loi programme.
D'ores et déjà, le contrat prend le relais de l'assistance. Les titulaires du RMI, de l'ASS, de l'API pourront bénéficier de véritables contrats de travail pour cinq ans avec les contrats d'initiative locale. Les jeunes en situation d'échec seront pris en charge dans des parcours personnalisés d'insertion pour lesquelles les associations maîtres d'ouvrage contacteront une véritable obligation de résultats.
Ce sera aussi une démarche de proximité avec une aide beaucoup plus personnalisée. C'est pour cela que vont naître le Comité départemental d'insertion et de lutte contre l'exclusion, la Conférence des programmes avec une liberté d'affectation de certaines ressources, mais obligation d'une véritable convergence des efforts consentis par l'Etat avec le Préfet, par le Conseil Général et par la Caisse d'allocations familiales.
Enfin, une nouvelle étape dans une intégration encore plus active des handicapés et des personnes en difficultés: tel sera l'objet de la réforme de la loi de 1975 sur le secteur médico-social.
Les objectifs de ce projet de loi qui a fait l'objet d'ateliers, en voie de conclusions, permettra :
- de prendre en compte les situations nouvelles et notamment celles posées par des handicapés âgés qui vieillissent ;
- c'est de diversifier les modes d'accueil avec des formules mixtes mêlant l'accueil en établissement et l'insertion directe en milieu ouvert.
Conclusion
1997 qui marque les préparatifs exigeants de l'Union économique et monétaire, doit être aussi aux yeux du Ministère du Travail et des Affaires Sociales l'occasion d'une avancée concrète d'un modèle social européen fait de la recherche de nouveaux équilibres. SINGAPOUR vient de montrer à la fois la difficulté d'établir le lien entre l'ouverture des échanges commerciaux et le respect des droits individuels et sociaux mais aussi, l'apparition d'une prise de conscience de cette nécessité. Je me rendrai à DAVOS pour en plaider la cause.
Mais auparavant, dès le 16 janvier, je me rendrai à BONN pour évoquer comment de part et d'autre du Rhin, nous devons promouvoir un nouveau modèle social plus efficace parce que mieux adapté au temps d'aujourd'hui, mieux ciblé sur les priorités et plus anticipateur des difficultés à venir.
L'assurance-maladie universelle, le droit à la formation tout au cours de la vie, l'approche beaucoup plus personnalisée des situations d'exclusion, sont autant de jalons que devront nourrir nos nouveaux modèles sociaux dans une société qui aura retrouvé le goût de l'initiative et du risque sans être vouée pour autant à la peur de la précarité et de l'insécurité.