Articles de M. Jean-Claude Tricoche, chargé du dossier de la formation professionnelle au secrétariat national de la FEN, parus dans "FEN hebdo" des 10 janvier, 7 et 14 février 1997, intitulés "Faire du neuf avec de l'ancien", "Réforme de la taxe d'apprentissage" et "La dépense de formation régresse".

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Intervenant(s) : 
  • Jean-Claude Tricoche - Chargé du dossier de la formation professionnelle au secrétariat national de la FEN

Média : FEN Hebdo

Texte intégral

Date : 10 janvier 1997
Source : FEN Hebdo

Faire du neuf avec de l’ancien

Le ministre de l’éducation nationale s’apprête à créer deux nouvelles instances de la formation professionnelle par substitution avec l’existant.

Après beaucoup de tergiversations, le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, s’apprête à mettre en concertation deux projets de décrets portant création de deux nouvelles instances de la formation professionnelle. Il s’agit en fait du remplacement de structures existantes : le Haut comité éducation économie (HCEE) et la Commission nationale éducation profession (CNEP).

Un Haut comité pour la formation professionnelle

Né en mars 1986, le HCEE avait pour mission de prolonger les travaux engagés depuis 1984 par la « mission éducation-entreprises » pour favoriser le rapprochement entre le monde de l’éducation et celui de l’économie. La renommée acquise par le HCEE atteste de la pertinence des différentes recommandations que ses membres ont élaborées au cours des dix années d’activité.

Arrivé à son terme en février 1996, le mandat du HCEE n’a pas été renouvelé par le ministre Bayrou. Après plusieurs mois de silence, celui-ci propose de créer un Haut comité de la formation professionnelle. Ce nouveau haut comité reprend les prérogatives du feu HCEE avec une composition qui fait plus de place aux représentants des entreprises et des régions.

Nommés pour 4 ans par le ministre, les membres passent de 24 à 36 et sont répartis en 3 collèges :
     - 12 personnalités qualifiées pour leur compétence en matière d’éducation et de formation ;
     - 12 représentants des organisations professionnelles d’employeurs et de salariés et des chambres consulaires ;
     - 12 personnalités qualifiées du monde économique.

Le Haut comité de la formation professionnelle sera présidé par une personnalité nommée par le ministre. Membre du HCEE depuis sa création, la FEN s’interroge sur les intentions du ministre. Était-il nécessaire de faire disparaître le HCEE pour le faire immédiatement renaître sous un nouveau sigle ? Il est vrai que le ministre Bayrou avait dans ses tiroirs, toujours inutilisée, la décision n° 86 du nouveau contrat pour l’école portant création d’un Haut comité de la formation professionnelle.

Quoiqu’il en soit, la FEN souhaite que soit conservée la désignation : Haut comité de l’éducation économie, déjà connu et surtout mieux adapté à la mission d’une instance qui, après le ministre, doit « favoriser le rapprochement du système éducatif et du monde de l’économie ».

Un Comité consultatif pour l’enseignement professionnel

De façon tout aussi illogique, le deuxième projet de décret propose de créer une instance qui existe déjà. Certes, la Commission nationale éducation profession (CNEP) créée en mars 1992 à l’initiative de la FEN, a été mise en sommeil par le ministre Jack Lang. Mais, son successeur au 110, rue de Grenelle s’est bien gardé de la réveiller. Aujourd’hui, il propose d’en reprendre les fondations pour édifier un Comité consultatif de l’enseignement professionnel chargé de mettre en cohérence l’organisation, l’évolution et la validation des formations par un dialogue avec les représentants du monde économique.

Composé de 3 collèges : 10 employeurs, 10 salariés, 10 personnes qualifiées dont 2 représentants des régions, le comité consultatif sera présidé par le ministre.

Bien évidemment, le projet de décret prévoit l’abrogation du décret portant création de la feu CNEP. Mais là aussi, comme pour le haut comité, un tel tintamarre réglementaire était-il bien nécessaire pour un résultat qui se résume à reproduire l’existant. À moins que le ministre ne souhaite, par un coup de peinture sur l’existant, présenter ce ravalement comme sa réforme de la formation professionnelle ?

Pour sa part, la FEN, reçue en audience par le directeur des lycées et collèges, a fait connaître ses réticences sur le fond, autant que sur une précipitation qui laisse peu de place à la concertation.

Si le ministre souhaite véritablement s’engager dans un dialogue fructueux avec les représentants des entreprises (employeurs et salariés), il doit afficher la volonté de développer l’enseignement professionnel public et organiser une véritable négociation préalable qui ne peut écarter les représentants des personnels. Le retrait des projets de décrets soumis précipitamment au Conseil supérieur de l’éducation fin décembre, est-il un premier geste dans ce sens ? Nous le saurons bientôt.

 

Date : 7 février 1997
Source : FEN Hebdo

Réforme de la taxe d’apprentissage

La loi du 6 mai modifie profondément les modalités applicables à la collecte 1997 de la taxe d’apprentissage. Faisons le point sur la nouvelle réglementation.

Dans une précédente livraison, nous avons fait le point sur la réforme des mécanismes de la taxe d’apprentissage introduite par la loi du 6 mai 1996 sur le financement de l’apprentissage (une réforme qui ne dit pas son nom – FEN Hebdo 607 du 24 janvier 1997).

La campagne de collecte 1997 de la taxe, assise sur les salaires de l’année 1996, se fera dans le cadre d’une nouvelle réglementation.

Suppression des exonérations

En application de l’article 3 de la loi du 6 mai 1996, un décret en Conseil d’État (décret n° 96-1052 du 5 décembre 1996) supprime pour les employeurs, la possibilité d’imputer sur la taxe d’apprentissage (sur la partie quota) une partie du salaire versé aux apprentis, égale par apprenti à 11 % du Smic en métropole et 20 % dans les DOM (abrogation du paragraphe a de l’article R. 119-2 du code du travail).

Le même décret supprime aussi deux autres possibilités d’imputation de dépenses sur la taxe d’apprentissage (sur la partie barème) :
     - l’exonération de la moitié des salaires versés aux apprentis pendant la formation en CFA ;
     - l’exonération d’une partie du salaire du maître d’apprentissage.

Les paragraphes 2 et 3 du décret du 12 avril 1972, prévoyant les 2 exonérations ci-dessus, sont abrogés par le décret du 5 décembre 1996.

La suppression des exonérations est compensée par une indemnité compensatrice forfaitaire versée par l’État aux employeurs (décret n° 96-493 du 6 juin 1996 et circulaire du 13 juin 1996). Cette indemnité est composée de 2 parties :
     - un versement pour l’aide à l’embauche (6 000 francs) ;
     - un versement pour le soutien à l’effort de formation (10 000 à 12 000 francs + majoration).

Suppression du FNIC et reversement aux régions

L’article de la loi du 6 mai 1996 prévoit la suppression du Fonds national interconsulaire de compensation (FNIC). Il était alimenté par un versement des employeurs égal à 9 % de la taxe d’apprentissage, pris sur le quota et venant en exonération de la taxe due par l’employeur.

En raison de la date de parution de la loi, le versement au FNIC n’est supprimé qu’à partir de la campagne 1997.

Les sommes versées au titre de la campagne 1996 font l’objet d’un reversement aux régions.

Le décret n° 96-512 du 12 juin 1996 précise les modalités de ce reversement entre les fonds régionaux d’apprentissage et de formation professionnelle continue.

Le décret introduit une double péréquation : 40 % du montant du FNIC sont répartis entre les CFA de la région considérée et 60 % du montant sont répartis entre les régions. Le nombre d’apprentis et la taxe moyenne par apprenti sont les critères d’appréciation.

L’arrêté du 30 septembre 1996 répartit les sommes collectées à la date du 15 septembre 1996, soit 646 millions de francs. L’arrêté du 24 décembre 1996 précise la répartition des 43,1 millions collectés après le 15 septembre 1996.

Doublement du quota apprentissage

Le décret du 5 décembre 1996 prévoit le doublement du quota apprentissage (part de la taxe réservée aux dépenses d’apprentissage). L’article R. 119-1 du code du travail est modifié pour porter le quota de 20 % à 40 %, soit 0,2 % de la masse salariale (l’ensemble de la taxe représente 0,5 % de la masse salariale).

Pour les DOM le quota passe de 30 %à 50 % par modification de l’article D. 811 du code du travail (décret n° 96-1078 du 10 décembre 1996).

Conséquence de la loi du 6 mai 1996 relative au financement de l’apprentissage, le doublement du quota est une disposition que nous contestons, car, elle réduit d’autant la part du « barème » servant, pour partie, à financer les formations professionnelles et technologiques publiques.

Versement au CFA et péréquation nationale

L’article 3 de la loi du 6 mai 1996 prévoit pour les employeurs l’obligation de verser une partie du quota CFA formateur de l’apprenti et au trésor public pour une péréquation nationale.

Un décret et un arrêté, en cours de publication, précisant ces deux versements.

L’article L. 118-2 du code du travail modifié, oblige les entreprises employant un apprenti à verser 2 500 francs (par apprenti) au CFA ou à la section d’apprentissage où est inscrit l’apprenti. Cette obligation s’apprécie dans la limite du quota dont est redevable l’entreprise. Le versement doit être effectué au plus tard le 28 février 1997.

Préalablement à toutes les autres exonérations, les employeurs devront verser au trésor public 8 % de la taxe due, soit 20 % du quota. Ce versement effectué le 30 avril 1997 au plus tard, est réservé à une péréquation nationale entre régions (nouvel article L. 118-2-2 du code du travail).

Une deuxième péréquation est prévue au niveau régional. Au-delà d’un montant maximum, calculé en fonction d’un barème de coût par niveau type de formation, le CFA ou la section d’apprentissage reversera la taxe pour une péréquation régionale entre CFA. Décret et arrêté à venir, devront préciser l’ensemble de ces dispositions.

Collecte 1997

Les employeurs assujettis à la taxe d’apprentissage devront déposer leur déclaration à la recette des impôts au plus tard le 30 avril 1997. L’ensemble des dispositions et modalités est rappelé par le ministère de l’éducation nationale dans la circulaire du 19 décembre (BO n° 47 du 26 décembre 1996), les sommes que recevront les établissements publics au titre des « premières formations technologiques et professionnelles », calculées sur la base d’un barème, seront assises sur les 0,3 % de la masse salariale, c’est-à-dire, 60 % de la taxe d’apprentissage.

 

Date : 14 février 1997
Source : FEN Hebdo

 

La dépense de formation régresse

Les dépenses consacrées à la formation professionnelle en 1995 s’élèvent à 31 milliards de francs, soit 2 milliards de moins qu’en 1994. Les dépenses de l’État diminuent de 3 %. La participation des entreprises est stable et les interventions des régions progressent.

En 1995, 8 millions d’actifs ont suivi 820 millions d’heures de formation continue.

Après une stagnation en 1994, les dépenses de formation professionnelle (hors formation scolaire) diminuent pour la première fois en 1995 (1). Tous financements confondus, elles s’élèvent à 131,2 milliards de francs pour 133,5 milliards en 1994. Année de la mise en œuvre de la décentralisation aux régions de la formation professionnelle des jeunes (loi quinquennale du 20 décembre 1993), l’année 1995 est aussi marquée par la réorganisation du dispositif de collecte des contributions légales des entreprises.

La part de l’État diminue

Les dépenses de l’État pour la formation professionnelle, y compris celle de ses agents, diminuent de 60 milliards en 1995. Les actions de l’État concernent 3 types de public : les jeunes de 16 à 25 ans, les chômeurs, les actifs occupés.

En 1995, 738 000 jeunes de 16 à 25 ans ont bénéficié d’une formation au titre des dispositifs financés directement par l’État et les régions et 475 600 au titre des contrats de formation et d’insertion en alternance (apprentissage compris). État et régions ont dépensé au total 13,7 milliards de francs (7,15 milliards par l’État) dont 6,7 milliards pour la rémunération des stratégies et les exonérations de charges sociales relatives aux contrats d’apprentissage et de qualification.

Pour les interventions en faveur des chômeurs et les actions de reconversion, la dépense de l’État s’est élevée à 16,7 milliards de francs. Cette dépense concerne les actions financées dans le cadre du Fonds national de l’emploi (FNE), les formations réalisées par l’AFPA et les dispositifs de conversions (dont l’allocation formation-reclassement AFR).

Les dépenses de formation engagées par l’État en faveur des actifs occupés ont atteint 31 milliards de francs en 1995. Elles intègrent les actions de formation suivies par 2 millions de salariés dans la fonction publique.

Les dépenses des régions s’envolent

En 1995, les régions ont dépensé pour la formation professionnelle continue 6,3 milliards de francs et pour l’apprentissage 3,4 milliards de francs. Plus de la moitié de ces dépenses est financée à partir de crédits transférés par l’État. En 1995, le montant des transferts de l’État vers les régions s’établit à 5,6 milliards de francs.

Plus de cinq cent mille personnes ont suivi une formation financée en tout ou partie par les régions, dont 248 000 adultes demandeurs d’emploi, 138 000 actifs occupés et 13 800 jeunes en première insertion. La majorité des formations pour les jeunes et les adultes est en priorité destinée aux personnes de niveau V, IV et III.

Stabilité des dépenses financées par les entreprises

En 1995, les entreprises ont participé au financement de la formation professionnelle à hauteur de 52 milliards de francs contre 51 en 1994. Ce financement est issu des contributions légales affectées à la formation : taux de participation des entreprises de 10 salariés et plus, s’établit à 3,3 % pour une obligation légale de 1,5 % (dont 0,4 % pour l’alternance).

L’effort de formation croît avec la taille de l’entreprise : 1,6 % de la masse salariale pour les entreprises de 10 à 19 salariés, à 5,1 % pour les entreprises de plus de 200 salariés.

Les grandes entreprises (+ de 2 000 salariés) financent plus de 42 % de l’ensemble des dépenses de formation.

Pour 35 %, les dépenses des entreprises vont au fonctionnement des actions de formation. La rémunération des stagiaires représente 31 % des dépenses (15 milliards de francs). Enfin, les versements aux organismes collecteurs constituent le troisième tiers des dépenses. L’ensemble de la collecte (entreprises de plus de 10 et de moins de 10) représente 5 milliards de francs (chiffre provisoire pour 1995).

L’action des entreprises se caractérise par une augmentation des dépenses de formation à l’interne (6,5 milliards en 1994 et 7,6 en 1995), et une diminution des formations par conventionnement, par un faible recours au bilan de compétences (moins de 10 000) et par une légère hausse du financement de l’alternance (4,7 milliards en 1994 pour 4,9 en 1995).

En 1995, les congés individuels de formation (CIF) pris en charge tout ou partie par les OPCA s’élèvent à 5 877 pour une durée moyenne de 960 heures de formation et à 66 % la préparation d’un diplôme ou d’un titre homologué.

Si en 1995, plus de 4 millions de salariés d’entreprises ont suivi une formation, les chances d’y accéder sont toujours plus élevées pour les plus qualifiés, les hommes et les salariés des grandes entreprises avec un écart de 7 à 55 %.